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freeshost
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Message par freeshost »

J'ouvre cette discussion pour parler du harcèlement en général, pas que sur des témoignages personnels, pas que sur des personnes autistes harcelées, mais le harcèlement partout par qui que ce soit.

Même la RTS n'échappe pas au harcèlement.

La RTS, Darius Rochebin et la loi du silence
Spoiler : Citation : 
Célia Héron, Sylvia Revello, Boris Busslinger

Publié samedi 31 octobre 2020 à 07:00
Modifié samedi 31 octobre 2020 à 07:07

Gestes déplacés, propos salaces, utilisation de fausses identités sur les réseaux sociaux: de nombreux témoignages font état de dysfonctionnements au sein de la RTS. Parmi les figures épinglées, l’ancien présentateur phare Darius Rochebin

Le journalisme a pour but de faire émerger des faits d’intérêt public: voilà la conviction du Temps. Si nous choisissons de publier cette enquête aujourd’hui, c’est parce que les révélations qu’elle contient, concernant une institution publique, remplissent cette mission.

Cet article, qui a mobilisé trois journalistes pendant plusieurs mois, a été rédigé à la lumière de conseils juridiques. Nos journalistes ont recueilli près de 30 témoignages. Par souci de concision, nous avons choisi de n’en publier qu’un nombre réduit. Si la majorité des personnes citées dans l’article ont choisi de rester anonymes, l’identité de chacune d’entre elles est connue de la rédaction.

Pourquoi publier cette enquête maintenant? Plusieurs facteurs ont contribué à son aboutissement: d’une part, la libération de la parole amorcée par le mouvement #MeToo en 2017; d’autre part, le départ de Darius Rochebin pour une chaîne française.

La rédaction en chef du «Temps»

Genève, décembre 2017. A l’intérieur de la tour de verre qui abrite la RTS, il est environ 20h. Dans un enregistrement transmis au Temps, deux journalistes discutent hors antenne de la bombe médiatique du moment: l’affaire Yannick Buttet (PDC/VS). En pleine vague #MeToo, le politicien valaisan quitte le parlement à la suite de l’ouverture d’une procédure pénale à son encontre après le dépôt d’une plainte pour harcèlement sexuel. La polémique est nationale.

«Je trouve que c’est l’arbre qui cache la forêt, dit une première voix, celle d’une présentatrice du service public. En tant que nana… on est là, on s’étonne. Tu te dis, excusez-moi, mais ici, c’est quand qu’on la fait, l’enquête?» Son collègue rebondit: «C’est un autre débat, ça. Qui c’est qui plaque contre les murs ici?» Elle rétorque: «Darius, il fait ça.»

En une phrase, le mythe vacille. Darius Rochebin aurait-il outrepassé ses droits? La suite de l'enregistrement laisse par ailleurs entendre qu’il n’est pas le seul. Le Temps a mené l’enquête. Fruits de plusieurs mois de travail, nos recherches ont permis de lever le voile sur des comportements pour le moins problématiques de la part de plusieurs collaborateurs du service public. Survenus à partir du début des années 2000, certains de ces faits étaient connus à l’interne mais n’ont jamais été révélés publiquement.

Connivence entre cadres, personnalités influentes, taille de l’entreprise publique permettant à certains départements de déplacer les personnes mises en cause plutôt que de les sanctionner, crainte d’un dégât d’image dans le cadre de la votation «No Billag», peur de représailles professionnelles: les raisons du silence sont nombreuses.

Pourquoi le briser maintenant? A la faveur d’une libération historique de la parole ces dernières années et à la suite du départ en France de Darius Rochebin, une chape de plomb semble progressivement se lever à la RTS. A une exception près, les personnes qui apparaissent dans l’article ont toutefois souhaité que leur nom soit modifié. Certaines d’entre elles sont en effet encore en poste, tout comme celles qu’elles désignent.

1. Des dysfonctionnements depuis le début des années 2000

Trois cas emblématiques témoignent de l’inaction aujourd’hui dénoncée. Le premier concerne un cadre toujours en poste – appelons-le Robert*. «Cette affaire représente environ dix ans de dysfonctionnement de la part d’un manager envers ses subordonnés en position de faiblesse et autant d’alertes ignorées par la direction», témoigne Pierre*, un collaborateur de la RTS.

Entre 2005 et 2015, une quinzaine d’employés du service public se plaignent tour à tour de ce dernier: mobbing, harcèlement sexuel, envoi intempestif de lettres «vicieuses», SMS suggestifs pendant et en dehors des heures de bureau. Des subalternes affirment sortir «abîmés» de séances d’évaluation en sa compagnie. Le climat de travail est si mauvais qu’un collaborateur en vient presque aux mains avec lui au bureau. L’idée d’une plainte collective auprès de la police est même évoquée, avant que le front commun ne se délite. Pierre l’affirme: Robert est à l’origine de plusieurs burn-out et d’au moins deux démissions. «Il sait se rendre aimable avec ses égaux et ses supérieurs, dit-il. Mais une fois dans son pré carré, il réduit les gens en bouillie.»

«Dans un placard doré»

Pendant plusieurs années, la gravité de la situation est régulièrement signalée à la direction, sans effet. Au milieu des années 2010, un mail explosif parvient aux ressources humaines: une employée a récolté toutes les preuves (lettres, SMS) du harcèlement sur plus d’un an de la part de Robert à son encontre et demande des actes. La RTS tente de la raisonner et propose une médiation aux deux collaborateurs. Elle refuse. A sa demande, elle sera finalement mutée dans une autre ville. Selon une source proche du dossier, la RTS lui signifie en outre de «respecter la confidentialité la plus stricte» sur la situation. Robert aurait quant à lui reçu un simple avertissement.

Quatre mois plus tard, il refait parler de lui: une autre de ses subalternes est mise en arrêt maladie à la suite de ce qu’elle estime être du mobbing. La direction est de nouveau interpellée et traite le problème à sa façon: en 2015, Robert est promu. «Placé dans un placard doré.» L’expression revient chez la demi-douzaine de personnes qui ont témoigné à son sujet. «Il n’a plus le droit d’avoir de subordonnés directs, mais jouit d’un statut confortable au sein de la hiérarchie, souligne Pierre. C’est malheureusement trop souvent ainsi que fonctionne la gestion des ressources humaines à la RTS. Tant qu’il n’y a pas de scandale public, les problèmes sont étouffés.»

