[Index Sociologie] Pour parler de sociologie...

Pour les gens qui ont simplement envie de discuter sans souhaiter faire passer d'information particulière.
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Tugdual
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Re: [Index Sociologie] Pour parler de sociologie...

Message par Tugdual »

« Servir les riches », sur Vidéodrome...


1 – La violence des maîtres :
Spoiler : ▮▶ : 

2 – La vengeance des domestiques :
Spoiler : ▮▶ : 

3 – Lutte des classes à domicile :
Spoiler : ▮▶ : 
TCS = trouble de la communication sociale (24/09/2014).
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Tugdual
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Re: [Index Sociologie] Pour parler de sociologie...

Message par Tugdual »

Le sociologue Michel Pinçon, observateur de la grande bourgeoisie :
TCS = trouble de la communication sociale (24/09/2014).
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Tugdual
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Re: [Index Sociologie] Pour parler de sociologie...

Message par Tugdual »

TCS = trouble de la communication sociale (24/09/2014).
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freeshost
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Re: [Index Sociologie] Pour parler de sociologie...

Message par freeshost »

Pardon, humilité, humour, hasard, confiance, humanisme, partage, curiosité et diversité sont des gros piliers de la liberté et de la sérénité.

Diagnostiqué autiste en l'été 2014 :)
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freeshost
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Re: [Index Sociologie] Pour parler de sociologie...

Message par freeshost »

Pardon, humilité, humour, hasard, confiance, humanisme, partage, curiosité et diversité sont des gros piliers de la liberté et de la sérénité.

Diagnostiqué autiste en l'été 2014 :)
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Tugdual
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Re: [Index Sociologie] Pour parler de sociologie...

Message par Tugdual »

Les grandes villes ne seraient avantageuses :
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Tugdual
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Re: [Index Sociologie] Pour parler de sociologie...

Message par Tugdual »

TCS = trouble de la communication sociale (24/09/2014).
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seul
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Re: [Index Sociologie] Pour parler de sociologie...

Message par seul »

Je viens de lire un livre de Durkheim sur le suicide que je vous conseille. Il distingue le suicide égoïste, altruiste et anomique.
Diagnostic d'autisme chez un psychiatre. Pas certain du diagnostic." Glorieuse civilisation, certes, dont le grand problème est de savoir comment se débarrasser des monceaux de cadavres qu'elle a faits, une fois la bataille passée." Marx
LunaLovegood
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Re: [Index Sociologie] Pour parler de sociologie...

Message par LunaLovegood »

Tugdual a écrit : jeudi 30 novembre 2023 à 22:34 Bernard Lahire :
Merci.
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hazufel
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Re: [Index Sociologie] Pour parler de sociologie...

Message par hazufel »

La France des nouveaux pauvres
Le gouvernement français annonce davantage d’austérité. Ses propres statistiques établissent pourtant que de plus en plus de ménages ne parviennent pas à couvrir plusieurs dépenses de la vie courante — chauffage, alimentation ou entretien du véhicule. Parcourir la Bretagne permet d’apprécier l’ampleur des dégâts, notamment en milieu rural et périurbain.
Le monde diplomatique
Spoiler : article : 
Un samedi matin glacial de janvier, dans la zone commerciale de Saint-Renan (Finistère). Mme Christine Floch va acheter « deux, trois bricoles » au magasin Action. On la croise au parking, elle nous montre son smartphone. « Tous les jours, je vais sur l’application EDF, pour vérifier ma consommation. Voyons… Bon… On est seulement le 20, j’ai déjà atteint le montant de ma facture du mois dernier… » Elle range l’appareil, dépitée, puis se frotte les mains, pour les réchauffer. « Ils annoncent encore une hausse de 10 % en février ? Ça va durer jusqu’à quand ? On nous parle de sobriété énergétique, mais nous ça fait longtemps qu’on est en dessous des 19 degrés ! On aimerait bien pouvoir se les payer, les 19 degrés… » La sobriété des uns devient le luxe des autres. « Il y a deux ans, je vivais avec ma fille. Maintenant je suis toute seule, mais ma facture d’électricité a doublé. » Mme Floch va encore baisser le chauffage, porter un pull supplémentaire, espacer les machines à laver.

