Modération (Tugdual) : Déplacement du sujet depuis "À propos de l'autisme et du S.A.".
Bonjour,
Je m'excuse sur des sujets ont déjà exploré cette thématique mais je n'en ai pas trouvé dans la barre de recherche !
Je précise tout d'abord que je ne suis pas diagnostiquée (seulement des suspicions actuellement et des professionnels de santé pas d'accord entre eux ^^) mais quoi qu'il en soit, je pense que cette problématique est commune à bien des profils et que ça parlera à beaucoup de monde.
J'ai toujours eu beaucoup de mal à passer des appels téléphoniques et encore plus à répondre à des appels entrants, c'est une source d'épuisement au quotidien. Quand je sais que j'ai deux appels à passer dans la journée, cela occupe la haute place dans ma "to do list" et cela m'accapare une grande partie de l'esprit. C'est compliqué dans le monde professionnel (bon, je suis actuellement au chômage donc ça a simplifié la tâche) mais aussi dans la vie perso. J'ai longtemps pensé que c'était lié à de l'anxiété (TAG) mais je réalise que ça ne se "soigne pas", malgré les thérapies, malgré la sophrologie, il reste une constante : quand je me fais trop violence et que lors d'une semaine il y a trop d'interactions téléphoniques (et il suffit que j'ai en plus de ça un rdv à pôle emploi par exemple) et mon esprit finit par "se fissurer". J'ai l'impression de gérer quelques jours, de parvenir à bien m'en sortir mais je finis toujours par m'effondrer. Hier matin, par exemple, j'ai eu un rendez-vous en face à face le matin puis l'après-midi un rendez-vous téléphonique et j'ai fini au bord des larmes. Les jours suivants, j'ai alors toujours envie de me rouler en boule dans mon lit, plus envie de rien, je broie du noir, bref plus aucune ressource sociale... En essayant d'analyser le "pourquoi", j'ai réalisé que j'avais énormément de mal à comprendre ce type d'interactions uniquement orales, au téléphone quand mon interlocuteur attend que je parle, je me tais et quand je me remets à parler, lui aussi, si bien que je lui coupe la parole. Je ne comprends pas non plus quand je suis censée raccrocher, s'ensuivent donc des silences pesants et une impression d'étrangeté en ressort toujours. J'ai l'impression que le petit signal exprimant "la conversation est finie, vous pouvez raccrocher" ne vient jamais, je l'attends mais il ne vient pas. Je pense toujours que ce sont mes interlocuteurs qui sont bizarres mais je commence à me demander si le problème ne vient pas de moi, surtout quand je suis face à quelqu'un qui a l'habitude du téléphone (du genre conseillers téléphoniques). Ou alors tous les appels téléphoniques avec des étrangers paraissent toujours étranges ? Qu'en est-il pour vous ?
Je passe mon temps à me demander si je passe à côté de sous-entendus, d'implicites (et le fait est que c'est souvent le cas). Parfois, j'entends les gens "sourire" (enfin vous savez, un petit rire étouffé) comme si je disais quelque chose de drôle ou que mes réactions les faisaient rire mais je ne comprends pas pourquoi.
Et alors quand quelqu'un me dit qu'il m'appellera, je me retrouve dans l'attente du coup de fil et ne peux rien faire de ma journée, la sonnerie de téléphone me panique et je me dis qu'à l'instant -t, je devrai être concentrée, savoir quoi dire (j'expérimente souvent des gros coups de barre et des phases de déréalisation donc en plus, cela me nécessite de revenir à moi très rapidement). Et pour le coup, c'est un effet du trouble anxieux, quand on me demande une info précise, mon cerveau "freeze" et j'en viens à oublier des choses que je sais pourtant par coeur.
C'est toujours un évènement, une victoire, et ensuite il me faut me reposer, c'est fâcheux car cela me freine beaucoup... Et je peine d'ailleurs à trouver une idée d'emploi compatible avec cela.
Certains expérimentent-ils les mêmes difficultés ? Comment parvenez-vous à intégrer les appels téléphoniques inévitables (quand je peux, je passe par les mails mais les gens ne veulent pas toujours...) à votre quotidien sans que cela finisse en mini burn-out à chaque fois ? (c'est vraiment l'effet que ça me fait)
A savoir que les appels visio présentent des problématiques similaires mais "un peu moins", j'ai l'impression que c'est légèrement plus aisé pour moi avec l'image.
Appels téléphoniques - échanges d'expérience
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Re: Appels téléphoniques - échanges d'expérience
Pour les personnes diagnostiquées, il y a un sujet ici...
