Autisme et estimation des mesures dans la vie courante

Je suis autiste ou Asperger, j'aimerais partager mon expérience. Je ne suis ni autiste ni Asperger, mais j'aimerais comprendre comment ils fonctionnent en le leur demandant.
Ravenn
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Autisme et estimation des mesures dans la vie courante

Message par Ravenn »

Modération (Tugdual) : Déplacement du sujet depuis "À propos de l'autisme et du S.A.".


Bonjour à tous,

Depuis toujours j'ai des problèmes a estimer sans instruments diverses mesures (temps, longueurs, etc).
Ça me reste préjudiciable sur deux points : le temps et les distances
Par exemple aujourd'hui je me suis fait encore avoir par le temps : je suis en route vers chez mon médecin, pour être sur de ne pas arriver en retard jai mis un réveil mais j'ai oublié de manger avant. En même temps j'oublie régulièrement de manger à midi... avant de m'apercevoir qu'il est 16h... Bon bah je viens de perdre du temps a aller acheter des TUC. Je sens que mon médecin va valider mon régime alimentaire.
Pour ma mauvais évaluation des distances c'est flagrant quand il s'agit de traverser la route : ça dur longtemps car j'ai l'impression que les voitures sont plus proches qu'elles ne sont et que j'ai peur qu'elles ne puissent freiner à temps. Si je suis accompagné ou qu'une autre personne attend pour traverser, je traverse en même temps mais ça me fait très peur bien que je sais que c'est l'autre qui a raison. Parfois j'ai l'impression d'être frôlé par une voiture alors que je suis à plus d'un mètre et ça me fait pleurer de peur...

Avez-vous vous aussi des problèmes similaires ?
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Albizia
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Re: Autisme et estimation des mesures dans la vie courante

Message par Albizia »

Bonjour Ravenn,

Je n'ai aucun mais alors aucun sens temporel.
Je ne sais jamais où on en est à l'instant T (l'heure qu'il est, la date, l'année, l'âge que j'ai...) et je n'ai pas conscience des durées non plus.
Du coup mon appréciation est uniquement subjective (émotionnelle, affective, physiologique).
Par exemple, je n'ai pas de "frise chronologique" dans la tête, ce qui fait que les évènements historiques me semblent proches ou lointains en fonction de mon sentiment de proximité affective ou intellectuelle (le romantisme me semblent "avant" l'époque baroque ou même l'antiquité).
Un évènement me semble court ou long uniquement en fonction du plaisir que j'y prends -ou pas.
Le matin va plus vite que le soir ou la nuit, c'est une perception tout à fait réelle pour moi alors que c'est juste mon corps qui est plus ou moins réveillé ;)

J'ai beaucoup de difficultés à être à l'heure aux rdv ou au travail, ça m'est presque impossible en fait. Et je suis chaque fois surprise, aussi bien d'être en retard que d'être à l'heure, je n'ai aucune idée de comment ça se produit.
La régularité et les rituels quotidiens n'ont aucun impact, chaque jour le temps s'écoule différemment.
Mais on dirait que ça s'améliore avec ...le temps passant ;) Aujourd'hui mes retards sont en moyenne d'un quart d'heure, alors que quand j'étais étudiante ils pouvaient être de plusieurs heures (si je venais le bon jour).
Je le vis super mal, j'ai horreur de faire attendre les gens, d'avoir l'air si peu fiable voire irrespectueuse ou qu'il semble me manquer une case basique.
Dans nos sociétés productivistes, l'exactitude est super importante et c'est un élément de plus pour me sentir inadaptée.
Et puis je me rends compte que ça me rend un peu myope avec les projections futures, et que je risque de rater des étapes de vie simplement parce que je ne les ai pas planifiées ou envisagées "à l'heure" dans ma propre frise chronologique inexitante.

Je suis en train de sortir -lentement- d'un burn-out, et au début de ce cauchemar j'ai dû mettre en place une discipline sommeil/repas très stricte avec un système d'alarmes pour être sûre de ne pas aggraver encore les choses.
Quand j'étais au plus mal, je vivais dans une sorte de temps arrêté, il n'y avait plus de passé ni de futur et c'était terrifiant, j'avais l'impression d'être comme morte. Hier ou demain ou le cycle des saisons n'avaient aucun sens, aucune réalité pour moi.
D'ailleurs je suis incapable de dire depuis combien de temps ça dure cette horreur.

Je sais pas toi? Mais j'ai l'impression que ça me rend plus "présente", plus engagée dans mes activités -comme celle de vivre.
Certaines personnes sont constamment en train de penser à la suite, à la fin, à leur programme, à leur carrière, à leur processus de vieillissement et leur mort prochaine. Quelque chose en eux mesure et compte sans cesse le temps qui passe. Je crois d'ailleurs que c'est l'expérience commune!
Dans les cas les plus extrêmes, c'est un sens qui peut les empêcher d'être pleinement là/quand où ils sont, ou qui peut leur provoquer des angoisses et une hâte gaspilleuse.