« Il faut être futée pour s’en sortir, résume cette aide à domicile d’une soixantaine d’années, mais je ne sais vraiment pas comment font les familles. » Les personnes âgées chez qui elle travaille « ne chauffent souvent qu’une seule pièce ». Et elles sont de plus en plus nombreuses à chercher à retravailler, constate Mme Cendrine Perquis, conseillère à la Maison de l’emploi dans une commune voisine. « Pas plus tard qu’hier par exemple, un couple de septuagénaires est arrivé après avoir reçu sa facture d’électricité, qui avait explosé. Nombreux sont ceux qui, au minimum vieillesse [1 012 euros], ne font plus trois repas par jour et ne peuvent pas se restreindre davantage de ce côté. » Du reste, « ici à la campagne, la plupart des gens vivent dans des maisons, parfois anciennes, difficiles à chauffer, souvent sans les moyens de faire les travaux, donc de vraies passoires thermiques ».
« On veut que les enfants se sentent comme les autres »

« Tout flambe ! », se désespère Josiane, retraitée d’une soixantaine d’années qui attend son tour pour récupérer un colis alimentaire dans les locaux du Secours populaire de Brest : entre le loyer de son appartement, les assurances, la mutuelle, les factures d’électricité et de téléphone, il ne lui reste plus grand-chose pour vivre. « J’ai commencé à travailler à 16 ans, dans la vente puis dans l’entretien, et aujourd’hui je touche 907 euros de retraite par mois, moins que le minimum vieillesse. Je suis obligée de demander de l’aide, je ne peux pas faire autrement. C’est injuste ! », conclut-elle emmitouflée dans un grand manteau usé, le bonnet enfoncé jusqu’aux sourcils et le bas du visage entouré d’une écharpe derrière laquelle elle semble vouloir disparaître. En consultant son ordinateur, M. Bastien Caban, responsable du Secours populaire du Finistère, qui compte 28 antennes, détaille pour nous : « Depuis le 1er janvier, on a déjà enregistré 750 nouvelles demandes [de dossier d’aide alimentaire pouvant inclure 1 à 12 personnes] pour la seule antenne de Brest. Nous sommes venus en aide à 26 239 personnes en 2023 dans le département : c’est 27 % de plus qu’en 2022. » Parmi elles, un nombre croissant de retraités, de familles monoparentales, de travailleurs pauvres, d’étudiants « qui arrivaient à survivre jusqu’ici mais n’y parviennent plus ».

C’est le cas de David, en école d’ingénieur. Une bénévole vêtue du dossard bleu de l’association consulte la fiche qui précise les quantités auxquelles chacun a droit en fonction de sa situation. Elle indique au jeune homme, en passant devant l’étagère où sont entreposées boîtes et bouteilles, « tu as droit à deux briques de lait », qu’elle lui tend pour qu’il remplisse son Caddie. Elle nous explique ensuite : « Avant, on n’en donnait jamais moins de trois par personne. Mais on a de plus en plus de bénéficiaires et on collecte de moins en moins. On essaie d’avoir de tout : de la viande, du poisson, des fruits et des légumes, et des produits “plaisir”, mais ça se tend. Pour que tout le monde en ait un peu, il faut répartir. »

Avec la valise dans laquelle il transporte ses denrées, chaque mois plus légère, David repart vers son studio de la cité universitaire, à deux kilomètres. Dans moins d’une semaine, son colis alimentaire épuisé, il refera la queue pour se nourrir, mais cette fois devant un petit local du hall de la faculté des sciences et techniques de l’université de Bretagne occidentale. L’épicerie solidaire Agoraé permet aux étudiants répondant à certains critères sociaux d’acheter des denrées à prix réduit. Presque quatre cents d’entre eux s’y bousculent de 16 h 30 à 18 h 30, un chiffre en constante augmentation. « Pour l’instant, on ne refuse personne, assure Mme Mathilde Jaouen, l’une des responsables de l’association. Mais dans quelques années il faudra peut-être qu’on fixe un nombre limite de bénéficiaires, car on commence à être juste en quantité. » Mêmes angoisses aux Restos du cœur ou au Secours catholique.