TCS = trouble de la communication sociale (24/09/2014).
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Re: Appels téléphoniques - échanges d'expérience
Hello Siana,
Pour ma part j'ai les deux (autisme et anxiété), dans mon cas ça se traduit par ça, il y a des éléments en commun avec toi [attention, ça reste personnel et ne vient rien confirmer ni infirmer] :
Appréhension, blocage tant que l'appel n'a pas été passé/reçu, puis rembobinage, repassage de l'intéraction. Je ne me préoccupe pas tant de l'impression qu'autrui a pu avoir sur moi, mais plus des règles que je m'impose à moi-même pour avoir un comportement adapté. Un doute aussi de ne pas avoir tout compris, ou mal compris.
Cette appréhension, je l'ai même quand c'est la famille, même les membres avec lesquel·le·s je me sens le plus à l'aise ; c'est aussi le cas avant une recontre IRL, une venue chez moi... pour toute intéraction ou chose qui sort de mon contrôle en fait. Ça m'empêche souvent de m'adonner à mes loisirs, dans lesquels je me plonge normalement de façon très exhaustive. Ça va jusqu'à me laisser plantée sur mon canapé à checker l'heure et anticiper l'échéance.
À l'inverse, une fois l'appel engagé, j'ai un besoin de mouvement, je fais les cent pas dans mon studio, je me frotte les jambes, encore et encore... j'ai un besoin d'évacuer l'inconfort par des mouvements dont je me rends compte parfois que "tiens je suis en train de le faire, j'avais même pas remarqué !"
Ces comportements peuvent être, selon les cas, autistiques (stéréotypies, autostimulations), anxieux (la différence pour moi étant que l'autostimation répétitive est présente même quand je suis très détendue, juste moins intense/"gesticulaire" ), ou les deux.
Je coupe énormément la parole ; j'ai aussi un TDAH, qui peut induire une grande impulsivité dans l'échange, pourtant malgré un traitement efficace je continue de galérer avec les tours de parole. J'émets l'hypothèse qu'en parallèle des difficultés communicationnelles inées (autisme) et anxieuses, un apprentissage des échanges avec cette impulsivité jusqu'à mes 25 ans a pu me laisser des automatismes.
J'ai aussi des difficultés à moduler le volume de ma voix, je parle tantôt trop bas (encore ce matin en achetant un billet de bus), tantôt trop haut (surtout). Voire je ne vais pas penser que je peux faire mal aux oreilles de la personne et donc ne pas faire attention (je n'ai pas spontanément conscience qu'elle va être plus sensible aux haussements de voix car le son parvient directement à son oreille contrairement à une conversation IRL).
L'environnement, le sensoriel joue beaucoup ; le bruit ambiant peut grandement parasiter l'échange. De même, j'ai le plus grand mal à téléphoner et faire quelque chose de productif en même temps — y compris mécanique. L'appel m'accapare.
Je prends ma "voix de secrétaire". Je prépare mon discours à l'avance. Lorsque l'appel est inattendu, je ne réponds que si le numéro est connu, sinon -> répondeur.
Hors famille, surtout quand on m'appelle, je ne sais jamais comment engager la conversation concrétement.
Exemple :
Deoxys forme secrétaire (amorce protocolaire) : "Oui allô ?"
L'autre : "Oui bonjour Deoxys, c'est Machin."
...
Et là déjà, ça coince. Je ne sais pas quoi répondre instinctivement à ça. "Ah, d'accord" ? "Oui, c'est à quel sujet" ? "Ah, bonjour Machin !" et si je choisis ça, est-ce que j'ajoute un "ça va/vous allez bien" (mais ça c'est trop familier du coup, non...?)
Souvent ce qui sort c'est : "...oui... bonjour Machin..."
Plus jeune c'était encore et encore, quand j'appelais :
L'autre : "Oui allô ?"
Moi : "Allô ?" [réponse que je pensais adéquate parce que quand on téléphone on dit "allô"]
L'autre : "...oui ?"
Je rechigne à laisser un message sur un répondeur, je dois renouveler l'appel après avoir préparé une autre formulation, et rester synthétique est compliqué.
De même, je dois me repasser plusieurs fois un message reçu pour être sûre d'avoir tout saisi.
Plus jeune, j'avais très peur de passer des coups de fil. Je me souviens que même avec une amie, j'avais des difficultés.
Notamment une fois où il y a eu un blanc. Un silence de plusieurs minutes. Et j'étais là à attendre (et elle aussi ). Dans ce contexte, pas de peur (de l'anxiété peut-être ?), c'est surtout que je ne savais pas du tout comment initier à nouveau le contact.
