[Index Sociologie] Le racisme/sexisme...

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hazufel
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Re: [Index Sociologie] Le racisme/sexisme...

Message par hazufel »

Pour se rappeler où est la force de l'humain, le respect à y défendre, toujours.

Derrière l'histoire de Souleymane, l'odyssée de Sangare
Spoiler : Article : 
Lorsqu’il lève ses yeux du gobelet de thé qu’il retient, les yeux de Sangare glissent délicatement sur vous. Non, il n’a toujours pas vu L’Histoire de Souleymane, le long-métrage de Boris Lojkine dont il interprète le personnage principal. Pas sûr qu’il en ait envie. « Peut-être à Cannes… » Le film y est présenté le 19 mai dans la section Un certain regard.

Soit l’histoire de Souleymane, un jeune Guinéen à Paris qui, en attendant d’obtenir sa demande d’asile, jongle avec la vie de clandestin, main-d’œuvre bon marché pour applis de livraison à vélo, bringuebalé de dortoir en soupe populaire, arnaqué quand se peut, habitant des nuits sans sommeil sur lesquelles nous fermons l’œil tant qu’elles ne viennent pas perturber les nôtres.

Sangare, lui, est mécanicien, et il vit à Amiens depuis six ans. La différence s’arrête là. Dans la vraie vie, l’acteur a le calme de son alter ego de cinéma, la même résistance à la misère puisant sa force dans une résilience pacifique en apparence inaltérable. En plein tournage, à l’angle des rues de Châteaudun et de Maubeuge, à Paris, une dame tombe en panne avec sa voiture. Le réalisateur voit Sangare poser son vélo, ouvrir le capot du véhicule, plonger dans le moteur, et expliquer à la dame comment rentrer chez elle avec des détails auxquels, raconte Boris Lojkine, lui-même ne comprend techniquement rien… Comme son personnage, Souleymane, le jeune acteur qui lui aussi attend d’être régularisé, a la générosité des démunis.

Abou Sangare est né le 7 mai 2001 à Sinko, dans le sud-est de la Guinée. Habitat épars, climat tropical, rues en terre. Le pays a connu, depuis l’indépendance, son lot de coups d’Etat et de bouleversements politiques, desquels, comme Souleymane, Sangare ne sait rien. Tout ça est bien loin de sa vie. Sa famille vit de polyculture : riz, manioc, quelques bœufs. Enfin, sa famille… sa mère. Il n’a pas connu son père, dont elle est la deuxième femme. Il a un frère aîné « qui va et vient », et une sœur qui a trouvé un mari à Conakry. Ils n’ont plus de contacts.

A 7 ans, l’enfant n’est déjà plus à l’école mais travaille dans un garage. C’est que sa mère est malade. « La maladie du diable. » C’est le nom qu’on lui donne là-bas. Des crises d’épilepsie, dont il ne saura d’ailleurs jamais l’origine : génétique, virale, tumeur ? C’est parce qu’ils n’ont pas les moyens de l’hospitaliser qu’à 15 ans il se décide à « sortir à l’aventure » – quitter le pays pour, comme des millions d’autres avant lui depuis que le monde est monde, aller chercher fortune.

Sa mère mourra peu de temps après son arrivée en France. Le trauma qu’il raconte, tout en tristesse retenue, dans les volutes de thé fumant, est encore si puissant que Boris Lojkine a décidé de l’introduire dans son film. Pour ce scénario très écrit – 180 pages de texte que le jeune mécanicien a dû apprendre –, le réalisateur, déjà remarqué avec Hope (2015) et Camille (2019), a en effet multiplié « les répétitions avec tous les acteurs pour remettre les mots dans leurs bouches ».

De Guinée, Sangare est donc remonté au Mali, confiant le peu d’argent qu’il possède à des passeurs. Le voici à Gao, en pays touareg. Le taxi collectif promis pour traverser le désert n’est pas là. C’était l’objectif initial : l’Algérie. Il erre pendant dix jours sans rien à manger pour finalement embarquer dans un camion-benne avec ses compagnons d’infortune, debout les uns contre les autres. Le voyage, qui doit durer un jour, en prendra sept, arrêté régulièrement par des « rebelles » qui réclament leur dîme. Lui, le gamin, n’a rien, ni argent ni famille pour envoyer un mandat. Le passeur paie pour lui, à charge, quand ils arriveront enfin à Timiaouine, dans l’extrême sud de l’Algérie, de le rembourser en travaillant gratuitement. « C’est là que tu as l’impression de devenir un esclave », confirme-t-il.

Nous sommes en 2017. Le gamin de 16 ans a fini par rejoindre Ghardaïa puis Alger, où il a gagné suffisamment en faisant le manœuvre pour passer en Libye, et de Tripoli, traverser la Méditerranée. Cent personnes dans un Zodiac. Les gardes-côtes libyens les interceptent. A la deuxième tentative, le Zodiac prend l’eau, un navire vient à la rescousse. Deux jours plus tard, Sangare débarque à Lampedusa (Italie), et de là va rapidement remonter vers la France : « En Guinée, on ne parle que français, c’était plus simple pour moi. »

L’odyssée de Sangare – comme L’Histoire de Souleymane – est celle du hasard et de la nécessité. Un parcours semé de portes fermées et de mains tendues. Il raconte : le kebab parisien où on lui paie à manger et où on lui indique une cour où s’abriter pour la nuit ; la bande de « Blacks » à la gare du Nord qui lui conseillent Amiens en TER plutôt que Lille en TGV – « plus facile pour les contrôles » ; la famille « végane » (légère grimace) qui l’accueille au début ; Luis, son directeur de stage chez Keolis, la société de transports publics d’Amiens, qui le prendra sous son aile ; ou Nicolas, un copain de lycée qui l’héberge encore aujourd’hui quand il vient à Paris, et dont il refait en ce moment les amortisseurs.

C’est qu’en arrivant à Amiens, le jeune Abou Sangare s’est présenté à la police. Mineur non accompagné, il a été pris en charge par les associations… Il va apprendre à lire et à écrire. On l’inscrit en CAP peinture, puis en bac pro mécanicien poids lourds au lycée Montaigne-Delambre. Première demande de régularisation, pour poursuivre son stage chez Keolis. Premier échec. Deuxième tentative lorsque, son diplôme enfin obtenu, le garage de poids lourds Mercedes lui propose un CDI – non sans avoir au préalable, comme le réclame la loi, montré qu’il n’a pas de candidat français pour le poste. Deuxième refus. On reproche au jeune homme d’être entré sur le territoire sans visa étudiant, de n’avoir pas de famille qui le retiendrait ici, et l’on met en doute son âge. De plus, le garage a proposé un salaire très légèrement inférieur à celui de la grille standard… ce que l’entreprise va s’empresser de rectifier en refaisant une nouvelle demande.
Enième couperet

On en est là, en avril 2023, lorsque le président de l’association pour laquelle il fait du bénévolat lui signale qu’une équipe de cinéma fait passer des castings. Ils cherchent un jeune Guinéen. Si ça lui dit… Sangare se présente. Il est immédiatement choisi. Lorsqu’il l’engage, le réalisateur sait le jeune homme en demande de régularisation, et n’imagine pas que celle-ci puisse échouer : diplômé, sollicité par des entreprises en mal de main-d’œuvre qualifiée, n’a-t-il pas déjà passé six ans en France ?

Las, en avril, à la veille de descendre à Cannes, la décision de la préfecture tombe comme un énième couperet : refusé. « C’est absurde, se désespère la comédienne et chanteuse Sibylle Luperce, militante de Réseau Education sans frontières, qui a suivi Sangare dans ses démarches. J’ai vu ses efforts, son travail, ses bulletins scolaires. Si ça, ce n’est pas de l’intégration, je ne sais pas ce que c’est que l’intégration… »

La production du film a décidé de riposter. C’est désormais aussi le combat du film : que la réalité ne caricature pas la fiction ! Elle a engagé une avocate lilloise spécialisée en droit des étrangers, Me Claire Perinaud, qui a déjà mis en route une demande d’abrogation de la décision.

Impassible, Sangare touille son thé. Le plus doucement possible. Comme s’il ne voulait pas faire de vague, y provoquer la moindre ride… « Refaire du cinéma ? Si ça se présente, pourquoi pas. Mais moi, ce que j’aime, ce que je sais faire, c’est la mécanique… Et ce que j’ai gagné sur le film m’aura permis de payer mes dettes, constate-t-il. Notamment la cantine du lycée. »

Laurent Carpentier - Le Monde[/url]
extraits a écrit : "Soit l’histoire de Souleymane, un jeune Guinéen à Paris qui, en attendant d’obtenir sa demande d’asile, jongle avec la vie de clandestin, main-d’œuvre bon marché pour applis de livraison à vélo, bringuebalé de dortoir en soupe populaire, arnaqué quand se peut, habitant des nuits sans sommeil sur lesquelles nous fermons l’œil tant qu’elles ne viennent pas perturber les nôtres."

"Sangare, lui, est mécanicien, et il vit à Amiens depuis six ans. La différence s’arrête là. Dans la vraie vie, l’acteur a le calme de son alter ego de cinéma, la même résistance à la misère puisant sa force dans une résilience pacifique en apparence inaltérable. En plein tournage, à l’angle des rues de Châteaudun et de Maubeuge, à Paris, une dame tombe en panne avec sa voiture. Le réalisateur voit Sangare poser son vélo, ouvrir le capot du véhicule, plonger dans le moteur, et expliquer à la dame comment rentrer chez elle avec des détails auxquels, raconte Boris Lojkine, lui-même ne comprend techniquement rien… Comme son personnage, Souleymane, le jeune acteur qui lui aussi attend d’être régularisé, a la générosité des démunis."

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"A 7 ans, l’enfant n’est déjà plus à l’école mais travaille dans un garage. C’est que sa mère est malade. « La maladie du diable. » C’est le nom qu’on lui donne là-bas. Des crises d’épilepsie, dont il ne saura d’ailleurs jamais l’origine : génétique, virale, tumeur ? C’est parce qu’ils n’ont pas les moyens de l’hospitaliser qu’à 15 ans il se décide à « sortir à l’aventure » – quitter le pays pour, comme des millions d’autres avant lui depuis que le monde est monde, aller chercher fortune."

[...]
"C’est qu’en arrivant à Amiens, le jeune Abou Sangare s’est présenté à la police. Mineur non accompagné, il a été pris en charge par les associations… Il va apprendre à lire et à écrire. On l’inscrit en CAP peinture, puis en bac pro mécanicien poids lourds au lycée Montaigne-Delambre. Première demande de régularisation, pour poursuivre son stage chez Keolis. Premier échec. Deuxième tentative lorsque, son diplôme enfin obtenu, le garage de poids lourds Mercedes lui propose un CDI – non sans avoir au préalable, comme le réclame la loi, montré qu’il n’a pas de candidat français pour le poste. Deuxième refus. On reproche au jeune homme d’être entré sur le territoire sans visa étudiant, de n’avoir pas de famille qui le retiendrait ici, et l’on met en doute son âge. De plus, le garage a proposé un salaire très légèrement inférieur à celui de la grille standard… ce que l’entreprise va s’empresser de rectifier en refaisant une nouvelle demande.

On en est là, en avril 2023, lorsque le président de l’association pour laquelle il fait du bénévolat lui signale qu’une équipe de cinéma fait passer des castings. Ils cherchent un jeune Guinéen. Si ça lui dit… Sangare se présente. Il est immédiatement choisi. Lorsqu’il l’engage, le réalisateur sait le jeune homme en demande de régularisation, et n’imagine pas que celle-ci puisse échouer : diplômé, sollicité par des entreprises en mal de main-d’œuvre qualifiée, n’a-t-il pas déjà passé six ans en France ?

Las, en avril, à la veille de descendre à Cannes, la décision de la préfecture tombe comme un énième couperet : refusé. « C’est absurde, se désespère la comédienne et chanteuse Sibylle Luperce, militante de Réseau Education sans frontières, qui a suivi Sangare dans ses démarches. J’ai vu ses efforts, son travail, ses bulletins scolaires. Si ça, ce n’est pas de l’intégration, je ne sais pas ce que c’est que l’intégration… »"
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Re: [Index Sociologie] Le racisme/sexisme...

Message par user6539 »

La majorité des hommes préférant un manager homme ont moins de 35 ans

Extrait :

On observe que les comportements sexistes ou discriminants au travail envers les femmes managers tendent à augmenter chez les plus jeunes. Dans votre conclusion, vous évoquez l’émergence d’une vision plus traditionaliste. Comment expliquer ce phénomène ?

Une partie de la jeunesse, principalement les jeunes hommes, tend à avoir une vision plus traditionaliste et conservatrice, notamment sur les questions de genre et de société. Selon plusieurs enquêtes d’opinion, chez les jeunes hommes de moins de 35 ans, et parfois encore plus chez les moins de 25 ans, on note une adhésion à des affirmations sexistes. Ce constat est alimenté par l’attrait de certains hommes à des thèses masculinistes, visibles sur les réseaux sociaux, qui prônent un retour à des valeurs conservatrices quant à la famille et à la place de la femme dans la société.
Article en entier :
Spoiler : 
 « Un nombre non négligeable de jeunes hommes affichent clairement leur préférence pour un environnement et un management au masculin, confirmant l’émergence d’une vision plus traditionaliste.» C’est l’une des conclusions de la nouvelle enquête réalisée par l’Ifop qui paraîtra le jeudi 23 mai et dont Libération dévoile les résultats en exclusivité. Intitulée «Le management au féminin : un non-sujet pour tout le monde ?», l’étude a mobilisé un échantillon de 2 500 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, dont 1 254 personnes en activité professionnelle.

Dans cette population, l’enquête révèle que près d’une femme sur deux aurait entendu des propos sexistes envers une manager, et près d’une femme sur trois aurait été victime de discrimination de genre au travail. Cette proportion est particulièrement élevée chez les 18-29 ans et est généralement plus basse chez les 60 ans et plus. En parallèle, la tendance à préférer un homme manager reste toujours plus forte que celle de préférer une femme manager, malgré un estompage ces quarante dernières années, notamment chez les jeunes hommes de moins de 35 ans.

Par ailleurs, si aujourd’hui hommes et femmes tendent à aspirer dans des proportions similaires à des postes à responsabilité, les femmes y renoncent plus souvent par sentiment d’illégitimité. Louise Jussian, chargée d’études Opinion & stratégies d’entreprise à l’Ifop, éclaire ces résultats.

On observe que les comportements sexistes ou discriminants au travail envers les femmes managers tendent à augmenter chez les plus jeunes. Dans votre conclusion, vous évoquez l’émergence d’une vision plus traditionaliste. Comment expliquer ce phénomène ?

Une partie de la jeunesse, principalement les jeunes hommes, tend à avoir une vision plus traditionaliste et conservatrice, notamment sur les questions de genre et de société. Selon plusieurs enquêtes d’opinion, chez les jeunes hommes de moins de 35 ans, et parfois encore plus chez les moins de 25 ans, on note une adhésion à des affirmations sexistes. Ce constat est alimenté par l’attrait de certains hommes à des thèses masculinistes, visibles sur les réseaux sociaux, qui prônent un retour à des valeurs conservatrices quant à la famille et à la place de la femme dans la société.

C’est un changement de paradigme intéressant qui n’a pas encore de réelle explication. On remarque chez les jeunes un retour à la spiritualité, à certaines croyances qui ne sont pas toujours les plus traditionnelles et qui appellent à des visions qui ne sont pas les plus progressistes. Une des hypothèses pour expliquer cela serait un besoin de réassurance dans un monde où les crises se succèdent et où l’incertitude prédomine. Pour cela, cette jeunesse se rattacherait à des lectures du monde plus anciennes, mais rassurantes.

Durant les quarante dernières années, la tendance à préférer un manager homme s’est estompée, mais reste toujours plus forte que celle de préférer une manager. Pourquoi ?

Depuis quarante ans, le féminisme a fait son chemin, ce qui explique cet estompage. Au travers de lois et de nouvelles règles dans le monde de l’entreprise, comme la parité en politique ou encore la mixité dans les postes de direction, l’existence des femmes dans des postes à responsabilités a été banalisée. Aujourd’hui, pour une majorité des salariés, avoir un manager homme ou femme est un non-sujet.

Cependant, changer une société prend du temps. Ce qu’on voit à l’œuvre dans cette préférence qui reste majoritaire pour un manager homme, ce sont les résidus de sexisme qui ont infusé dans la société ces cinquante dernières années. On observe que la majorité des hommes préférant un manager homme ont moins de 35 ans. A l’inverse, la majorité des femmes préférant travailler avec un manager homme ont plus de 35 ans. Pendant longtemps, le clivage d’opinions le plus important était entre générations. Aujourd’hui, ce clivage est au sein d’une même génération, entre deux genres.

Selon mon ressenti, après avoir travaillé sur divers sujets d’étude, l’évolution des luttes féministes, auparavant concentrées sur l’obtention de droits civiques et aujourd’hui tournées davantage vers des questions jugées intimes, peut faire peur à certains jeunes hommes qui, jusqu’ici, étaient en position de dominance. Cela soulève des interrogations sur l’évolution de notre société. La jeunesse d’aujourd’hui consolidera la société de demain, mais comment va-t-elle se construire s’il y a une rupture au sein de la génération ?

Dans votre enquête, on observe que la proportion de salariés n’occupant pas de fonction managériale souhaitant occuper ce type de poste un jour est la même pour les hommes et les femmes. Cependant, on y voit également que le syndrome de l’imposteur est un frein important pour les femmes, notamment chez les plus jeunes. D’où vient ce syndrome ? Pourquoi est-il toujours présent ?

Le syndrome de l’imposteur n’est qu’une des raisons qui freinent les femmes lorsqu’elles veulent accéder à des postes à responsabilités. Une autre est, par exemple, la mauvaise compatibilité de ces postes avec la sphère privée, qui est souvent davantage assumée par les femmes. Ces freins sont un reste des quarante dernières années, où les postes de direction n’étaient pas accessibles aux femmes. Ces dernières n’avaient que peu de modèles. Aujourd’hui, on voit que cette mentalité est en train de changer mais, comme pour la question précédente, cela prend du temps. Il faut laisser le temps à ce changement d’infuser, même chez les jeunes générations. Au-delà de cela, la remontée du sexisme et des discriminations dans les entreprises peut décourager certaines femmes.

Il est important de souligner qu’il est tout de même très encourageant et positif que les femmes se projettent autant que les hommes dans cette position managériale. Il s’agit d’une avancée importante. Il ne faut pas relâcher les efforts qui ont pu être faits malgré tout, dans le contexte d’une remontée des valeurs traditionnelles et du sexisme chez les jeunes hommes.

Par Elisa Boyer, pour Libé
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hazufel
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Re: [Index Sociologie] Le racisme/sexisme...

Message par hazufel »

C3PO a écrit :La majorité des hommes préférant un manager homme ont moins de 35 ans
Merci à toi pour cet article très édifiant :(
Il faut absolument combattre ces mythes et réinstaurer les égalités de valeurs chez tous les jeunes qu'on côtoie.
Spoiler : 
Mon fils ainé a eu deux cheffes chez Safran Défense et à la DGAC, elles valaient "10 bonshommes pour lui" :lol: des méga manageuses qui lui ont beaucoup appris, autant dans la valeur travail que dans celle d'équipe, en plus dans des domaines très pointus, auparavant rompus aux hommes.
Article de Libé - C3PO a écrit :C’est un changement de paradigme intéressant qui n’a pas encore de réelle explication. On remarque chez les jeunes un retour à la spiritualité, à certaines croyances qui ne sont pas toujours les plus traditionnelles et qui appellent à des visions qui ne sont pas les plus progressistes. Une des hypothèses pour expliquer cela serait un besoin de réassurance dans un monde où les crises se succèdent et où l’incertitude prédomine. Pour cela, cette jeunesse se rattacherait à des lectures du monde plus anciennes, mais rassurantes.
En complément, dans le Monde du mois dernier, qui tente également de trouver les raisons de ce regain :
article le Monde a écrit :L’homme serait-il perpétuellement en crise ? C’est le constat de l’anthropologue Mélanie Gourarier, pour qui « la peur de la dilution du mâle est un puits sans fond au regard de l’histoire ». Si cette inquiétude est récurrente, souligne-t-elle, c’est qu’elle a une fonction sociale et politique : « La masculinité tire sa force et sa capacité de reproduction de la menace de sa perte. » Répéter qu’elle est menacée de disparaître à cause des femmes et de l’indifférenciation des sexes serait une manière de la réaffirmer constamment, comme un discours normatif pour « réinstituer la différenciation et l’asymétrie entre les hommes et les femmes », et remettre en cause du même coup le projet d’égalité.

«A chaque fois qu’on dit que les femmes dominent les hommes, on dit dans le même souffle que les hommes doivent reprendre leur position de domination millénaire, et les femmes revenir aux tâches qui leur sont assignées, celles qui relèvent de la sphère privée, de la douceur, du soin des autres et du silence », confirme Francis Dupuis-Déri, qui voit dans cette rhétorique un « mythe tenace au service d’une stratégie de résistance à l’émancipation des femmes ».
Inquiétant regain de masculinisme, cette pensée réactionnaire aux origines millénaires
Spoiler : Article : 
Ce contre-mouvement au féminisme s’appuie sur le mythe d’une « crise de la masculinité » pour défendre le modèle inégalitaire des rapports entre les femmes et les hommes.

C’est un mouvement diffus, mais têtu. Une réalité dérangeante six ans après les débuts de la révolution #metoo. Alors que les jeunes femmes adhèrent de plus en plus aux valeurs progressistes, les hommes du même âge ont tendance à se tourner vers des idées conservatrices. A partir de données de plus d’une vingtaine de pays, un article du Financial Times a mis en évidence la progression, depuis six ans, d’un « fossé idéologique » de 30 points environ entre les filles et les garçons de la génération Z, notamment sur les questions d’égalité.

La France n’est pas épargnée par cet inquiétant phénomène. L’alerte a été donnée en janvier par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Les résultats de son Baromètre annuel du sexisme rapportent, là aussi, un écart de près de 30 points entre les femmes et les hommes de moins de 35 ans, sur la perception des inégalités dans la famille (28 points) comme dans la rue ou les transports (27 points). « Le clivage se confirme et se polarise », s’alarment les auteurs du rapport, qui constatent que « plus l’engagement en faveur de femmes s’exprime dans le débat public, plus la résistance s’organise ». Ils s’inquiètent notamment de la progression des « réflexes masculinistes et comportements machistes (…) chez les jeunes hommes adultes » : 28 % des 25-34 ans estiment que « les hommes sont davantage faits pour être patrons » (contre 9 % des 50-64 ans) ; 52 % pensent qu’on « s’acharne sur les hommes ».

Les féministes connaissent bien ce phénomène de backlash (« retour de bâton »), mis en lumière par la journaliste américaine Susan Faludi pour décrire la montée en puissance d’un contre-mouvement après une avancée féministe. Depuis #metoo, nombreux sont ceux qui questionnent leur identité masculine et remettent en cause le modèle dominant dans lequel ils ont grandi. Mais un antiféminisme décomplexé s’est aussi imposé dans l’espace médiatique.

En quelques années se sont multipliés les vidéos et les « podcasts bros », ces émissions entre hommes où l’on parle de muscles, de sport, de conseils de séduction, mais aussi des femmes de manière souvent dégradante et caricaturale, accusées d’avoir pris trop de pouvoir. Pour reconquérir leur place sociale, de jeunes hommes y apprennent à se former à des méthodes de séduction viriles sur le modèle du « mâle alpha », stéréotype d’une masculinité dominante.