Au Secours populaire, il est 12 h 30. La distribution se termine. Elle reprendra à 14 h 30, après la pause des bénévoles. Muriel, la dernière bénéficiaire de la matinée, pousse son Caddie vers le parking où l’attend son mari. « Nous ne sommes pas venus depuis novembre », semble-t-elle se justifier. En l’aidant à ranger les produits dans le coffre de la voiture, son époux explique : « Là, c’est vraiment compliqué, parce qu’avec les fêtes on a beaucoup dépensé. On a trois enfants. Nous on peut se priver. Mais les enfants… En plus, ils croient encore au Père Noël… » « On veut qu’ils se sentent comme les autres », complète Muriel. Beaucoup de gens rencontrés partagent cette aspiration, « être comme tout le monde ».

Pour Josiane, cela signifie fêter l’anniversaire de ses petits-enfants au restaurant : à La Cantoche, établissement solidaire du quartier populaire de Recouvrance à Brest, qui sert un menu unique à un tarif ajusté aux revenus des clients. Ils ont donc déjeuné d’œufs brouillés, d’escalope de dinde à la crème et aux champignons et d’un moelleux au chocolat. La lumière s’est tamisée au dessert. Toute la salle a chanté « joyeux anniversaire » et a applaudi une fois les bougies soufflées. Repus, heureux, la bouche encore pleine de chocolat, les petits-enfants de Josiane ont crié : « Merci mamie ! »

Mme Floch n’a pas réveillonné au Nouvel An. Pour Noël, elle avait voulu « faire un truc bien », même si cela dépassait ses moyens. « Je me suis fait plaisir et je ne suis pas la seule. Je voyais des gens qui avaient des Caddies qu’ils ne pouvaient pas se payer. Ils se sont endettés pour ça. Mais on a besoin de décompresser ! Comme tout le monde, je n’ai que ça en tête, l’argent : je regarde mon compte en banque tous les jours pour finir le mois pas trop dans le rouge. » M. Patrick G., assistant social au centre départemental d’action sociale (CDAS), nous dit « monter de plus en plus de dossiers de surendettement. Souvent, ce sont des gens qui ont un revenu régulier mais très bas. Ce ne sont pas des gens qui sont au RSA [revenu de solidarité active], parce que ceux-là, on ne leur accorde pas de crédit ». Tels des équilibristes, ils arbitrent sans cesse entre leurs dépenses, toujours au bord de la chute. « Ces personnes-là arrivent péniblement à la fin du mois à zéro, et se retrouvent dans le rouge au moindre imprévu. » Par exemple, un appareil ménager qui tombe en panne… Ou un projet de voyage scolaire qui déclenche un petit emprunt, pour éviter de mettre les enfants dans l’embarras. « Des choses comme ça vont petit à petit les enfermer dans une spirale, alors que ce sont plutôt des gens qui gèrent bien leur budget ! »