J'ai beaucoup entendu autour de moi qu'au téléphone, les gens étaient moins reconnaissables. Alors pour quelqu'un dont la sphère sociale est impactée, c'est d'autant plus compliqué. Il y a moins d'éléments auxquels se raccrocher, moins d'indices à analyser — à défaut de les saisir facilement.
Tu mentionnes le fait de ne pouvoir tenir ton "endurance sociale" (si je puis m'exprimer ainsi, corrige-moi si cela n'est pas exact !) qu'un certain temps.
Dans le TSA le masking ou fait de compenser ses difficultés est souvent présent, et s'il peut faire illusion de façon convaincante dans certains cas donnés/selon les personnes, il est en revanche épuisant car des efforts sont mis en œuvre là où les choses devraient se faire sans plus d'énergie que cela.
Les troubles anxieux, la dépression et autres, peuvent aussi amener une personne à compenser, à masquer ses difficultés pour faire face aux réalités quotidiennes... jusqu'à ce qu'elle flanche.
Il est important de se prémunir contre le risque de burn out.
Même sans aller jusque là, sache que ce qui m'aide, c'est de m'accorder des plages de solitude, de repos, de "kiff" (loisirs, chats) pour recharger les batteries.
Ne pas hésiter à préparer un petit script papier lorsque cela est possible et/ou nécessaire.
Il peut être utile de poser des questions en cas de doute, de faire répéter. De demander à ce que la personne ralentisse la cadence, donne des précisions... ne pas se laisser dépasser en gros. (Plus facile à dire qu'à faire, encore faut-il savoir l'amener ou avoir conscience de ses besoins "en direct live" )
Pour moi en tout cas, je dirais que le TSA va jouer sur ma compréhension fine de l'échange, sur sa technicité, sur la souplesse à accueillir des choses échappant à mon contrôle/perturbant mon "mode par défaut" (celui d'être dans mon monde tranquillou ).
Alors que l'anxiété va entraîner des ruminations (pouvant co-exister avec l'anticipation anti-imprévu), du catastrophisme, du saut-au-conclusion, une exigence de performance... Certaines personnes seront anxieuses de ce que pensent les autres, d'être jugées...
Bonne continuation dans ton parcours diagnostique, en tout cas !
Pour ma part j'ai les deux (autisme et anxiété), dans mon cas ça se traduit par ça, il y a des éléments en commun avec toi [attention, ça reste personnel et ne vient rien confirmer ni infirmer] :
Appréhension, blocage tant que l'appel n'a pas été passé/reçu, puis rembobinage, repassage de l'intéraction. Je ne me préoccupe pas tant de l'impression qu'autrui a pu avoir sur moi, mais plus des règles que je m'impose à moi-même pour avoir un comportement adapté. Un doute aussi de ne pas avoir tout compris, ou mal compris.
Cette appréhension, je l'ai même quand c'est la famille, même les membres avec lesquel·le·s je me sens le plus à l'aise ; c'est aussi le cas avant une recontre IRL, une venue chez moi... pour toute intéraction ou chose qui sort de mon contrôle en fait. Ça m'empêche souvent de m'adonner à mes loisirs, dans lesquels je me plonge normalement de façon très exhaustive. Ça va jusqu'à me laisser plantée sur mon canapé à checker l'heure et anticiper l'échéance.
À l'inverse, une fois l'appel engagé, j'ai un besoin de mouvement, je fais les cent pas dans mon studio, je me frotte les jambes, encore et encore... j'ai un besoin d'évacuer l'inconfort par des mouvements dont je me rends compte parfois que "tiens je suis en train de le faire, j'avais même pas remarqué !"
Ces comportements peuvent être, selon les cas, autistiques (stéréotypies, autostimulations), anxieux (la différence pour moi étant que l'autostimation répétitive est présente même quand je suis très détendue, juste moins intense/"gesticulaire" ), ou les deux.
Je coupe énormément la parole ; j'ai aussi un TDAH, qui peut induire une grande impulsivité dans l'échange, pourtant malgré un traitement efficace je continue de galérer avec les tours de parole. J'émets l'hypothèse qu'en parallèle des difficultés communicationnelles inées (autisme) et anxieuses, un apprentissage des échanges avec cette impulsivité jusqu'à mes 25 ans a pu me laisser des automatismes.
