[À LIRE]
https://www.lefigaro.fr/sciences/la-gen ... s-20230206
(N'étant pas abonnée au Figaro, je n'ai pu lire que le début de l'article...)
Le Figaro a écrit :
La génération sacrifiée des adultes autistes
Après des années de mauvais diagnostics et de prises en charge inadaptées, un programme de repérage de ces patients longtemps oubliés par le système de soins est lancé dans trois régions.
Les patients du Pr Caroline Demily, psychiatre à l’hôpital Le Vinatier, à Lyon, sont nés à une époque où l’autisme n’était pas diagnostiqué en France. Ils ont grandi avec ce trouble sans accompagnement adapté, et arrivent dans son service épuisés, après des années d’errance médicale. « Certains ont passé leur vie à camoufler leurs particularités pour s’adapter à la société au prix d’une grande souffrance psychique », relate la psychiatre, dont le service est spécialisé dans la prise en charge des adultes. « D’autres n’ont pas pu s’intégrer, car leurs difficultés de communication étaient trop importantes . Ils ont développé des troubles psychiatriques – anxiété, dépression – qui ont été mal étiquetés et les ont amenés à des hospitalisations chroniques. »
Ce sont ces patients longtemps oubliés que la Délégation interministérielle à l’autisme et aux troubles du neurodéveloppement veut aujourd’hui repérer pour leur proposer une prise en charge répondant enfin à leurs particularités. L’objectif est de reprendre, dans les services psychiatriques des hôpitaux, ainsi que dans les maisons d’accueil et les foyers médicalisés, tous les dossiers médicaux un par un. Puis de proposer aux résidents identifiés un bilan diagnostique et un soutien.
L’Inserm évalue à 700 000 le nombre d’autistes en France, résidant à domicile, à l’hôpital ou dans des institutions. Rien que dans les services de psychiatrie, on estime que 30 % des patients souffrent d’autisme ou d’hyperactivité. « C’est une forme de réparation du passé pour ces adultes qui n’ont pas été correctement soignés, mais aussi pour leurs familles abandonnées dans une grande souffrance », dit Caroline Demily. Les progrès dans la prise en compte des troubles du neurodéveloppement en France sont récents.
Ces dernières années, Vincent a ainsi été ballotté de foyer en foyer. Atteint d’un retard mental et de troubles autistiques connus depuis son enfance, ce sportif de 34 ans au tempérament charmeur est finalement retourné chez ses parents en janvier dernier. « Il a besoin de sécurité affective et d’aide pour organiser son quotidien, témoigne le couple de septuagénaires dans une salle de réunion de l’hôpital. Or la vie dans les structures d’accueil n’est pas toujours adaptée, et il répond à l’ennui ou à l’angoisse par des crises de colère. Il a cassé plusieurs téléviseurs, postes de radio et armoires ces derniers mois. Nous nous retrouvons aujourd’hui sans solution. »
Contrairement à de nombreux autistes, Vincent a été diagnostiqué quand il était encore enfant. Mais sa personnalité colle mal à l’ambiance et aux règles des structures qui l’accueillent depuis sa majorité. En janvier, alors que ses parents étaient en voiture sur la route des vacances, l’équipe du foyer d’accueil a appelé pour les prévenir que leur fils avait à nouveau fait une crise. « Ne voulant plus le prendre en charge, ils ont appelé une ambulance, qui a abandonné Vincent avec ses valises sur le parking des urgences psychiatriques », s’indigne le retraité.
Face au couple, qui retrace avec émotion ces rebondissements, Anne Royneau, « pair aidante » à l’hôpital, donne des clés de compréhension. « En général, les personnes autistes ne souffrent pas de leur propre trouble, mais d’un environnement inadapté, explique cette femme empathique, elle aussi autiste. Un excès de bruit et de stimulation peut provoquer une crise de décharge. À l’inverse, l’inactivité, en mettant l’individu à l’écart du monde, exacerbe son anxiété et sa frustration. » Les parents de Vincent, qui espèrent toujours une solution pour leur fils, souhaitent conserver l’anonymat. Les larmes aux yeux, ils avouent qu’ils sont fatigués de se battre et sont très inquiets pour l’avenir.
Il existe pourtant des stratégies permettant d’atténuer les troubles du comportement associés à l’autisme, explique le Pr Caroline Demily : « Le principe est de s’appuyer sur les points forts du patient pour renforcer son autonomie. » Par exemple, miser sur une bonne mémoire pour l’organisation de la journée, utiliser des supports visuels, prévenir les comportements agressifs en proposant un casque antibruit, la langue des signes, une couverture lestée ou des vêtements compressifs, qui rassurent. « On améliore énormément la prise en charge en mettant en place un quotidien structuré, indique la chef de service. Cela permet de réduire les prescriptions médicamenteuses, notamment les neuroleptiques, qui sont souvent utilisés comme sédatifs faute d’avoir autre chose à proposer. »
Une centaine d’établissements – sur plus de 2500 sur le territoire français - ont pour l’heure participé à l’expérimentation lancée en 2019 dans trois régions (Nouvelle-Aquitaine, Hauts-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes). « Le programme a été fortement ralenti par la crise du Covid, note Laure Albertini, conseillère chargée de piloter la mesure par la Délégation interministérielle. Nous étudions en ce moment les moyens d’accélérer le rythme dans le cadre de la prochaine stratégie ».
