Jurisprudence : obligation de l'Etat en cas d'autisme

Tout ce qui concerne les prestations (AAH, AEEH, AJPP, PCH …), les relations avec les MDPH (démarches administratives), l'assurance maladie etc …
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Jean
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Jurisprudence : obligation de l'Etat en cas d'autisme

Message par Jean »

Belle victoire juridique.
Le Conseil d'Etat considère que l'Etat n'a pas seulement une obligation générale de moyens (n'importe lesquels ...) , mais aussi que ces moyens soient adaptés à la nature des TSA.

Considérant qu'aux termes de l'article L. 246-1 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable au litige : « Toute personne atteinte du handicap résultant du syndrome autistique et des troubles qui lui sont apparentés bénéficie, quel que soit son âge, d'une prise en charge pluridisciplinaire qui tient compte de ses besoins et difficultés spécifiques. / Adaptée à l'état et à l'âge de la personne et eu égard aux moyens disponibles, cette prise en charge peut être d'ordre éducatif, pédagogique, thérapeutique et social.  »; qu'il résulte de ces dispositions que le droit à une prise en charge pluridisciplinaire est garanti à toute personne atteinte du handicap résultant du syndrome autistique, quelles que soient les différences de situation ; que si, eu égard à la variété des formes du syndrome autistique, le législateur a voulu que cette prise en charge, afin d'être adaptée aux besoins et difficultés spécifiques de la personne handicapée, puisse être mise en œuvre selon des modalités diversifiées, notamment par l'accueil dans un établissement spécialisé ou par l'intervention d'un service à domicile, c'est sous réserve que la prise en charge soit effective dans la durée, pluridisciplinaire, et adaptée à l'état et à l'âge de la personne atteinte de ce syndrome ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la responsabilité de l'Etat était recherchée devant la cour administrative d'appel de Marseille par Mme A, mère d'un enfant né en 1985 et atteint d'un syndrome autistique, en raison du défaut de prise en charge de son enfant mineur dans un établissement spécialisé à partir de 1999 ; que la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit en jugeant, pour écarter cette responsabilité, que l'Etat n'était tenu en la matière qu'à une obligation de moyens, en l'espèce remplie dès lors que l'enfant avait fait l'objet d'un suivi régulier par le service de l'éducation spéciale et des soins à domicile, sans rechercher si les obligations incombant à l'Etat pour assurer l'intensité du suivi de l'enfant, eu égard à son âge et à ses besoins spécifiques, permettaient de qualifier ce suivi de prise en charge pluridisciplinaire , conformément aux dispositions précitées de l'article L. 246-1 du code de l'action sociale et des familles ; que, dès lors, Mme A est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 16/05/2011, 318501, Publié au recueil Lebon
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bernard
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Re: Jurisprudence : obligation de l'Etat en cas d'autisme

Message par bernard »

Espérons que cette jurisprudence sera reprise dans de nombreux conflits et qu'elle pourra en écourter la durée pour le bénéfice de la personne ayant un TSA.
Bernard (55 ans, aspie) papa de 3 enfants (dont 2 aspies)
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Jean
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Re: Jurisprudence : obligation de l'Etat en cas d'autisme

Message par Jean »

père autiste d'une fille autiste "Asperger" de 41 ans
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Jean
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Re: Jurisprudence : obligation de l'Etat en cas d'autisme

Message par Jean »

Message de Gérard sur la liste autisme@yahoogroupes.fr
[autisme] Maman très en colère depuis plus de 10 ans
On peut manifester, organiser des conférences, des colloques, créer des listes, des sites, des associations pour faire avancer la cause des personnes en situation d'autisme.

Complémentairement, il est aussi possible d'agir au niveau judiciaire. Dans le domaine de l'autisme, il y a peu de précurseurs et donc tout était à faire jusqu'à il y a quelques jours, jusqu'à ce qu'aboutissent les actions d'Annie Beaufils et de son avocat, Maître Gousseau.