«De manière générale, il n’y a pas de prévention du harcèlement à la RTS, corrobore une autre de ses anciennes subalternes, qui a, depuis, changé d’employeur. J'ai essayé d'alerter mes supérieurs, mais personne n'a voulu m'écouter. Robert a été couvert et défendu par la hiérarchie. J’ai eu l’impression que le même profil du mâle alpha quinquagénaire se retrouvait à tous les échelons de la direction. La politique de management est rétrograde et ce type de comportement est protégé.»

«La main baladeuse»

L’enregistrement évoquant Darius Rochebin en début d’article mentionne un deuxième cas problématique: celui de Georges*, employé de longue date à la télévision romande, connu à l’interne pour avoir «la main baladeuse». Son comportement est cependant allé plus loin. Selon nos informations, il a embrassé plusieurs fois l’une de ses anciennes subalternes sans son accord, avant d'insister par SMS à de nombreuses reprises. Cette dernière a confié son histoire au Temps, tout en souhaitant limiter l’exposé des détails afin de se préserver autant que possible.

«J’aurais dû lui foutre une claque plus tôt, dit-elle. Mais il y avait une relation de pouvoir et j’avais honte.» Elle n'osera pas en informer ses supérieurs. Ceux-ci étaient-ils au courant? Sans pouvoir le confirmer, cette ancienne employée de la RTS répond qu'après avoir raconté ce qu'il lui était arrivé à ses collègues, on l'avait avisée qu’il «avait déjà fait ce genre de choses auparavant». Si ce n’est de la direction, l’affaire était connue d’un bon nombre d’employés. «La RTS est une maison où les collaborateurs se cramponnent à leur siège, juge cette ancienne collaboratrice. Certains sont là depuis trois décennies et se soutiennent les uns les autres.» Comme Robert, Georges est toujours en poste.

Contactée par Le Temps, au sujet de ces deux collaborateurs, la direction de la RTS a fourni la réponse suivante: «Nous ne pouvons pas commenter les cas particuliers en raison de la protection de la personnalité. Lorsqu’un cas survient, nous le traitons toujours avec diligence et fermeté.»

Les personnes qui se confient aujourd’hui sont nombreuses à évoquer la honte et la crainte que leur vécu ne soit ramené à une simple affaire de «drague lourde». Pourtant, la loi est claire, comme le rappelle Sylvie Durrer, la directrice du Bureau fédéral de l'égalité: «Tout comportement importun de caractère sexuel ou tout autre comportement fondé sur l’appartenance sexuelle, qui porte atteinte à la dignité de la personne sur son lieu de travail, relève du harcèlement sexuel, selon l’article 4 de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes.» Il n’existe pas de définition exhaustive dudit harcèlement, qui peut se manifester sous diverses formes: «contacts physiques, attouchements non souhaités, avances ou encore pressions». «Les comportements qui contribuent à créer un climat de travail hostile, par exemple des plaisanteries déplacées, peuvent aussi représenter du harcèlement sexuel», précise la directrice.

Les responsabilités de l’employeur sont également encadrées par la loi, souligne-t-elle: «En plus de son obligation d’instaurer des mesures de prévention contre le harcèlement sexuel, l’entreprise est tenue de prendre au sérieux les signalements de tels harcèlements et doit établir les faits. Les rumeurs et allusions doivent aussi donner lieu à une enquête.»

Autour de Darius Rochebin, un silence assourdissant

Des bruits de comportements déplacés, il en existe depuis des années au sujet d’un autre employé du service public: Darius Rochebin, présentateur phare de la RTS jusqu’à l’été 2020. Au-delà de ses compétences professionnelles incontestables, sa réputation, à l’interne, le précède: mains glissées sous les chemises de collègues masculins, allusions salaces récurrentes ou encore proximité avec de jeunes hommes sont régulièrement évoquées. Au sein de la chaîne publique, on raille volontiers sa conduite, sans toujours en mesurer les conséquences.

Depuis que le présentateur a quitté la chaîne nationale pour LCI, plusieurs témoins commencent à évoquer ce qu’ils ont vécu, même si des craintes demeurent. Comme deux faces d’une même médaille, Darius Rochebin renvoie une image assurée à l’écran mais peut se comporter de manière inadéquate une fois les caméras éteintes. D’anciens ou d’actuels collaborateurs de la RTS rapportent ainsi le malaise, la sidération même, ressentis lors de conversations banales qui dérapent subitement sur le terrain sexuel ou intime. La parole a même fait place aux actes, comme en témoignent Aurore* et Clémence*.

Un comportement «ahurissant et totalement déplacé»

Avant l’incident, Aurore, employée de la RTS depuis une dizaine d’années, n’avait eu que des contacts épisodiques et toujours strictement professionnels, avec Darius Rochebin. «On se croisait dans les couloirs, parfois dans des séances, on s’échangeait un ou deux e-mails par année», précise la quinquagénaire. Un soir de 2014, elle quitte son bureau pour se rendre à une réunion. «J’ai croisé Darius Rochebin qui sortait de l’ascenseur, raconte-t-elle. On a fait quelques pas ensemble dans un couloir vide en discutant du boulot. Subitement, il a pris mon visage dans ses mains et a essayé de m’embrasser. Je l’ai immédiatement repoussé. Il est parti de manière furtive, sans me regarder ni présenter d’excuses.» Sous le choc, Aurore arrive «décalquée» à sa séance. «J’étais interloquée par son comportement que je jugeais ahurissant et totalement déplacé. J’ai pris ça pour un coup de folie.» Par la suite, leurs rares échanges professionnels se sont déroulés comme si de rien n’était. «J’ai voulu oublier cet épisode, confie Aurore, qui n’a jamais averti sa hiérarchie. Si ça s’était répété, j’aurais sans doute réagi différemment.»

Collaboratrice de la RTS, Clémence relate des faits analogues. Au cours de sa carrière, cette mère de famille côtoie régulièrement Darius Rochebin. Peu après le Nouvel An 2006, à quelques heures du journal télévisé, c’est l'effervescence en salle de maquillage. «Tout le monde s’embrassait et s’échangeait des vœux pour la nouvelle année», se souvient Clémence. Darius Rochebin est là, aux côtés d’autres collègues. «Il s’est approché de moi, je l’ai pris par l’épaule pour lui faire la bise, il a saisi ma main libre et l’a fermement posée sur ses parties génitales», raconte Clémence. Les autres personnes présentes dans la salle ne réagissent pas. «Je ne sais pas si elles ont vu la scène», souligne la journaliste, qui relate l’incident à des collègues proches et à son mari, mais pas à sa hiérarchie de l’époque. C'est seulement à l'automne 2017, en pleine vague #MeToo, qu’elle en informe son supérieur. «Il est tombé des nues et a dit qu’il allait lui parler. Je ne sais pas ce qui s’est passé ensuite, je n’ai plus jamais eu de nouvelles. Je crois que c’est allé plus haut, mais je n’ai pas eu d’écho direct, je n’ai plus voulu me mêler de cette histoire.