Ces discours fédèrent une « communauté très organisée d’hommes qui vont se solidariser et agir ensemble », décrit l’anthropologue Mélanie Gourarier, qui leur a consacré sa thèse, Alpha mâles. Séduire les femmes pour s’apprécier entre hommes, publiée au Seuil en 2017. Le déchaînement de haine en ligne dont l’actrice américaine Amber Heard a été la cible dans la bataille judiciaire qui l’a opposée, en 2022, à son ex-compagnon, l’acteur Johnny Depp, a mis en lumière le poids médiatique de ces réseaux.

A la faveur des algorithmes, les représentations qui circulent au sein de cette « manosphère » se diffusent dans la société, en particulier chez les plus jeunes. En créant un compte sur le réseau social TikTok avec le profil d’un adolescent un peu fragile et déprimé, la journaliste Pauline Ferrari, autrice de Formés à la haine des femmes (JC Lattès, 2023), a vu, en un quart d’heure, son fil d’actualité inondé de contenus agressifs à l’égard des femmes.

Le masculinisme ? Le mot s’est imposé dans le débat public depuis les années 2000 pour désigner les manifestations de résistance au féminisme qui prétendent que les femmes dominent désormais les hommes, lesquels doivent défendre leurs droits et restaurer leur identité masculine. Ce « contre-mouvement, centré sur la victimisation des hommes », selon la définition des chercheurs québécois Mélissa Blais et Francis Dupuis-Déri, peut prendre des formes variées, plus ou moins exacerbées. « Le discours use plutôt d’euphémismes, en disant, par exemple, que le féminisme est allé trop loin, que les hommes ne peuvent plus rien faire ou dire, qu’il faut un rééquilibrage… », précise Francis Dupuis-Déri, auteur de La Crise de la masculinité. Autopsie d’un mythe tenace (Remue-Ménage, 2018).

L’anthropologue Mélanie Gourarier a élargi la notion à « tout groupe organisé autour de la défense de la “cause des hommes” » dans une confrontation avec le féminisme et les femmes ». « Le risque serait d’appréhender le phénomène comme limité à certains milieux, alors qu’il représente une pensée majoritaire et que ses valeurs restent très présentes dans la société », prévient-elle.

De fait, le masculinisme « s’inscrit pleinement dans l’héritage d’un antiféminisme dont l’origine est aussi ancienne que celle du mouvement féministe, voire la précède », affirme l’historienne Christine Bard, codirectrice de l’ouvrage collectif Antiféminismes et masculinismes d’hier et d’aujourd’hui (PUF, 2019). Le terme apparaît d’ailleurs à la fin du XIXe siècle sous la plume des pionnières du mouvement féministe, qui l’inventent en même temps que le mot « féminisme ». La journaliste Hubertine Auclert (1848-1914) l’utilise pour décrire « l’égoïsme masculin qui pousse les hommes à agir en défense de leur intérêt particulier », rapporte Denis Carlier, doctorant en science politique et en histoire qui termine une thèse sur le sujet.

Durant le XXe siècle, pourtant, le sens du mot reste instable. Considéré à plusieurs reprises comme un néologisme, le terme recouvre des significations diverses et parfois contradictoires. Cette variabilité lexicale met en relief les lignes de front de batailles politiques.

Encore aujourd’hui, l’usage du mot ne fait pas l’unanimité au sein des milieux universitaires. Ainsi la philosophe Geneviève Fraisse préfère parler de « résistance au féminisme », qui est plus politique : « Le masculinisme renvoie à une identité et défend, au nom des droits des hommes, une structure inégalitaire, là où le féminisme pose d’entrée de jeu la question politique de la liberté et de l’égalité, repères de la démocratie. » « Aujourd’hui encore, sa signification reste plurielle, et le mot n’a pas exactement le même sens en français qu’en anglais, où il désigne l’idéologie patriarcale », note le politiste Francis Dupuis-Déri.

Si la définition diffère d’une langue à l’autre, elle s’appuie sur un récit commun, celui d’une « crise de la masculinité » dont seraient responsables la féminisation de la société et la dilution de la différenciation des sexes. « Ce discours est régulièrement convoqué pour expliquer tout et son contraire, quel que soit le pays, constate Francis Dupuis-Déri. Les difficultés des garçons à l’école, celles des hommes dans le mariage, le refus des tribunaux d’accorder la garde des enfants au père divorcé, et même des phénomènes complexes comme l’immigration, les émeutes, le terrorisme ou la guerre. »

A partir des années 1970, cette crise, en France, est ainsi mise en avant par le mouvement de défense de pères divorcés qui dénoncent ce qu’ils considèrent comme des injustices subies de la part d’un système judiciaire confiant plus volontiers les enfants aux femmes. « C’est en 1969, quelques mois après “l’affaire de Cestas”, qu’une première association, la Didhem (Défense des intérêts des divorcés hommes et de leurs enfants mineurs), voit le jour à Grenoble », précise Gwénola Sueur, doctorante en sociologie, qui a consacré un mémoire de recherche à cette affaire et à son usage.

Dans le village de Cestas (Gironde), un conducteur de travaux de 38 ans s’est retranché dans sa ferme après avoir enlevé ses enfants. Il exige le retour de sa femme, dont il est divorcé depuis trois ans, « pour qu’elle crève et elle crèvera », écrit-il. Face au refus de son ex-épouse, il tue un gendarme au cours du siège puis abat deux de ses enfants avant de se suicider. Insultée par la foule, leur mère devra être protégée par les forces de l’ordre pour venir se recueillir sur leur tombe.

Dans les mois qui suivent, l’affaire de Cestas va inspirer plusieurs féminicides et suicides d’hommes ainsi que des menaces de passage à l’acte. « Elle devient le symbole de ce que certains journaux appellent le “drame” des pères face à l’augmentation des divorces. Cette couverture médiatique permet à des membres du mouvement de perpétuer un discours victimaire », souligne Gwénola Sueur.

Pour l’historienne Christine Bard, ce mouvement s’inscrit en « parfaite synchronie avec l’émergence de la deuxième vague des mouvements féministes » et constitue « le point d’origine d’une contre-offensive au mouvement d’émancipation des femmes, qui s’accélère dans les années 1960 ». En quelques années, elles ont accédé massivement aux études supérieures et au monde du travail, obtenu de se réapproprier le contrôle de leur corps avec la légalisation de la pilule en 1967 ; des réformes profondes du droit de la famille annoncent le partage de l’autorité parentale (1970) et, bientôt, le divorce par consentement mutuel (1975). « Dans ce contexte où les mentalités changent, où l’égalité devient un principe légitime de réforme du droit, les hommes perdent le contrôle des femmes, et certains d’entre eux s’y opposent, constate l’historienne. Le forcené de Cestas estime qu’il a un droit de vie ou de mort sur son épouse et ses enfants. »

De l’autre côté de l’Atlantique, le même récit de crise est mobilisé après le massacre de quatorze femmes, élèves ou salariées de l’Ecole polytechnique de Montréal, au Québec, le 6 décembre 1989. Le tueur déclare dans une lettre haïr les femmes et tenir les féministes responsables d’avoir « ruiné [sa] vie » parce qu’elles cherchent à « conserver les avantages des femmes (…) tout en s’accaparant ceux des hommes ».

Si l’attentat choque profondément l’opinion, très vite « la thèse d’une souffrance masculine est largement médiatisée. Des éditorialistes et des psychologues expliquent que la situation n’est pas facile pour les hommes car les féministes ont pris beaucoup de place », souligne Francis Dupuis-Déri. La tuerie fait aussi l’objet d’une fascination morbide chez certains hommes, qui partagent sur des forums en ligne leurs expériences malheureuses avec des femmes. Ils se définissent comme « incels » (contraction de involuntary celibate en anglais), c’est-à-dire « célibataires involontaires », une situation dont ils rendent responsables les femmes et le féminisme.

En tentant de dater précisément l’origine de ce récit victimaire, le chercheur se souvient d’avoir connu une « sorte de choc intellectuel » lorsqu’il a découvert que la rhétorique de la crise de la masculinité traverse l’histoire. « Quel que soit le régime politique ou économique, quel que soit le contexte culturel et religieux, les droits des femmes ou de la famille, on retrouve à différentes époques le même discours de souffrance des hommes qui se considèrent dominés par les femmes jusque dans la Rome antique », constate le politiste.

Les premières traces datent, en effet, de l’Antiquité. En Grèce, un texte d’Aristote accuse violemment les femmes d’avoir institué une gynocratie (régime politique où les femmes détiennent le pouvoir) et les considère responsables de l’échec du projet politique de Sparte à cause de leur amour de l’argent. Quelques années plus tard, c’est à Rome que le politicien Caton l’Ancien s’alarme d’une manifestation de femmes réclamant l’autorisation de conduire des chars. Il y voit le signe de la toute-puissance des épouses. Dans les deux cas, les femmes n’ont alors aucun droit politique.

La rhétorique de la « crise de la masculinité » ponctue aussi l’histoire de la littérature qui, notamment aux XVIe et XVIIe siècles, met volontiers en scène des hommes mariés souffrant de la domination de leur épouse, pourtant dépendante de leur conjoint. A partir de la Révolution, la notion de citoyenneté renouvelle les discours hostiles à l’émancipation des femmes. « L’idée d’un danger de “confusion des sexes”, induite par la démocratie et l’égalité, s’installe chez les républicains », explique la philosophe Geneviève Fraisse, dont l’ouvrage Muse de la raison. Démocratie et exclusion des femmes en France (Gallimard, 1989, rééd. en 2019) retrace l’éviction des femmes du projet démocratique de la Révolution. « Au début du XIXe siècle, l’écrivain Etienne Pivert de Senancour affirme, par exemple, que l’égalité met en péril l’existence même de l’amour, faute d’altérité, car les sexes vont se confondre. Il est intéressant de voir que cette même crainte a ressurgi quasiment à l’identique au début du XXIe siècle dans les rangs de La Manif pour tous, en réponse aux revendications queer et trans. »

L’homme serait-il perpétuellement en crise ? C’est le constat de l’anthropologue Mélanie Gourarier, pour qui « la peur de la dilution du mâle est un puits sans fond au regard de l’histoire ». Si cette inquiétude est récurrente, souligne-t-elle, c’est qu’elle a une fonction sociale et politique : « La masculinité tire sa force et sa capacité de reproduction de la menace de sa perte. » Répéter qu’elle est menacée de disparaître à cause des femmes et de l’indifférenciation des sexes serait une manière de la réaffirmer constamment, comme un discours normatif pour « réinstituer la différenciation et l’asymétrie entre les hommes et les femmes », et remettre en cause du même coup le projet d’égalité.

« A chaque fois qu’on dit que les femmes dominent les hommes, on dit dans le même souffle que les hommes doivent reprendre leur position de domination millénaire, et les femmes revenir aux tâches qui leur sont assignées, celles qui relèvent de la sphère privée, de la douceur, du soin des autres et du silence », confirme Francis Dupuis-Déri, qui voit dans cette rhétorique un « mythe tenace au service d’une stratégie de résistance à l’émancipation des femmes ».
Lire aussi l’enquête (2020) | Article réservé à nos abonnés Le souci de l’autre, un retour de l’éthique du « care »

Résolument essentialiste, la pensée masculiniste défend, en effet, une conception statique de la masculinité, qu’elle réduit à une « masculinité hégémonique », selon le concept développé par la sociologue australienne Raewyn Connell, c’est-à-dire en position dominante, non seulement par rapport aux femmes mais aussi au sein même du groupe des hommes. Elle tourne ainsi le dos aux nombreux travaux scientifiques qui ont, ces dernières années, profondément renouvelé les cadres théoriques de l’étude sociale des hommes. En insistant sur la réalité de masculinités plurielles, ils ont mis à mal l’idée d’une masculinité universelle confondue avec les attributs traditionnels de la virilité. L’une et l’autre, en effet, n’ont cessé de se recomposer, comme l’a montré la somme monumentale sur l’Histoire de la virilité codirigée par Georges Vigarello, Alain Corbin et Jean-Jacques Courtine (Seuil, 2011).

On ne s’étonnera pas, dans ce contexte, que ce courant réactionnaire prospère sur le terreau fertile des mouvements conservateurs et populistes, sur lesquels il s’appuie autant qu’il les renforce. Le journaliste afro-américain Rembert Browne a analysé, dans le New York Magazine, le 9 novembre 2016, la façon dont Donald Trump avait réussi à être élu président en fédérant près de 59 millions d’électeurs « en rendant la haine intersectionnelle » grâce à une rhétorique à la fois antiféministe, homophobe et raciste.

L’historienne Christine Bard s’attache, en France, à retracer la généalogie de cette « intersectionnalité des haines » dont elle a formulé le concept. « La rhétorique masculiniste se greffe souvent à un récit plus large autour de la suprématie masculine, blanche et hétérosexuelle, que l’on trouve déjà au sein des mouvements fascistes de l’entre-deux-guerres, explique-t-elle. Par exemple, des discours antisémites des années 1930 présentent les hommes juifs comme les agents de la féminisation de la société, et les femmes juives comme les inventrices du féminisme. »

Un siècle plus tard, « l’antiféminisme a été intégré à la théorie du complot du “grand remplacement” », adoptée par de « nombreux courants de l’extrémisme de droite », note un rapport de l’agence européenne de police criminelle Europol, publié en 2020. Eric Zemmour en a fait, en 2022, un slogan de campagne. Cette thèse complotiste et xénophobe prétend que des élites mondialisées s’emploieraient à faciliter l’arrivée d’immigrés en Europe. Selon cette théorie, « le féminisme aurait été inventé pour détourner les femmes de leur rôle “naturel” de mère et, par conséquent, est tenu pour responsable de la baisse des taux de natalité dans les pays occidentaux, ce qui permet aux immigrés de devenir majoritaires plus rapidement », précise le rapport d’Europol.

Cette convergence des haines est prise très au sérieux par l’agence, qui dresse la liste des attentats dont les motivations croisent à la fois « antiféminisme, racisme, autoritarisme et xénophobie ». Ainsi le terroriste Anders Breivik, auteur du massacre de 76 jeunes Norvégiens, en 2011, a-t-il revendiqué la supériorité de la population masculine blanche occidentale chrétienne face à la « féminisation de la culture européenne » et à la volonté d’« émasculer le mâle européen ». De même, les auteurs des attentats de Christchurch (Nouvelle-Zélande), de Halle (Allemagne) en 2019 et de Hanau (Allemagne) en 2020 ont exprimé « explicitement » de « la frustration sexuelle » et des « opinions misogynes ».

Peut-on – et comment – désamorcer cette mécanique infernale ? En 2017, la philosophe Olivia Gazalé analysait, dans Le Mythe de la virilité. Un piège pour les deux sexes­ (Robert Laffont), la façon dont les sociétés contemporaines demeurent prisonnières d’archétypes nés dans l’Antiquité, qui piègent les femmes, victimes de représentations légitimant la domination masculine, mais aussi les hommes, « sommés de se conformer à des canons virils coercitifs et discriminatoires » et contraints de « devoir sans cesse prouver et confirmer qu’ils sont bien des hommes ».

Sortir de ce piège est possible, à condition « non plus d’en rendre responsables les femmes et le féminisme, mais d’accepter de reconnaître tout un système de normes inégalitaires et le remettre en cause », affirme le politiste Francis Dupuis-Déri, qui a publié en 2023 Les Hommes et les Féminismes. Faux amis, poseurs ou alliés ? (Textuel). Pour y parvenir, « il faut avant tout en finir avec les analyses psychologisantes qui conduisent à inverser la victimisation, prévient Christine Bard. Certes, le masculinisme se nourrit des angoisses de la modernité, des peurs sociales, des injustices économiques, mais quand des hommes s’y engagent, ils ne le font pas par peur. Ils sont mus par la haine, particulièrement la haine des femmes qui revendiquent l’égalité. Ils le font convaincus de leur droit de le faire et de leur supériorité. »

La solution passe par l’éducation, car « on ne sortira de ce mal profond qu’en amenant les hommes à déconstruire leurs préjugés, à développer une conscience féministe. C’est en partie un enjeu d’accès à la connaissance », ajoute l’historienne, qui s’y emploie en préparant pour 2027 l’ouverture d’un futur Musée des féminismes, à l’université d’Angers.

Le travail est immense. Avec plus d’un tiers des personnes interrogées qui pensent encore que les inégalités sont dues à une différence naturelle, le Haut Conseil à l’égalité relève une large méconnaissance conduisant à une « véritable “éducation” au sexisme (…), pas forcément conscientisée ». L’institution appelle l’Etat à mener une « action publique forte, continue et globale », en particulier dans l’éducation, l’espace numérique et l’exercice de la justice. Le chantier reste à ouvrir.

Claire Legros
Et sur le même thème :

Partout un fossé potentiellement dramatique se creuse entre les jeunes femmes et les jeunes hommes.
« Les jeunes femmes sont de plus en plus progressistes, tandis que les hommes du même âge penchent du côté conservateur »
Spoiler : article : 
La guerre des générations n’est pas celle que l’on croit. Elle n’a pas lieu entre les plus de 50 ans étiquetés « boomeurs » et les moins de 25 ans, mais au sein de la jeunesse elle-même, entre les deux sexes. Une série d’études et d’enquêtes publiées dans la presse anglo-saxonne ont ausculté ce déroutant phénomène.

On pourrait le résumer ainsi : les filles sont de plus en plus progressistes, tandis que les garçons du même âge penchent de plus en plus du côté conservateur. Un sondage de l’institut Gallup dévoilé par le Financial Times, le 26 janvier, révèle ainsi que les Américaines de 18 à 30 ans sont de 30 points plus libérales (au sens américain, c’est-à-dire de gauche) que leurs homologues masculins. Il y a six ans, cet écart tant culturel que politique n’existait pas. Il est de 30 points également en Allemagne et de 25 points au Royaume-Uni, il n’a pas d’équivalent chez les plus âgés et n’est pas propre aux Occidentaux : il est tout aussi prégnant en Corée du Sud, en Chine ou en Tunisie, souligne le quotidien, analysant une série de données sur le sujet. Partout, un fossé potentiellement dramatique se creuse entre les jeunes femmes et les jeunes hommes.

Il est en partie le fruit, sans doute, de #metoo. Ce mouvement n’a pas seulement libéré la parole féminine à l’égard du harcèlement, il a légitimé le sentiment d’injustice éprouvé par celles qui n’hésitent plus à l’exprimer. S’ajoute à cela la fracture éducationnelle. Les positions progressistes tendent à augmenter avec les années d’études. Or, les Européennes de 25 à 34 ans sont désormais plus diplômées du supérieur que les Européens du même âge : 46 % contre 35 %, selon Eurostat.

En dépit de ces progrès, les inégalités entre les sexes restent pourtant fortes. En 2022, le salaire moyen des Françaises était de 23,5 % inférieur à celui des Français. La responsabilité de 80 % des familles monoparentales dans notre pays incombe aux mères ; 20 % des femmes – et 34 % lorsqu’elles ont des enfants – tombent dans la pauvreté au moment du divorce, contre 8 % des hommes, montre une étude publiée par la Fondation des femmes, le 14 mars. Les retraites des femmes sont 28 % plus basses que celles des hommes, et même 40 %, si l’on exclut les pensions de réversion.

Cela n’empêche pas le « backlash », le « retour de bâton » émanant de certains hommes à l’égard de l’émancipation des femmes. En témoigne l’essor des mouvements masculinistes, prônant une conception viriliste du monde et du couple. Pis, ce fossé de valeurs entre les jeunes a déjà des conséquences palpables dans l’arène politique.

En Allemagne, en France, les hommes de moins de 30 ans se tournent plus vers les mouvements d’extrême droite que leurs aînés, souligne The Economist du 13 mars. L’hebdomadaire britannique rappelle également un chiffre : 72 % des jeunes Américaines qui ont voté aux élections législatives de 2022 ont soutenu le candidat démocrate, contre 54 % des jeunes hommes. En 2008, l’écart était quasi nul. Au Portugal, le parti de droite populiste Chega a prospéré aux législatives du 10 mars grâce au soutien massif de jeunes électeurs peu instruits.

Tout se passe comme si certains des travailleurs de moins de 30 ans s’estimant perdants de la mondialisation, peu diplômés, issus des régions industrielles en déshérence, tournaient désormais leur ressentiment contre les femmes – en particulier celles éduquées et émancipées. Difficile, dès lors, de ne pas penser à cette phrase que la militante féministe Claudine Monteil attribue à Simone de Beauvoir : « Il suffira d’une crise politique, économique et religieuse, pour que les droits des femmes, nos droits, soient remis en question. Votre vie durant, vous devrez demeurer vigilante. »

Les figures politiques comme Donald Trump prospèrent déjà sur la colère de ces jeunes hommes ; le droit à l’avortement recule aux Etats-Unis, il est menacé en Italie. La mécanique susceptible d’éroder des décennies d’émancipation féminine et de marche vers l’égalité se met en place sous nos yeux, au sein même des démocraties. La vigilance beauvoirienne est de mise. Pas sûr qu’elle suffise.

Marie Charrel
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Ostara
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Re: [Index Sociologie] Le racisme/sexisme...

Message par Ostara »

hazufel a écrit : mercredi 22 mai 2024 à 15:09
C3PO a écrit :La majorité des hommes préférant un manager homme ont moins de 35 ans
Merci à toi pour cet article très édifiant :(
Il faut absolument combattre ces mythes et réinstaurer les égalités de valeurs chez tous les jeunes qu'on côtoie.
Spoiler : 
Mon fils ainé a eu deux cheffes chez Safran Défense et à la DGAC, elles valaient "10 bonshommes pour lui" :lol: des méga manageuses qui lui ont beaucoup appris, autant dans la valeur travail que dans celle d'équipe, en plus dans des domaines très pointus, auparavant rompus aux hommes.
Article de Libé - C3PO a écrit :C’est un changement de paradigme intéressant qui n’a pas encore de réelle explication. On remarque chez les jeunes un retour à la spiritualité, à certaines croyances qui ne sont pas toujours les plus traditionnelles et qui appellent à des visions qui ne sont pas les plus progressistes. Une des hypothèses pour expliquer cela serait un besoin de réassurance dans un monde où les crises se succèdent et où l’incertitude prédomine. Pour cela, cette jeunesse se rattacherait à des lectures du monde plus anciennes, mais rassurantes.
En complément, dans le Monde du mois dernier, qui tente également de trouver les raisons de ce regain :
article le Monde a écrit :L’homme serait-il perpétuellement en crise ? C’est le constat de l’anthropologue Mélanie Gourarier, pour qui « la peur de la dilution du mâle est un puits sans fond au regard de l’histoire ». Si cette inquiétude est récurrente, souligne-t-elle, c’est qu’elle a une fonction sociale et politique : « La masculinité tire sa force et sa capacité de reproduction de la menace de sa perte. » Répéter qu’elle est menacée de disparaître à cause des femmes et de l’indifférenciation des sexes serait une manière de la réaffirmer constamment, comme un discours normatif pour « réinstituer la différenciation et l’asymétrie entre les hommes et les femmes », et remettre en cause du même coup le projet d’égalité.

«A chaque fois qu’on dit que les femmes dominent les hommes, on dit dans le même souffle que les hommes doivent reprendre leur position de domination millénaire, et les femmes revenir aux tâches qui leur sont assignées, celles qui relèvent de la sphère privée, de la douceur, du soin des autres et du silence », confirme Francis Dupuis-Déri, qui voit dans cette rhétorique un « mythe tenace au service d’une stratégie de résistance à l’émancipation des femmes ».
Inquiétant regain de masculinisme, cette pensée réactionnaire aux origines millénaires
Spoiler : Article : 
Ce contre-mouvement au féminisme s’appuie sur le mythe d’une « crise de la masculinité » pour défendre le modèle inégalitaire des rapports entre les femmes et les hommes.