Les parents de grands enfants en situation d'autisme et les professionnels qui soutenaient Annie et son fils Geoffrey, il y a 10 ans, se souviendront qu'après avoir sorti Geoffrey en décembre 1998 de l'HP dans lequel il était "traité" aux neuroleptiques , Annie avait entamé une grève de la faim en juillet 2000 , grève qui avait duré 34 jours. Malgré son état de santé préoccupant, Annie avait refusé de cesser sa grève de la faim tant qu'elle n'avait pas l'assurance du préfet de l'époque que son fils bénéficierait de services éducatifs adaptés à son handicap. Hélas, il n'en avait rien été.

Malgré le soutien de l'équipe du professeur Ausilloux du CRA du Languedoc Roussillon, malgré la décision du TCI, validant un projet éducatif, les organismes lozériens concernés ont toujours ignoré ces décisions.

Annie a patiemment dû faire face à une multitude de vexations, et de dysfonctionnements (envoi par fax de courrier médical confidentiel, décisions envoyées hors délai). Annie a dû faire appel à un huissier de justice pour constater l'éjection de Geoffrey d'un établissement peu ouvert aux interventions éducatives , etc...

En 2003, Geoffrey est accueilli ponctuellement dans un FAM qui met en place des interventions éducatives.

Malgré les progrès de Geoffrey, la M.D.P.H. décide unilatéralement en 2008 de réorienter Geoffrey vers une autre structure spécifique à l'autisme ... qui n'existe pas dans le département. De fait, Geoffrey doit quitter l'établissement dans lequel il progressait malgré le soutien de l'équipe.

La commission refuse la présence d'un éducateur de ce Foyer, venu accompagner Annie comme le permet le décret 2005-1587.

Entre temps, Annie a fait appel à un avocat et tous deux ont commencé à protester dans l'intérêt de Geoffrey et de toutes les personnes avec autisme:
- Requête auprès du T.A. de Montpellier
- Requête en appel à la cour administrative de Marseille.

En juillet 2008, une requête introductive d'instance est déposée devant le Conseil d'Etat par Maître Gousseau, l'avocat d'Annie car la cour d'appel de Marseille avait donné tort à Annie et à son défenseur estimant que l'Etat et ses instances n'avaient pas failli car ils s'étaient occupés du dossier, peu importaient les résultats.

Le Conseil d'Etat vient de casser cette décision de la Cour de Marseille. La responsabilité de l'Etat était recherchée par Madame Beaufils en raison du défaut de prise en charge de son enfant mineur dans un établissement spécialisé à partir de 1999.

La requête déposée auprès du conseil d'Etat est claire : "Sur le fond, la requérante démontrera, en premier lieu que c'est à tort que les juges du fond ont estimé que les dispositions législatives applicables et notamment l'article L.246-1 du Code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction issue de l'article 2 de la loi n°96-1076 du 11 décembre 1996, n'imposent à l'Etat qu'une simple obligation de moyens, alors que l'obligation pour l'Etat d'assurer l'accueil des personnes atteintes d'autisme constitue tout au contraire une obligation de résultat."

Dans sa décision rendue le 16 mai 2011, le Conseil d'Etat estime : "que la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit en jugeant, pour écarter cette responsabilité, que l'Etat n'était tenu en la matière qu'à une obligation de moyens, en l'espèce remplie dès lors que l'enfant avait fait l'objet d'un "suivi régulier" par le service de l'éducation spéciale et de soins à domicile, sans rechercher si les obligations incombant à l'Etat pour assurer l'intensité du suivi de l'enfant, eu égard à son âge et à ses besoins spécifiques, permettaient de qualifier ce suivi de "prise en charge pluridisciplinaire", conformément aux dispositions précitées de l'article L.246.1 du code de l'action sociale et des familles."

L'avis est définitif et les défenseurs avisés du droit des enfants en situation d'autisme sauront certainement tirer partie de cette décision du Conseil d'Etat pour améliorer la condition des enfants qui restent sur le carreau avec des services éducatifs inexistants ou ridiculement inadaptés.