Un «malaise» apparaît

Un autre témoignage illustre la marge de manœuvre dont bénéficiait Darius Rochebin au sein de la RTS: celui d'Antoine*, 22 ans au moment des faits. En mai 2012, Darius Rochebin entame une conversation privée avec le jeune homme sur le réseau social Twitter. A l’époque, le Genevois est un étudiant en lettres qui tente de percer dans le journalisme et voit en Darius Rochebin «un mentor inespéré» dans un milieu très compétitif. «Les conversations ont commencé de manière anodine, raconte Antoine. J’étais flatté qu’une telle star s’adresse à moi. Le ton était ambigu et est rapidement devenu aguicheur. J’étais surpris, mais intrigué.»

Quelques jours plus tard, Darius Rochebin propose à Antoine un café, puis un dîner. «Il me disait qu’il devait tester de grands restaurants pour des articles et payait à chaque fois pour nous deux, précise l’étudiant. J’étais impressionné par ce faste, et évidemment par son statut. Lors de notre troisième rencontre, quelques semaines après notre première conversation, nous sommes allés en voiture dans la campagne genevoise. Au restaurant, il m’a présenté comme un jeune journaliste prometteur.»

C’est sur le trajet du retour qu’Antoine raconte avoir eu «de premières appréhensions», termes qu’il utilise pour retranscrire son malaise dans un journal intime. «Il s’est arrêté au bord de la route. Il a initié un rapport sexuel, je ne l’ai pas repoussé. Je n’avais pas envie d’aller plus loin, mais j’avais l’impression de ne plus pouvoir revenir en arrière. En partant, il a dit qu’il m’enverrait le contact d’un rédacteur en chef qui pourrait m’offrir un stage. Son mentorat prenait implicitement une dimension transactionnelle, et je m’y suis plié.» Peu après, le présentateur met comme promis l’étudiant en relation avec un éminent producteur de la RTS et lui propose une visite des locaux de la télévision publique.

«Une mission sur mesure»

Quelques mois après leur premier échange sur Twitter, Darius Rochebin intervient directement auprès de la direction de la RTS pour mettre en place une collaboration avec Antoine: «Il m’a créé une mission sur mesure en tant que photographe. Il m’emmenait partout, du Festival de Cannes aux conférences du dalaï-lama», se souvient l’étudiant.

Interrogée au sujet de cette mission, la direction de la RTS répond qu’en 2012, «Darius Rochebin a collaboré avec un photographe free-lance. Cette collaboration ponctuelle n’était pas effectuée dans le cadre du mandat de production de l’émission Pardonnez-moi, mais a eu lieu à l’occasion d’un événement pour le 10e anniversaire de l’émission. Pour cette exposition uniquement, la RTS a rémunéré le photographe sur la base des tarifs de droits d’auteur.»

Des documents en notre possession laissent pourtant supposer qu’Antoine n’a pas été rémunéré uniquement sur la base des droits d’auteur. Selon la facture adressée par le jeune homme à la direction de la RTS, la rémunération est par ailleurs arrêtée à 800 francs, avec mention «forfait indiqué par M. Darius Rochebin».

Au fil des mois, la relation entre la star et l’étudiant se tend. «Plus j’étais distant, plus il devenait jaloux, inquisiteur, raconte ce dernier. Je redoutais les conséquences de mes refus sur ma situation professionnelle. Je ne savais plus comment mettre fin à cette relation. C’était une lutte continuelle. J’ai pris peur.» Antoine finit par couper les ponts et ignorer les relances du présentateur, avec qui il n'a aujourd'hui plus aucun lien.

Des aspirants journalistes fascinés

Alexandre* et Hugo*, deux jeunes hommes qui ont travaillé directement avec le présentateur, racontent eux aussi ses multiples tentatives d'immixtion dans leur vie privée: allusions déplacées, questions lubriques pendant et en dehors des heures de bureau, rapports de pouvoir ambigus. Fascinés, les jeunes journalistes peinent à réagir.

Le premier, Alexandre, 24 ans au moment des faits, a travaillé à la RTS lorsqu’il était étudiant. En 2014, Darius Rochebin lui propose un soir d’aller manger. «Au restaurant, on discutait de choses et d’autres, et puis, soudain, il m’a demandé: «Mais toi Alexandre, tu te branles souvent?» Choqué, le jeune étudiant élude. «Sur le moment, j’ai paniqué, j’ai fait une petite crise d’angoisse», raconte-t-il. Par la suite, Alexandre reçoit régulièrement des messages de Darius Rochebin sur Facebook: «ah, mais tu es tellement beau», «tu m’avais manqué», «ta bizarrerie brillante est trop attachante», «on se refait un dîner?» Des sollicitations auxquelles le jeune homme répond peu, tentant de contenir les rapports au niveau strictement professionnel.

Le deuxième, Hugo, a également travaillé à la RTS durant ses études entre 2011 et 2015. Dès leur premier contact, Darius Rochebin l’ajoute sur Facebook. «Lorsque l’on est stagiaire et qu’il s’agit de la star de la rédaction, c’est flatteur», souligne Hugo, 22 ans à l’époque. Darius Rochebin lui envoie ensuite des messages privés ambigus puis à caractère sexuel sur les réseaux sociaux. Le jeune étudiant décrit un malaise: «C’est comme s’il avait une double personnalité: l’une brillante, l’autre pas assumée, perverse. Plusieurs autres journalistes m’ont parlé de leur gêne lorsqu’ils étaient seuls avec lui en plateau et qu’ils ne pouvaient plus vraiment le côtoyer sans y penser. J’ai été surpris de voir à quel point cette facette du présentateur était connue dans son environnement professionnel, mais pas hors de la RTS. Une omerta à la mesure de l’épaisseur du personnage.»

2. De fausses identités sur les réseaux sociaux

Des alertes, la direction de la RTS en a pourtant reçu. «Tout le monde sait, mais personne ne fait rien»: c’est l’intuition qui anime Thomas Wiesel en 2017 lorsque le mouvement #MeToo libère la parole des victimes d’abus. Le jeune humoriste a rencontré Darius Rochebin en 2015 alors qu’il débutait dans le métier. «Quand il m'a contacté professionnellement, il faisait des remarques sur mon physique, me proposait de se voir pour une émission ou un verre, voulait mon numéro de téléphone plutôt que mon e-mail. Plusieurs personnes m’avaient mis en garde. J'ai immédiatement mis des barrières et il n'a pas insisté.»