C’est un mouvement diffus, mais têtu. Une réalité dérangeante six ans après les débuts de la révolution #metoo. Alors que les jeunes femmes adhèrent de plus en plus aux valeurs progressistes, les hommes du même âge ont tendance à se tourner vers des idées conservatrices. A partir de données de plus d’une vingtaine de pays, un article du Financial Times a mis en évidence la progression, depuis six ans, d’un « fossé idéologique » de 30 points environ entre les filles et les garçons de la génération Z, notamment sur les questions d’égalité.

La France n’est pas épargnée par cet inquiétant phénomène. L’alerte a été donnée en janvier par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Les résultats de son Baromètre annuel du sexisme rapportent, là aussi, un écart de près de 30 points entre les femmes et les hommes de moins de 35 ans, sur la perception des inégalités dans la famille (28 points) comme dans la rue ou les transports (27 points). « Le clivage se confirme et se polarise », s’alarment les auteurs du rapport, qui constatent que « plus l’engagement en faveur de femmes s’exprime dans le débat public, plus la résistance s’organise ». Ils s’inquiètent notamment de la progression des « réflexes masculinistes et comportements machistes (…) chez les jeunes hommes adultes » : 28 % des 25-34 ans estiment que « les hommes sont davantage faits pour être patrons » (contre 9 % des 50-64 ans) ; 52 % pensent qu’on « s’acharne sur les hommes ».

Les féministes connaissent bien ce phénomène de backlash (« retour de bâton »), mis en lumière par la journaliste américaine Susan Faludi pour décrire la montée en puissance d’un contre-mouvement après une avancée féministe. Depuis #metoo, nombreux sont ceux qui questionnent leur identité masculine et remettent en cause le modèle dominant dans lequel ils ont grandi. Mais un antiféminisme décomplexé s’est aussi imposé dans l’espace médiatique.

En quelques années se sont multipliés les vidéos et les « podcasts bros », ces émissions entre hommes où l’on parle de muscles, de sport, de conseils de séduction, mais aussi des femmes de manière souvent dégradante et caricaturale, accusées d’avoir pris trop de pouvoir. Pour reconquérir leur place sociale, de jeunes hommes y apprennent à se former à des méthodes de séduction viriles sur le modèle du « mâle alpha », stéréotype d’une masculinité dominante.

Ces discours fédèrent une « communauté très organisée d’hommes qui vont se solidariser et agir ensemble », décrit l’anthropologue Mélanie Gourarier, qui leur a consacré sa thèse, Alpha mâles. Séduire les femmes pour s’apprécier entre hommes, publiée au Seuil en 2017. Le déchaînement de haine en ligne dont l’actrice américaine Amber Heard a été la cible dans la bataille judiciaire qui l’a opposée, en 2022, à son ex-compagnon, l’acteur Johnny Depp, a mis en lumière le poids médiatique de ces réseaux.

A la faveur des algorithmes, les représentations qui circulent au sein de cette « manosphère » se diffusent dans la société, en particulier chez les plus jeunes. En créant un compte sur le réseau social TikTok avec le profil d’un adolescent un peu fragile et déprimé, la journaliste Pauline Ferrari, autrice de Formés à la haine des femmes (JC Lattès, 2023), a vu, en un quart d’heure, son fil d’actualité inondé de contenus agressifs à l’égard des femmes.

Le masculinisme ? Le mot s’est imposé dans le débat public depuis les années 2000 pour désigner les manifestations de résistance au féminisme qui prétendent que les femmes dominent désormais les hommes, lesquels doivent défendre leurs droits et restaurer leur identité masculine. Ce « contre-mouvement, centré sur la victimisation des hommes », selon la définition des chercheurs québécois Mélissa Blais et Francis Dupuis-Déri, peut prendre des formes variées, plus ou moins exacerbées. « Le discours use plutôt d’euphémismes, en disant, par exemple, que le féminisme est allé trop loin, que les hommes ne peuvent plus rien faire ou dire, qu’il faut un rééquilibrage… », précise Francis Dupuis-Déri, auteur de La Crise de la masculinité. Autopsie d’un mythe tenace (Remue-Ménage, 2018).

L’anthropologue Mélanie Gourarier a élargi la notion à « tout groupe organisé autour de la défense de la “cause des hommes” » dans une confrontation avec le féminisme et les femmes ». « Le risque serait d’appréhender le phénomène comme limité à certains milieux, alors qu’il représente une pensée majoritaire et que ses valeurs restent très présentes dans la société », prévient-elle.

De fait, le masculinisme « s’inscrit pleinement dans l’héritage d’un antiféminisme dont l’origine est aussi ancienne que celle du mouvement féministe, voire la précède », affirme l’historienne Christine Bard, codirectrice de l’ouvrage collectif Antiféminismes et masculinismes d’hier et d’aujourd’hui (PUF, 2019). Le terme apparaît d’ailleurs à la fin du XIXe siècle sous la plume des pionnières du mouvement féministe, qui l’inventent en même temps que le mot « féminisme ». La journaliste Hubertine Auclert (1848-1914) l’utilise pour décrire « l’égoïsme masculin qui pousse les hommes à agir en défense de leur intérêt particulier », rapporte Denis Carlier, doctorant en science politique et en histoire qui termine une thèse sur le sujet.

Durant le XXe siècle, pourtant, le sens du mot reste instable. Considéré à plusieurs reprises comme un néologisme, le terme recouvre des significations diverses et parfois contradictoires. Cette variabilité lexicale met en relief les lignes de front de batailles politiques.

Encore aujourd’hui, l’usage du mot ne fait pas l’unanimité au sein des milieux universitaires. Ainsi la philosophe Geneviève Fraisse préfère parler de « résistance au féminisme », qui est plus politique : « Le masculinisme renvoie à une identité et défend, au nom des droits des hommes, une structure inégalitaire, là où le féminisme pose d’entrée de jeu la question politique de la liberté et de l’égalité, repères de la démocratie. » « Aujourd’hui encore, sa signification reste plurielle, et le mot n’a pas exactement le même sens en français qu’en anglais, où il désigne l’idéologie patriarcale », note le politiste Francis Dupuis-Déri.

Si la définition diffère d’une langue à l’autre, elle s’appuie sur un récit commun, celui d’une « crise de la masculinité » dont seraient responsables la féminisation de la société et la dilution de la différenciation des sexes. « Ce discours est régulièrement convoqué pour expliquer tout et son contraire, quel que soit le pays, constate Francis Dupuis-Déri. Les difficultés des garçons à l’école, celles des hommes dans le mariage, le refus des tribunaux d’accorder la garde des enfants au père divorcé, et même des phénomènes complexes comme l’immigration, les émeutes, le terrorisme ou la guerre. »

A partir des années 1970, cette crise, en France, est ainsi mise en avant par le mouvement de défense de pères divorcés qui dénoncent ce qu’ils considèrent comme des injustices subies de la part d’un système judiciaire confiant plus volontiers les enfants aux femmes. « C’est en 1969, quelques mois après “l’affaire de Cestas”, qu’une première association, la Didhem (Défense des intérêts des divorcés hommes et de leurs enfants mineurs), voit le jour à Grenoble », précise Gwénola Sueur, doctorante en sociologie, qui a consacré un mémoire de recherche à cette affaire et à son usage.

Dans le village de Cestas (Gironde), un conducteur de travaux de 38 ans s’est retranché dans sa ferme après avoir enlevé ses enfants. Il exige le retour de sa femme, dont il est divorcé depuis trois ans, « pour qu’elle crève et elle crèvera », écrit-il. Face au refus de son ex-épouse, il tue un gendarme au cours du siège puis abat deux de ses enfants avant de se suicider. Insultée par la foule, leur mère devra être protégée par les forces de l’ordre pour venir se recueillir sur leur tombe.

Dans les mois qui suivent, l’affaire de Cestas va inspirer plusieurs féminicides et suicides d’hommes ainsi que des menaces de passage à l’acte. « Elle devient le symbole de ce que certains journaux appellent le “drame” des pères face à l’augmentation des divorces. Cette couverture médiatique permet à des membres du mouvement de perpétuer un discours victimaire », souligne Gwénola Sueur.

Pour l’historienne Christine Bard, ce mouvement s’inscrit en « parfaite synchronie avec l’émergence de la deuxième vague des mouvements féministes » et constitue « le point d’origine d’une contre-offensive au mouvement d’émancipation des femmes, qui s’accélère dans les années 1960 ». En quelques années, elles ont accédé massivement aux études supérieures et au monde du travail, obtenu de se réapproprier le contrôle de leur corps avec la légalisation de la pilule en 1967 ; des réformes profondes du droit de la famille annoncent le partage de l’autorité parentale (1970) et, bientôt, le divorce par consentement mutuel (1975). « Dans ce contexte où les mentalités changent, où l’égalité devient un principe légitime de réforme du droit, les hommes perdent le contrôle des femmes, et certains d’entre eux s’y opposent, constate l’historienne. Le forcené de Cestas estime qu’il a un droit de vie ou de mort sur son épouse et ses enfants. »

De l’autre côté de l’Atlantique, le même récit de crise est mobilisé après le massacre de quatorze femmes, élèves ou salariées de l’Ecole polytechnique de Montréal, au Québec, le 6 décembre 1989. Le tueur déclare dans une lettre haïr les femmes et tenir les féministes responsables d’avoir « ruiné [sa] vie » parce qu’elles cherchent à « conserver les avantages des femmes (…) tout en s’accaparant ceux des hommes ».

Si l’attentat choque profondément l’opinion, très vite « la thèse d’une souffrance masculine est largement médiatisée. Des éditorialistes et des psychologues expliquent que la situation n’est pas facile pour les hommes car les féministes ont pris beaucoup de place », souligne Francis Dupuis-Déri. La tuerie fait aussi l’objet d’une fascination morbide chez certains hommes, qui partagent sur des forums en ligne leurs expériences malheureuses avec des femmes. Ils se définissent comme « incels » (contraction de involuntary celibate en anglais), c’est-à-dire « célibataires involontaires », une situation dont ils rendent responsables les femmes et le féminisme.

En tentant de dater précisément l’origine de ce récit victimaire, le chercheur se souvient d’avoir connu une « sorte de choc intellectuel » lorsqu’il a découvert que la rhétorique de la crise de la masculinité traverse l’histoire. « Quel que soit le régime politique ou économique, quel que soit le contexte culturel et religieux, les droits des femmes ou de la famille, on retrouve à différentes époques le même discours de souffrance des hommes qui se considèrent dominés par les femmes jusque dans la Rome antique », constate le politiste.

Les premières traces datent, en effet, de l’Antiquité. En Grèce, un texte d’Aristote accuse violemment les femmes d’avoir institué une gynocratie (régime politique où les femmes détiennent le pouvoir) et les considère responsables de l’échec du projet politique de Sparte à cause de leur amour de l’argent. Quelques années plus tard, c’est à Rome que le politicien Caton l’Ancien s’alarme d’une manifestation de femmes réclamant l’autorisation de conduire des chars. Il y voit le signe de la toute-puissance des épouses. Dans les deux cas, les femmes n’ont alors aucun droit politique.

La rhétorique de la « crise de la masculinité » ponctue aussi l’histoire de la littérature qui, notamment aux XVIe et XVIIe siècles, met volontiers en scène des hommes mariés souffrant de la domination de leur épouse, pourtant dépendante de leur conjoint. A partir de la Révolution, la notion de citoyenneté renouvelle les discours hostiles à l’émancipation des femmes. « L’idée d’un danger de “confusion des sexes”, induite par la démocratie et l’égalité, s’installe chez les républicains », explique la philosophe Geneviève Fraisse, dont l’ouvrage Muse de la raison. Démocratie et exclusion des femmes en France (Gallimard, 1989, rééd. en 2019) retrace l’éviction des femmes du projet démocratique de la Révolution. « Au début du XIXe siècle, l’écrivain Etienne Pivert de Senancour affirme, par exemple, que l’égalité met en péril l’existence même de l’amour, faute d’altérité, car les sexes vont se confondre. Il est intéressant de voir que cette même crainte a ressurgi quasiment à l’identique au début du XXIe siècle dans les rangs de La Manif pour tous, en réponse aux revendications queer et trans. »

L’homme serait-il perpétuellement en crise ? C’est le constat de l’anthropologue Mélanie Gourarier, pour qui « la peur de la dilution du mâle est un puits sans fond au regard de l’histoire ». Si cette inquiétude est récurrente, souligne-t-elle, c’est qu’elle a une fonction sociale et politique : « La masculinité tire sa force et sa capacité de reproduction de la menace de sa perte. » Répéter qu’elle est menacée de disparaître à cause des femmes et de l’indifférenciation des sexes serait une manière de la réaffirmer constamment, comme un discours normatif pour « réinstituer la différenciation et l’asymétrie entre les hommes et les femmes », et remettre en cause du même coup le projet d’égalité.

« A chaque fois qu’on dit que les femmes dominent les hommes, on dit dans le même souffle que les hommes doivent reprendre leur position de domination millénaire, et les femmes revenir aux tâches qui leur sont assignées, celles qui relèvent de la sphère privée, de la douceur, du soin des autres et du silence », confirme Francis Dupuis-Déri, qui voit dans cette rhétorique un « mythe tenace au service d’une stratégie de résistance à l’émancipation des femmes ».
Lire aussi l’enquête (2020) | Article réservé à nos abonnés Le souci de l’autre, un retour de l’éthique du « care »

Résolument essentialiste, la pensée masculiniste défend, en effet, une conception statique de la masculinité, qu’elle réduit à une « masculinité hégémonique », selon le concept développé par la sociologue australienne Raewyn Connell, c’est-à-dire en position dominante, non seulement par rapport aux femmes mais aussi au sein même du groupe des hommes. Elle tourne ainsi le dos aux nombreux travaux scientifiques qui ont, ces dernières années, profondément renouvelé les cadres théoriques de l’étude sociale des hommes. En insistant sur la réalité de masculinités plurielles, ils ont mis à mal l’idée d’une masculinité universelle confondue avec les attributs traditionnels de la virilité. L’une et l’autre, en effet, n’ont cessé de se recomposer, comme l’a montré la somme monumentale sur l’Histoire de la virilité codirigée par Georges Vigarello, Alain Corbin et Jean-Jacques Courtine (Seuil, 2011).

On ne s’étonnera pas, dans ce contexte, que ce courant réactionnaire prospère sur le terreau fertile des mouvements conservateurs et populistes, sur lesquels il s’appuie autant qu’il les renforce. Le journaliste afro-américain Rembert Browne a analysé, dans le New York Magazine, le 9 novembre 2016, la façon dont Donald Trump avait réussi à être élu président en fédérant près de 59 millions d’électeurs « en rendant la haine intersectionnelle » grâce à une rhétorique à la fois antiféministe, homophobe et raciste.

L’historienne Christine Bard s’attache, en France, à retracer la généalogie de cette « intersectionnalité des haines » dont elle a formulé le concept. « La rhétorique masculiniste se greffe souvent à un récit plus large autour de la suprématie masculine, blanche et hétérosexuelle, que l’on trouve déjà au sein des mouvements fascistes de l’entre-deux-guerres, explique-t-elle. Par exemple, des discours antisémites des années 1930 présentent les hommes juifs comme les agents de la féminisation de la société, et les femmes juives comme les inventrices du féminisme. »

Un siècle plus tard, « l’antiféminisme a été intégré à la théorie du complot du “grand remplacement” », adoptée par de « nombreux courants de l’extrémisme de droite », note un rapport de l’agence européenne de police criminelle Europol, publié en 2020. Eric Zemmour en a fait, en 2022, un slogan de campagne. Cette thèse complotiste et xénophobe prétend que des élites mondialisées s’emploieraient à faciliter l’arrivée d’immigrés en Europe. Selon cette théorie, « le féminisme aurait été inventé pour détourner les femmes de leur rôle “naturel” de mère et, par conséquent, est tenu pour responsable de la baisse des taux de natalité dans les pays occidentaux, ce qui permet aux immigrés de devenir majoritaires plus rapidement », précise le rapport d’Europol.

Cette convergence des haines est prise très au sérieux par l’agence, qui dresse la liste des attentats dont les motivations croisent à la fois « antiféminisme, racisme, autoritarisme et xénophobie ». Ainsi le terroriste Anders Breivik, auteur du massacre de 76 jeunes Norvégiens, en 2011, a-t-il revendiqué la supériorité de la population masculine blanche occidentale chrétienne face à la « féminisation de la culture européenne » et à la volonté d’« émasculer le mâle européen ». De même, les auteurs des attentats de Christchurch (Nouvelle-Zélande), de Halle (Allemagne) en 2019 et de Hanau (Allemagne) en 2020 ont exprimé « explicitement » de « la frustration sexuelle » et des « opinions misogynes ».

Peut-on – et comment – désamorcer cette mécanique infernale ? En 2017, la philosophe Olivia Gazalé analysait, dans Le Mythe de la virilité. Un piège pour les deux sexes­ (Robert Laffont), la façon dont les sociétés contemporaines demeurent prisonnières d’archétypes nés dans l’Antiquité, qui piègent les femmes, victimes de représentations légitimant la domination masculine, mais aussi les hommes, « sommés de se conformer à des canons virils coercitifs et discriminatoires » et contraints de « devoir sans cesse prouver et confirmer qu’ils sont bien des hommes ».

Sortir de ce piège est possible, à condition « non plus d’en rendre responsables les femmes et le féminisme, mais d’accepter de reconnaître tout un système de normes inégalitaires et le remettre en cause », affirme le politiste Francis Dupuis-Déri, qui a publié en 2023 Les Hommes et les Féminismes. Faux amis, poseurs ou alliés ? (Textuel). Pour y parvenir, « il faut avant tout en finir avec les analyses psychologisantes qui conduisent à inverser la victimisation, prévient Christine Bard. Certes, le masculinisme se nourrit des angoisses de la modernité, des peurs sociales, des injustices économiques, mais quand des hommes s’y engagent, ils ne le font pas par peur. Ils sont mus par la haine, particulièrement la haine des femmes qui revendiquent l’égalité. Ils le font convaincus de leur droit de le faire et de leur supériorité. »

La solution passe par l’éducation, car « on ne sortira de ce mal profond qu’en amenant les hommes à déconstruire leurs préjugés, à développer une conscience féministe. C’est en partie un enjeu d’accès à la connaissance », ajoute l’historienne, qui s’y emploie en préparant pour 2027 l’ouverture d’un futur Musée des féminismes, à l’université d’Angers.

Le travail est immense. Avec plus d’un tiers des personnes interrogées qui pensent encore que les inégalités sont dues à une différence naturelle, le Haut Conseil à l’égalité relève une large méconnaissance conduisant à une « véritable “éducation” au sexisme (…), pas forcément conscientisée ». L’institution appelle l’Etat à mener une « action publique forte, continue et globale », en particulier dans l’éducation, l’espace numérique et l’exercice de la justice. Le chantier reste à ouvrir.

Claire Legros
Et sur le même thème :

Partout un fossé potentiellement dramatique se creuse entre les jeunes femmes et les jeunes hommes.
« Les jeunes femmes sont de plus en plus progressistes, tandis que les hommes du même âge penchent du côté conservateur »
Spoiler : article : 
La guerre des générations n’est pas celle que l’on croit. Elle n’a pas lieu entre les plus de 50 ans étiquetés « boomeurs » et les moins de 25 ans, mais au sein de la jeunesse elle-même, entre les deux sexes. Une série d’études et d’enquêtes publiées dans la presse anglo-saxonne ont ausculté ce déroutant phénomène.

On pourrait le résumer ainsi : les filles sont de plus en plus progressistes, tandis que les garçons du même âge penchent de plus en plus du côté conservateur. Un sondage de l’institut Gallup dévoilé par le Financial Times, le 26 janvier, révèle ainsi que les Américaines de 18 à 30 ans sont de 30 points plus libérales (au sens américain, c’est-à-dire de gauche) que leurs homologues masculins. Il y a six ans, cet écart tant culturel que politique n’existait pas. Il est de 30 points également en Allemagne et de 25 points au Royaume-Uni, il n’a pas d’équivalent chez les plus âgés et n’est pas propre aux Occidentaux : il est tout aussi prégnant en Corée du Sud, en Chine ou en Tunisie, souligne le quotidien, analysant une série de données sur le sujet. Partout, un fossé potentiellement dramatique se creuse entre les jeunes femmes et les jeunes hommes.

Il est en partie le fruit, sans doute, de #metoo. Ce mouvement n’a pas seulement libéré la parole féminine à l’égard du harcèlement, il a légitimé le sentiment d’injustice éprouvé par celles qui n’hésitent plus à l’exprimer. S’ajoute à cela la fracture éducationnelle. Les positions progressistes tendent à augmenter avec les années d’études. Or, les Européennes de 25 à 34 ans sont désormais plus diplômées du supérieur que les Européens du même âge : 46 % contre 35 %, selon Eurostat.

En dépit de ces progrès, les inégalités entre les sexes restent pourtant fortes. En 2022, le salaire moyen des Françaises était de 23,5 % inférieur à celui des Français. La responsabilité de 80 % des familles monoparentales dans notre pays incombe aux mères ; 20 % des femmes – et 34 % lorsqu’elles ont des enfants – tombent dans la pauvreté au moment du divorce, contre 8 % des hommes, montre une étude publiée par la Fondation des femmes, le 14 mars. Les retraites des femmes sont 28 % plus basses que celles des hommes, et même 40 %, si l’on exclut les pensions de réversion.

Cela n’empêche pas le « backlash », le « retour de bâton » émanant de certains hommes à l’égard de l’émancipation des femmes. En témoigne l’essor des mouvements masculinistes, prônant une conception viriliste du monde et du couple. Pis, ce fossé de valeurs entre les jeunes a déjà des conséquences palpables dans l’arène politique.

En Allemagne, en France, les hommes de moins de 30 ans se tournent plus vers les mouvements d’extrême droite que leurs aînés, souligne The Economist du 13 mars. L’hebdomadaire britannique rappelle également un chiffre : 72 % des jeunes Américaines qui ont voté aux élections législatives de 2022 ont soutenu le candidat démocrate, contre 54 % des jeunes hommes. En 2008, l’écart était quasi nul. Au Portugal, le parti de droite populiste Chega a prospéré aux législatives du 10 mars grâce au soutien massif de jeunes électeurs peu instruits.

Tout se passe comme si certains des travailleurs de moins de 30 ans s’estimant perdants de la mondialisation, peu diplômés, issus des régions industrielles en déshérence, tournaient désormais leur ressentiment contre les femmes – en particulier celles éduquées et émancipées. Difficile, dès lors, de ne pas penser à cette phrase que la militante féministe Claudine Monteil attribue à Simone de Beauvoir : « Il suffira d’une crise politique, économique et religieuse, pour que les droits des femmes, nos droits, soient remis en question. Votre vie durant, vous devrez demeurer vigilante. »

Les figures politiques comme Donald Trump prospèrent déjà sur la colère de ces jeunes hommes ; le droit à l’avortement recule aux Etats-Unis, il est menacé en Italie. La mécanique susceptible d’éroder des décennies d’émancipation féminine et de marche vers l’égalité se met en place sous nos yeux, au sein même des démocraties. La vigilance beauvoirienne est de mise. Pas sûr qu’elle suffise.

