Sur "l'utilité" (comprendre dans le sens contraire) de la psychanalyse pour interpréter tout et n'importe quoi en littérature, ici le conte merveilleux, irréductible selon Pierre Péju à des grilles d'analyses freudiennes - avec une mention spéciale pour
La Forteresse vide, puisque c'est notamment
La Psychanalyse des contes de fées de Bruno Bettelheim, dont il remet en question la prééminence :
Pierre Péju, [i]La petite fille dans la forêt des contes[/i], Robert Laffont a écrit : L’interprétation psychanalytique nous invite à n’entendre ces récits foisonnant d’imagination que d’une certaine oreille : pas même celle de l’attention flottante mais la grosse oreille d’un ordinateur programmé avec des concepts très globaux. On n’entend plus les mille petites différences, la variété des histoires revient toujours au même. Au lieu d’être des occasions mentales d’errance et d’exploration les contes n’offrent plus que des chemins qui mènent tous au même endroit.
La méthode de Bettelheim, séduisante et systématique, fait tomber sur ce bouillonnement de personnages, de situations compliquées et ambiguës, d’images mouvantes et émouvantes une lourde grille dont les barreaux sont, verticalement : le père, la mère, le surmoi et la castration et, horizontalement : l’oralité, l’analité, la génitalité, le ça et l’ambivalence ; Bettelheim qui nous a enseigné une approche tellement nuancée de l’autisme* et une démarche pratique et théorique si fine qu’elle pénètre les forteresses et y fait parler le vide, nous donne ici ce que la psychanalyse peut faire de plus grossier. À l’en croire, on entrerait comme un petit pervers polymorphe, tout anxieux et riche de névroses latentes, dans la machinerie bien huilée du conte, on écouterait avec attention, pouce à la bouche et regard extasié et on ressortirait de l’autre côté en futur adulte accompli, mûr et équilibré, en tout cas bien clair en ce qui concerne sa propre identité, sa sexualité et sa place sociale ; complexe d’Œdipe résolu, prêt à affronter l’Œdipe de ses propres enfants.
Si l’on peut faire des contes une telle machinerie imaginaire à se socialiser, à s’épanouir et à bien faire son Œdipe, c’est avant tout parce que la psychanalyse est une terrifiante machine à interpréter et parce que cette machine parvient aujourd’hui à régner en maîtresse sur l’enfant (« découvert » et circonscrit) et sur l’esprit en général.
*La Forteresse vide, du même auteur (page 69)
Les nuances et la finesse de la théorie psychanalytique de Bettelheim sur l'origine de l'autisme sont clairement évoquées avec ironie par Pierre Péju.
Diagnostic d'autisme juillet 2019.