Mme Solène Morvan en sait quelque chose. Depuis que la courroie de distribution de sa voiture a lâché, c’est la dégringolade. « Je suis auxiliaire de vie. Sans voiture, je ne peux pas travailler. Je ne sais pas comment je vais m’en sortir. » Séparée, elle élève seule ses deux enfants, ce qui l’a conduite à abandonner son travail de responsable de boutique pour se mettre à son compte et adapter ses horaires. « Mais je n’arrête pas depuis que je ne travaille plus à cause de la voiture. Je vais le midi à l’école parce que je n’ai plus les moyens de payer la cantine — avant ça, je me débrouille pour cuisiner quelque chose de bon grâce à l’aide alimentaire. Puis retour à l’école. Et puis aussi j’emmène trois fois par semaine ma fille chez le psy, car avec tout ça elle est déboussolée et souffre de phobie scolaire. » Elle poursuit : « Les moyens de transport ne sont pas du tout adaptés : il y a un bus le matin pour Brest, la grande ville la plus proche [à une trentaine de kilomètres de la petite commune côtière de Ploudalmézeau, où elle vit], et un bus le soir, aux horaires scolaires. Comment vous voulez faire ? » Un constat que partage M. G., du CDAS : « On reproche aux gens de ne rien faire, de ne pas aller vers l’emploi, mais l’emploi n’est pas toujours juste à côté ! C’est un problème dans les zones rurales : soit on a un moyen de locomotion, ce qui coûte cher, et même de plus en plus cher, soit on reste dans son trou sans pouvoir bouger. »

Si l’on peut bouger, « le boulot, ce n’est pas ce qui manque ici ! », affirme Mme Perquis derrière son bureau de la Maison de l’emploi, située sur la commune de Lanrivoaré, qu’aucun bus ne dessert. « Il y a les serres, le bâtiment, la restauration, les usines agroalimentaires. Il y a un gros turn-over car ce sont des CDD [contrats à durée déterminée] ou des emplois saisonniers. Il y a aussi beaucoup d’emplois à temps partiel contraint : deux heures de ménage par-ci, dix heures de ménage par-là, on multiplie. » Roger travaille depuis plus de vingt ans en intérim. Il résume : « Faut pas être trop regardant, c’est tout… J’ai fait toutes les usines du coin : mise en conserve de légumes, abattoir, usine de nourriture animale ou usine de poudre de lait. Et actuellement je travaille dans une cartonnerie. » Roger enchaîne les tasses de café dans le salon de la vieille ferme qu’il a rénovée, à quatre kilomètres de Carhaix. Il a encore changé d’horaires. « Aujourd’hui, je commence à 13 heures, la semaine passée, je faisais la nuit. Il faut s’accrocher car le changement de rythme, ça casse. Il y en a qui prennent de la drogue pour tenir, moi je me contente de caféine ! » Pas question de contester le planning, qui tombe chaque jeudi pour la semaine suivante, car « il y a beaucoup de main-d’œuvre disponible, on est interchangeables. Ils nous le font bien savoir. Ils menacent de ne pas te reprendre ou te mettent à l’arrêt pendant trois semaines si tu n’es pas content. Imaginez-vous, être au chômage pendant trois semaines avec des crédits à payer et des charges sur le dos, c’est compliqué ! ».
« Ceux qui ont les dents cariées, ce sont les travailleurs »

Pour Mme Évelyne Le Guern, qui travaille depuis 2015 à Synutra, une usine de poudre de lait à Carhaix, il n’y a pas que les patrons que ce système arrange : « Les gens préfèrent rester en intérim car ça paye mieux. Moi, ce qui me freine, c’est que j’ai mal au bras, et au dos aussi. Donc je préfère rester en CDI [contrat à durée indéterminée]. » À la suite de son licenciement en 2014 de l’usine de saumon fumé Marine Harvest Kritsen, délocalisée en Pologne, elle s’était dit « plus jamais ça ». « Mais on m’a proposé de travailler à Synutra, qui venait juste d’ouvrir. Pour cela, j’ai dû faire quatre cents heures de formation, des maths, du français, apprendre la filière laitière. À 47 ans, je n’avais pas vraiment envie de retourner à l’école. Mais à la cellule de reclassement, on nous a mis un peu la pression. On était un peu perdus. On venait de se battre pour empêcher la fermeture de l’usine, vu que l’année précédente ils avaient fait 400 millions de bénéfices. J’ai pensé : “J’ai bossé treize ans juste pour engraisser tous ces actionnaires”… » Trois salariés se sont suicidés, d’autres n’ont pas retrouvé d’emploi, parfois devenus « inemployables » car psychologiquement et physiquement détruits.