J'ai aussi des difficultés à moduler le volume de ma voix, je parle tantôt trop bas (encore ce matin en achetant un billet de bus), tantôt trop haut (surtout). Voire je ne vais pas penser que je peux faire mal aux oreilles de la personne et donc ne pas faire attention (je n'ai pas spontanément conscience qu'elle va être plus sensible aux haussements de voix car le son parvient directement à son oreille contrairement à une conversation IRL).
L'environnement, le sensoriel joue beaucoup ; le bruit ambiant peut grandement parasiter l'échange. De même, j'ai le plus grand mal à téléphoner et faire quelque chose de productif en même temps — y compris mécanique. L'appel m'accapare.
Je prends ma "voix de secrétaire". Je prépare mon discours à l'avance. Lorsque l'appel est inattendu, je ne réponds que si le numéro est connu, sinon -> répondeur.
Hors famille, surtout quand on m'appelle, je ne sais jamais comment engager la conversation concrétement.
Exemple :
Deoxys forme secrétaire (amorce protocolaire) : "Oui allô ?"
L'autre : "Oui bonjour Deoxys, c'est Machin."
...
Et là déjà, ça coince. Je ne sais pas quoi répondre instinctivement à ça. "Ah, d'accord" ? "Oui, c'est à quel sujet" ? "Ah, bonjour Machin !" et si je choisis ça, est-ce que j'ajoute un "ça va/vous allez bien" (mais ça c'est trop familier du coup, non...?)
Souvent ce qui sort c'est : "...oui... bonjour Machin..."
Plus jeune c'était encore et encore, quand j'appelais :
L'autre : "Oui allô ?"
Moi : "Allô ?" [réponse que je pensais adéquate parce que quand on téléphone on dit "allô"]
L'autre : "...oui ?"
Je rechigne à laisser un message sur un répondeur, je dois renouveler l'appel après avoir préparé une autre formulation, et rester synthétique est compliqué.
De même, je dois me repasser plusieurs fois un message reçu pour être sûre d'avoir tout saisi.
Plus jeune, j'avais très peur de passer des coups de fil. Je me souviens que même avec une amie, j'avais des difficultés.
Notamment une fois où il y a eu un blanc. Un silence de plusieurs minutes. Et j'étais là à attendre (et elle aussi ). Dans ce contexte, pas de peur (de l'anxiété peut-être ?), c'est surtout que je ne savais pas du tout comment initier à nouveau le contact.
J'ai beaucoup entendu autour de moi qu'au téléphone, les gens étaient moins reconnaissables. Alors pour quelqu'un dont la sphère sociale est impactée, c'est d'autant plus compliqué. Il y a moins d'éléments auxquels se raccrocher, moins d'indices à analyser — à défaut de les saisir facilement.
Tu mentionnes le fait de ne pouvoir tenir ton "endurance sociale" (si je puis m'exprimer ainsi, corrige-moi si cela n'est pas exact !) qu'un certain temps.
Dans le TSA le masking ou fait de compenser ses difficultés est souvent présent, et s'il peut faire illusion de façon convaincante dans certains cas donnés/selon les personnes, il est en revanche épuisant car des efforts sont mis en œuvre là où les choses devraient se faire sans plus d'énergie que cela.
Les troubles anxieux, la dépression et autres, peuvent aussi amener une personne à compenser, à masquer ses difficultés pour faire face aux réalités quotidiennes... jusqu'à ce qu'elle flanche.
Il est important de se prémunir contre le risque de burn out.
Même sans aller jusque là, sache que ce qui m'aide, c'est de m'accorder des plages de solitude, de repos, de "kiff" (loisirs, chats) pour recharger les batteries.
Ne pas hésiter à préparer un petit script papier lorsque cela est possible et/ou nécessaire.
Il peut être utile de poser des questions en cas de doute, de faire répéter. De demander à ce que la personne ralentisse la cadence, donne des précisions... ne pas se laisser dépasser en gros. (Plus facile à dire qu'à faire, encore faut-il savoir l'amener ou avoir conscience de ses besoins "en direct live" )
Pour moi en tout cas, je dirais que le TSA va jouer sur ma compréhension fine de l'échange, sur sa technicité, sur la souplesse à accueillir des choses échappant à mon contrôle/perturbant mon "mode par défaut" (celui d'être dans mon monde tranquillou ).
Alors que l'anxiété va entraîner des ruminations (pouvant co-exister avec l'anticipation anti-imprévu), du catastrophisme, du saut-au-conclusion, une exigence de performance... Certaines personnes seront anxieuses de ce que pensent les autres, d'être jugées...
Bonne continuation dans ton parcours diagnostique, en tout cas !
Diagnostiquée hyperactive (TDAH mixte), autiste et anxieuse