Autre avantage: je ne suis pas économe avec le temps que je consacre aux autres, je ne leur fais jamais sentir que je leur accorde quelque chose de précieux quand ça dure plus longtemps que ce que les normes indiquent comme une durée adéquate pour une rencontre, un café, etc.
Je le considère comme une délicatesse ou du savoir-vivre même si bon, en tant qu'autiste c'est une caractéristique qui profite surtout aux autres et qui est dangereuse pour moi-même puisque je ne me rends pas compte qu'il est temps de mettre fin à l'échange si je veux pouvoir faire autre chose ensuite que shutdowner. (je suis en cours d'apprentissage, j'essaie de reconnaître les signes de fatigue et de les respecter)

Par contre, je n'ai pas ça avec le sens des distances.
Je compatis, ça doit compliquer beaucoup la vie. Ton exemple avec le trafic routier est terrifiant.
Est-ce que tu as développé des stratégies compensatoires? Te fier au jugement des autres piétons me parait super costaud car c'est un compromis: tu acquiers l'autonomie en en laissant un bout. Et en plus, si tu es sur ce forum je peux supposer que tu n'as pas vraiment l'instinct grégaire :P alors chapeau.
Mais peut-être cherches-tu des solutions plus sécurisantes à ajouter à celle-là.

Peut-être que je suis à côté de la plaque et que les effets et le vécu sont très différents, mais ça me fait penser à une amie qui n'a pas le sens des profondeurs à cause d'un trouble de la vue: la vision divergente. Elle expliquait que pour elle, tout était au même niveau, à la même distance ou "à plat".
Ce trouble de la vue touche plein de gens qui ont peut-être leurs forums, des conseils ou astuces à partager?

Pour le trafic routier et ses dangers, peut-être as-tu un super sens de l'ouïe sur lequel t'appuyer?
Même les voiture électriques soit disant silencieuses font pas mal de boucan.
En estimant de façon empirique la distance et la vitesse de déplacement par le volume sonore et l'effet Doppler, c'est peut-être quelque chose que tu as déjà affuté -consciemment ou pas- avec le temps passant :D
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Albizia
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Re: Autisme et estimation des mesures dans la vie courante

Message par Albizia »

Me vient une mise en garde, à l'attention des gens concernés par l'absence de sens temporel:
Attention à ne pas se faire exploiter au travail!!!
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Ravenn
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Re: Autisme et estimation des mesures dans la vie courante

Message par Ravenn »

Merci de ta réponse.

J'ai pendant un temps eu un oeil blessé (la paupière en faite mais donc je ne pouvais plus l'ouvrir) et le fait de n'avoir qu'un œil m'a fait vivre sans profondeur un certain temps. Compliqué c'est vrai, j'ai remarqué que pour certaines choses que je connaissais d'avant j'avais parfois une vision en profondeur un peu plus juste. Le reste variait et c'était extrêmement fatiguant. Bon courage à ton amie. Bon courage a toi aussi d'ailleurs.

Pour l'instant je ne cherche rien, en fait j'ai arrêté de chercher. Là j'ai une phase où je cherche a comprendre pour dire "ah ok cest pour ça bah voilà" puis dire au gens que "non mais c'est normal" s'ils m'embêtent. Ca me fatigue en ce moment de chercher des évitements, je suis un peu trop dépressif et sa fait ressortir ma misanthropie donc j'ai juste envie qu'on me foute la paix. - je crois être devenu misanthrope par dépit, j'étais philanthrope mais les gens n'ont cessés de me décevoir, ils ne sont pas à la hauteur de ce que j'attends d'être humain donc je ne les aime plus pour la plupart -

Et oui je confirme pour le temps et le risque d'exploitation au taff. J'ai souvent fait des heures supp sans m'en rendre compte dans mes stages. Lors du premier mon patron me rappelait de partir et à fini par me dire de faire attention car certains sans servirait de même que le fait que j'abatte le travail plus rapidement que la moyenne quand je suis dedans. Il m'a dit de toujours essayer de me reposer ou faire autre chose l'équivalent de deux jours de taff par semaine. Ça m'avait marqué, je n'avais pas la sensation d'être rapide plutôt lent au contraire (et je glandais déjà une partie du temps ) !
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Re: Autisme et estimation des mesures dans la vie courante

Message par EmmaJoy »

Bonjour,

J'ai des soucis pour évaluer le temps aussi. Par exemple, si j'ai un rendez-vous à 14h30, je vais y être systématiquement au moins 30 min en avance, ce qui est pénible pour moi (car je perds du temps), mais aussi pour la personne qui me reçoit (ça la stresse de me voir déjà là). J'ai pris l'habitude d'attendre l'heure du coup dehors ou aux alentours du lieu de rendez-vous. Si j'ai un rendez-vous à 14h30, je suis incapable de faire quoique ce soit ou de planifier autre chose avant. Ma journée est centrée sur ce rendez-vous. Je n'arrive pas à évaluer le temps exact que cela va me prendre pour m'y rendre, et du coup je "tape large".

Je ne parviens pas non plus à évaluer la taille ou le poids des gens. Je suis incapable de dire si quelqu'un fait 1m75 ou 1m85. Idem pour l'âge également, je n'ai aucune notion d'évaluation. Je sais évidemment distinguer si une personne est un enfant, un ado, un jeune adulte, un adulte ou une personne âgée. Mais je ne peux pas faire la différence entre une personne dans la trentaine ou dans la quarantaine, par exemple.

Pour les distances, c'est pareil aussi... Traverser la route devant chez moi doit prendre 3 secondes, et pourtant je n'arrive pas à évaluer la distance des voitures qui arrivent, donc j'attends toujours qu'elles me semblent le plus loin possible, ou qu'elles s'arrêtent pour me laisser passer...
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