Mais ce qui énerve Mme Le Guern, ce sont les « assistés » : « Quand je pense à comme c’était la misère, à ma mère qui est retournée à 38 ans à l’école pour avoir son certificat d’études et être embauchée en cuisine à l’hôpital de Carhaix, et que je vois des gens qui ne foutent rien et qui vivent des “allocs”, ça me dépasse ! Toi tu te lèves le matin, tu bosses comme un chien pour avoir un salaire de merde et… on te donne rien, zéro ! Ma mère ne peut même pas se payer un Ehpad [établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes] avec sa retraite, alors je vais devoir faire un prêt pour ça… Ceux qui ont les dents cariées, ce sont des travailleurs ; les autres, ils sont soignés ! » Pourtant, M. G. rappelle : « On survit au jour le jour, on ne vit pas avec les aides. En plus, elles se sont tellement réduites, c’est devenu tellement compliqué de les obtenir que ça ne veut plus dire grand-chose, “être assisté”. J’ai eu une mère de famille qui a commencé à se prostituer pour payer ses charges. Je vois des gamins faire les guetteurs ou les dealeurs de bas étage pour permettre à leurs familles de payer leur loyer. Je ne sais pas si ça fait rêver grand monde… »

D’un côté, le durcissement des conditions d’accès aux aides publiques ; de l’autre, toujours plus de personnes qui en dépendent dès lors que leurs revenus ne leur permettent pas de vivre : « En 1985, quand j’ai commencé dans l’action sociale, poursuit M. G., les salariés, on ne les voyait quasiment pas. À l’époque, le travail rémunérait à peu près correctement. Maintenant, je vois beaucoup de travailleurs pauvres. Ce ne sont pas les aides qui sont trop élevées, ce sont plutôt les salaires qui sont trop bas. » Mme Karine L., assistante sociale, le confirme : « Tout devient précaire. Par exemple, maintenant, beaucoup de gens travaillent à France Travail sous contrat de six mois, pas toujours renouvelable, sans formation. Comment voulez-vous qu’ils soient efficaces pour trouver un emploi à quelqu’un ? »

La fille de Mme Floch, également aide à domicile, en fait les frais. « Le vieux monsieur dont elle s’occupait vient d’être hospitalisé », raconte sa mère. Auparavant, elle exerçait dans une agence. Mais la pression devenait insupportable. « Ils traçaient les employés avec les smartphones pour vérifier qu’on ne traînait pas trop chez les clients. Ça force à traiter la personne aidée comme un objet. » Elles deux font donc « les démarches auprès de France Travail ». Les heures passées à s’occuper du « vieux monsieur » sous le statut d’autoentrepreneuse ne donnent cependant pas droit à des allocations-chômage. Mme Floch se désespère concernant sa fille : « Ça fait plusieurs semaines qu’on nous renvoie d’un service à l’autre. Parfois c’est un conseiller de Rennes qui décroche le téléphone, une autre fois, c’est quelqu’un de Brest. On ne sait même pas qui a son dossier et eux non plus ! Tout se fait par téléphone ou Internet, on ne peut voir personne, on devient folles ! »
L’État se décharge sur les associations

Mme Perquis renchérit : « Tout est dématérialisé, il n’y a plus d’interlocuteurs. Beaucoup de gens sont perdus, et pas que des vieux ! » Mais l’informatisation n’est pas seule en cause (1). À quelques mois de la retraite, M. G. raconte, désabusé : « Quand j’ai commencé, entre 70 et 80 % de nos heures on était en face à face. Aujourd’hui, c’est 20 à 30 %. Le reste du temps, on doit faire des rapports ou contrôler les dossiers, comme si la majorité des gens qui touchent les minima sociaux fraudaient. » Fin 2023, le gouvernement a réformé le RSA. « Comme on ne peut soi-disant plus aider les gens, déplore l’agent du CDAS, on va les renvoyer vers France Travail, qui va leur faire faire des boulots de merde (2) que personne ne veut faire, et pour moins qu’un smic horaire. »