Marie Charrel
Pour rebondir sur cet article, aujourd'hui dans le secteur paramédical on voit de plus en plus d'hommes,et c'est bien que les métiers se diversifient,

Ça c'est pour le point positif,

Pour le point négatif j'ai observé un peu la même chose que mon mari,des collègues émues parce qu'elles voient des hommes effectuer des tâches ménagères incombant aux fiches de postes,

Et ce sont des personnes jeunes,ça illustre bien l'article,ça m'as fait de suite penser a mon boulot,

Ça me laisse pensive sur effectivement un recul dans la jeune génération,où alors a ce niveau là ça n'as jamais trop progressé :? Un peu des deux sans doute.

Et ça laisse en plus de ça,effectivement un goût négatif sur ce qu'il se passe en coulisses,c'est a dire le partage des tâches,comme l'avait mentionné Hazufel plus haut :?

En tout cas C3PO merci pour cet article très intéressant :bravo:
Diagnostic TSA avec suspicion de TDA associé,trouble anxio-dépressif de type épuisement.

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Ostara
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Re: [Index Sociologie] Le racisme/sexisme...

Message par Ostara »

Sinon je note régulièrement aussi que certains quand ils sont en binôme avec une collègue féminine,partent faire une tâche qui leurs semblent plus agréable,et laisse a la collègue féminine le travail qui relève de l'entretien.

Mais bon il y a une forme d'indulgence envers eux (je n'ai rien contre l'indulgence oublier,ne pas avoir le temps, ça peut arriver,mais l'indulgence selon le genre non),

"Oui mais tu comprend aussi c'est dur pour lui le nettoyage,ça lui vient pas a l'idée,c'est un mec,ils sont pas comme nous."

Comment ça pas comme nous ?nous on a la notice de l'aspirateur dans une zone du cerveau?faire le nettoyage c'est dans notre ADN?

Enfin tout ça pour dire que je ne suis pas surprise de cet article.
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hazufel
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Re: [Index Sociologie] Le racisme/sexisme...

Message par hazufel »

Ostara a écrit : mercredi 22 mai 2024 à 17:05 Sinon je note régulièrement aussi que certains quand ils sont en binôme avec une collègue féminine,partent faire une tâche qui leurs semblent plus agréable,et laisse a la collègue féminine le travail qui relève de l'entretien.

Mais bon il y a une forme d'indulgence envers eux (je n'ai rien contre l'indulgence oublier,ne pas avoir le temps, ça peut arriver,mais l'indulgence selon le genre non),

"Oui mais tu comprend aussi c'est dur pour lui le nettoyage,ça lui vient pas a l'idée,c'est un mec,ils sont pas comme nous."

Comment ça pas comme nous ?nous on a la notice de l'aspirateur dans une zone du cerveau?faire le nettoyage c'est dans notre ADN?

Enfin tout ça pour dire que je ne suis pas surprise de cet article.
Je ne suis pas du tout étonnée :-(
Et il faut toujours s'insurger contre les remarques telles que celles que tu rapportes : "ils ne sont pas comme nous" :roll:
Non, mais ils peuvent passer la serpillère de la même façon...

Et suis aussi très contrariée lorsqu'on cantonne les hommes à un rang dit "viril", qui n'a pas de sens véritable.

Comme l'évoque l'article du Monde dans :
"En 2017, la philosophe Olivia Gazalé analysait, dans Le Mythe de la virilité. Un piège pour les deux sexes­ (Robert Laffont), la façon dont les sociétés contemporaines demeurent prisonnières d’archétypes nés dans l’Antiquité, qui piègent les femmes, victimes de représentations légitimant la domination masculine, mais aussi les hommes, « sommés de se conformer à des canons virils coercitifs et discriminatoires » et contraints de « devoir sans cesse prouver et confirmer qu’ils sont bien des hommes »."
Spoiler : 
Dans mon domaine professionnel, la population féminine est beaucoup plus importante que la masculine.
Et certaines, dès lors qu'une tâche est classée pour la plupart dans la case masculine, s'empresse d'aller chercher un des hommes de la boite pour la mettre en œuvre.
Par exemple pour porter un carton, changer une ampoule, démonter un truc avec un tournevis... (et que certains gars ne savent pas bricoler du tout...) :roll:
Alors que nombre de filles dans la boite savent très bien le faire...
Il faut absolument décloisonner toutes ses fonctions.
Modifié en dernier par hazufel le mercredi 22 mai 2024 à 17:53, modifié 2 fois.
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user6539
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Re: [Index Sociologie] Le racisme/sexisme...

Message par user6539 »

hazufel a écrit : mercredi 22 mai 2024 à 15:09
Spoiler : 
C3PO a écrit :La majorité des hommes préférant un manager homme ont moins de 35 ans
Merci à toi pour cet article très édifiant :(
Il faut absolument combattre ces mythes et réinstaurer les égalités de valeurs chez tous les jeunes qu'on côtoie.
Spoiler : 
Mon fils ainé a eu deux cheffes chez Safran Défense et à la DGAC, elles valaient "10 bonshommes pour lui" :lol: des méga manageuses qui lui ont beaucoup appris, autant dans la valeur travail que dans celle d'équipe, en plus dans des domaines très pointus, auparavant rompus aux hommes.
Article de Libé - C3PO a écrit :C’est un changement de paradigme intéressant qui n’a pas encore de réelle explication. On remarque chez les jeunes un retour à la spiritualité, à certaines croyances qui ne sont pas toujours les plus traditionnelles et qui appellent à des visions qui ne sont pas les plus progressistes. Une des hypothèses pour expliquer cela serait un besoin de réassurance dans un monde où les crises se succèdent et où l’incertitude prédomine. Pour cela, cette jeunesse se rattacherait à des lectures du monde plus anciennes, mais rassurantes.
En complément, dans le Monde du mois dernier, qui tente également de trouver les raisons de ce regain :
article le Monde a écrit :L’homme serait-il perpétuellement en crise ? C’est le constat de l’anthropologue Mélanie Gourarier, pour qui « la peur de la dilution du mâle est un puits sans fond au regard de l’histoire ». Si cette inquiétude est récurrente, souligne-t-elle, c’est qu’elle a une fonction sociale et politique : « La masculinité tire sa force et sa capacité de reproduction de la menace de sa perte. » Répéter qu’elle est menacée de disparaître à cause des femmes et de l’indifférenciation des sexes serait une manière de la réaffirmer constamment, comme un discours normatif pour « réinstituer la différenciation et l’asymétrie entre les hommes et les femmes », et remettre en cause du même coup le projet d’égalité.

«A chaque fois qu’on dit que les femmes dominent les hommes, on dit dans le même souffle que les hommes doivent reprendre leur position de domination millénaire, et les femmes revenir aux tâches qui leur sont assignées, celles qui relèvent de la sphère privée, de la douceur, du soin des autres et du silence », confirme Francis Dupuis-Déri, qui voit dans cette rhétorique un « mythe tenace au service d’une stratégie de résistance à l’émancipation des femmes ».
Inquiétant regain de masculinisme, cette pensée réactionnaire aux origines millénaires
Spoiler : Article : 
Ce contre-mouvement au féminisme s’appuie sur le mythe d’une « crise de la masculinité » pour défendre le modèle inégalitaire des rapports entre les femmes et les hommes.

C’est un mouvement diffus, mais têtu. Une réalité dérangeante six ans après les débuts de la révolution #metoo. Alors que les jeunes femmes adhèrent de plus en plus aux valeurs progressistes, les hommes du même âge ont tendance à se tourner vers des idées conservatrices. A partir de données de plus d’une vingtaine de pays, un article du Financial Times a mis en évidence la progression, depuis six ans, d’un « fossé idéologique » de 30 points environ entre les filles et les garçons de la génération Z, notamment sur les questions d’égalité.

La France n’est pas épargnée par cet inquiétant phénomène. L’alerte a été donnée en janvier par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Les résultats de son Baromètre annuel du sexisme rapportent, là aussi, un écart de près de 30 points entre les femmes et les hommes de moins de 35 ans, sur la perception des inégalités dans la famille (28 points) comme dans la rue ou les transports (27 points). « Le clivage se confirme et se polarise », s’alarment les auteurs du rapport, qui constatent que « plus l’engagement en faveur de femmes s’exprime dans le débat public, plus la résistance s’organise ». Ils s’inquiètent notamment de la progression des « réflexes masculinistes et comportements machistes (…) chez les jeunes hommes adultes » : 28 % des 25-34 ans estiment que « les hommes sont davantage faits pour être patrons » (contre 9 % des 50-64 ans) ; 52 % pensent qu’on « s’acharne sur les hommes ».

Les féministes connaissent bien ce phénomène de backlash (« retour de bâton »), mis en lumière par la journaliste américaine Susan Faludi pour décrire la montée en puissance d’un contre-mouvement après une avancée féministe. Depuis #metoo, nombreux sont ceux qui questionnent leur identité masculine et remettent en cause le modèle dominant dans lequel ils ont grandi. Mais un antiféminisme décomplexé s’est aussi imposé dans l’espace médiatique.

En quelques années se sont multipliés les vidéos et les « podcasts bros », ces émissions entre hommes où l’on parle de muscles, de sport, de conseils de séduction, mais aussi des femmes de manière souvent dégradante et caricaturale, accusées d’avoir pris trop de pouvoir. Pour reconquérir leur place sociale, de jeunes hommes y apprennent à se former à des méthodes de séduction viriles sur le modèle du « mâle alpha », stéréotype d’une masculinité dominante.

Ces discours fédèrent une « communauté très organisée d’hommes qui vont se solidariser et agir ensemble », décrit l’anthropologue Mélanie Gourarier, qui leur a consacré sa thèse, Alpha mâles. Séduire les femmes pour s’apprécier entre hommes, publiée au Seuil en 2017. Le déchaînement de haine en ligne dont l’actrice américaine Amber Heard a été la cible dans la bataille judiciaire qui l’a opposée, en 2022, à son ex-compagnon, l’acteur Johnny Depp, a mis en lumière le poids médiatique de ces réseaux.

A la faveur des algorithmes, les représentations qui circulent au sein de cette « manosphère » se diffusent dans la société, en particulier chez les plus jeunes. En créant un compte sur le réseau social TikTok avec le profil d’un adolescent un peu fragile et déprimé, la journaliste Pauline Ferrari, autrice de Formés à la haine des femmes (JC Lattès, 2023), a vu, en un quart d’heure, son fil d’actualité inondé de contenus agressifs à l’égard des femmes.

Le masculinisme ? Le mot s’est imposé dans le débat public depuis les années 2000 pour désigner les manifestations de résistance au féminisme qui prétendent que les femmes dominent désormais les hommes, lesquels doivent défendre leurs droits et restaurer leur identité masculine. Ce « contre-mouvement, centré sur la victimisation des hommes », selon la définition des chercheurs québécois Mélissa Blais et Francis Dupuis-Déri, peut prendre des formes variées, plus ou moins exacerbées. « Le discours use plutôt d’euphémismes, en disant, par exemple, que le féminisme est allé trop loin, que les hommes ne peuvent plus rien faire ou dire, qu’il faut un rééquilibrage… », précise Francis Dupuis-Déri, auteur de La Crise de la masculinité. Autopsie d’un mythe tenace (Remue-Ménage, 2018).

L’anthropologue Mélanie Gourarier a élargi la notion à « tout groupe organisé autour de la défense de la “cause des hommes” » dans une confrontation avec le féminisme et les femmes ». « Le risque serait d’appréhender le phénomène comme limité à certains milieux, alors qu’il représente une pensée majoritaire et que ses valeurs restent très présentes dans la société », prévient-elle.

De fait, le masculinisme « s’inscrit pleinement dans l’héritage d’un antiféminisme dont l’origine est aussi ancienne que celle du mouvement féministe, voire la précède », affirme l’historienne Christine Bard, codirectrice de l’ouvrage collectif Antiféminismes et masculinismes d’hier et d’aujourd’hui (PUF, 2019). Le terme apparaît d’ailleurs à la fin du XIXe siècle sous la plume des pionnières du mouvement féministe, qui l’inventent en même temps que le mot « féminisme ». La journaliste Hubertine Auclert (1848-1914) l’utilise pour décrire « l’égoïsme masculin qui pousse les hommes à agir en défense de leur intérêt particulier », rapporte Denis Carlier, doctorant en science politique et en histoire qui termine une thèse sur le sujet.

Durant le XXe siècle, pourtant, le sens du mot reste instable. Considéré à plusieurs reprises comme un néologisme, le terme recouvre des significations diverses et parfois contradictoires. Cette variabilité lexicale met en relief les lignes de front de batailles politiques.

Encore aujourd’hui, l’usage du mot ne fait pas l’unanimité au sein des milieux universitaires. Ainsi la philosophe Geneviève Fraisse préfère parler de « résistance au féminisme », qui est plus politique : « Le masculinisme renvoie à une identité et défend, au nom des droits des hommes, une structure inégalitaire, là où le féminisme pose d’entrée de jeu la question politique de la liberté et de l’égalité, repères de la démocratie. » « Aujourd’hui encore, sa signification reste plurielle, et le mot n’a pas exactement le même sens en français qu’en anglais, où il désigne l’idéologie patriarcale », note le politiste Francis Dupuis-Déri.

Si la définition diffère d’une langue à l’autre, elle s’appuie sur un récit commun, celui d’une « crise de la masculinité » dont seraient responsables la féminisation de la société et la dilution de la différenciation des sexes. « Ce discours est régulièrement convoqué pour expliquer tout et son contraire, quel que soit le pays, constate Francis Dupuis-Déri. Les difficultés des garçons à l’école, celles des hommes dans le mariage, le refus des tribunaux d’accorder la garde des enfants au père divorcé, et même des phénomènes complexes comme l’immigration, les émeutes, le terrorisme ou la guerre. »

A partir des années 1970, cette crise, en France, est ainsi mise en avant par le mouvement de défense de pères divorcés qui dénoncent ce qu’ils considèrent comme des injustices subies de la part d’un système judiciaire confiant plus volontiers les enfants aux femmes. « C’est en 1969, quelques mois après “l’affaire de Cestas”, qu’une première association, la Didhem (Défense des intérêts des divorcés hommes et de leurs enfants mineurs), voit le jour à Grenoble », précise Gwénola Sueur, doctorante en sociologie, qui a consacré un mémoire de recherche à cette affaire et à son usage.

Dans le village de Cestas (Gironde), un conducteur de travaux de 38 ans s’est retranché dans sa ferme après avoir enlevé ses enfants. Il exige le retour de sa femme, dont il est divorcé depuis trois ans, « pour qu’elle crève et elle crèvera », écrit-il. Face au refus de son ex-épouse, il tue un gendarme au cours du siège puis abat deux de ses enfants avant de se suicider. Insultée par la foule, leur mère devra être protégée par les forces de l’ordre pour venir se recueillir sur leur tombe.

Dans les mois qui suivent, l’affaire de Cestas va inspirer plusieurs féminicides et suicides d’hommes ainsi que des menaces de passage à l’acte. « Elle devient le symbole de ce que certains journaux appellent le “drame” des pères face à l’augmentation des divorces. Cette couverture médiatique permet à des membres du mouvement de perpétuer un discours victimaire », souligne Gwénola Sueur.

Pour l’historienne Christine Bard, ce mouvement s’inscrit en « parfaite synchronie avec l’émergence de la deuxième vague des mouvements féministes » et constitue « le point d’origine d’une contre-offensive au mouvement d’émancipation des femmes, qui s’accélère dans les années 1960 ». En quelques années, elles ont accédé massivement aux études supérieures et au monde du travail, obtenu de se réapproprier le contrôle de leur corps avec la légalisation de la pilule en 1967 ; des réformes profondes du droit de la famille annoncent le partage de l’autorité parentale (1970) et, bientôt, le divorce par consentement mutuel (1975). « Dans ce contexte où les mentalités changent, où l’égalité devient un principe légitime de réforme du droit, les hommes perdent le contrôle des femmes, et certains d’entre eux s’y opposent, constate l’historienne. Le forcené de Cestas estime qu’il a un droit de vie ou de mort sur son épouse et ses enfants. »

De l’autre côté de l’Atlantique, le même récit de crise est mobilisé après le massacre de quatorze femmes, élèves ou salariées de l’Ecole polytechnique de Montréal, au Québec, le 6 décembre 1989. Le tueur déclare dans une lettre haïr les femmes et tenir les féministes responsables d’avoir « ruiné [sa] vie » parce qu’elles cherchent à « conserver les avantages des femmes (…) tout en s’accaparant ceux des hommes ».

Si l’attentat choque profondément l’opinion, très vite « la thèse d’une souffrance masculine est largement médiatisée. Des éditorialistes et des psychologues expliquent que la situation n’est pas facile pour les hommes car les féministes ont pris beaucoup de place », souligne Francis Dupuis-Déri. La tuerie fait aussi l’objet d’une fascination morbide chez certains hommes, qui partagent sur des forums en ligne leurs expériences malheureuses avec des femmes. Ils se définissent comme « incels » (contraction de involuntary celibate en anglais), c’est-à-dire « célibataires involontaires », une situation dont ils rendent responsables les femmes et le féminisme.

En tentant de dater précisément l’origine de ce récit victimaire, le chercheur se souvient d’avoir connu une « sorte de choc intellectuel » lorsqu’il a découvert que la rhétorique de la crise de la masculinité traverse l’histoire. « Quel que soit le régime politique ou économique, quel que soit le contexte culturel et religieux, les droits des femmes ou de la famille, on retrouve à différentes époques le même discours de souffrance des hommes qui se considèrent dominés par les femmes jusque dans la Rome antique », constate le politiste.

Les premières traces datent, en effet, de l’Antiquité. En Grèce, un texte d’Aristote accuse violemment les femmes d’avoir institué une gynocratie (régime politique où les femmes détiennent le pouvoir) et les considère responsables de l’échec du projet politique de Sparte à cause de leur amour de l’argent. Quelques années plus tard, c’est à Rome que le politicien Caton l’Ancien s’alarme d’une manifestation de femmes réclamant l’autorisation de conduire des chars. Il y voit le signe de la toute-puissance des épouses. Dans les deux cas, les femmes n’ont alors aucun droit politique.

La rhétorique de la « crise de la masculinité » ponctue aussi l’histoire de la littérature qui, notamment aux XVIe et XVIIe siècles, met volontiers en scène des hommes mariés souffrant de la domination de leur épouse, pourtant dépendante de leur conjoint. A partir de la Révolution, la notion de citoyenneté renouvelle les discours hostiles à l’émancipation des femmes. « L’idée d’un danger de “confusion des sexes”, induite par la démocratie et l’égalité, s’installe chez les républicains », explique la philosophe Geneviève Fraisse, dont l’ouvrage Muse de la raison. Démocratie et exclusion des femmes en France (Gallimard, 1989, rééd. en 2019) retrace l’éviction des femmes du projet démocratique de la Révolution. « Au début du XIXe siècle, l’écrivain Etienne Pivert de Senancour affirme, par exemple, que l’égalité met en péril l’existence même de l’amour, faute d’altérité, car les sexes vont se confondre. Il est intéressant de voir que cette même crainte a ressurgi quasiment à l’identique au début du XXIe siècle dans les rangs de La Manif pour tous, en réponse aux revendications queer et trans. »

L’homme serait-il perpétuellement en crise ? C’est le constat de l’anthropologue Mélanie Gourarier, pour qui « la peur de la dilution du mâle est un puits sans fond au regard de l’histoire ». Si cette inquiétude est récurrente, souligne-t-elle, c’est qu’elle a une fonction sociale et politique : « La masculinité tire sa force et sa capacité de reproduction de la menace de sa perte. » Répéter qu’elle est menacée de disparaître à cause des femmes et de l’indifférenciation des sexes serait une manière de la réaffirmer constamment, comme un discours normatif pour « réinstituer la différenciation et l’asymétrie entre les hommes et les femmes », et remettre en cause du même coup le projet d’égalité.

« A chaque fois qu’on dit que les femmes dominent les hommes, on dit dans le même souffle que les hommes doivent reprendre leur position de domination millénaire, et les femmes revenir aux tâches qui leur sont assignées, celles qui relèvent de la sphère privée, de la douceur, du soin des autres et du silence », confirme Francis Dupuis-Déri, qui voit dans cette rhétorique un « mythe tenace au service d’une stratégie de résistance à l’émancipation des femmes ».
Lire aussi l’enquête (2020) | Article réservé à nos abonnés Le souci de l’autre, un retour de l’éthique du « care »

Résolument essentialiste, la pensée masculiniste défend, en effet, une conception statique de la masculinité, qu’elle réduit à une « masculinité hégémonique », selon le concept développé par la sociologue australienne Raewyn Connell, c’est-à-dire en position dominante, non seulement par rapport aux femmes mais aussi au sein même du groupe des hommes. Elle tourne ainsi le dos aux nombreux travaux scientifiques qui ont, ces dernières années, profondément renouvelé les cadres théoriques de l’étude sociale des hommes. En insistant sur la réalité de masculinités plurielles, ils ont mis à mal l’idée d’une masculinité universelle confondue avec les attributs traditionnels de la virilité. L’une et l’autre, en effet, n’ont cessé de se recomposer, comme l’a montré la somme monumentale sur l’Histoire de la virilité codirigée par Georges Vigarello, Alain Corbin et Jean-Jacques Courtine (Seuil, 2011).

On ne s’étonnera pas, dans ce contexte, que ce courant réactionnaire prospère sur le terreau fertile des mouvements conservateurs et populistes, sur lesquels il s’appuie autant qu’il les renforce. Le journaliste afro-américain Rembert Browne a analysé, dans le New York Magazine, le 9 novembre 2016, la façon dont Donald Trump avait réussi à être élu président en fédérant près de 59 millions d’électeurs « en rendant la haine intersectionnelle » grâce à une rhétorique à la fois antiféministe, homophobe et raciste.

L’historienne Christine Bard s’attache, en France, à retracer la généalogie de cette « intersectionnalité des haines » dont elle a formulé le concept. « La rhétorique masculiniste se greffe souvent à un récit plus large autour de la suprématie masculine, blanche et hétérosexuelle, que l’on trouve déjà au sein des mouvements fascistes de l’entre-deux-guerres, explique-t-elle. Par exemple, des discours antisémites des années 1930 présentent les hommes juifs comme les agents de la féminisation de la société, et les femmes juives comme les inventrices du féminisme. »

Un siècle plus tard, « l’antiféminisme a été intégré à la théorie du complot du “grand remplacement” », adoptée par de « nombreux courants de l’extrémisme de droite », note un rapport de l’agence européenne de police criminelle Europol, publié en 2020. Eric Zemmour en a fait, en 2022, un slogan de campagne. Cette thèse complotiste et xénophobe prétend que des élites mondialisées s’emploieraient à faciliter l’arrivée d’immigrés en Europe. Selon cette théorie, « le féminisme aurait été inventé pour détourner les femmes de leur rôle “naturel” de mère et, par conséquent, est tenu pour responsable de la baisse des taux de natalité dans les pays occidentaux, ce qui permet aux immigrés de devenir majoritaires plus rapidement », précise le rapport d’Europol.

Cette convergence des haines est prise très au sérieux par l’agence, qui dresse la liste des attentats dont les motivations croisent à la fois « antiféminisme, racisme, autoritarisme et xénophobie ». Ainsi le terroriste Anders Breivik, auteur du massacre de 76 jeunes Norvégiens, en 2011, a-t-il revendiqué la supériorité de la population masculine blanche occidentale chrétienne face à la « féminisation de la culture européenne » et à la volonté d’« émasculer le mâle européen ». De même, les auteurs des attentats de Christchurch (Nouvelle-Zélande), de Halle (Allemagne) en 2019 et de Hanau (Allemagne) en 2020 ont exprimé « explicitement » de « la frustration sexuelle » et des « opinions misogynes ».