Dans les régions concernées, un véritable travail de fourmi a été lancé. Des équipes mobiles réunissant médecins, infirmiers, psychologues et éducateurs spécialisés ont été constituées pour superviser le repérage. Dans chaque établissement volontaire, un binôme composé d’un médecin et d’un éducateur commence par passer au tamis les dossiers des résidents à la recherche de mots-clés susceptibles de masquer un diagnostic d’autisme. Les termes « psychose infantile » ou « dysharmonie évolutive », typiques d’une approche psychanalytique désormais écartée par les experts, déclenchent par exemple l’alerte.
Un bilan médical complet est ensuite proposé pour définir le trouble (autisme, épilepsie complexe, hyperactivité, etc.), mais aussi l’autonomie, les capacités cognitives et sensorielles du sujet. Les résidents des structures médicosociales ont souvent une mosaïque de signes - déficience intellectuelle, troubles du langage et du comportement, intérêts restreints, impulsivité - qui brouillent le diagnostic. Le Pr Demily propose en outre toujours un examen dentaire : « Les personnes autistes ont souvent du mal à dire leur douleur, qui s’exprime alors par des comportements violents, dit-elle. Je reçois chaque semaine au moins un patient souffrant de multiples caries. »
La démarche permet aussi de sensibiliser le personnel des établissements aux spécificités de l’autisme. À Niort, où le Dr Dominique Fiard supervise le repérage, l’opération a permis de former les éducateurs, les infirmiers, mais aussi les psychiatres, peu au fait de l’approche neurodéveloppementale. L’autisme a longtemps été l’affaire exclusive des pédopsychiatres, souvent influencés par les théories psychanalytiques discréditées par les progrès des neurosciences. « C’est l’occasion de diffuser les bonnes pratiques de prise en charge des troubles du spectre autistique, ce qui profite finalement à tout le champ du handicap, souligne le psychiatre, chef de service à l’hôpital de Niort. Même si notre présence crée une charge de travail supplémentaire, la plupart des équipes accueillent d’ailleurs positivement nos conseils, qui sont utiles à l’accompagnement de tous les résidents ».
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okoro a écrit : ↑lundi 13 février 2023 à 20:57
La génération sacrifiée des adultes autistes
Après des années de mauvais diagnostics et de prises en charge inadaptées, un programme de repérage de ces patients longtemps oubliés par le système de soins est lancé dans trois régions.
Les patients du Pr Caroline Demily, psychiatre à l’hôpital Le Vinatier, à Lyon, sont nés à une époque où l’autisme n’était pas diagnostiqué en France. Ils ont grandi avec ce trouble sans accompagnement adapté, et arrivent dans son service épuisés, après des années d’errance médicale. « Certains ont passé leur vie à camoufler leurs particularités pour s’adapter à la société au prix d’une grande souffrance psychique », relate la psychiatre, dont le service est spécialisé dans la prise en charge des adultes. « D’autres n’ont pas pu s’intégrer, car leurs difficultés de communication étaient trop importantes . Ils ont développé des troubles psychiatriques – anxiété, dépression – qui ont été mal étiquetés et les ont amenés à des hospitalisations chroniques. »
Ce sont ces patients longtemps oubliés que la Délégation interministérielle à l’autisme et aux troubles du neurodéveloppement veut aujourd’hui repérer pour leur proposer une prise en charge répondant enfin à leurs particularités. L’objectif est de reprendre, dans les services psychiatriques des hôpitaux, ainsi que dans les maisons d’accueil et les foyers médicalisés, tous les dossiers médicaux un par un. Puis de proposer aux résidents identifiés un bilan diagnostique et un soutien.
L’Inserm évalue à 700 000 le nombre d’autistes en France, résidant à domicile, à l’hôpital ou dans des institutions. Rien que dans les services de psychiatrie, on estime que 30 % des patients souffrent d’autisme ou d’hyperactivité. « C’est une forme de réparation du passé pour ces adultes qui n’ont pas été correctement soignés, mais aussi pour leurs familles abandonnées dans une grande souffrance », dit Caroline Demily. Les progrès dans la prise en compte des troubles du neurodéveloppement en France sont récents.