Suspicions et contraintes prévalent, alors que nombre de bénéficiaires potentiels ignorent leurs droits ou renoncent aux démarches. En 2022, un cinquième des foyers éligibles au RSA n’y recouraient pas (3). Selon M. Caban, du Secours populaire, en se rendant inatteignable, ou procédurière, « la puissance publique se décharge sur le monde associatif. Sauf que nous, on n’a pas les moyens d’aider tout le monde ». L’État social tend aussi à externaliser. « Maintenant, on est obligés d’envoyer les gens vers des prestataires privés », confirme Mme L. Par exemple vers l’une des 99 antennes de Pimms Médiation, qui ont pour but de « faciliter l’accès des populations aux services publics et aux droits sociaux ». Financées par La Poste, Keolis, EDF, la SNCF, Enedis, Suez, Veolia, Engie et la caisse de retraite complémentaire Malakoff Humanis, elles accompagnent ceux qui ne parviennent pas à régler leur facture à ces « entreprises partenaires » — ou à remplir leur demande d’aide personnalisée au logement (APL) ou leur déclaration des revenus. « Vous imaginez un lieu financé par EDF qui conseille les gens sur leurs factures EDF ! On marche sur la tête ! », s’insurge Mme L.

Il y a cinq ans, le gouvernement avait aussi lancé un projet de « maisons France services », pour « renforcer la présence des services publics de proximité ». M. Sébastien Marie, maire de la petite commune de Plounéour-Ménez, dans les monts d’Arrée, nous raconte : « Il y a dix ans, on avait une poste. Maintenant, c’est une agence postale, donc c’est la mairie qui se débrouille avec du personnel municipal. Avant, on avait un centre des impôts à Pleyber-Christ, à dix minutes. Maintenant, il faut aller à Morlaix, à trente minutes. Avec huit communes du coin, on s’est organisés pour avoir une maison France services itinérante. Donc tous les mercredis, une personne de France services vient ici à la mairie renseigner les gens sur une dizaine de services publics : les impôts, les caisses de retraite, la Sécu, etc. Mais surtout, elle aide les gens ayant du mal avec Internet à faire les démarches. Donc cette mairie, ça devient la maison du peuple. Et cela signifie qu’il peut y avoir des différences phénoménales d’une commune à l’autre, en fonction des volontés politiques locales. » Le financement des maisons France services incombe en grande partie aux mairies, au détriment de l’entretien des écoles ou de la construction de logements sociaux. « C’est une erreur de nous faire prendre la place de l’État, déplore M. Guy Pennec, maire de Plourin-lès-Morlaix. Il faut lui rappeler son rôle, son importance, et ses obligations surtout. »

Les habitants de Carhaix l’ont fait. « Désormais, notre hôpital public est reconnu en tant que tel », se félicitait leur maire, M. Christian Troadec, sur France Info le 27 octobre 2023, après la signature d’un accord qui engage l’État à rouvrir les urgences de nuit ainsi qu’à maintenir les services de chirurgie et de maternité. La présidente du comité de défense de l’hôpital de Carhaix, Mme Annie Le Guen, raconte comment les Carhaisiens ont dû descendre dans la rue à plusieurs reprises en 2023, notamment en septembre, afin de demander l’arrêt de la « régulation » du service des urgences mise en place début juillet pour cause de manque de médecins : « On utilise les mots qui trompent pour mieux gruger. La réalité du territoire vécu, c’est que ce n’était pas régulé, mais fermé. Ils avaient juste ajouté à l’entrée des urgences un téléphone pour pouvoir appeler le 15 en cas de fermeture plutôt que d’avoir à téléphoner sur le parking en cherchant à capter du réseau. Et il fallait attendre qu’on vous dise au téléphone quel hôpital pouvait vous accueillir. Du coup, il y a eu des drames, des gens qui sont repartis chez eux, ce qui a aggravé leur état de santé, et d’autres qui ont dû faire une heure de route pour se rendre à des urgences où, une fois arrivés, la prise en charge n’a pas été immédiate, vu que du coup ces services sont saturés ! » « Et puis tout le monde n’a pas le permis », renchérit M. Matthieu Guillemot, porte-parole du comité de vigilance de l’hôpital de Carhaix. Il poursuit : « Si ton père ou ta fille sont hospitalisés à Brest ou à Morlaix, tu vas les voir quand, si tu bosses ? Mais on a lutté, on n’a rien lâché, on a occupé les locaux de l’ARS [agence régionale de santé], on a été des milliers à manifester et on a gagné. On a réussi à les faire plier. Mais tout ça laisse des cicatrices et même de la haine. Lorsqu’on se mobilisait contre la fermeture de la maternité, la directrice du CHU [centre hospitalier universitaire] de Brest-Carhaix, qui vient tout droit de Paris, où elle occupait un poste important au sein de l’AP-HP [Assistance publique - Hôpitaux de Paris], a quand même osé déclarer : “Si les femmes de Guyane mettent trois jours de pirogue pour aller accoucher, les Centre-Bretonnes peuvent bien faire une heure de route pour en faire autant” ! »