Peut-on – et comment – désamorcer cette mécanique infernale ? En 2017, la philosophe Olivia Gazalé analysait, dans Le Mythe de la virilité. Un piège pour les deux sexes­ (Robert Laffont), la façon dont les sociétés contemporaines demeurent prisonnières d’archétypes nés dans l’Antiquité, qui piègent les femmes, victimes de représentations légitimant la domination masculine, mais aussi les hommes, « sommés de se conformer à des canons virils coercitifs et discriminatoires » et contraints de « devoir sans cesse prouver et confirmer qu’ils sont bien des hommes ».

Sortir de ce piège est possible, à condition « non plus d’en rendre responsables les femmes et le féminisme, mais d’accepter de reconnaître tout un système de normes inégalitaires et le remettre en cause », affirme le politiste Francis Dupuis-Déri, qui a publié en 2023 Les Hommes et les Féminismes. Faux amis, poseurs ou alliés ? (Textuel). Pour y parvenir, « il faut avant tout en finir avec les analyses psychologisantes qui conduisent à inverser la victimisation, prévient Christine Bard. Certes, le masculinisme se nourrit des angoisses de la modernité, des peurs sociales, des injustices économiques, mais quand des hommes s’y engagent, ils ne le font pas par peur. Ils sont mus par la haine, particulièrement la haine des femmes qui revendiquent l’égalité. Ils le font convaincus de leur droit de le faire et de leur supériorité. »

La solution passe par l’éducation, car « on ne sortira de ce mal profond qu’en amenant les hommes à déconstruire leurs préjugés, à développer une conscience féministe. C’est en partie un enjeu d’accès à la connaissance », ajoute l’historienne, qui s’y emploie en préparant pour 2027 l’ouverture d’un futur Musée des féminismes, à l’université d’Angers.

Le travail est immense. Avec plus d’un tiers des personnes interrogées qui pensent encore que les inégalités sont dues à une différence naturelle, le Haut Conseil à l’égalité relève une large méconnaissance conduisant à une « véritable “éducation” au sexisme (…), pas forcément conscientisée ». L’institution appelle l’Etat à mener une « action publique forte, continue et globale », en particulier dans l’éducation, l’espace numérique et l’exercice de la justice. Le chantier reste à ouvrir.

Claire Legros
Et sur le même thème :

Partout un fossé potentiellement dramatique se creuse entre les jeunes femmes et les jeunes hommes.
« Les jeunes femmes sont de plus en plus progressistes, tandis que les hommes du même âge penchent du côté conservateur »
Spoiler : article : 
La guerre des générations n’est pas celle que l’on croit. Elle n’a pas lieu entre les plus de 50 ans étiquetés « boomeurs » et les moins de 25 ans, mais au sein de la jeunesse elle-même, entre les deux sexes. Une série d’études et d’enquêtes publiées dans la presse anglo-saxonne ont ausculté ce déroutant phénomène.

On pourrait le résumer ainsi : les filles sont de plus en plus progressistes, tandis que les garçons du même âge penchent de plus en plus du côté conservateur. Un sondage de l’institut Gallup dévoilé par le Financial Times, le 26 janvier, révèle ainsi que les Américaines de 18 à 30 ans sont de 30 points plus libérales (au sens américain, c’est-à-dire de gauche) que leurs homologues masculins. Il y a six ans, cet écart tant culturel que politique n’existait pas. Il est de 30 points également en Allemagne et de 25 points au Royaume-Uni, il n’a pas d’équivalent chez les plus âgés et n’est pas propre aux Occidentaux : il est tout aussi prégnant en Corée du Sud, en Chine ou en Tunisie, souligne le quotidien, analysant une série de données sur le sujet. Partout, un fossé potentiellement dramatique se creuse entre les jeunes femmes et les jeunes hommes.

Il est en partie le fruit, sans doute, de #metoo. Ce mouvement n’a pas seulement libéré la parole féminine à l’égard du harcèlement, il a légitimé le sentiment d’injustice éprouvé par celles qui n’hésitent plus à l’exprimer. S’ajoute à cela la fracture éducationnelle. Les positions progressistes tendent à augmenter avec les années d’études. Or, les Européennes de 25 à 34 ans sont désormais plus diplômées du supérieur que les Européens du même âge : 46 % contre 35 %, selon Eurostat.

En dépit de ces progrès, les inégalités entre les sexes restent pourtant fortes. En 2022, le salaire moyen des Françaises était de 23,5 % inférieur à celui des Français. La responsabilité de 80 % des familles monoparentales dans notre pays incombe aux mères ; 20 % des femmes – et 34 % lorsqu’elles ont des enfants – tombent dans la pauvreté au moment du divorce, contre 8 % des hommes, montre une étude publiée par la Fondation des femmes, le 14 mars. Les retraites des femmes sont 28 % plus basses que celles des hommes, et même 40 %, si l’on exclut les pensions de réversion.

Cela n’empêche pas le « backlash », le « retour de bâton » émanant de certains hommes à l’égard de l’émancipation des femmes. En témoigne l’essor des mouvements masculinistes, prônant une conception viriliste du monde et du couple. Pis, ce fossé de valeurs entre les jeunes a déjà des conséquences palpables dans l’arène politique.

En Allemagne, en France, les hommes de moins de 30 ans se tournent plus vers les mouvements d’extrême droite que leurs aînés, souligne The Economist du 13 mars. L’hebdomadaire britannique rappelle également un chiffre : 72 % des jeunes Américaines qui ont voté aux élections législatives de 2022 ont soutenu le candidat démocrate, contre 54 % des jeunes hommes. En 2008, l’écart était quasi nul. Au Portugal, le parti de droite populiste Chega a prospéré aux législatives du 10 mars grâce au soutien massif de jeunes électeurs peu instruits.

Tout se passe comme si certains des travailleurs de moins de 30 ans s’estimant perdants de la mondialisation, peu diplômés, issus des régions industrielles en déshérence, tournaient désormais leur ressentiment contre les femmes – en particulier celles éduquées et émancipées. Difficile, dès lors, de ne pas penser à cette phrase que la militante féministe Claudine Monteil attribue à Simone de Beauvoir : « Il suffira d’une crise politique, économique et religieuse, pour que les droits des femmes, nos droits, soient remis en question. Votre vie durant, vous devrez demeurer vigilante. »

Les figures politiques comme Donald Trump prospèrent déjà sur la colère de ces jeunes hommes ; le droit à l’avortement recule aux Etats-Unis, il est menacé en Italie. La mécanique susceptible d’éroder des décennies d’émancipation féminine et de marche vers l’égalité se met en place sous nos yeux, au sein même des démocraties. La vigilance beauvoirienne est de mise. Pas sûr qu’elle suffise.

Marie Charrel


Je te remercie pour ces articles qui complètent avec une richesse de détails et un développement bien plus approfondi. ))))

Il est essentiel de comprendre les dynamiques complexes et interconnectées qui sous-tendent les mouvements masculinistes toxiques, tout en situant ces idéologies dans un cadre historique et sociopolitique plus large. Ces mouvements, notamment ceux des incels, ne se contentent pas de promouvoir une vision rétrograde des relations de genre, mais s'inscrivent également dans des courants idéologiques plus vastes qui incluent des sentiments xénophobes, racistes et ultraconservateurs. Ils aspirent à une société où les inégalités sont non seulement tolérées, mais activement promues et maintenues.

Historiquement, les femmes ont été systématiquement exclues des sphères de pouvoir et reléguées à des rôles subordonnés et domestiques. En France, cette exclusion a été institutionnalisée à travers des siècles de lois et de pratiques discriminatoires. Par exemple, les femmes mariées n'avaient aucun statut légal indépendant de leur mari jusqu'à la réforme du Code Napoléon. Elles ne pouvaient ni posséder de propriété, ni signer de contrats, ni poursuivre en justice sans le consentement de leur époux. Cette situation reflétait une vision du monde patriarcale qui considérait les femmes comme intrinsèquement inférieures et inaptes à participer à la vie publique de manière égale aux hommes.

De manière similaire, les réformes économiques et sociales qui ont marqué l'ère industrielle ont souvent exacerbé les inégalités de genre. Les femmes, même lorsqu'elles travaillaient en dehors du foyer, étaient cantonnées à des emplois peu qualifiés et mal rémunérés, avec peu ou pas de perspectives d'avancement. Cette dynamique de subordination économique a été renforcée par des idéologies culturelles qui valorisaient la féminité domestique et la masculinité publique.

Dans ce contexte, il est crucial de comprendre comment les mouvements masculinistes contemporains, tels que les incels, perpétuent ces dynamiques historiques en les adaptant à un nouveau cadre sociétal. Ces groupes promeuvent une vision du monde où les femmes sont perçues non seulement comme subordonnées, mais comme des obstacles à l'accomplissement des hommes. Cette vision est alimentée par une série de croyances fallacieuses et de théories du complot, telles que le "grand remplacement", qui prétend que les populations autochtones seraient délibérément remplacées par des migrants. Ces théories, bien qu'infondées, trouvent malheureusement un écho dans un contexte de peur et d'incertitude économique et sociale.

Margaret Atwood, dans son œuvre "The Handmaid's Tale", dépeint une société dystopique où les droits des femmes sont non seulement restreints, mais où elles sont réduites à des fonctions reproductives et domestiques, sous le contrôle total d'une élite masculine. Cette dystopie reflète certaines des idéologies prônées par les groupes masculinistes, en particulier leur désir de retour à un ordre social perçu comme naturel, où les hommes dominent et les femmes sont subordonnées. Ce désir de contrôle et de subordination des femmes est également observable dans les sociétés contemporaines ultra-conservatrices, comme l'Iran, où les femmes sont soumises à des lois strictes qui régissent de nombreux aspects de leur vie, depuis leur code vestimentaire jusqu'à leur participation à la vie publique et politique.

Les mouvements masculinistes toxiques ne se contentent pas de promouvoir une vision rétrograde des relations de genre ; ils s'inscrivent également dans une opposition plus large à l'égalité des droits pour les migrants et les minorités ethniques. Cette intersectionnalité de l'oppression montre comment différentes formes de discrimination (sexisme, racisme, xénophobie) se renforcent mutuellement pour maintenir des structures de pouvoir inégalitaires. Les incels et autres masculinistes expriment souvent des sentiments anti-immigration, visant particulièrement les migrants musulmans, qu'ils accusent de menacer la culture occidentale. Ils utilisent des stéréotypes racistes pour justifier leur opposition aux minorités ethniques et aux migrants, prétendant protéger une identité nationale "pure" contre un soi-disant envahissement.

La montée de ces mouvements peut avoir des implications profondes pour les politiques publiques, en renforçant des législations restrictives et discriminatoires. Cela peut conduire à une société de plus en plus divisée et polarisée. On le constate actuellement, un phénomène en pleine ascension, où les idéologies extrémistes deviennent de plus en plus acceptables dans le discours public. Les politiques répressives promues par ces groupes peuvent aller à l'encontre des principes démocratiques d'égalité et de justice, exacerbant encore plus les divisions sociales et économiques.

En Iran, les femmes sont soumises à des lois strictes qui contrôlent de nombreux aspects de leur vie quotidienne. Elles doivent porter le hijab en public et respecter des normes vestimentaires sévères sous peine de sanctions. Leur participation à la vie publique et politique est sévèrement limitée. Par exemple, elles ne peuvent pas devenir présidentes et ont des difficultés accrues pour accéder à certains emplois et domaines d'étude. Les femmes ont besoin de la permission d'un tuteur masculin pour voyager à l'étranger, et leur mobilité interne peut également être restreinte. Les idéologies prônées par les incels et autres mouvements masculinistes toxiques partagent des similarités troublantes avec ces pratiques répressives. Ils désirent une société où les femmes seraient contrôlées par les hommes, limitant leur liberté et leur autonomie de manière similaire aux restrictions légales imposées aux femmes en Iran. N’est-ce pas un paradoxe?

Enfin, une chose demeure indubitable : s’extirper des griffes de l’endoctrinement, qu’il soit nourri par le complotisme, les groupes identitaires ou autres factions idéologiques, n’est point une entreprise aisée. Le cerveau humain, tel un navigateur cherchant un port sûr en pleine tempête, préfère souvent se réfugier dans des réponses simplistes et préfabriquées plutôt que de s’aventurer dans les eaux tumultueuses de véritables questionnements. Ces explications faciles offrent un baume illusoire, apaisant les angoisses cognitives par des certitudes apparentes. Elles réduisent l’incertitude et fournissent des récits clairs et directs pour expliquer des réalités souvent complexes. En revanche, s’engager dans une authentique quête de compréhension requiert un acte de bravoure intellectuelle, une ouverture à la complexité et une capacité à naviguer parmi les ombres de l’incertitude. Cette démarche exigerait une réflexion critique approfondie, une résilience face aux doutes et un esprit capable d’embrasser l’ambiguïté. Il n’est donc guère surprenant que beaucoup préfèrent les sirènes des certitudes fallacieuses aux rigueurs austères de la pensée critique et nuancée.
Ostara a écrit : mercredi 22 mai 2024 à 17:05 "Oui mais tu comprend aussi c'est dur pour lui le nettoyage,ça lui vient pas a l'idée,c'est un mec,ils sont pas comme nous."
Genre le gène de la serpillère ? :crazy:
Si seulement c’était si simple, il suffirait à CRISPR de programmer chez certains une passion pour le rangement et le nettoyage ! :lol:
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Re: [Index Sociologie] Le racisme/sexisme...

Message par Ostara »

hazufel a écrit : mercredi 22 mai 2024 à 17:29
Ostara a écrit : mercredi 22 mai 2024 à 17:05 Sinon je note régulièrement aussi que certains quand ils sont en binôme avec une collègue féminine,partent faire une tâche qui leurs semblent plus agréable,et laisse a la collègue féminine le travail qui relève de l'entretien.

Mais bon il y a une forme d'indulgence envers eux (je n'ai rien contre l'indulgence oublier,ne pas avoir le temps, ça peut arriver,mais l'indulgence selon le genre non),

"Oui mais tu comprend aussi c'est dur pour lui le nettoyage,ça lui vient pas a l'idée,c'est un mec,ils sont pas comme nous."

Comment ça pas comme nous ?nous on a la notice de l'aspirateur dans une zone du cerveau?faire le nettoyage c'est dans notre ADN?

Enfin tout ça pour dire que je ne suis pas surprise de cet article.
Je ne suis pas du tout étonnée :-(
Et il faut toujours s'insurger contre les remarques telles que celles que tu rapportes : "ils ne sont pas comme nous" :roll:
Non, mais ils peuvent passer la serpillère de la même façon...

Et suis aussi très contrariée lorsqu'on cantonne les hommes à un rang dit "viril", qui n'a pas de sens véritable.

Comme l'évoque l'article du Monde dans :
"En 2017, la philosophe Olivia Gazalé analysait, dans Le Mythe de la virilité. Un piège pour les deux sexes­ (Robert Laffont), la façon dont les sociétés contemporaines demeurent prisonnières d’archétypes nés dans l’Antiquité, qui piègent les femmes, victimes de représentations légitimant la domination masculine, mais aussi les hommes, « sommés de se conformer à des canons virils coercitifs et discriminatoires » et contraints de « devoir sans cesse prouver et confirmer qu’ils sont bien des hommes »."
Spoiler : 
Dans mon domaine professionnel, la population féminine est beaucoup plus importante que la masculine.
Et certaines, dès lors qu'une tâche est classée pour la plupart dans la case masculine, s'empresse d'aller chercher un des hommes de la boite pour la mettre en œuvre.
Par exemple pour porter un carton, changer une ampoule, démonter un truc avec un tournevis... (et que certains gars ne savent pas bricoler du tout...) :roll:
Alors que nombre de filles dans la boite savent très bien le faire...
Il faut absolument décloisonner toutes ses fonctions.
Oui je suis d'accord il faut décloisonner toutes ces fonctions: mon mari par exemple a horreur du bricolage,et ce n'est pas un domaine dans lequel il est a l'aise,moi non plus d'ailleurs,je déteste bricoler,on s'y met a deux pour les réparations complexes,on sait changer une ampoule,se servir d'un tournevis :mrgreen: mais on est pas manuels du tout a ce niveau là ni l'un ni l'autre :lol:

Bien la preuve encore que ce n'est pas une question de genre mais simplement de préfèrences personnelles^^

Pour le "ils sont pas comme nous" je précise qu'elle pensais qu'un homme ne se disais pas de lui même qu'il faut nettoyer quelques chose de sale alors que ça serait évident pour nous :roll:

Mais oui le sexisme on le sent bien dans le quotidien malheureusement :(
Diagnostic TSA avec suspicion de TDA associé,trouble anxio-dépressif de type épuisement.

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Re: [Index Sociologie] Le racisme/sexisme...

Message par Ostara »

Genre le gène de la serpillère ? :crazy:
Si seulement c’était si simple, il suffirait à CRISPR de programmer chez certains une passion pour le rangement et le nettoyage ! :lol:
Fini le sexisme avec CRISPR :lol:
Diagnostic TSA avec suspicion de TDA associé,trouble anxio-dépressif de type épuisement.

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hazufel
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Re: [Index Sociologie] Le racisme/sexisme...

Message par hazufel »

Comme le thème du masculinisme a été abordé ici, je place ça ici, mais ça peut aussi aller ailleurs (je ne sais pas où :innocent: )

Chronique matin France Culture - Un monde connecté - Tibo InShape - Travail Famille Patrie et Youtube

En ne faisant pas attention au titre, on pourrait penser à la lecture des premières lignes, que les conseils pour se réapproprier son corps pourraient être intéressants et bons à prendre, mais ça vire au cauchemar très rapidement...
Et lorsqu'on lit qu'il compte presque 19 millions d'abonnés :hotcry: je sens que le plongeon en grand désespoir est imminent.
Dimanche 26 mai, l'influenceur controversé Tibo InShape est devenu premier youtubeur de France.

À l’image d’un Nadal ou d'un Federer de la grande époque, un duel se joue actuellement entre Squeezie et Tibo InShape pour obtenir le titre de youtubeur le plus suivi de France. Le premier, tenant du titre, a quitté pendant plusieurs mois les terrains de la plateforme américaine, afin de se reposer et d'éviter un burn-out, menace qui guette de plus en plus de créateurs de contenu sous le joug d’un public insatiable et d’un algorithme imprévisible.

Cette période de retrait a permis à son challenger Thibaud Delapart, trente-deux ans, de le dépasser avec 18,9 millions d’abonnés. Un chiffre qui donne le vertige, tout comme ses vidéos, chacune regardée des millions de fois.

Quelles préoccupations de la jeunesse ?

À l’inverse de ses comparses, Tibo ne mise pas spécialement sur l’humour ou le divertissement, mais sur le culte de la performance et du dépassement de soi. Son créneau : le fitness et la musculation. Le youtubeur se filme sous toutes les coutures, pas un seul de ses muscles ne nous échappe, et il encourage chaque jour sa communauté à faire de l’exercice. La valeur de l’effort est au centre du récit. Il n’y pas que le travail qui paye et qui rapporte : Tibo a développé sa propre marque de produits, des haltères aux compléments alimentaires.

Ceux qui le suivent depuis le début apprécient sa transformation physique : il est passé d’une enveloppe corporelle fragile à un corps d’acier. Une trajectoire renforcée par un story telling. Adolescent, il s’est fait agressé, n’avait pas les moyens de riposter, et s’est juré qu’il allait se donner les capacités pour se défendre, car le monde est dangereux, et que les méchants sont partout. Nous nous croirions presque dans un Marvel.

D’une certaine manière, Tibo parle aux hommes qui ont une revanche à prendre, et développe une rhétorique assez viriliste. Quelques exemples de titres de vidéo : « Deux ans pour devenir boxeur », « J’ai survécu 60 jours sans porno » ou encore « je vais en boîte de strip-tease ».

Une fibre patriote

Nous ne comptons plus les contenus que le youtubeur a réalisé pour l’armée : « Je vais à l’école militaire », « J’infiltre la gendarmerie criminelle » ou « Mission commando à la légion étrangère ». En 2019, une polémique est née suite à la publication de vidéos qui faisaient l’apologie du SNU (Service National Universel) en présence de Gabriel Attal. Des vidéos qui étaient le fruit d’un partenariat rémunéré avec le ministère de l’Éducation, dont aucune mention ne faisait état.

Tibo Inshape est régulièrement mobilisé par l’exécutif comme bras armé d’une communication visant à sensibiliser les jeunes à servir le pays. Il est fier d’être français, n’a pas peur de montrer le drapeau tricolore, mais dément tout positionnement d'extrême droite. Une affirmation qui revient régulièrement, tout une misogynie latente. Cette mauvaise réputation dans le milieu des influenceurs a contraint France Télévision à le sortir du casting de l’opération "Aux Jeux Streamers !", une compétition sur Twitch qui mêlait - en marge des JO - des animateurs, des sportifs et des streamers.

Des évènements qui n'ont pas empêché le youtubeur de porter la flamme olympique à Toulouse, et de reprendre le flambeau de Squeezie pour devenir la plus grande star de Youtube. Des liens forts avec le Travail, la Patrie et enfin la Famille : Tibo est fiancé à une influenceuse fitness et met régulièrement en scène sa belle histoire d’amour. Comme quoi, il est possible de dominer un nouveau média avec des valeurs traditionnelles !
Et un complément une autre émission sur le même thème :

Masculinismes identitaires sur les réseaux au service d'une nouvelle vague réactionnaire

"Alors que le sentiment de déclin de la population française ne cesse d'augmenter et que le pays semble traversé par une "fracture identitaire", une nouvelle vague d'influenceurs d'extrême droite émerge sur les réseaux sociaux."
Spoiler : 
Dans sa série "La Fièvre", diffusée sur Canal+, Éric Benzekri, également auteur de "Baron noir", explore les fractures identitaires qui traversent la France. Lors d’une remise de prix, un joueur de football noir assène un coup de tête à son entraîneur et le traite de "sale toubab". Un évènement relayé et très médiatisé, catalyseur des fractures identitaires du pays, faisant écho aux dernières actualités politiques, comme le drame de Crépol en novembre dernier, ou plus récemment, la polémique autour de la chanteuse Aya Nakamura.

À l'origine de l'exacerbation des tensions : les réseaux sociaux, qui, comme l'explique Benjamin Tainturier, fonctionnent "sur la réputation sociale". Les plateformes mettent en avant les "contenus polarisants, violents, qui forcent à prendre position, vous font liker, détester, réagir". Puisque les "plateformes rassemblent des communautés idéologiques de différentes natures", appuie Tristan Mendès France, ces dernières "ont tendance à s'affronter" dans une logique du "nous" contre "eux", ce qui "attise le débat accentue la violence en ligne. Un modèle assez porteur pour les influenceurs d'extrême droite qui savent jouer de cette polarisation", en "excitant à la fois leur propre base", tout en "profitant de l'indignation en face pour gagner en visibilité", "être relayés" et monter dans les tendances.

L'extrême droite : une sous-culture ?

À ses débuts, "Internet a permis l'expression d'une quantité de sous-cultures qui n'avaient pas la parole dans les médias", expose Christophe Cécil Garnier, rédacteur en chef adjoint du pôle enquête de StreetPress. Le réseau était un "champ libre", dans lequel l'extrême droite pouvait exposer ses idées. "Le FN est par exemple le premier parti de France à s'être doté d'un site internet. [...] Aujourd'hui, la fachosphère est très souvent en avance sur la culture internet." En créant des images par le biais de "l'intelligence artificielle", elle "donne corps à ses fantasmes". Aujourd'hui, "tous les faits divers qui marchent" comportent "des vidéos ou des photos", notamment "celles des victimes (Lola, Thomas...)", qui suscitent "énormément d'empathie".