S’il ne s’est pas senti lui-même en danger, Thomas Wiesel craint que d’autres personnes ne restent silencieuses par peur des conséquences ou par honte de s’être laissé amadouer. D’autant que le Vaudois s’interroge depuis longtemps sur l’utilisation des réseaux sociaux par Darius Rochebin: alerté par plusieurs personnes, il soupçonne le présentateur d’avoir créé de faux comptes de femmes sur Facebook pour entrer en contact avec de jeunes hommes, dont certains de ses amis. Pour en avoir le cœur net, l’humoriste commence à enquêter.

Une campagne «No Billag» très sensible

A l’automne 2017, peu avant la votation sur l’initiative «No Billag» qui visait à supprimer la redevance radio-TV, Thomas Wiesel contacte le nouveau directeur de la RTS, Pascal Crittin, en poste depuis quelques mois seulement, afin de l'interpeller sur le sujet. Que savait la direction de la réputation de Darius Rochebin et de l’alerte formelle lancée par Clémence? «Affirmant n’être au courant de rien, Pascal Crittin a fait part de son étonnement, raconte l’humoriste. Il m’a toutefois assuré qu’il ferait toute la lumière sur l’affaire et que Darius Rochebin serait suspendu si une plainte contre lui était déposée.»

La direction de la RTS confirme aujourd’hui ces échanges. «Nous avons pris très au sérieux les propos de Thomas Wiesel et l’avons invité à nous fournir des éléments concrets, ainsi qu’à inciter les personnes concernées à prendre contact avec la justice, souligne Pascal Crittin. Toutefois et à ce jour, nous n’avons reçu aucune preuve, aucun document, ni aucun témoignage direct.» Pour Thomas Wiesel, il est «surprenant que l'entreprise n'ait jamais cherché à enquêter elle-même en profondeur, suite aux rumeurs qui circulaient depuis des années et encore plus suite à ce signalement».

Après l’intervention de l’humoriste, le nouveau directeur convoque néanmoins Darius Rochebin, une information confirmée par la direction de la RTS: «Nous lui avons fermement et formellement rappelé nos règles professionnelles concernant la présence sur les réseaux sociaux.» Selon nos informations, l’intéressé aurait reconnu, lors de l’entretien, l’existence de ces comptes Facebook mais affirmé qu’ils étaient gérés par des amis. Aujourd’hui, ces comptes Facebook ont été nettoyés.

Si l’éventualité que les faux comptes mentionnés par Thomas Wiesel aient été gérés par des personnes voulant nuire à la réputation de Darius Rochebin a longtemps été évoquée, Le Temps a aujourd’hui la preuve qu’il n’en est rien. C’est bien l’ancien présentateur de la RTS qui a usé de fausses identités créées de toutes pièces pour entrer en contact tant avec des collègues qu’avec des inconnus. Il s’en est notamment servi pour obtenir des informations sur leur vie privée et orchestrer des rendez-vous. Une dizaine d’entre eux, contactés par Darius Rochebin entre 2009 et 2017, nous ont livré leur récit. L’un était mineur au moment des faits. Par souci de concision, tous ces témoignages n’ont pas été reproduits ici.

Les mystérieuses Laetitia Krauer et Lea Magnin

Sur Facebook, le présentateur a créé au moins deux fausses identités formellement identifiées: Laetitia Krauer et Lea Magnin. La première ayant de loin été la plus active. Toutes deux sont supposées être étudiantes à l’Université de Genève. Sur leur photo de profil, dont on ignore la provenance, elles semblent très jeunes.

Dans plusieurs conversations en ligne datant de 2012 que Le Temps a pu obtenir, Darius Rochebin évoque ouvertement son stratagème. «Tu veux voir l’un de mes avatars?» questionne le présentateur, avant d’ajouter: «Regarde Laetitia Krauer, elle t’a envoyé un message», le tout accompagné d’une capture d’écran. «Sur Facebook, si Lea Magnin poste ça va? Ou tu la trouves faux profil?» poursuit Darius Rochebin dans une autre conversation. «J’ai aussi le code de mon ex mais je l’utilise pas trop, écrit-il encore. Les plus malins voient qu’il n’y a pas de vraie activité normale, mais si une fois tu veux sonder des gens (...) c’est génial comme les gens se livrent...» Le compte à travers lequel il s’exprime a été créé à partir de son ancienne adresse mail professionnelle de la RTS.

Juriste en droit des technologies, Mikhaël Salamin précise que «l'utilisation d'une photo de profil – une donnée personnelle – pourrait être considérée comme une usurpation d’identité» puisque celle-ci est définie comme «l'usage abusif de données personnelles d'une tierce personne permettant son identification». «L’usurpation d’identité en tant que telle ne figure pour l’instant pas dans le Code pénal suisse et ne peut donc être réprimée que si elle est liée à d’autres méfaits, comme l’atteinte à l’honneur, la violation de la personnalité, voire le harcèlement, détaille le juriste. Elle devrait néanmoins être introduite d’ici deux ans à la faveur d’une révision complète de la loi sur la protection des données, en l’absence d’un référendum populaire.»

Une systématique précise

Le procédé mis en place par Darius Rochebin obéit à une systématique précise, tant sur l’approche que sur les personnes ciblées. Ce sont, pour la plupart, de jeunes étudiants, stagiaires journalistes ou engagés en politique. Des individus qui, un jour ou l’autre, pourraient avoir besoin des médias et qui, de prime abord, ont toutes les raisons d’être flattés que Darius Rochebin s’intéresse à eux. Les conversations avec l’animateur débouchent d’ailleurs régulièrement sur des invitations à venir visiter les locaux de la RTS, voire à intervenir sur le plateau du téléjournal.

Le premier contact intervient souvent après une première et modeste apparition à l’antenne, un événement ou encore un débat estudiantin auquel Darius Rochebin participe en tant qu’invité de marque. La plupart du temps, les internautes contactés croient parler à deux personnes distinctes: Darius Rochebin et une jeune étudiante – soit Laetitia Krauer, soit Lea Magnin. Ils ignorent que le présentateur mène en réalité ces deux discussions en même temps. Systématiquement, le présentateur star, dissimulé sous les traits de ces jeunes femmes, invite son interlocuteur à répandre des rumeurs à son propre sujet: «tu sais que Darius a une mini-bite?», «son mini-kiki ne dépasse pas la taille de sa main en pleine action», «un dé à coudre» – et insiste sur la nécessité d’en parler.