« Ce mépris, ce regard-là de la part des élites, il est insupportable », conclut ce restaurateur qui fut l’un des porte-parole du mouvement des « bonnets rouges » en 2013 (4). Mme Le Guern, qui y était très impliquée, nous raconte : « À l’époque, on était tous mobilisés, nous, les ouvriers, pour défendre nos emplois menacés par les fermetures d’usine, et d’autres pour le retrait de l’écotaxe. Les médias ont tout fait pour décrédibiliser le mouvement mais, en fait, c’était juste un peuple qui se soulevait. On travaille pour payer les factures, on n’a pas de loisirs, on ne peut rien se permettre. Est-ce qu’un jour on va sortir le bec de l’eau ? » Le mouvement l’a formée politiquement, elle qui milite aujourd’hui au Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) : « J’ai tissé des liens, j’ai fait connaissance avec des gens que je n’aurais pas rencontrés en dehors de la manifestation, car à l’usine, avec le turn-over et l’intérim, on ne se connaît pas vraiment, on ne peut pas se parler. Aujourd’hui, je suis beaucoup plus dans les luttes. » Enfin, quand elle le peut, car « quand on a mal partout et qu’on est crevé du travail, on n’a pas forcément envie le week-end d’aller en manif pour prendre des coups et du gaz ».
Les médias font tout pour décrédibiliser la révolte

Selon Mme Floch, qui s’était beaucoup mobilisée pendant le mouvement des « gilets jaunes » de 2018-2019, « les gens sont résignés, chacun se replie sur ses difficultés. On est sur un fil et on fait tout pour ne pas dégringoler. Faire grève ou manifester, ça coûte cher ». Mais, souligne M. G., « le sentiment d’injustice est toujours là. Je ne sais pas quelle sera l’étincelle qui mettra le feu aux poudres, mais il y aura quelque chose à un moment donné, parce que les gens, de quelque côté qu’ils regardent, la porte est fermée. Il y a eu les “bonnets rouges”, il y a eu les “gilets jaunes”, on les a étouffés sans donner de solution, à part leur crever les yeux. Il y a eu les réformes des retraites, des millions de gens dans la rue, on leur a dit : “C’est comme ça et puis c’est tout.” Alors les gens sont rentrés chez eux, mais… ».

De son côté, le premier ministre « assume totalement » une nouvelle réforme de l’assurance-chômage (Le Monde, 5 avril 2024). Sur BFM TV, le 5 mai 2023, M. Gabriel Attal, alors ministre délégué aux comptes publics, se félicitait même de bientôt prendre « des mesures difficiles » : nouvelle réduction de la durée d’indemnisation ou nouvelles restrictions des droits aux allocations, intensification des contrôles pour forcer les plus fragiles à occuper des emplois qu’aucun membre du gouvernement ne verra jamais imposer à un proche…

On se représente donc mal ce que ces mesures ont de « difficile » pour M. Attal, et pas mieux le courage qu’il aurait d’« assumer » un tel saccage.