"La gauche ne sait pas utiliser les memes". C'est en tous cas ce qu'illustre la "phrase très populaire sur Internet dans les cultures numériques : "the left can't meme", explique Tristan Mendès France, spécialiste des cultures numériques et de l'extrémisme en ligne. L'idée, c'est de dire qu'il n'y a que la droite qui a les codes en main et que tous les autres sont des has-been en ligne, [...] en retard sur le marché de la tendance et des usages." Une expression "assez symptomatique du fait que la droite est en pôle position sur le terrain de l'expression culturelle numérique depuis très longtemps", et que "cela continue encore aujourd'hui".

La communauté "Incels"

Dans le cadre de la réalisation de son documentaire "La Mécanique des fluides", l'artiste-chercheuse Gala Hernández López a infiltré virtuellement les communautés Incels, ou "involuntary celibate" : "Une communauté d'hommes - principalement originaires d'Amérique du Nord - qui ne parviennent pas à trouver de partenaire sexuelle malgré leur désir d'en avoir une". Le documentaire, explique-t-elle, "prend comme point de départ la lettre de suicide d'un membre, publiée sur Reddit, dans un forum qui s'appelait Brain Cells." En effet, les Incels se sentent "seuls" et "déclassés" appuie Benjamin Tainturier. Un sentiment que l'on retrouve dans les discours de Jean-Marie Lepen et des influenceurs d'extrême droite : "nous sommes les vaincus", "les oubliés de l'histoire", et "il est temps pour nous de prendre notre revanche."

Dans Les Grands-remplacés, le journaliste Paul Conge s'intéresse aux "déclassés" qui se tournent vers "les influenceurs d'extrême droite" parce qu'ils se sentent compris, indique Christophe Cécil Garnier. Dans "les années 2010, il y a notamment la personne d'Alain Soral, qui, avant d'être un idéologue, antisémite, raciste, était un pick-up artiste", autrement dit "un dragueur". Puis est arrivée une "seconde vague" d'influenceurs qui "se positionne en opposition à la première", poursuit Benjamin Tainturier. Tandis qu'Alain Soral et Dieudonné "incarnent le moment pivot entre militantisme traditionnel, proche des courants intellectuels, Le Raptor Dissident, Baptiste Marchais ou encore Papacito se positionnent eux à distance du débat d'idées et investissent davantage YouTube. Ils embrassent tous les gimmicks de réalisation et d'éditorialisation" et se présentent - non comme des militants d'extrême droite - mais comme des YouTubeurs humour, lifestyle, etc. Enfin, la troisième vague masculiniste joue, quant à elle, sur "un amalgame" entre "masculinité" et "réussite professionnelle", à l'image d'Andrew Tate, "un ancien champion de kickboxing qui s'est confronté à Greta Thunberg dans une espèce de passe d'armes par réseaux sociaux interposés, condamné il y a quelques années, alors qu'il résidait en Roumanie, pour proxénétisme et trafic d'êtres humains."

La cryptomonnaie : d'extrême droite ?

Au sein de la "communauté des cryptomonnaies", le coaching masculiniste est très présent, explique Gala Hernández López. Il existe de nombreuses "académies qui proposent des formations en ligne pour apprendre à faire du trading", accompagnées "de formations en développement personnel". Bien que la cryptomonnaie soit "légitime" et que l'on puisse s'y intéresser sans être d'extrême droite, ajoute Tristan Mendès France, "beaucoup de profils" de ce bord politique "cherchent à récupérer une partie des cryptofans en ligne. [...] Steve Bannon, ex-conseiller de Donald Trump, disait en 2019 que la crypto serait la monnaie de l'extrême droite." Elle démontre, selon Christophe Cécil Garnier, une volonté de se placer "hors système" et de "désactiver l'État."

Modification du paysage audiovisuel

Si les extrêmes n'avaient jusqu'alors pas accès à l'univers des médias, force est de constater que la parole présente sur les réseaux sociaux se retrouve désormais dans l'espace télévisuel. Un modèle "importé des États-Unis" dans lequel les médias forts et les réseaux sociaux interagissent, affirme Tristan Mendès France. "La radicalité en ligne, qui profitait auparavant de son propre buzz, de sa viralité naturelle, organique, ou poussée par les algorithmes, trouve aujourd'hui une synergie avec des émissions et des chaînes beaucoup plus mainstream. [...] Les petits extraits de passages assez radicaux qui passent sur des chaînes de radio ou de télévision en France" deviennent des "matériaux de consommation et de viralisation en ligne." Il y a aujourd'hui "une vraie hybridation entre quelques médias qui ont pignon sur rue et cette radicalité en ligne."

Certains médias, explique Benjamin Tainturier, se donnent pour devoir de "réinformer". "Pascal Praud, suite au drame de Crépol, parle de la réécriture de l'histoire que ferait le Parisien ou BFMTV", tandis que lui, au contraire, "revendique un bon sens, une proximité avec le réel et avec l'interprétation immédiate des choses", par laquelle il "convient de réinformer" pour dire vraiment ce que serait la réalité. "Évidemment, c'est aussi de la désinformation, précise le doctorant au Medialab de Sciences Po, Benjamin Tainturier, C'est une interprétation des choses."
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Ostara
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Re: [Index Sociologie] Le racisme/sexisme...

Message par Ostara »

hazufel a écrit : lundi 27 mai 2024 à 14:10 Comme le thème du masculinisme a été abordé ici, je place ça ici, mais ça peut aussi aller ailleurs (je ne sais pas où :innocent: )

Chronique matin France Culture - Un monde connecté - Tibo InShape - Travail Famille Patrie et Youtube

En ne faisant pas attention au titre, on pourrait penser à la lecture des premières lignes, que les conseils pour se réapproprier son corps pourraient être intéressants et bons à prendre, mais ça vire au cauchemar très rapidement...
Et lorsqu'on lit qu'il compte presque 19 millions d'abonnés :hotcry: je sens que le plongeon en grand désespoir est imminent.
Dimanche 26 mai, l'influenceur controversé Tibo InShape est devenu premier youtubeur de France.

À l’image d’un Nadal ou d'un Federer de la grande époque, un duel se joue actuellement entre Squeezie et Tibo InShape pour obtenir le titre de youtubeur le plus suivi de France. Le premier, tenant du titre, a quitté pendant plusieurs mois les terrains de la plateforme américaine, afin de se reposer et d'éviter un burn-out, menace qui guette de plus en plus de créateurs de contenu sous le joug d’un public insatiable et d’un algorithme imprévisible.

Cette période de retrait a permis à son challenger Thibaud Delapart, trente-deux ans, de le dépasser avec 18,9 millions d’abonnés. Un chiffre qui donne le vertige, tout comme ses vidéos, chacune regardée des millions de fois.

Quelles préoccupations de la jeunesse ?

À l’inverse de ses comparses, Tibo ne mise pas spécialement sur l’humour ou le divertissement, mais sur le culte de la performance et du dépassement de soi. Son créneau : le fitness et la musculation. Le youtubeur se filme sous toutes les coutures, pas un seul de ses muscles ne nous échappe, et il encourage chaque jour sa communauté à faire de l’exercice. La valeur de l’effort est au centre du récit. Il n’y pas que le travail qui paye et qui rapporte : Tibo a développé sa propre marque de produits, des haltères aux compléments alimentaires.

Ceux qui le suivent depuis le début apprécient sa transformation physique : il est passé d’une enveloppe corporelle fragile à un corps d’acier. Une trajectoire renforcée par un story telling. Adolescent, il s’est fait agressé, n’avait pas les moyens de riposter, et s’est juré qu’il allait se donner les capacités pour se défendre, car le monde est dangereux, et que les méchants sont partout. Nous nous croirions presque dans un Marvel.

D’une certaine manière, Tibo parle aux hommes qui ont une revanche à prendre, et développe une rhétorique assez viriliste. Quelques exemples de titres de vidéo : « Deux ans pour devenir boxeur », « J’ai survécu 60 jours sans porno » ou encore « je vais en boîte de strip-tease ».

Une fibre patriote

Nous ne comptons plus les contenus que le youtubeur a réalisé pour l’armée : « Je vais à l’école militaire », « J’infiltre la gendarmerie criminelle » ou « Mission commando à la légion étrangère ». En 2019, une polémique est née suite à la publication de vidéos qui faisaient l’apologie du SNU (Service National Universel) en présence de Gabriel Attal. Des vidéos qui étaient le fruit d’un partenariat rémunéré avec le ministère de l’Éducation, dont aucune mention ne faisait état.

Tibo Inshape est régulièrement mobilisé par l’exécutif comme bras armé d’une communication visant à sensibiliser les jeunes à servir le pays. Il est fier d’être français, n’a pas peur de montrer le drapeau tricolore, mais dément tout positionnement d'extrême droite. Une affirmation qui revient régulièrement, tout une misogynie latente. Cette mauvaise réputation dans le milieu des influenceurs a contraint France Télévision à le sortir du casting de l’opération "Aux Jeux Streamers !", une compétition sur Twitch qui mêlait - en marge des JO - des animateurs, des sportifs et des streamers.

Des évènements qui n'ont pas empêché le youtubeur de porter la flamme olympique à Toulouse, et de reprendre le flambeau de Squeezie pour devenir la plus grande star de Youtube. Des liens forts avec le Travail, la Patrie et enfin la Famille : Tibo est fiancé à une influenceuse fitness et met régulièrement en scène sa belle histoire d’amour. Comme quoi, il est possible de dominer un nouveau média avec des valeurs traditionnelles !
Et un complément une autre émission sur le même thème :

Masculinismes identitaires sur les réseaux au service d'une nouvelle vague réactionnaire

"Alors que le sentiment de déclin de la population française ne cesse d'augmenter et que le pays semble traversé par une "fracture identitaire", une nouvelle vague d'influenceurs d'extrême droite émerge sur les réseaux sociaux."
Spoiler : 
Dans sa série "La Fièvre", diffusée sur Canal+, Éric Benzekri, également auteur de "Baron noir", explore les fractures identitaires qui traversent la France. Lors d’une remise de prix, un joueur de football noir assène un coup de tête à son entraîneur et le traite de "sale toubab". Un évènement relayé et très médiatisé, catalyseur des fractures identitaires du pays, faisant écho aux dernières actualités politiques, comme le drame de Crépol en novembre dernier, ou plus récemment, la polémique autour de la chanteuse Aya Nakamura.

À l'origine de l'exacerbation des tensions : les réseaux sociaux, qui, comme l'explique Benjamin Tainturier, fonctionnent "sur la réputation sociale". Les plateformes mettent en avant les "contenus polarisants, violents, qui forcent à prendre position, vous font liker, détester, réagir". Puisque les "plateformes rassemblent des communautés idéologiques de différentes natures", appuie Tristan Mendès France, ces dernières "ont tendance à s'affronter" dans une logique du "nous" contre "eux", ce qui "attise le débat accentue la violence en ligne. Un modèle assez porteur pour les influenceurs d'extrême droite qui savent jouer de cette polarisation", en "excitant à la fois leur propre base", tout en "profitant de l'indignation en face pour gagner en visibilité", "être relayés" et monter dans les tendances.

L'extrême droite : une sous-culture ?

À ses débuts, "Internet a permis l'expression d'une quantité de sous-cultures qui n'avaient pas la parole dans les médias", expose Christophe Cécil Garnier, rédacteur en chef adjoint du pôle enquête de StreetPress. Le réseau était un "champ libre", dans lequel l'extrême droite pouvait exposer ses idées. "Le FN est par exemple le premier parti de France à s'être doté d'un site internet. [...] Aujourd'hui, la fachosphère est très souvent en avance sur la culture internet." En créant des images par le biais de "l'intelligence artificielle", elle "donne corps à ses fantasmes". Aujourd'hui, "tous les faits divers qui marchent" comportent "des vidéos ou des photos", notamment "celles des victimes (Lola, Thomas...)", qui suscitent "énormément d'empathie".

"La gauche ne sait pas utiliser les memes". C'est en tous cas ce qu'illustre la "phrase très populaire sur Internet dans les cultures numériques : "the left can't meme", explique Tristan Mendès France, spécialiste des cultures numériques et de l'extrémisme en ligne. L'idée, c'est de dire qu'il n'y a que la droite qui a les codes en main et que tous les autres sont des has-been en ligne, [...] en retard sur le marché de la tendance et des usages." Une expression "assez symptomatique du fait que la droite est en pôle position sur le terrain de l'expression culturelle numérique depuis très longtemps", et que "cela continue encore aujourd'hui".

La communauté "Incels"

Dans le cadre de la réalisation de son documentaire "La Mécanique des fluides", l'artiste-chercheuse Gala Hernández López a infiltré virtuellement les communautés Incels, ou "involuntary celibate" : "Une communauté d'hommes - principalement originaires d'Amérique du Nord - qui ne parviennent pas à trouver de partenaire sexuelle malgré leur désir d'en avoir une". Le documentaire, explique-t-elle, "prend comme point de départ la lettre de suicide d'un membre, publiée sur Reddit, dans un forum qui s'appelait Brain Cells." En effet, les Incels se sentent "seuls" et "déclassés" appuie Benjamin Tainturier. Un sentiment que l'on retrouve dans les discours de Jean-Marie Lepen et des influenceurs d'extrême droite : "nous sommes les vaincus", "les oubliés de l'histoire", et "il est temps pour nous de prendre notre revanche."

Dans Les Grands-remplacés, le journaliste Paul Conge s'intéresse aux "déclassés" qui se tournent vers "les influenceurs d'extrême droite" parce qu'ils se sentent compris, indique Christophe Cécil Garnier. Dans "les années 2010, il y a notamment la personne d'Alain Soral, qui, avant d'être un idéologue, antisémite, raciste, était un pick-up artiste", autrement dit "un dragueur". Puis est arrivée une "seconde vague" d'influenceurs qui "se positionne en opposition à la première", poursuit Benjamin Tainturier. Tandis qu'Alain Soral et Dieudonné "incarnent le moment pivot entre militantisme traditionnel, proche des courants intellectuels, Le Raptor Dissident, Baptiste Marchais ou encore Papacito se positionnent eux à distance du débat d'idées et investissent davantage YouTube. Ils embrassent tous les gimmicks de réalisation et d'éditorialisation" et se présentent - non comme des militants d'extrême droite - mais comme des YouTubeurs humour, lifestyle, etc. Enfin, la troisième vague masculiniste joue, quant à elle, sur "un amalgame" entre "masculinité" et "réussite professionnelle", à l'image d'Andrew Tate, "un ancien champion de kickboxing qui s'est confronté à Greta Thunberg dans une espèce de passe d'armes par réseaux sociaux interposés, condamné il y a quelques années, alors qu'il résidait en Roumanie, pour proxénétisme et trafic d'êtres humains."

La cryptomonnaie : d'extrême droite ?

Au sein de la "communauté des cryptomonnaies", le coaching masculiniste est très présent, explique Gala Hernández López. Il existe de nombreuses "académies qui proposent des formations en ligne pour apprendre à faire du trading", accompagnées "de formations en développement personnel". Bien que la cryptomonnaie soit "légitime" et que l'on puisse s'y intéresser sans être d'extrême droite, ajoute Tristan Mendès France, "beaucoup de profils" de ce bord politique "cherchent à récupérer une partie des cryptofans en ligne. [...] Steve Bannon, ex-conseiller de Donald Trump, disait en 2019 que la crypto serait la monnaie de l'extrême droite." Elle démontre, selon Christophe Cécil Garnier, une volonté de se placer "hors système" et de "désactiver l'État."

Modification du paysage audiovisuel

Si les extrêmes n'avaient jusqu'alors pas accès à l'univers des médias, force est de constater que la parole présente sur les réseaux sociaux se retrouve désormais dans l'espace télévisuel. Un modèle "importé des États-Unis" dans lequel les médias forts et les réseaux sociaux interagissent, affirme Tristan Mendès France. "La radicalité en ligne, qui profitait auparavant de son propre buzz, de sa viralité naturelle, organique, ou poussée par les algorithmes, trouve aujourd'hui une synergie avec des émissions et des chaînes beaucoup plus mainstream. [...] Les petits extraits de passages assez radicaux qui passent sur des chaînes de radio ou de télévision en France" deviennent des "matériaux de consommation et de viralisation en ligne." Il y a aujourd'hui "une vraie hybridation entre quelques médias qui ont pignon sur rue et cette radicalité en ligne."

Certains médias, explique Benjamin Tainturier, se donnent pour devoir de "réinformer". "Pascal Praud, suite au drame de Crépol, parle de la réécriture de l'histoire que ferait le Parisien ou BFMTV", tandis que lui, au contraire, "revendique un bon sens, une proximité avec le réel et avec l'interprétation immédiate des choses", par laquelle il "convient de réinformer" pour dire vraiment ce que serait la réalité. "Évidemment, c'est aussi de la désinformation, précise le doctorant au Medialab de Sciences Po, Benjamin Tainturier, C'est une interprétation des choses."
Merci pour cet article,je ne connaissais pas ce youtubeur,je trouve que ça fais vraiment cliché sur les "hommes" mec a font dans la muscu,qui encourage a intimider par les muscles,les contenus sur l'armée comme si un homme ne pouvais pas être attiré par la coiffure où l'esthétique,des exemples parmis tant d'autres possibilités,

La moralisation a deux balles qu'on est responsable

Je suis méfiante envers ce type de contenu car je me dit que si malheureusement la vision est aussi caricaturale dans un sens elle l'est sûrement aussi dans l'autre sens :?

Et cette mentalité productiviste et moralisatrice,si tu ne fais pas de rentrer d'argent tu n'es rien.Si tu n'as pas le "physique" selon les critères de la société c'est ta faute,t'as pas assez fait d'efforts,

Bon je ne connaissais pas sa chaîne,mais je n'irais pas,ne pas l'avoir découvert n'est pas une grande perte.
Diagnostic TSA avec suspicion de TDA associé,trouble anxio-dépressif de type épuisement.

Savoir,Vouloir,Oser,
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hazufel
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Re: [Index Sociologie] Le racisme/sexisme...

Message par hazufel »

Je ne sais s'il vaut mieux le mettre ici ou dans le fil des livres...

L'écrivain SA Cosby : Trump a donné la permission aux gens d'être ouvertement racistes
Sous sa plume palpite le sud des États-Unis. L’écrivain, figure du roman noir, ausculte le racisme, la masculinité, les violences policières… Et espère ardemment la défaite de Donald Trump dans la course à la Maison-Blanche.
Spoiler : article 28 mai Télérama : 
La voix profonde, grave et douce à la fois, trace à vive allure sous la visière de sa casquette. Puis, quand Shawn Andre Cosby semble en confiance, il relève la tête et poursuit l’échange droit dans les yeux, le visage régulièrement traversé d’un sourire franc et chaleureux. Son propos a beau être inquiet, il semble savourer chaque occasion de s’exprimer – comme en cet après-midi d’avril où nous le rencontrons dans les locaux parisiens de Sonatine, son éditeur français – et continue de s’étonner de l’intérêt qui lui est porté depuis quelques années.

Ses romans Les Routes oubliées, La Colère et Le Sang des innocents, trois classiques instantanés du roman noir américain, l’ont imposé, à 50 ans, comme une valeur sûre du genre. Là où les Afro-Américains ont longtemps été cantonnés aux rôles de personnages secondaires, Cosby en fait de puissants anti-héros. Et déclare son amour pour le Sud profond et la richesse de sa culture, tout en rappelant combien le territoire est indissociable de l’esclavage et du génocide des peuples autochtones.

Vous avez commencé à être publié sur le tard. L’écriture et les livres ont pourtant toujours fait partie de votre vie…
Je suis né et j’ai grandi dans une petite ville du comté de Mathews, en Virginie, dans le Sud des États-Unis. Mon père était pêcheur, ma mère a souffert de nombreuses maladies tout au long de sa vie, et nous étions très pauvres. Mais depuis l’enfance, j’ai toujours été entouré de livres. Ma mère lisait des romans historiques et des biographies. Ma grand-mère, des romans d’amour. Mon oncle, des romans policiers : il m’a fait découvrir Raymond Chandler, Dashiell Hammett ou Mickey Spillane. Ma tante, elle, lisait des romans d’horreur : Clive Barker, Richard Matheson, Stephen King.

Il paraît qu’à l’âge de 7 ou 8 ans, je me plaignais quand ma mère me lisait des contes de fées pour m’endormir. Elle m’a alors mis au défi d’écrire ma propre histoire. Je me souviens de l’expression de son visage lorsque je lui ai lu ce que j’avais fait : je crois que, depuis, je n’ai cessé de chercher ce regard dans la réaction des autres.

Quand j’ai eu 12 ans, ma tante m’a mis entre les mains Salem, de Stephen King. C’est le premier livre qui m’a fait prendre conscience du pouvoir d’un écrivain, en particulier d’un écrivain qui maîtrise sa voix. Je ne pouvais pas lâcher ce bouquin. Je le lisais absolument partout : à l’école, sur les bancs de l’église, le soir dans mon lit. Je me suis dit : « Je veux, moi aussi, avoir cet effet sur quelqu’un. » Plus tard, un de mes professeurs, M. Bones, m’a donné à lire des livres en dehors du programme scolaire et m’a incité à prendre l’écriture au sérieux.

J’ai été videur, ouvrier, pêcheur, jardinier… Mais, durant tout ce temps, j’ai continué d’écrire.

Votre écriture a-t-elle gardé des traces de cette enfance ?
On avait peu d’argent, mais on était une grande famille, et c’est de là que venaient nos divertissements le week-end. Ma grand-mère préparait un copieux dîner. L’un grattait une guitare, l’autre sortait un harmonica en même temps qu’un alcool de contrebande. Chacun se passait la bouteille et se faisait conteur. Aujourd’hui, j’utilise encore ces voix dans mes récits.

Avant de vivre de votre plume, vous avez exercé de nombreux métiers. Sans jamais cesser d’écrire ?
Jamais. J’ai été videur dans des bars, ouvrier du bâtiment, pêcheur, jardinier, jusqu’à gérer une quincaillerie pendant onze ans. Mais, durant tout ce temps, j’ai continué d’écrire. Je faisais une sieste en rentrant du travail pour, au réveil, me mettre à l’écriture. J’envoyais mes histoires à des éditeurs, j’essuyais des refus et je recommençais. J’ai toujours pensé que c’était ce que je devais faire. Ma mère avait l’habitude de dire : « Les oiseaux doivent chanter, les abeilles piquer, et toi, écrire. » J’aurais continué même si je n’avais jamais été publié. J’ai fini par l’être dans les années 2010 avec Brotherhood of the Blade [littéralement : La Confrérie de la lame, ndlr], un récit de fantasy. Ce n’est pas un très bon livre, mais il m’a aidé à trouver ma voix d’écrivain.

D’autres auteurs y ont-ils aussi contribué ?
Dennis Lehane, Walter Mosley et Elmore Leonard [mort en 2013, ndlr] : dans le roman noir, ce sont, à mes yeux, les trois grands écrivains influents aux États-Unis ces vingt-cinq dernières années. Tous ceux qui sont arrivés après ont une dette envers eux. Ce que j’aime, chez Lehane, c’est qu’il n’a pas peur d’écrire des personnages à la fois durs et vulnérables, qui montrent leur fragilité. C’est aussi ce que parvient à faire Mosley, avec son détective afro-américain Easy Rawlins – même si la force de ce grand personnage est surtout de montrer à quel point le racisme est inscrit dans l’ADN des États-Unis et se retrouve partout, y compris dans la Californie des années 1950. Elmore Leonard est, quant à lui, probablement le plus grand styliste de l’histoire du roman policier. Il vous fait comprendre, en tant qu’écrivain, à quel point vous devez trouver votre propre patte.