Gerard Mercuriali
http://autisme-info.blogspo.com
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Jean
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Re: Jurisprudence : obligation de l'Etat en cas d'autisme

Message par Jean »

Les juristes face à l’autisme
Alexandra GRÉVIN
Avocat à la cour à Montpellier, spécialisée dans le Droit du Handicap


Merci beaucoup à l’Unapei pour cette invitation car je suis toujours heureuse que l’on puisse communiquer sur le droit du handicap. Il est en effet important que les familles sachent qu’elles ont des droits. J’aimerais vous présenter l’univers dans lequel j’évolue, celui du droit du handicap, en m’attardant sur la question de l’autisme et des TED. Je suis l'auteur de deux guides juridiques : « Droit du handicap et procédures » et « Face à l'autisme ». Avocate depuis six ans au barreau de Montpellier, je me suis spécialisée depuis quatre ans dans le droit du handicap. Depuis un an, le droit du handicap représente 95 % de mon activité. Cette activité est une activité de conseil mais aussi de contentieux - notamment devant le tribunal du contentieux de l’incapacité et devant les commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées - et j'ai également une activité d’enseignement dans cette matière.

Le droit du handicap est pour moi un droit en construction. Il n’est pas enseigné dans les facultés, hormis quelques modules. Il existe un DU spécialisé en France mais aucun master. Dans ce droit du handicap, l’autisme et les autres TED constituent une branche spécifique. J’ai en effet le sentiment qu’un droit spécifique à l’autisme émerge depuis une quinzaine d’années environ. Je ne retrouve pas une telle situation dans d’autres handicaps.

Environ douze textes législatifs sont spécifiques à l’autisme. La circulaire du 27 avril 1995 a mis en place les comités techniques régionaux sur l’autisme et les plans régionaux pluriannuels. Elle a été abrogée en septembre 2009. La loi du 11 décembre 1996, en son article 3, stipule que « toute personne atteinte du handicap résultant du syndrome autistique et des troubles qui lui sont apparentés bénéficie quel que soit son âge d’une prise en charge pluridisciplinaire qui tient compte de ses besoins et difficultés spécifiques. Adaptée à l’état et à l’âge de la personne et eu égard aux moyens disponibles, cette prise en charge peut être d’ordre éducatif, pédagogique, thérapeutique et social ». La mention « eu égard aux moyens disponibles » signifiait que l’État n’avait qu’une obligation de moyens et que sa responsabilité ne pouvait pas être engagée pour faute. Avec la loi du 11 février 2005, cet article a été codifié à l’article L.246-1 du Code de l’action sociale et des familles. Et la mention « eu égard aux moyens disponibles » a été supprimée. Cette évolution place l’État face à une obligation de résultats.

La circulaire interministérielle du 8 mars 2005 relative à la politique de prise en charge des personnes atteintes d’autismes et autres TED reprend la politique française sur l’autisme et propose des solutions. Un autre texte important est la circulaire du 17 juillet 2009 relative à la scolarisation des élèves handicapés à l’école primaire.

Comment ces textes s’appliquent-ils ? Au niveau de la scolarisation, le cadre juridique commun pour tous les enfants en situation de handicap est la loi du 11 février 2005. L’article L.112-1 du Code de l’éducation fait peser une obligation de résultats à la charge de l'État. Cet article pose également comme principe, le fait que les enfants soient scolarisés dans un établissement de référence, en l’occurrence celui qui est le plus proche de leur domicile. La circulaire interministérielle du 8 mars 2005 rappelle que les dispositions légales de la loi du 11 février 2005 s’appliquent également et pleinement aux enfants avec autisme.