Maëlle Mariette
Journaliste.
en conclusion a écrit :« Ce mépris, ce regard-là de la part des élites, il est insupportable », conclut ce restaurateur qui fut l’un des porte-parole du mouvement des « bonnets rouges » en 2013 (4). Mme Le Guern, qui y était très impliquée, nous raconte : « À l’époque, on était tous mobilisés, nous, les ouvriers, pour défendre nos emplois menacés par les fermetures d’usine, et d’autres pour le retrait de l’écotaxe. Les médias ont tout fait pour décrédibiliser le mouvement mais, en fait, c’était juste un peuple qui se soulevait. On travaille pour payer les factures, on n’a pas de loisirs, on ne peut rien se permettre. Est-ce qu’un jour on va sortir le bec de l’eau ? » Le mouvement l’a formée politiquement, elle qui milite aujourd’hui au Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) : « J’ai tissé des liens, j’ai fait connaissance avec des gens que je n’aurais pas rencontrés en dehors de la manifestation, car à l’usine, avec le turn-over et l’intérim, on ne se connaît pas vraiment, on ne peut pas se parler. Aujourd’hui, je suis beaucoup plus dans les luttes. » Enfin, quand elle le peut, car « quand on a mal partout et qu’on est crevé du travail, on n’a pas forcément envie le week-end d’aller en manif pour prendre des coups et du gaz ».
Les médias font tout pour décrédibiliser la révolte

Selon Mme Floch, qui s’était beaucoup mobilisée pendant le mouvement des « gilets jaunes » de 2018-2019, « les gens sont résignés, chacun se replie sur ses difficultés. On est sur un fil et on fait tout pour ne pas dégringoler. Faire grève ou manifester, ça coûte cher ». Mais, souligne M. G., « le sentiment d’injustice est toujours là. Je ne sais pas quelle sera l’étincelle qui mettra le feu aux poudres, mais il y aura quelque chose à un moment donné, parce que les gens, de quelque côté qu’ils regardent, la porte est fermée. Il y a eu les “bonnets rouges”, il y a eu les “gilets jaunes”, on les a étouffés sans donner de solution, à part leur crever les yeux. Il y a eu les réformes des retraites, des millions de gens dans la rue, on leur a dit : “C’est comme ça et puis c’est tout.” Alors les gens sont rentrés chez eux, mais… ».

De son côté, le premier ministre « assume totalement » une nouvelle réforme de l’assurance-chômage (Le Monde, 5 avril 2024). Sur BFM TV, le 5 mai 2023, M. Gabriel Attal, alors ministre délégué aux comptes publics, se félicitait même de bientôt prendre « des mesures difficiles » : nouvelle réduction de la durée d’indemnisation ou nouvelles restrictions des droits aux allocations, intensification des contrôles pour forcer les plus fragiles à occuper des emplois qu’aucun membre du gouvernement ne verra jamais imposer à un proche…

On se représente donc mal ce que ces mesures ont de « difficile » pour M. Attal, et pas mieux le courage qu’il aurait d’« assumer » un tel saccage.
TSA
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Re: [Index Sociologie] Pour parler de sociologie...

Message par Argol »

Pour celles et ceux qui voudraient découvrir le suicide de Durkheim sans se coltiner tout l'ouvrage, il y a un petit livre très bien fait dessus:

https://www.eyrolles.com/Loisirs/Livre/ ... 130589983/

Pour découvrir Bourdieu de manière abordable, on peut citer
_ Questions de sociologie (édition de minuit)
_ Les heritiers ( édition de minuit)

Et le film qui a été fait à son sujet :
_ La sociologie est un sport de combat.
Testé HPI et pré-diagnostic d'autisme avec une psychologue. Diagnostic d'autisme pertinent pour ma psychiatre.