Une fois le domaine de la sexualité mis en avant, les questions de Laetitia Krauer ou de Lea Magnin au sujet de l’anatomie de leurs interlocuteurs s’enchaînent. Elles sondent les pratiques et les préférences sexuelles de ces derniers, demandent leur avis au sujet de Darius Rochebin. Sous les traits de Laetitia Krauer et de Lea Magnin, le présentateur cherche même à entraîner ses interlocuteurs sur le terrain de la critique insultante envers lui-même. Dans quel dessein tente-t-il de susciter de telles accusations? Que fait-il des informations ainsi récoltées? Ces questions restent ouvertes.

Au fil des années, le procédé commence à éveiller des soupçons. Certaines cibles, alertées par d’autres, font rapidement le rapprochement entre Lea Magnin, Laetitia Krauer et Darius Rochebin et mettent un terme à la discussion. Pensant parler à une vraie femme, d’autres poursuivent en revanche l’échange et «se livrent».

A noter qu’une certaine Laetitia Krauer intervient également dans les médias pour saluer les performances de Darius Rochebin. Dans Télétop Matin en 2007: «Merci à Darius Rochebin pour le merveilleux moment de «Pardonnez-moi» avec Mimie Mathy. A la fois drôle, piquant, émouvant à certains moments.» Idem en 2013, dans le guide TV et cinéma encarté dans La Liberté: «Sympa, l’initiative. J’adore Darius Rochebin qui est classe avec une pointe d’humour.»

Un mineur trompé par un faux profil

Plusieurs jeunes hommes révèlent avoir été visés par ces doubles approches en ligne. Samuel* a 16 ans lorsqu’il rencontre pour la première fois Darius Rochebin. Le collégien genevois s’intéresse à la politique, aux médias, et milite dans la section jeune d’un parti. A ses yeux, l’animateur est un modèle de réussite, une icône. En avril 2012, il est contacté sur Facebook par une certaine Laetitia Krauer qui lui parle immédiatement du petit pénis de Darius Rochebin, cherche à savoir ce qu’il pense de lui et lui demande son âge. Samuel répond qu’il a 17 ans – arrondissant son âge à la hausse, à quelques mois de son anniversaire. Le lendemain, l’adolescent reçoit une invitation Facebook de Darius Rochebin lui-même. Troublé par cette coïncidence, il en fait état au présentateur. Ce dernier lui répond que Laetitia Krauer est une «copine de son ex», «chaude comme la braise» et l’incite à tenter sa chance.

Par la suite – la conversation durera plus d’un an – Darius Rochebin s’intéresse à la vie de Samuel, lui propose de visiter les coulisses de la RTS avec des camarades, promet de lui donner des conseils professionnels. «Il a instauré une forme de camaraderie entre nous, il adoptait le langage d’un pote, me donnait des conseils de drague», souligne Samuel, alors mis en confiance. En parallèle, Laetitia Krauer lui suggère de répandre les rumeurs précitées quant à l’anatomie de Darius Rochebin et s’évertue par tous les moyens à connaître la taille du sexe de Samuel, ce qu’elle n’obtiendra pas. Au fil du temps, Samuel commence à douter de l’identité de Laetitia Krauer qui l’inonde de messages, et s’en ouvre à Darius Rochebin. Le présentateur rassure immédiatement le collégien, tout en se distanciant de Laetitia Krauer: «Je pense qu’elle existe, mais elle est instrumentalisée par mon ex», dit-il.

Samuel ne répondra plus aux sollicitations de Laetitia Krauer, mais acceptera trois rendez-vous avec Darius Rochebin. A deux reprises, le présentateur le convie au pied de la tour RTS. Le jour du premier rendez-vous, l’adolescent est impatient de partager un moment privilégié avec une star de l’audiovisuel. S'attendant à retrouver le présentateur pour un café à la RTS, il est étonné d'être invité à monter dans sa voiture garée dans un parking souterrain, après avoir marché quelques minutes dans la rue. «Je l’ai suivi mécaniquement sans poser de questions, raconte Samuel. J’étais intimidé, mais exalté. Avec le recul, je me dis que des alertes auraient dû sonner.» Ils roulent pendant quinze minutes avant que Darius Rochebin ne le dépose devant un hôtel proche de la gare. En rentrant chez lui, Samuel, «interloqué et un peu honteux», esquive les questions de ses parents, curieux de savoir comment s’est déroulée la rencontre avec celui qu’ils voient comme un modèle pour leur jeune fils.

Le lendemain, Darius Rochebin s’excuse pour la brièveté du rendez-vous et lui propose un café. Lors de cette rencontre et de la suivante, le présentateur tient des propos salaces au jeune homme toujours mineur: «C’est vrai que les collégiennes sucent de bon cœur?» «Tu baises qui en ce moment?» Des questions qui achèvent de dérouter Samuel, au stade de ses premières expériences sexuelles. Avec le recul, il peine encore à mettre des mots sur ce qu’il a ressenti: un mélange de dégoût, de gêne, mais surtout le sentiment d’avoir été piégé.

«J’ai l’impression d’avoir été manipulé»

Dylan* et Sébastien* ont eux aussi été contactés par Darius Rochebin et son avatar Laetitia Krauer, respectivement en 2009 et 2011. Pour Dylan, 18 ans à l’époque, qui rêve de devenir journaliste, Darius Rochebin est un «modèle de réussite». Lorsque le présentateur entame la discussion, l’adolescent déchante: «J’ai immédiatement senti une ambiguïté dans sa manière de me parler, il n’avait pas l’air détaché, mais au contraire très intéressé.» Très vite, Darius Rochebin lui propose un rendez-vous, que Dylan annule au dernier moment, prétextant une grippe. «Une star de son envergure qui invite un jeune étudiant à boire un verre, je ne le sentais pas, j’avais peur. J’en avais parlé à mes parents qui avaient aussi été intrigués par l’invitation et m’avaient conseillé de décliner.» A l’époque, un autre indice avait aussi alerté Dylan: les étranges conversations avec Laetitia Krauer qui ne cesse d’évoquer l’anatomie de Darius Rochebin. «J’ai discuté avec elle durant des mois, sans jamais la voir. Lorsque je proposais un rendez-vous, elle esquivait toujours, elle jouait à un jeu malsain. J’ai vraiment l’impression d’avoir été manipulé.»