Je pourrais aussi citer Sue Grafton [morte en 2017], dont le personnage, la détective privée Kinsey Millhone, est l’une des toutes premières héroïnes à s’affirmer en tant que femme, sans reproduire les comportements masculins. Il existe une citation de Margaret Atwood, qui a dit : « Les hommes ont peur que les femmes se moquent d’eux. Les femmes ont peur que les hommes les tuent. » Kinsey Millhone a été le premier personnage de roman policier à incarner cela, à avoir cette conscience, sans se laisser faire pour autant. Si on ajoute Grafton à ce « mont Rushmore du polar », voilà quatre écrivains incroyables qui m’ont inspiré et que j’ai essayé de ne surtout pas imiter.

On m’a appris à ne pas pleurer, à être dur. Je veux que les hommes de mes romans puissent baisser la garde.

Vos personnages doivent toujours se confronter à une forme de violence dont ils voudraient se départir…
J’écris essentiellement sur les hommes. C’est important à mes yeux, car je crois que nous n’avons pas encore eu de vraie réflexion collective pour saisir les raisons qui poussent les hommes à se comporter comme ils le font. Il faut parler de cette masculinité, aussi toxique que tragique, encore largement enseignée aux garçons. On m’a appris à ne pas pleurer, à être dur. Je veux que les hommes de mes romans puissent baisser la garde et, à la fin de l’histoire, être dans un état différent de celui qui était le leur au début.

Pourquoi cette réflexion sur la masculinité est-elle tellement liée, dans vos livres, à la question de la paternité ?
Nos pères font ce que nous sommes. Pas de malentendu : les mères sont aussi pour beaucoup dans ce que deviennent les fils. Mais votre père est le premier homme que vous voyez, que vous imitez, auquel vous voulez ressembler. Je me souviens avoir voulu être comme mon père, ce pêcheur grand et fort qui pliait des pièces de vingt-cinq cents avec ses doigts. C’était aussi un homme taiseux, qui avait beaucoup souffert. J’ai fini par arrêter de le voir en héros et lui en ai voulu pendant très longtemps.

Mes personnages masculins ont souvent des problèmes avec leur père. Mais si mes premiers romans étaient influencés par mon propre vécu, alors très compliqué, dans Le Sang des innocents (2023), j’ai voulu au contraire montrer une relation positive. Titus et son père ne sont pas d’accord sur tout, mais on sent qu’ils s’aiment énormément. Car c’est aussi important, particulièrement aux États-Unis, de montrer que des hommes noirs sont capables de s’aimer, d’avoir une relation saine, de père à fils ou entre frères. Tout le contraire de l’idée selon laquelle les pères afro-américains seraient absents. Quand on regarde les statistiques, on voit d’ailleurs que c’est faux.

Dans La Colère (2021), Ike et Buddy Lee ont perdu leurs fils [assassinés parce que gays, ndlr]. Ils ne peuvent rien y faire, mais ils se réparent l’un l’autre en devenant de meilleurs hommes [en cessant d’être homophobes et en dépassant leurs préjugés raciaux, l’un étant noir et l’autre blanc, ndlr]. De la même façon, j’essaie aussi de lutter contre les stéréotypes en faisant en sorte que les femmes afro-américaines de mes romans ne soient pas fortes parce qu’elles ont vécu un traumatisme, mais parce qu’elles le sont intrinsèquement. Et je ne suis pas le seul écrivain à avoir cette vigilance.

Dans Le Sang des innocents, vous interrogez le système policier américain à travers un personnage de shérif noir. Avez-vous été inspiré par des personnes en particulier ?
Tout est parti du meurtre de George Floyd, en 2020 [qui a donné une nouvelle visibilité au mouvement Black Lives Matter, ndlr]. Ce livre devait initialement porter principalement sur la corruption et la façon dont la police traite différemment les citoyens. Mais j’ai vite compris que je n’avais pas l’impartialité nécessaire. J’ai déjà été arrêté sans avoir rien fait. Un de mes cousins a été tué lors d’une altercation avec la police. Alors, ce que j’ai pu faire, c’est prendre du recul et regarder comment les actions de la police affectent toutes les communautés.

La façon dont la police peut être associée à la religion, en particulier dans les petites villes où les églises et les forces de l’ordre travaillent en quelque sorte ensemble, pour défendre une « autorité morale ». L’histoire en est ressortie plus riche et intéressante, me semble-t-il. Et j’ai voulu créer avec Titus une sorte de shérif idéal qui se heurte aux traditions et à l’ignorance. Mettre à l’épreuve sa morale. Pour préparer ce livre, j’ai parlé avec les deux seuls shérifs noirs élus en Virginie, qui ont aujourd’hui 68 et 52 ans. Titus comprend, à la fin du livre, qu’il cherche à réparer une maison dont les fondations sont pourries…

S.A. Cosby, 50 ans, est devenu sur le tard un romancier admiré. « Ma mère me disait : les oiseaux doivent chanter, les abeilles piquer, et toi, écrire.”

Le roman se passe en 2017, pendant la première année du mandat de Donald Trump. En quoi cette présidence a-t-elle changé l’Amérique ?
J’ai grandi en Virginie, là où se situait la capitale des États confédérés avant la fin de la guerre de Sécession. Je me souviens qu’il était assez rare de voir un drapeau confédéré ou une personne soutenir ouvertement la Confédération. Il y avait bien cette statue d’un général sudiste en ville, mais ce n’était qu’une statue, à laquelle personne ne faisait vraiment attention. Trump a donné la permission aux gens de dire les choses les plus viles, de se revendiquer fiers de la Confédération, un régime qui reposait sur l’esclavage. Je pense que c’est la raison pour laquelle les statues ont commencé à être renversées.

Dès les premiers jours de sa candidature, j’ai vu des Américains blancs, avec lesquels j’avais grandi, avec lesquels j’étais allé à l’école, qui pour certains étaient des amis, changer soudainement, durcir leurs points de vue et se laisser emporter dans ce culte de la personnalité. Personnellement, j’ai voté deux fois pour le président Obama. Je pense que c’est un grand homme politique, même si je suis en désaccord avec lui sur nombre de points. Je n’ai jamais porté de t-shirt à son nom, mais j’ai voté pour lui parce que je pensais qu’il était la meilleure personne pour ce poste. Parmi ceux qui ont voté Trump, beaucoup se moquaient de la façon dont il agissait : quelqu’un leur permettait simplement d’être ouvertement racistes.


Vous n’avez donc pas été surpris par l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021 ?
Absolument pas. Il suffisait d’écouter ce que Trump a dit au cours de la nuit où il a perdu l’élection : « Nous n’allons pas tolérer cela. » Il a créé, dans l’esprit de certains, le sentiment erroné qu’il n’y a de légitimité que dans sa victoire. Dans mon roman, cette colère est omniprésente. Le personnage de Ricky Sours, chef de file des apologistes confédérés, est habité par la colère et ne sait même pas pourquoi. À un moment donné, il dit à Titus, le shérif noir : « Vous ne m’aimez pas parce que je soutiens mon héritage et mon histoire. » Mais quelle histoire ? Quel héritage ? Le Sud des États-Unis ne se limite pas à la guerre civile. Cette région a produit les très grands écrivains : William Faulkner, Alice Walker, Flannery O’Connor et Ernest J. Gaines. Et aussi Elvis Presley et James Brown. Le Sud est riche de cultures et d’idées. Mais quelqu’un comme Ricky Sours, un personnage inspiré de personnes que je connais, ne le comprend pas.

Je ne pense pas qu’il soit exagéré de dire qu’une part de la démocratie américaine risque d’y rester.

L’élection à venir vous inquiète-t-elle davantage que les précédentes ?
Je pense que Trump ne gagnera pas. Mais s’il perd, je crains qu’il y ait une extension de la violence par rapport à la dernière fois. Sans aller jusqu’à la guerre civile, car les États-Unis sont trop grands pour cela, il y a un risque de voir se constituer des poches de violence prolongée. Encore une fois, Donald Trump a créé une situation où la seule chose légitime, aux yeux de ses partisans, est la victoire. Et s’il gagne… je ne pense pas qu’il soit exagéré de dire qu’une part de la démocratie américaine risque d’y rester.

On évoque une polarisation extrême du pays : est-ce une cause ou une conséquence de l’émergence de figures telles que Trump ?
Donald Trump n’a pas créé cette situation. En un sens, le pays est divisé depuis longtemps. Mais je pense que la polarisation extrême dont vous parlez a commencé par la victoire de Barack Obama en 2008. Et ce n’est pas de sa faute ! Ma mère appartenait à une génération qui pensait qu’elle ne verrait jamais un Noir devenir président. Cette même génération compte des Blancs qui pensaient tout autant que c’était quelque chose d’impossible. Au moment de l’élection, je travaillais dans ma quincaillerie. J’ai commencé à entendre des choses totalement folles, comme : « Obama a créé l’Obamacare de telle façon que vous ne puissiez pas emmener votre grand-mère à l’hôpital à moins qu’il ne l’approuve. » J’ai compris qu’une partie des Américains blancs avaient peur qu’un président noir autorise les Noirs à faire aux Blancs ce que ces derniers leur ont fait.

Toutes les théories conspirationnistes autour de la naissance d’Obama – que Trump a relayées – traduisaient le fait qu’une certaine frange de la population américaine ne pouvait accepter que cet homme noir soit élu. Certains se sont dit qu’il n’était pas possible que, dans des circonstances similaires, il fasse mieux que leur cousin ou leur frère. Pendant ses deux mandats, cette rage a grandi et nourri une polarisation, aussi encouragée par certains médias, comme la chaîne conservatrice Fox News, qui a soudain décidé d’abandonner l’information pour dire aux gens ce qu’ils voulaient entendre, et non plus ce qu’ils avaient besoin d’entendre. Je sais qu’il y a des mouvements similaires en Europe. Mais j’ai l’impression que l’on peut y observer une volonté d’affronter cette mentalité, qui nous manque actuellement aux États-Unis. J’espère que cela changera.

S.A. Cosby en quelques dates
1973 Naissance dans le comté de Mathews (Virginie).
2015 Premier roman publié, Brotherhood of the Blade (non traduit).
2019 Premier polar, My Darkest Prayer (non traduit).
2020 Les Routes oubliées (traduit en 2022).
2021  La Colère (traduit en 2023).
2023 Le Sang des innocents, retenu par Barack Obama dans sa sélection annuelle de lectures.

Le Sang des innocents, traduit de l’anglais (États-Unis) par Pierre Szczeciner, éd. Sonatine, 400 p., 23 €.
Spoiler : 
J'avais lu La Colère, il m'avait ébranlée des semaines... Je viens de charger Le sang des Innocents dans ma tablette.

L'article sur l'ouvrage La Colère :
La colère, un polar jubilatoire qui dissèque la masculinité toxique de l'Amérique profonde
Avec son nouveau roman, S.A. Cosby s’attaque au racisme quotidien et à l’homophobie banalisée, dans une petite ville de Virginie-Occidentale. Un récit vif et brillant, entre déchaînement de violence et subtilité des sentiments.
Spoiler : article : 
À première vue, comme ça, c’est du polar de mec. Bien saignant, gorgé d’adrénaline, gonflé à la testostérone, emporté, pied au plancher, sur un rythme d’enfer. De la bagarre, des coups de menton, des coups de boule, des coups de feu. L’Amérique au tranchoir. L’histoire de deux hommes, têtes de pioche élevées à la dure, marqués par des années de taule, qui reprennent soudain du service pour retrouver les salopards qui ont assassiné leurs fils. Seulement voilà, ces deux fils étaient gays, au désespoir de leurs pères qui, ni l’un ni l’autre, n’avaient accepté de venir à leur mariage. Ike Randolph et Buddy Lee Jenkins ne se connaissaient donc pas avant qu’Isiah et Derek soient retrouvés sur le trottoir, une balle dans la tête. Tous les séparent d’ailleurs. Ike est noir, il a réussi à se relancer dans le jardinage. Buddy Lee est blanc, chômeur et alcoolique. Et tous deux vivent en Virginie-Occidentale où le racisme demeure solidement incrusté dans le paysage.

La Colère, second roman traduit en français de S.A. Cosby, après le succès des Routes oubliées, paru l’an dernier, est donc loin d’être un simple récit d’action bien carré bien vissé. Il est au contraire d’une grande complexité, mêlant intimement, dans un impressionnant mouvement d’oscillation, déchaînement de violence et subtilité des émotions, course-poursuite à haute tension et confusion des sentiments. Car Ike et Buddy Lee peu à peu se confient, se souviennent, se rapprochent, se racontent leurs comportements vis-à-vis de leurs fils, leur refus bétonné de les accepter tels qu’ils étaient. Leur incapacité à leur dire qu’ils les aimaient. Et bientôt leurs regrets, leurs remords, leur vertige de ne plus rien pouvoir faire sinon les venger. Cela, ils le savent, la violence est en eux, contenue depuis des années mais prête à resurgir. La colère chevillée au corps, Ike et Buddy Lee laissent monter la haine envers ceux qui ont tué leurs fils et qu’ils doivent retrouver coûte que coûte. Sans frein ni pardon. Comme s’ils pouvaient trouver la rédemption dans la vengeance, laver la mort par la mort.

Au travers de cette histoire, à l’instar de son précédent roman, c’est un portrait de l’Amérique profonde que brosse S.A. Cosby, de cette région de Virginie qu’il connaît bien pour y être né, où sa famille est installée depuis des générations. Racisme quotidien, homophobie banalisée, pauvreté, omniprésence des armes : le tableau est sombre sans que ses personnages ne soient jamais caricaturaux. Buddy Lee, par exemple, est conscient de ses préjugés racistes. Il mesure, au contact d’Ike, combien il les a intégrés. Et Ike, de son côté, se surprend à sursauter en entendant, chez le barbier, des propos qu’il aurait pu lui-même tenir quelque temps plus tôt, les Noirs n’étant pas moins homophobes que les Blancs : « Un homme qui laisse son gamin devenir homo, c’est qu’il a échoué. » Comme le dit, résigné, le serveur d’un bar gay, interrogé par les deux compères, « on est dans le Sud, si on n’est pas blanc et hétéro, il vaut mieux surveiller ses arrières ».

S.A. Cosby a dit avoir voulu écrire un roman sur la « masculinité toxique » et c’est bien de cela qu’il s’agit. Il en dissèque tous les gestes, tous les codes et comportements. À travers ses deux personnages principaux mais aussi un gang de bikers auquel ils vont se heurter, les « Sang pur », trafiquants d’armes et de méthamphétamine. Grosses bécanes, muscles, bravades, invectives, domination, compétition, misogynie, homophobie. Genre : « Si je te revois traîner par ici, il restera pas assez de ton cadavre pour remplir un Tupperware. Tu peux me croire sur parole. » Un festival qui va se terminer en feu d’artifice tragique.

Reste que le texte est jubilatoire car l’auteur a le sens du verbe qui fait mouche, de la répartie cinglante, de la métaphore au vitriol. C’est vif, rapide, brillant. À la tendresse et à la beauté déchirante de certaines scènes, Cosby oppose des moments de pure violence qu’il traite de manière hyper réaliste, qu’il déchaîne, qu’il enflamme, qu’il exacerbe. Qu’il montre surgissant des profondeurs de ses personnages, de manière quasi viscérale. Son roman ne laisse ainsi aucun répit au lecteur, bousculé autant par la forme que par la puissance de son propos. Sacrée maîtrise !

La Colère de S.A. Cosby, traduit de l’anglais (États-Unis) par Pierre Szczeciner, éd. Sonatine, 368 p., 23 €.
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freeshost
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Re: [Index Sociologie] Le racisme/sexisme...

Message par freeshost »

C'est si dur d'apprendre à vivre sans bouc émissaire et de prendre ses distances avec le capacitisme et la mégalomanie ? :lol:
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user6539
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Re: [Index Sociologie] Le racisme/sexisme...

Message par user6539 »

hazufel a écrit : lundi 27 mai 2024 à 14:10 Comme le thème du masculinisme a été abordé ici, je place ça ici, mais ça peut aussi aller ailleurs (je ne sais pas où :innocent: )

Chronique matin France Culture - Un monde connecté - Tibo InShape - Travail Famille Patrie et Youtube

En ne faisant pas attention au titre, on pourrait penser à la lecture des premières lignes, que les conseils pour se réapproprier son corps pourraient être intéressants et bons à prendre, mais ça vire au cauchemar très rapidement...
Et lorsqu'on lit qu'il compte presque 19 millions d'abonnés :hotcry: je sens que le plongeon en grand désespoir est imminent.
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Dimanche 26 mai, l'influenceur controversé Tibo InShape est devenu premier youtubeur de France.

À l’image d’un Nadal ou d'un Federer de la grande époque, un duel se joue actuellement entre Squeezie et Tibo InShape pour obtenir le titre de youtubeur le plus suivi de France. Le premier, tenant du titre, a quitté pendant plusieurs mois les terrains de la plateforme américaine, afin de se reposer et d'éviter un burn-out, menace qui guette de plus en plus de créateurs de contenu sous le joug d’un public insatiable et d’un algorithme imprévisible.

Cette période de retrait a permis à son challenger Thibaud Delapart, trente-deux ans, de le dépasser avec 18,9 millions d’abonnés. Un chiffre qui donne le vertige, tout comme ses vidéos, chacune regardée des millions de fois.

Quelles préoccupations de la jeunesse ?

À l’inverse de ses comparses, Tibo ne mise pas spécialement sur l’humour ou le divertissement, mais sur le culte de la performance et du dépassement de soi. Son créneau : le fitness et la musculation. Le youtubeur se filme sous toutes les coutures, pas un seul de ses muscles ne nous échappe, et il encourage chaque jour sa communauté à faire de l’exercice. La valeur de l’effort est au centre du récit. Il n’y pas que le travail qui paye et qui rapporte : Tibo a développé sa propre marque de produits, des haltères aux compléments alimentaires.

Ceux qui le suivent depuis le début apprécient sa transformation physique : il est passé d’une enveloppe corporelle fragile à un corps d’acier. Une trajectoire renforcée par un story telling. Adolescent, il s’est fait agressé, n’avait pas les moyens de riposter, et s’est juré qu’il allait se donner les capacités pour se défendre, car le monde est dangereux, et que les méchants sont partout. Nous nous croirions presque dans un Marvel.

D’une certaine manière, Tibo parle aux hommes qui ont une revanche à prendre, et développe une rhétorique assez viriliste. Quelques exemples de titres de vidéo : « Deux ans pour devenir boxeur », « J’ai survécu 60 jours sans porno » ou encore « je vais en boîte de strip-tease ».

Une fibre patriote

Nous ne comptons plus les contenus que le youtubeur a réalisé pour l’armée : « Je vais à l’école militaire », « J’infiltre la gendarmerie criminelle » ou « Mission commando à la légion étrangère ». En 2019, une polémique est née suite à la publication de vidéos qui faisaient l’apologie du SNU (Service National Universel) en présence de Gabriel Attal. Des vidéos qui étaient le fruit d’un partenariat rémunéré avec le ministère de l’Éducation, dont aucune mention ne faisait état.

Tibo Inshape est régulièrement mobilisé par l’exécutif comme bras armé d’une communication visant à sensibiliser les jeunes à servir le pays. Il est fier d’être français, n’a pas peur de montrer le drapeau tricolore, mais dément tout positionnement d'extrême droite. Une affirmation qui revient régulièrement, tout une misogynie latente. Cette mauvaise réputation dans le milieu des influenceurs a contraint France Télévision à le sortir du casting de l’opération "Aux Jeux Streamers !", une compétition sur Twitch qui mêlait - en marge des JO - des animateurs, des sportifs et des streamers.

Des évènements qui n'ont pas empêché le youtubeur de porter la flamme olympique à Toulouse, et de reprendre le flambeau de Squeezie pour devenir la plus grande star de Youtube. Des liens forts avec le Travail, la Patrie et enfin la Famille : Tibo est fiancé à une influenceuse fitness et met régulièrement en scène sa belle histoire d’amour. Comme quoi, il est possible de dominer un nouveau média avec des valeurs traditionnelles !
Et un complément une autre émission sur le même thème :

Masculinismes identitaires sur les réseaux au service d'une nouvelle vague réactionnaire

"Alors que le sentiment de déclin de la population française ne cesse d'augmenter et que le pays semble traversé par une "fracture identitaire", une nouvelle vague d'influenceurs d'extrême droite émerge sur les réseaux sociaux."
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Dans sa série "La Fièvre", diffusée sur Canal+, Éric Benzekri, également auteur de "Baron noir", explore les fractures identitaires qui traversent la France. Lors d’une remise de prix, un joueur de football noir assène un coup de tête à son entraîneur et le traite de "sale toubab". Un évènement relayé et très médiatisé, catalyseur des fractures identitaires du pays, faisant écho aux dernières actualités politiques, comme le drame de Crépol en novembre dernier, ou plus récemment, la polémique autour de la chanteuse Aya Nakamura.

À l'origine de l'exacerbation des tensions : les réseaux sociaux, qui, comme l'explique Benjamin Tainturier, fonctionnent "sur la réputation sociale". Les plateformes mettent en avant les "contenus polarisants, violents, qui forcent à prendre position, vous font liker, détester, réagir". Puisque les "plateformes rassemblent des communautés idéologiques de différentes natures", appuie Tristan Mendès France, ces dernières "ont tendance à s'affronter" dans une logique du "nous" contre "eux", ce qui "attise le débat accentue la violence en ligne. Un modèle assez porteur pour les influenceurs d'extrême droite qui savent jouer de cette polarisation", en "excitant à la fois leur propre base", tout en "profitant de l'indignation en face pour gagner en visibilité", "être relayés" et monter dans les tendances.

L'extrême droite : une sous-culture ?

À ses débuts, "Internet a permis l'expression d'une quantité de sous-cultures qui n'avaient pas la parole dans les médias", expose Christophe Cécil Garnier, rédacteur en chef adjoint du pôle enquête de StreetPress. Le réseau était un "champ libre", dans lequel l'extrême droite pouvait exposer ses idées. "Le FN est par exemple le premier parti de France à s'être doté d'un site internet. [...] Aujourd'hui, la fachosphère est très souvent en avance sur la culture internet." En créant des images par le biais de "l'intelligence artificielle", elle "donne corps à ses fantasmes". Aujourd'hui, "tous les faits divers qui marchent" comportent "des vidéos ou des photos", notamment "celles des victimes (Lola, Thomas...)", qui suscitent "énormément d'empathie".

"La gauche ne sait pas utiliser les memes". C'est en tous cas ce qu'illustre la "phrase très populaire sur Internet dans les cultures numériques : "the left can't meme", explique Tristan Mendès France, spécialiste des cultures numériques et de l'extrémisme en ligne. L'idée, c'est de dire qu'il n'y a que la droite qui a les codes en main et que tous les autres sont des has-been en ligne, [...] en retard sur le marché de la tendance et des usages." Une expression "assez symptomatique du fait que la droite est en pôle position sur le terrain de l'expression culturelle numérique depuis très longtemps", et que "cela continue encore aujourd'hui".