En matière de jurisprudence, la première décision rendue a été celle du tribunal administratif de Lyon du 29 septembre 2005. Cette décision concerne le cas d’une famille disposant d’une décision de la MDPH dans laquelle il était indiqué que l’enfant devait être scolarisé en milieu spécialisé. La famille a saisi le tribunal administratif car aucune solution n’avait été proposée à l’enfant pendant un certain temps. Le tribunal de Lyon a condamné l’État pour rupture de l'égalité devant les charges publiques. La responsabilité de l'État n'a pas été engagée pour faute. Dans une affaire similaire (« Laruelle »), le Conseil d’État a décidé le 8 avril 2009 que l’État devait être condamné pour faute, reconnaissant ainsi une véritable obligation de résultat à la charge de l'État quant à la scolarisation des enfants en situation de handicap.

Une autre décision très intéressante est celle du Conseil d’État du 16 mai 2011 qui se positionne sur un enfant avec autisme. L’affaire en question concerne un enfant qui avait connu de nombreux placements et pour lequel le tribunal du contentieux de l’incapacité avait décidé une orientation en IMP à temps partiel et un suivi psychiatrique adapté. L’IMP ayant de lui-même interrompu cette prise en charge, la mère de l’enfant a saisi le tribunal administratif sur le fondement de la responsabilité de l’État. Après un rejet par le Tribunal administratif de Montpellier puis de la cour administrative d’appel de Marseille, le Conseil d’État, s'appuyant sur l'article L.246-1 du Code de l'action sociale et des familles (dans sa version de 1996), a considéré que l'État devait voir sa responsabilité engagée pour faute, reconnaissant, là aussi, une obligation de résultat à la charge de l'État quant à la scolarisation des enfants avec autisme.

J’identifie finalement une forme d’incompréhension de l’autisme. Lorsque je me présente devant le tribunal du contentieux de l’incapacité ou devant certaines commissions des droits, j’ai l’impression que mon discours n’est pas très bien entendu. Cela tient sans doute au fait que chaque enfant avec autisme est différent et devrait recevoir une réponse particulière. Le problème est que le tribunal propose soit une scolarisation en milieu ordinaire soit une scolarisation en milieu spécialisé mais que l’établissement vers lequel l’enfant est orienté peut ne pas du tout lui correspondre. Et sous le nom d'un seul handicap, l'autisme, est regroupé des niveaux tellement différents d'un enfant à un autre. Les parents disposent pourtant – même s’ils ont tendance à l’oublier du fait de leur inquiétude – d’une liberté de choix. Souvent, les parents capitulent et se tournent vers la scolarisation à domicile.

En conclusion, je voulais vraiment transmettre un message d'espoir et dire que, même si les familles rencontrent toujours beaucoup de difficultés, le droit avance pour reconnaître la spécificité de l’autisme.

Extrait du compte-rendu du colloque de l’UNAPEI- septembre 2011
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Jean
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Re: Jurisprudence : obligation de l'Etat en cas d'autisme

Message par Jean »

Procès gagné en cassation par Annie Beaufils, maman de Joeffrey, autiste
http://autisteenfrance.over-blog.com/ar ... 51203.html

Le mémoire présenté par l'avocat d'Annie Beaufils est en ligne :
https://picasaweb.google.com/1000955875 ... 7321370978
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Liane
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Re: Jurisprudence : obligation de l'Etat en cas d'autisme

Message par Liane »

Je retiens :

"l’état a l’obligation non seulement de moyen mais de résultat dans la prise en charge de l’autisme."

et j'applaudis. :bravo: Un bon début.
Liane, maman de trois enfants géniaux dont un ado avec "un petit plus"
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Murielle
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Re: Jurisprudence : obligation de l'Etat en cas d'autisme

Message par Murielle »

Dommage de devoir passer par un procès souvent long et parfois impossible pour des familles.... :? Mais c'est encourageant.... :bravo:
Murielle,
Maman de Pauline 21 ans,Léo (asperger) 17 ans et demi .
Savoir profiter du moment présent ,
Savoir vivre pleinement chaque instant et ne pas uniquement penser aux jours à venir, voilà un défi à relever maintenant.