Avec Sébastien, Darius Rochebin évoque d’emblée Laetitia Krauer, «amie commune» sur Facebook, dont il se sert pour justifier un premier échange. «Il m’a dit qu’il avait appris que cette fille me parlait et qu’il ne fallait pas que je rentre dans son jeu. J’ai trouvé cette approche très bizarre. J’étais agacé par ces histoires qui ne me regardaient pas.» Alors qu’ils se connaissent à peine, Darius Rochebin lui propose d’intervenir dans le cadre d’un débat à la RTS. «Ça m'a semblé étrange comme proposition, se souvient Sébastien. Comme s’il mélangeait les casquettes privée et professionnelle. Par la suite, il m’écrivait souvent pour me proposer de boire des cafés. Il m’a recontacté quand j’ai commencé dans le métier, pour me reparler de Laetitia Krauer, parfois jusqu’à 3h ou 4h du matin. Au point que ma copine de l’époque l’a remarqué. J’ai fini par couper les ponts. En en parlant autour de moi, j’ai réalisé que d’autres jeunes étaient concernés, à Genève et au-delà.»

Les médias, un monde comme les autres

Entre les personnes contactées, le mot circule en effet largement. A tel point qu’à l’aube de la votation sur l’initiative «No Billag», en 2018, plusieurs médias romands s’intéressent de près aux mystérieux avatars de Darius Rochebin. Selon plusieurs sources concordantes, la direction va alors jusqu’à mettre en place une stratégie de communication de crise pour parer à l’éventualité d’un scandale. Sans que celle-ci doive, pour finir, être actionnée.

Contacté, Darius Rochebin a répondu par l'intermédiaire de son avocat. Il «conteste fermement s’être livré à des actes pénalement répréhensibles» et précise n’avoir «jamais fait l’objet d’une plainte pénale, ni a fortiori d’une quelconque condamnation pénale».

Baiser de force, main placée sur les parties génitales, propos déplacés, allusions sexuelles: la direction de la RTS était-elle au courant de tels comportements? «Tout comportement déplacé et blessant dans le cadre professionnel, de quelque nature que ce soit, est incompatible avec les valeurs de notre entreprise et la RTS les condamne avec force, précise Pascal Crittin. Lorsque des cas sont portés à notre connaissance, ils sont immédiatement traités, le cas échéant avec une enquête externe indépendante. Selon les conclusions de l’enquête, des sanctions sont prises allant jusqu’au licenciement immédiat.»

En novembre 2017, Darius Rochebin saluait lui-même la «libération de la parole» liée au mouvement #MeToo. Née dans le monde du cinéma, la vague de dénonciations s’est étendue à tous les secteurs. Dans l’univers médiatique toutefois, certains tabous continuent de persister, mais comme partout ailleurs, des voix commencent à s’élever.

*Noms connus de la rédaction
Une enquête d’utilité publique
Stéphane Benoit-Godet, Gaël Hurlimann

Publié samedi 31 octobre 2020 à 07:04
Modifié samedi 31 octobre 2020 à 07:36

ÉDITORIAL. Nous publions un article qui est le fruit d’une patiente récolte de témoignages. Au sein d’un département de la RTS, plusieurs collaboratrices et collaborateurs n’ont pas été protégés des agissements abusifs de personnes occupant des positions de pouvoir. Le plus connu d’entre eux n’a pas été à la hauteur du modèle qu’il représente

Les langues se délient enfin. Nous publions une enquête démontrant comment un département de la RTS a laissé pendant des années s’installer une culture du silence dont ont profité certains individus. Ceux-là, des cas isolés, ont abusé de leur position de pouvoir pour exercer diverses pressions dont certaines sont sans équivoque, auprès de collaboratrices et collaborateurs subalternes, stagiaires ou simples apprentis journalistes.

La vague #MeToo de 2017 n’a pas suffi à remettre en cause un mode de fonctionnement, dans une entité au moins, de la télévision publique. Dans la grande maison, même si des employés et des syndicats avaient depuis longtemps fait part de dysfonctionnements inacceptables, la direction a préféré préparer des plans de communication de crise plutôt que de prendre le problème à bras-le-corps. Il y avait pourtant urgence.

La déferlante s’abat aujourd’hui avec retard, mais avec tout autant de force que celle qui avait précipité l’affaire Buttet en 2017 dans le monde de la politique fédérale. Le Temps avait alors révélé à quel point il était difficile de travailler au parlement pour des femmes élues, mais aussi donné la parole à des journalistes, victimes de harcèlement. Notre enquête démontre que l’univers des médias n’est pas non plus immunisé contre ce type d’agissements.

Collecte de faits

Plusieurs rédactions ont travaillé ces dernières années sur les manquements de l’institution RTS au sujet d’affaires similaires, sans jamais toutefois aboutir. Si nous y parvenons aujourd’hui, c’est au prix d’un travail acharné et d’une minutieuse collecte de faits. Nous avons réuni près de trente témoignages sur plusieurs mois – avant que certains ne se désistent par peur des conséquences de leurs révélations.

L’intérêt public de cette affaire est évident. La RTS est une institution publique dont le mandat consiste à informer la population de manière libre et indépendante. Pour remplir cette mission, il est indispensable que ses collaborateurs puissent travailler en toute confiance avec leur hiérarchie dans un climat de sérénité. De toute évidence, ça n’a pas toujours été le cas.

Sous cloche

Pire encore, notre enquête démontre que tout a été fait pour mettre sous cloche des comportements inacceptables. Notamment au moment où les Suisses étaient appelés à voter sur la fin de la principale source de financement de la RTS, à l’occasion de la votation «No Billag».

Notre enquête s’attache notamment au comportement de Darius Rochebin, longtemps présentateur star de la RTS, qui a rejoint cet été la chaîne française LCI. Notre confrère est sans conteste un professionnel de premier rang et un intervieweur hors pair dans le monde francophone. Le Romand est connu loin à la ronde pour sa réussite professionnelle et incarne encore aujourd’hui, dans l’esprit de certains téléspectateurs, la RTS en Suisse et à l’étranger. Ce statut lui donne de grandes responsabilités: il fait figure de modèle pour la profession et le grand public. Il n’a pas été à la hauteur.
Ça doit avoir commencé de faire jaser chez LCI en France.

Un rappel à la vigilance par écrans interposés. Car des personnes peuvent créer de faux comptes avec de fausses identités.

Et attention aux propos trop enjôleurs.
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Re: Le harcèlement partout (école, rue, maison, travail, écran, etc.)