Ces dernières années, Vincent a ainsi été ballotté de foyer en foyer. Atteint d’un retard mental et de troubles autistiques connus depuis son enfance, ce sportif de 34 ans au tempérament charmeur est finalement retourné chez ses parents en janvier dernier. « Il a besoin de sécurité affective et d’aide pour organiser son quotidien, témoigne le couple de septuagénaires dans une salle de réunion de l’hôpital. Or la vie dans les structures d’accueil n’est pas toujours adaptée, et il répond à l’ennui ou à l’angoisse par des crises de colère. Il a cassé plusieurs téléviseurs, postes de radio et armoires ces derniers mois. Nous nous retrouvons aujourd’hui sans solution. »
Contrairement à de nombreux autistes, Vincent a été diagnostiqué quand il était encore enfant. Mais sa personnalité colle mal à l’ambiance et aux règles des structures qui l’accueillent depuis sa majorité. En janvier, alors que ses parents étaient en voiture sur la route des vacances, l’équipe du foyer d’accueil a appelé pour les prévenir que leur fils avait à nouveau fait une crise. « Ne voulant plus le prendre en charge, ils ont appelé une ambulance, qui a abandonné Vincent avec ses valises sur le parking des urgences psychiatriques », s’indigne le retraité.
Face au couple, qui retrace avec émotion ces rebondissements, Anne Royneau, « pair aidante » à l’hôpital, donne des clés de compréhension. « En général, les personnes autistes ne souffrent pas de leur propre trouble, mais d’un environnement inadapté, explique cette femme empathique, elle aussi autiste. Un excès de bruit et de stimulation peut provoquer une crise de décharge. À l’inverse, l’inactivité, en mettant l’individu à l’écart du monde, exacerbe son anxiété et sa frustration. » Les parents de Vincent, qui espèrent toujours une solution pour leur fils, souhaitent conserver l’anonymat. Les larmes aux yeux, ils avouent qu’ils sont fatigués de se battre et sont très inquiets pour l’avenir.
Il existe pourtant des stratégies permettant d’atténuer les troubles du comportement associés à l’autisme, explique le Pr Caroline Demily : « Le principe est de s’appuyer sur les points forts du patient pour renforcer son autonomie. » Par exemple, miser sur une bonne mémoire pour l’organisation de la journée, utiliser des supports visuels, prévenir les comportements agressifs en proposant un casque antibruit, la langue des signes, une couverture lestée ou des vêtements compressifs, qui rassurent. « On améliore énormément la prise en charge en mettant en place un quotidien structuré, indique la chef de service. Cela permet de réduire les prescriptions médicamenteuses, notamment les neuroleptiques, qui sont souvent utilisés comme sédatifs faute d’avoir autre chose à proposer. »
Une centaine d’établissements – sur plus de 2500 sur le territoire français - ont pour l’heure participé à l’expérimentation lancée en 2019 dans trois régions (Nouvelle-Aquitaine, Hauts-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes). « Le programme a été fortement ralenti par la crise du Covid, note Laure Albertini, conseillère chargée de piloter la mesure par la Délégation interministérielle. Nous étudions en ce moment les moyens d’accélérer le rythme dans le cadre de la prochaine stratégie ».
Dans les régions concernées, un véritable travail de fourmi a été lancé. Des équipes mobiles réunissant médecins, infirmiers, psychologues et éducateurs spécialisés ont été constituées pour superviser le repérage. Dans chaque établissement volontaire, un binôme composé d’un médecin et d’un éducateur commence par passer au tamis les dossiers des résidents à la recherche de mots-clés susceptibles de masquer un diagnostic d’autisme. Les termes « psychose infantile » ou « dysharmonie évolutive », typiques d’une approche psychanalytique désormais écartée par les experts, déclenchent par exemple l’alerte.
Un bilan médical complet est ensuite proposé pour définir le trouble (autisme, épilepsie complexe, hyperactivité, etc.), mais aussi l’autonomie, les capacités cognitives et sensorielles du sujet. Les résidents des structures médicosociales ont souvent une mosaïque de signes - déficience intellectuelle, troubles du langage et du comportement, intérêts restreints, impulsivité - qui brouillent le diagnostic. Le Pr Demily propose en outre toujours un examen dentaire : « Les personnes autistes ont souvent du mal à dire leur douleur, qui s’exprime alors par des comportements violents, dit-elle. Je reçois chaque semaine au moins un patient souffrant de multiples caries. »
La démarche permet aussi de sensibiliser le personnel des établissements aux spécificités de l’autisme. À Niort, où le Dr Dominique Fiard supervise le repérage, l’opération a permis de former les éducateurs, les infirmiers, mais aussi les psychiatres, peu au fait de l’approche neurodéveloppementale. L’autisme a longtemps été l’affaire exclusive des pédopsychiatres, souvent influencés par les théories psychanalytiques discréditées par les progrès des neurosciences. « C’est l’occasion de diffuser les bonnes pratiques de prise en charge des troubles du spectre autistique, ce qui profite finalement à tout le champ du handicap, souligne le psychiatre, chef de service à l’hôpital de Niort. Même si notre présence crée une charge de travail supplémentaire, la plupart des équipes accueillent d’ailleurs positivement nos conseils, qui sont utiles à l’accompagnement de tous les résidents ».
Avec tout ce que ça induit puisqu'il n'a jamais été pris en charge correctement.Spoiler :