Extrait :
Après cinq années de travail ayant réuni douze spécialistes du nazisme, « Historiciser le mal. Une édition critique de Mein Kampf » a paru chez Fayard en juin dernier. L'historien Florent Brayard, codirecteur du volume, nous explique l'intérêt de cette réédition critique et scientifique.
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Nous avons travaillé de la même manière que pour toute autre source historique, mais en essayant, étant donné les enjeux, d’être plus rigoureux encore. En premier lieu, il fallait proposer une traduction française de Mein Kampf aussi exacte que possible. Nous avons ensuite adapté l’annotation critique exceptionnelle réalisée par l’Institut für Zeitgeschichte. Enfin, nous sommes allés plus loin que nos collègues allemands en proposant non seulement une longue introduction générale, mais aussi une introduction spécifique pour chacun des 27 chapitres de l’ouvrage. En résumé, Historiciser le mal comprend donc trois livres en un, d’une importance équivalente : une nouvelle traduction du texte d’Hitler, un appareil critique fort de 2 800 notes et l’ensemble des introductions.
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Je ne pense pas que Mein Kampf puisse, par lui-même, faire basculer un lecteur non politisé dans le racisme ou l’antisémitisme. Écrit il y a cent ans dans un style amphigourique, il a perdu tout pouvoir de conviction. Et ce, d’autant plus dans notre édition critique qui apporte au lecteur tous les pare-feu. Ceci étant, il existe sans doute un petit groupe de lecteurs, néonazis ou d’extrême droite, qui éprouvent de la satisfaction à la lecture de l’ouvrage. Mais pourquoi achèteraient-ils notre livre, qui est onéreux et dit tant de mal de leur idole, alors qu’ils peuvent se procurer, en librairie ou sur Internet, les anciennes éditions ? Ce n’est pas à eux que s’adresse notre livre, mais à tous ceux – enseignants, chercheurs, étudiants, amateurs d’histoire – qui veulent légitimement en savoir plus sur Hitler et le nazisme et mieux comprendre la manière dont ils ont mis à feu et à sang l’Europe entière, et défiguré l’image que nous nous faisons de notre humanité.