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Le harcèlement entre élèves, une dynamique de groupe
Spoiler : Citation : 
Marion Police

Publié lundi 16 novembre 2020 à 16:45
Modifié lundi 16 novembre 2020 à 16:46

Alors qu'une formation contre le harcèlement entre élèves vient d'être mise sur pied pour les enseignants romands et que les écoles jonglent entre les quarantaines, quel état des lieux peut-on dresser de la lutte contre le harcèlement entre élèves? Deux expertes répondent.

Selon la dernière étude PISA* parue en 2019, 15% des jeunes Suisses de 15 ans interrogés déclarent avoir subi des moqueries, 11% disent avoir été cibles de rumeurs et 7% de violences physiques. Le harcèlement entre élèves est une problématique épineuse au sein de laquelle une multiplicité d’acteurs interviennent: élèves, parents, enseignants, politiques publiques…

Peu après la journée internationale contre les violences et le harcèlement en milieu scolaire qui se tenait début novembre, la HEP Vaud, la Haute Ecole de Travail social et de Santé lausannoise et l'ONG Action Innocence ont annoncé la mise en place d'une formation en la matière pour les enseignants romands. Alors quel état des lieux peut-on dresser du phénomène et de sa prévention en pleine pandémie? Le Temps s’est entretenu avec Zoé Moody, professeure à la HEP Valais et collaboratrice au Centre interfacultaire en droits de l’enfant de l’Unige, et Jennifer Lugon, cheffe de projet «Harcèlement-intimidation et violences entre élèves: prévention en milieu scolaire» à l’Unité de promotion de la santé et prévention en milieu scolaire (PSPS) de l’Etat de Vaud.

Le Temps: Certains cantons ont mis en place des politiques de prévention et de traitement du harcèlement, preuve d’une prise de conscience depuis quelques années. Quels sont les «outils» employés actuellement dans les établissements?

Zoé Moody: La prévention passe par deux grands niveaux: d’une part, les actions spécifiques, soit parler du harcèlement, de ses conséquences, de la mise à l’écart, éduquer aux comportements adéquats en ligne, etc. Bien sûr, il est insuffisant de n’y consacrer que quelques journées dans l’année. Il s’agit donc de conjuguer cela à des actions visant à améliorer le climat de classe, à s’accorder sur des valeurs communes, en étant conscient de nos différences mais aussi de nos ressemblances, pour véritablement prévenir le phénomène.

Jennifer Lugon: Nous avons des responsables cantonales spécifiquement sur cette thématique qui s’inscrivent dans une dynamique lancée en 2012. Ancré dans les priorités de la politique publique du canton, le dispositif vaudois se déploie dans l’ensemble des établissements de la scolarité obligatoire puis post-obligatoire pour la prise en charge des situations: amélioration du repérage, formation des professionnel∙le∙s, création d’une équipe d’intervention dans chaque école et personne référente, politique d’établissement, protocole, suivis.

Et y a-t-il une méthode de prévention plus employée qu’une autre?

Z. M.: La méthode la plus en vogue en Suisse romande est celle dite de la «préoccupation partagée» (MPP). Elle a été développée par un chercheur suédois, Anatol Pikas, qui travaille sur les logiques de harcèlement comme dynamiques de groupe. Dans ce cadre, le terme d’élève cible est préféré à «victime» et l’on postule qu’il n’y a pas vraiment d’auteur ou d’agresseur, mais un ensemble de témoins.

J. L.: La MPP est une approche non blâmante, afin de minimiser les risques de stigmatisation et de représailles. Elle permet de briser l’effet de groupe par de brefs entretiens individuels avec les autres élèves et de faire en sorte que la situation de souffrance cesse pour l’élève cible, élève à qui un accompagnement est également fourni en parallèle.

Une école privée, l’Institut international de Lancy (GE), a annoncé récemment qu’elle emploie la méthode finlandaise KiVa, également basée sur la préoccupation des pairs et utilisée dans 90% des écoles finlandaises. En quoi diffère-t-elle?

Z. M.: Elle met davantage l’accent sur la prévention, dans l’idée que si les élèves développent leurs compétences d’empathie, ils percevront mieux la souffrance d’une victime. On sait que les auteurs de harcèlement ont une empathie peu développée, donc on limite les risques d’émergence et d’ancrage du harcèlement.

J. L.: Théoriquement, la méthode KiVa se base sur le concept de «bullying», dans lequel l’intention de nuire est centrale. Cependant, dans les cas de harcèlement-intimidation, elle est loin d’être toujours avérée. Dans ce sens, la méthode de la préoccupation partagée est capable de prendre en compte l’ensemble de ces situations.

Globalement, on sort donc de la dichotomie auteur-victime…

J. L.: Les phénomènes de harcèlement-intimidation se caractérisent principalement par l’effet de groupe. L’approche consiste donc à donner aux élèves rencontré∙e∙s en individuel la possibilité d’œuvrer à ce que la situation s’améliore pour leur camarade (élève cible). Par ailleurs, il est important de préciser qu’il n’y a pas de profil type, c’est donc bien le déséquilibre des forces qu’il s’agit de contrecarrer.

Z. M.: Il y a eu une approche très psychologisante durant plusieurs années, avec ces profils d’auteurs ou de victimes, mais le consensus de la recherche se focalise désormais sur le système ou le contexte qui rendent possible le harcèlement. C’est une approche plus sociologique, voire pédagogique: on constate que l’école est un terreau fertile à l’apparition de ce genre de phénomène, on doit le prévenir, agir de manière à éviter que cela arrive ou réussir à ce que le phénomène fasse le moins de mal possible, puis s’arrête. Tout en sachant qu’il est possible que cela revienne.

L’année scolaire 2020-2021 aura été pour le moins particulière, entre port du masque en classe et période d’école à distance. Ces bouleversements ont-ils un impact sur le harcèlement entre élèves?

Z. M.: Nous n’avons pas encore de données à ce sujet. En revanche, il faut savoir que le harcèlement, quels que soient les chiffres, est corrélé avec le climat de classe, la manière dont les élèves s’entendent entre eux. Le harcèlement émerge sur la base d’un système de relations entre les pairs, il est donc assez évident que dans le cadre de ladite «continuité pédagogique», l’organisation de la classe est différente avec des écrans interposés. C’est à la fois un répit pour certains qui étaient harcelés au quotidien et qui ont pu s’extraire de cette logique, mais ça ne veut pas dire qu’elle s’est arrêtée. On sait depuis longtemps que le harcèlement se poursuit en ligne.