La communauté "Incels"

Dans le cadre de la réalisation de son documentaire "La Mécanique des fluides", l'artiste-chercheuse Gala Hernández López a infiltré virtuellement les communautés Incels, ou "involuntary celibate" : "Une communauté d'hommes - principalement originaires d'Amérique du Nord - qui ne parviennent pas à trouver de partenaire sexuelle malgré leur désir d'en avoir une". Le documentaire, explique-t-elle, "prend comme point de départ la lettre de suicide d'un membre, publiée sur Reddit, dans un forum qui s'appelait Brain Cells." En effet, les Incels se sentent "seuls" et "déclassés" appuie Benjamin Tainturier. Un sentiment que l'on retrouve dans les discours de Jean-Marie Lepen et des influenceurs d'extrême droite : "nous sommes les vaincus", "les oubliés de l'histoire", et "il est temps pour nous de prendre notre revanche."

Dans Les Grands-remplacés, le journaliste Paul Conge s'intéresse aux "déclassés" qui se tournent vers "les influenceurs d'extrême droite" parce qu'ils se sentent compris, indique Christophe Cécil Garnier. Dans "les années 2010, il y a notamment la personne d'Alain Soral, qui, avant d'être un idéologue, antisémite, raciste, était un pick-up artiste", autrement dit "un dragueur". Puis est arrivée une "seconde vague" d'influenceurs qui "se positionne en opposition à la première", poursuit Benjamin Tainturier. Tandis qu'Alain Soral et Dieudonné "incarnent le moment pivot entre militantisme traditionnel, proche des courants intellectuels, Le Raptor Dissident, Baptiste Marchais ou encore Papacito se positionnent eux à distance du débat d'idées et investissent davantage YouTube. Ils embrassent tous les gimmicks de réalisation et d'éditorialisation" et se présentent - non comme des militants d'extrême droite - mais comme des YouTubeurs humour, lifestyle, etc. Enfin, la troisième vague masculiniste joue, quant à elle, sur "un amalgame" entre "masculinité" et "réussite professionnelle", à l'image d'Andrew Tate, "un ancien champion de kickboxing qui s'est confronté à Greta Thunberg dans une espèce de passe d'armes par réseaux sociaux interposés, condamné il y a quelques années, alors qu'il résidait en Roumanie, pour proxénétisme et trafic d'êtres humains."

La cryptomonnaie : d'extrême droite ?

Au sein de la "communauté des cryptomonnaies", le coaching masculiniste est très présent, explique Gala Hernández López. Il existe de nombreuses "académies qui proposent des formations en ligne pour apprendre à faire du trading", accompagnées "de formations en développement personnel". Bien que la cryptomonnaie soit "légitime" et que l'on puisse s'y intéresser sans être d'extrême droite, ajoute Tristan Mendès France, "beaucoup de profils" de ce bord politique "cherchent à récupérer une partie des cryptofans en ligne. [...] Steve Bannon, ex-conseiller de Donald Trump, disait en 2019 que la crypto serait la monnaie de l'extrême droite." Elle démontre, selon Christophe Cécil Garnier, une volonté de se placer "hors système" et de "désactiver l'État."

Modification du paysage audiovisuel

Si les extrêmes n'avaient jusqu'alors pas accès à l'univers des médias, force est de constater que la parole présente sur les réseaux sociaux se retrouve désormais dans l'espace télévisuel. Un modèle "importé des États-Unis" dans lequel les médias forts et les réseaux sociaux interagissent, affirme Tristan Mendès France. "La radicalité en ligne, qui profitait auparavant de son propre buzz, de sa viralité naturelle, organique, ou poussée par les algorithmes, trouve aujourd'hui une synergie avec des émissions et des chaînes beaucoup plus mainstream. [...] Les petits extraits de passages assez radicaux qui passent sur des chaînes de radio ou de télévision en France" deviennent des "matériaux de consommation et de viralisation en ligne." Il y a aujourd'hui "une vraie hybridation entre quelques médias qui ont pignon sur rue et cette radicalité en ligne."

Certains médias, explique Benjamin Tainturier, se donnent pour devoir de "réinformer". "Pascal Praud, suite au drame de Crépol, parle de la réécriture de l'histoire que ferait le Parisien ou BFMTV", tandis que lui, au contraire, "revendique un bon sens, une proximité avec le réel et avec l'interprétation immédiate des choses", par laquelle il "convient de réinformer" pour dire vraiment ce que serait la réalité. "Évidemment, c'est aussi de la désinformation, précise le doctorant au Medialab de Sciences Po, Benjamin Tainturier, C'est une interprétation des choses."


Ah, ces modernes colporteurs de l'ère numérique, ces hommes-sandwichs de notre époque…

Au-delà de ce que décrivent fort justement les articles que tu as partagés, je ne peux m'empêcher de m'alarmer pour sa santé physique. Ayant visionné, ce jour, quatre de ses innombrables vidéos, j'ai constaté qu'il est souvent à bout de souffle à la fin de chacun de ses exercices, peinant visiblement à retrouver une respiration normale. Sa condition physique laisse également à désirer, tant en termes de force brute que de puissance explosive. Réaliser 39 pompes en 30 secondes… Comment dire… C'est à peine ce que réussissaient les benjamines (12-13 ans) en phase de préparation physique lorsque je les entraînais en athlétisme. Pour illustration, à plus de 40 ans, j'ai tenté l'exercice et suis parvenu à 49 pompes en 30 secondes, en mouvement complet, et cela sans être dans ma meilleure forme…

Par ailleurs, détient-il quelque brevet d'État pour dispenser ses « conseils » en matière de préparation physique ou de musculation ? Il y a vingt ans, on ne pouvait encadrer une discipline sportive, même à titre bénévole, sans le BEES adéquat. Mentionne-t-il au moins dans ses vidéos l'importance de l'hydratation, de l'échauffement (étirements inclus) et de la récupération, ou n'est-il qu'un simple représentant des produits estampillés FitnessBoutique ?

L'importance des étirements et des échauffements, parlons-en. Cette délicieuse habitude de s'assurer que les muscles soient bien préparés avant l'effort, évitant ainsi blessures et autres désagréments. Quelqu'un devrait peut-être lui rappeler qu'un bon échauffement, comprenant des étirements dynamiques, augmente la circulation sanguine et prépare le corps à l'effort. La récupération, cette pratique désuète pour certains, est en réalité essentielle pour permettre au corps de se réparer et de se renforcer après l'exercice. Elle inclut non seulement des étirements, mais aussi une bonne hydratation et des périodes de repos adéquates. Ces éléments fondamentaux de tout programme d'entraînement digne de ce nom semblent manifestement échapper à notre cher "coach".

On pourrait également s'interroger sur son silence à propos de l'hydratation, ce petit détail insignifiant qui permet de maintenir les performances et de prévenir les crampes et autres problèmes liés à la déshydratation. Mais pourquoi se préoccuper de tels détails quand on peut simplement promouvoir des gadgets et des compléments alimentaires ?

C’est à vomir. Constater que ceux qui se proclament gourous du fitness n’ont souvent ni la formation adéquate ni la condition physique pour justifier leurs prétentions. Mais après tout, pourquoi s’embarrasser de compétences et de connaissances solides lorsque l’apparence et le marketing suffisent à duper un public d’une crédulité aussi abyssale, un véritable hommage à la bêtise humaine ?

Travail - Famille - Patrie.
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À vomir.
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hazufel
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Re: [Index Sociologie] Le racisme/sexisme...

Message par hazufel »

C3PO a écrit :Ah, ces modernes colporteurs de l'ère numérique, ces hommes-sandwichs de notre époque…
Je te remercie pour ton analyse technique et sportive très fine, sont trop souvent oubliées les conséquences de santé physique dans ce genre de "contenus" en plus des idées pourries qu'il colporte.

Sur le même, article qui n'est pas pour rassurer :

Performance et idées rances : Tibo InShape, vraiment le premier youtubeur de France ?
Le youtubeur muscu et mascu, qui a bien compris que YouTube préfère la quantité à la qualité, vient de dépasser Squeezie en nombre d’abonnés. Mais n’est pas pour autant le plus regardé de France.
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Il a des gros (très gros) biceps et désormais la plus grosse (très grosse) chaîne YouTube de France. Sonnez hautbois, résonnez musettes, Tibo InShape est depuis ce dimanche le premier youtubeur français avec 19 millions d’abonnés. « Damn ! » s’est-il sans doute exclamé, comme il le fait depuis près de dix ans dans ses vidéos. Le jeune homme de 32 ans détrône donc Squeezie, qui avait jusqu’ici le titre de roi de la plateforme, et qui doit se contenter à présent de la place de second. Mais qu’on ne s’y trompe pas, si Tibo InShape accède au sommet du divertissement en ligne, ce n’est pas grâce à la qualité de ses contenus. Loin de là. Et il n’est pas non plus l’homme le plus regardé de France (comme nous le notions au sujet de Squeezie en une de Télérama en septembre dernier). Loin de là.

Thibaud Delapart, fort accent albigeois, tout en muscles, sueur et protéines, accro à la salle de sport, un corps comme sorti des dessins de Tom of Finland (des abdos en béton, un dos taillé à la serpe et des cuisses monstrueuses), plus de trois mille vidéos postées sur YouTube et plus de 12,5 milliards de vues cumulées. Son truc, on l’aura compris, c’est la muscu, tendance un brin mascu : tout en donnant des conseils pour bien se gainer et gagner en largeur (une obsession), il promeut un idéal masculin très… burné, où le dépassement de soi est central, tout comme l’adage, pourtant éculé et maintes fois démonté, « quand on veut on peut ».

Son nom est associé à moult polémiques, tant le contenu qu’il poste est quasi systématiquement problématique. Sous couvert d’humour, il a multiplié les sorties (de route) sexistes, misogynes, voire homophobes, des propos racistes avaient même été déterrés en 2019. Il a longtemps eu une passion pour « les petites » et leurs « meules » (qu’il dédicaçait jadis, parlant, comble du bon goût, de « dédi meules »), il a fustigé les personnes grosses (qui, si elles le sont, ne peuvent selon lui s’en prendre qu’à leur manque de motivation) et dépressives – souvenons-nous de son désormais célèbre « Rien à foutre de ta dépression ». Toujours le même mécanisme : Tibo InShape dit peu ou prou n’importe quoi, puis fait machine arrière, à grands coups de : « Je ne suis pas parfait. » Récemment, il a fait une vidéo dans laquelle la très conservatrice sexologue Thérèse Hargot flirte allègrement avec la culture du viol. Joli palmarès.

Les vidéos de Tibo InShape ont toutes ou presque des titres ultra racoleurs, hurlés en majuscules, avec une ponctuation tape à l’œil. On dirait le pire des reportages diffusés sur les chaînes de la TNT dans les années 2000. Notons en vrac : « Otage d’un terroriste elle survit !! », « Son espérance de vie est de 20 ans… », « Elle boit une bouteille de Destop !! », « Un ancien toxicomane raconte !! » et « Vivre sans nez ! » (promis, on n’invente rien). Le youtubeur a aussi une tendance très nationaliste, fana mili et fier de l’être. Sa chaîne compte des dizaines de vidéos en immersion chez les pompiers, la police ou les militaires : « J’ai passé 24h sur le Charles-de-Gaulle », « Je défile au 14-Juillet », « Stage commando à la Marine nationale !! (c’est très physique) », « Mission commando à la légion étrangère ». En 2019, il faisait, pour le compte du gouvernement, la promotion du Service national universel (SNU), avec en guest star le secrétaire d’État en charge de la jeunesse de l’époque… Gabriel Attal, alors tout juste trentenaire.

Mais avec ses 19 millions d’abonnés, Tibo InShape est-il pour autant le youtubeur le plus regardé de France ? Non, et il le dit lui-même. Dans une vidéo publiée en janvier dernier, alors qu’il n’avait que 14,5 millions d’abonnés, il évoquait la fulgurance de son ascension vers les sommets de la plateforme : « J’ai mis dix ans à faire de 0 à 10 millions d’abonnés, et cinq mois à faire de 10 millions à 14,5 millions. C’est n’importe quoi ! » N’importe quoi, certainement, mais sûrement pas avec n’importe quelle stratégie. Le youtubeur a tout misé sur les « shorts », ces formats très courts (souvent moins d’une minute) qui sont particulièrement valorisés par l’algorithme de la plateforme et dont la viralité est quasiment assurée. « Depuis qu’il y a des shorts, et surtout que ça rapporte des abonnés, j’en fais environ cinq, six par jour, même le samedi, même le dimanche », explique-t-il, confessant que la qualité ne peut donc évidemment pas être au rendez-vous. « YouTube préfère la quantité à la qualité, c’est un fait. »

Ces contenus, sans paroles, sont pour la plupart des plagiats provenant de TikTok (lui parle de « suivre les tendances »), et sont d’une misogynie crasse, quand ils ne sont pas juste complètement débiles.
Avantage : la bêtise et le sexisme sont sans frontières, et les vidéos de notre roi de YouTube sont particulièrement prisées… à l’international. Malin. Comme il le montre dans une vidéo de janvier, les shorts sont vus pour seulement 11 % en France, pour le reste, c’est un carton en Inde, en Russie, aux États-Unis ou encore au Brésil. « Vive la France, et on va continuer de faire rayonner notre magnifique pays à l’international », s’enthousiasme Tibo. On a connu meilleur ambassadeur et on se serait bien passé de ce patriotisme peu reluisant. Sur X, le youtubeur ironise lui-même de la situation et joue avec ses contempteurs, en promettant une « rencontre abonnés au Pakistan et en Inde cet été ».

Un poil réac, voire très très à droite – comme le démontrait habilement une vidéo du média en ligne Blast –, Tibo InShape ne cesse de défendre des valeurs traditionalistes et de clamer son propre mérite. Il dit devoir son succès à sa régularité sur la plateforme (il assure ne s’être abstenu de poster, en dix ans, que pendant deux semaines), à sa motivation et à son abnégation sans faille : « Je ne joue pas aux jeux vidéo, je regarde une série vingt minutes par jour, je ne sors pas dans les bars, je ne vais pas au cinéma, je ne vais pas en boîte, je ne fais pas des happy hours, c’est simple : de l’organisation et des sacrifices. » Un beau discours méritocratique et des vidéos bien médiocres, très loin de la qualité proposée par ses concurrents sur la plateforme. À tel point que, comme le remarque sur X un spécialiste de la data, les vidéos de Squeezie – qui comportent certes moins d’abonnés – sont dix fois plus regardées que celles de notre pro de la muscu. Tibo InShape, une grosse (très grosse) ambition, et une énorme fraude.
La vidéo mentionnée de Blast :
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Et en Ajout (HS mais pas tant, on est dans de la discrimination par le corps), par rapport au culte du sport biaisé sur les réseaux, dont les contenus, qui en plus de ne pas être techniquement contrôlés et maitrisés comme le souligne C3PO, peuvent entrainer des dérives catastrophiques :
Influenceurs sportifs, une influence dangereuse sur les ados
Influenceurs sportifs : une influence dangereuse sur les ados ?
Ventre plat, muscles dessinés. Sur les réseaux sociaux, des centaines de comptes, très suivis par les plus jeunes, prônent régime monacal et sport à haute dose. Une obsession pour la “bonne santé” et le culte du corps parfait pas si positive qu’elle y paraît.
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Au début, je le faisais pour changer mon corps. Même si c’est toujours un peu le cas, j’essaye de me focaliser maintenant davantage sur mon bien-être. » En 2020, Esther se met à suivre la chaîne YouTube de l’influenceuse Océane Andréa, qui propose des séances de fitness. L’adolescente pratique d’abord régulièrement les exercices d’une vingtaine de minutes dans sa chambre. Mais, depuis quelques mois, Esther, 15 ans, se rend à la salle de sport deux à trois fois par semaine. Une démarche qui la remotive, et pour laquelle elle regarde des tutos afin de structurer sa séance sur « les machines ». « C’est un plaisir, ça défoule. Tu te sens bien en sortant de la salle, reposée après un effort physique. » Pour autant, la jeune fille a conscience des effets néfastes que peuvent susciter beaucoup de comptes chez ses pairs. « Les influenceurs muscu ont “un corps de salle”, et on peut avoir envie de leur ressembler à tout prix. Ça peut être toxique. »

Ils se nomment Tibo Inshape, Juju Fitcats, Bodytime, Sonia Tlev, Sissy Mua, Olivier Jacquin… Sur Instagram et TikTok s’étalent leurs pectoraux impressionnants et autres impeccables ventres plats. Leurs comptes sont suivis par des milliers, voire des millions d’abonnés. Leur recette ? Sport et nourriture saine, pour espérer un corps parfait. Comprenez, selon les normes en vigueur dans notre société contemporaine. Guillaume Vallet, sociologue et auteur de l’ouvrage La Fabrique du muscle, explique que cette fascination pour le corps ne date pas d’hier. « La question de la performance, du dépassement de soi et de la distinction individuelle date du milieu du XIXᵉ siècle et de l’avènement du système capitaliste. » L’arrivée des réseaux sociaux ayant démultiplié l’image que nous présentons aux autres. « C’est une interface de soi qui permet de “classer” les individus dans notre monde social, avec le corps au centre de ce processus. »

Tous à la salle !

Mais attention, comme toujours quand on parle réseaux sociaux, il convient de nuancer. Le psychiatre Bruno Rocher, spécialiste des troubles du comportement alimentaire au CHU de Nantes, constate que le fitness « peut aussi être un moindre mal par rapport à l’anorexie ; car celle-ci comporte un besoin de contrôle, qui peut être satisfait aussi par le sport ». Le médecin a ainsi vu un de ses patients souffrant d’anorexie mentale passer de 50 à 80 kg « en trouvant son apaisement et sa réassurance dans le sport ». Le Dr Rocher rappelle que la question principale en addictologie est bien celle de l’usage : « Si le sport vient entraver les relations sociales, qu’il devient une contrainte et que l’on persiste dans un effort physique que notre corps ne peut supporter, alors oui, on peut parler d’excès. » Le médecin observe tout de même qu’« aller à la salle » est aujourd’hui une norme pour de nombreux adolescents. « Depuis une dizaine d’années, un de mes patients sur deux s’y rend. Si ça envahit les chaînes YouTube, cela envahit aussi mes consultations. »

Dans cette corrélation entre sport et réseaux sociaux, les hommes sont loin d’être en reste. Dans sa thèse de médecine psychiatrique de 2020, « L’influence des réseaux sociaux sur la perception de l’image corporelle et son implication dans les troubles du comportement alimentaire », Barbara Jiotsa Nguetsop explique que, pour eux, la pression sociale « prend la forme du culte du corps musclé […], appelé dysmorphie musculaire ou encore complexe d’Adonis ». On parle également, pour cette obsession liée à la musculature qui mène à un entraînement extrême couplé à un régime strict, d’anorexie inversée.

Pour chaque compte, il faut se questionner. Que me procure-t-il : motivation ou dévalorisation ?

Ely Killeuse, ancienne « fitgirl »

Les psychiatres vont donc discerner ce qui est problématique de ce qui ne l’est pas… Oui, mais au quotidien, comment un adolescent peut-il faire pour ne pas se laisser happer par toutes ces vidéos de corps sculptés ? Pas de recette miracle pour Yasmine, alias Ely Killeuse, sur Instagram. Cette ancienne « fitgirl » (contraction de fitness girl) a opéré un étonnant revirement il y a quelques années en modifiant totalement ses contenus, devenant ainsi influenceuse body positive, un mouvement qui prône l’acceptation de soi et de tous les corps. « Après un énième régime où je pesais mes œufs et mon fromage, je me suis dit stop. J’avais envie de m’accepter physiquement, de ne plus fournir tous ces efforts. » Celle qui avait commencé les régimes à 12 ans, à cause d’un professeur de sport l’ayant jugée « trop grosse », a fait le tri dans ses abonnements Instagram. Yasmine invite les jeunes à se fier à leur instinct : « En tant qu’ado, trouve des comptes safe qui te plaisent. Si tu likes des vidéos culpabilisantes, Insta va t’en proposer d’autres du même genre. » Et à supprimer d’office un compte qui les fait se sentir mal : « Les meilleurs discours sont les plus nuancés. Pour chaque compte, il faut se questionner. Que me procure-t-il : motivation ou dévalorisation ? »

C’est ainsi qu’Adam, 16 ans, a rapidement cessé de suivre la star des influenceurs musculation, Tibo Inshape. « Je n’aime pas trop le côté culpabilisant envers ceux qui ne font pas de sport, comme si tout le monde devait avoir le même mode de vie que lui. » L’adolescent, lycéen en sport études, est pourtant un sportif chevronné. « Je me dévalorisais, ça ne me stimulait pas. Je me disais que mes résultats n’étaient pas top, alors que c’est idiot, chacun a sa morphologie, son parcours, son histoire de vie. » Très vite, le jeune homme perçoit les failles de ces influenceurs, se lasse de regarder des vidéos d’hommes musculeux soulevant des poids. Il comprend aussi que beaucoup, sans le dire, prennent un certain nombre de produits pour arriver à ce corps-là…
Le YouTubeur Tibo Inshape, 9,13 millions d’abonnés, admet lui-même être « bigorexique » (dépendant au sport).

Ely Killeuse connaît bien les dessous de ces comptes à la mentalité « no pain no gain », celles qui n’avalent rien de la journée pour avoir le ventre plat sur une photo, ceux qui photographient leur assiette, mais qui derrière ne la mangent pas. Elle-même cuisinait des gâteaux pour d’autres en annonçant fièrement ne même pas lécher la cuillère. « Il faut ouvrir les yeux aux ados, appuie l’influenceuse. Les réseaux sociaux, ce n’est pas la vraie vie. Ils sont trop nombreux à se dire, moi aussi je veux être une fitgirl ou un Tibo Inshape ! » « Être influenceur, ce n’est pas un diplôme d’État, renchérit le Dr Bruno Rocher. Les exercices proposés ne sont pas toujours maîtrisés ou adaptés. Les influenceurs s’adressent à une masse, pas aux particularités de chacun. » En tant qu’étudiant-athlète, Adam a la chance d’avoir un coach diplômé qui l’a mis en garde. « Je garde une certaine distance et je fais confiance aux pros, pas au nombre de followers. » Autre chose le gêne dans ce culte du corps : ce qu’on y attend des filles, les ramenant encore une fois à une posture d’objet de désir. « C’est bizarre, ce qu’on leur propose à elles, c’est plutôt des choses pour plaire aux mecs, des exercices fessiers, ce genre de trucs. J’ai déjà vu une fille se faire insulter sur TikTok parce qu’elle était trop musclée, et que si tu as trop de pectoraux, tu n’as plus assez de seins. »

Pour le sociologue Guillaume Vallet, les réseaux sociaux ont exacerbé cette volonté de « faire de son corps un capital ». La quête identitaire des adolescents, premiers touchés, passant quasiment toujours par l’interface du corps et de la mise en scène de soi. Au détriment sans doute des plus fragiles d’entre eux. Comme pour toute activité à double tranchant, un regain d’intérêt parental concernant les influenceurs préférés de sa progéniture en pleine puberté semble, encore et toujours, le meilleur moyen de déceler les problèmes, si problème il y a. Dites-vous qu’en plus, en tant qu’adulte dépassé, vous allez y gagner un peu de culture jeune des réseaux sociaux. « En tant qu’ado, on est plus fragile face à ces comptes, il faut faire attention à cette recherche du “beau corps” », soutient Esther. « Reprenez le lead, conclut Ely Killeuse. Vous êtes acteurs de ce que vous followez. »
TSA & SAMA
2 fils TSA (et dysgraphiques / praxiques / exécutifs)