Dans ce cas, il est aussi plus difficile à déceler pour les enseignants…

Z. M.: Un enseignant, même s’il est entraîné à repérer les signaux faibles du harcèlement, voit sa tâche compliquée à distance. Et c’est une autre hypothèse, mais durant le confinement certains enseignants ont peut-être mis l’accent sur la transmission de connaissances et moins sur les activités pour apprendre à se connaître, cultiver des points communs, développer des compétences psychosociales. Il fallait mettre des priorités d’une part, établies sur la base des connaissances disciplinaires à acquérir, et d’autre part il y avait la difficulté de ne pas être en présence.

J. L.: Travailler en amont sur le repérage, en outillant les professionnel∙le∙s, est primordial. En cette période particulière, il est judicieux de réactiver ce qui a été développé lors des formations, non seulement pour détecter mais aussi renforcer le sentiment de confiance des élèves afin que celles-ci et ceux-ci sachent à qui parler. Un autre axe mobilisable est de croiser les regards au sein de la communauté éducative (élèves, professionnel∙le∙s, parents) et de ne pas rester seul en cas de situation problématique.

De manière générale et si les écoles devaient refermer, que peuvent faire les parents à la maison?

J. L.: Susciter la discussion. Nommer, en parler et accompagner. La relation de confiance et des messages clairs constituent un socle pour que les enfants osent parler de ce qu’elles et ils vivent, que ce soit à leur(s) parent(s), à leurs enseignant∙e∙s ou à des personnes ressources de l’école qui sont formées pour accueillir ces témoignages et agir de manière adéquate en se basant sur ce qu’apportent les élèves.

Z. M.: L’éducation aux médias et le cadre de leur utilisation est la meilleure prévention. Un jeune qui se fait harceler et dont les parents l’obligent à rendre son portable à 20h, c’est un enfant qui ne se fait pas réveiller à 2h du matin par des insultes. Maintenant, ça n’enlève rien à la violence lorsqu’il la découvre à 7h. Il n’y a pas de solution miracle, mais on essaie de préserver en tout cas le sommeil et de ne pas laisser le harcèlement interférer 24h/24. J’ajoute que le harcèlement n’est pas une fatalité: si des méta-analyses montrent les conséquences graves à long terme, elles indiquent également que des victimes s’en remettent. Il y a une forme de résilience liée au soutien reçu en famille ou parfois de quelques élèves ou enseignants seulement, et par le fait que la souffrance a été validée, identifiée comme anormale.

* Enquête internationale sur les compétences et connaissances scolaires des élèves menée tous les trois ans.
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Re: [Index] Harcèlement partout (école, rue, maison, travail, écran, etc.)

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La haine sur Internet (Arte) :

Spoiler : ▮▶ : 
TCS = trouble de la communication sociale (24/09/2014).
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Re: [Index] Harcèlement partout (école, rue, maison, travail, écran, etc.)

Message par freeshost »

Répondu ailleurs :

Mais là, c'est carrément du harcèlement voire de la traque furtive (stalking).

Se défendre contre le harcèlement obsessionnel: la marche à suivre

Que faire en cas de mobbing dans le canton de Vaud ?

Cyberharcèlement (le harcèlement par smartphone fait partie du cyberharcèlement)

Intimidation - Un geste suffit 2013

Donc, face aux différentes formes d'intimidation, ne pas rester seul. Tu en as déjà parlé à nous. Tu peux en parler aussi à des organismes spécialisés ainsi qu'à tes personnes de confiance.

D'ailleurs, ta peur, ton angoisse, c'est déjà un symptôme typique du harcèlement. Et le fait de bloquer les messages d'autrui sur les messageries est une mesure typique - et fort judicieuse, nécessaire ! - de protection contre le harcèlement.
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TCS = trouble de la communication sociale (24/09/2014).
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Message par freeshost »

J'allais brandir des liens vers la méthode de la préoccupation partagée.

Bon, je brandirai des fichiers. :mrgreen:
Vous n’avez pas les permissions nécessaires pour voir les fichiers joints à ce message.
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Des livres de jeunesse :
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Message par Tugdual »

Des Indiennes musulmanes découvrent :
TCS = trouble de la communication sociale (24/09/2014).
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Re: [Index] Harcèlement partout (école, rue, maison, travail, écran, etc.)

Message par freeshost »

Connaissez-vous la méthode Kiva ?
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Suicide de Chanel : un rassemblement mercredi pour rendre hommage à la collégienne « victime de harcèlement »
Alexis Degroote

Publié le 04/10/2021
Mis à jour le 05/10/2021 à 9h51

La douleur est immense, dans la famille et pour les proches de Chanel, 12 ans, qui s’est suicidée. Ses sœurs évoquent du harcèlement, notamment sur les réseaux sociaux, et organisent un rassemblement mercredi, dès 10 h, devant le collège.

Le drame a eu lieu, jeudi, en fin de journée. Chanel, 12 ans, est décédée, dans le jardin de la maison familiale, rue d’Hesdin à Frévent. La jeune fille a mis fin à ses jours. « On était chez notre mère, témoignent la gorge serrée Lindsay et Crystal, deux des sœurs de Chanel. On est allés faire des courses, maman lui a demandé si elle voulait venir, elle a dit que non. Mon frère, qui était en haut, a entendu le chien aboyer, il est descendu, a vu Chanel, a essayé de la réanimer… ».

Les sapeurs-pompiers sont alertés, un hélicoptère avec une équipe du SMUR intervient. « Ils ont tout tenté, ça a duré trois heures, mais ils n’ont rien pu faire », note Lindsay. Chanel était la petite dernière de la famille, avait cinq sœurs et un frère. Forcément, la douleur est immense, suite à ce drame. « C’était une petite fille qui était un peu renfermée, mais elle nous parlait d’avenir, de Noël. Elle avait le cœur sur la main, déjà à son âge ».

Une famille soudée

Et s’il y a de la douleur, il y a aussi de la colère : « Elle était victime de harcèlement, quand elle allait à l’école, elle pleurait. Je pense qu’elle se sentait incomprise, mais n’en parlait pas. Pourtant, on est une famille très soudée, on se voit tout le temps ». Chanel était en 5e, au collège Cuallacci. « Elle était très bonne élève, notent ses sœurs. Quand elle venait avec une note de 16, elle n’était pas contente, il lui fallait au moins 18 ». Comme la grande majorité des adolescents, Chanel était sur les réseaux sociaux.

Des réseaux où des messages peuvent véhiculer de la moquerie, des insultes... « C’est inacceptable. On ne peut pas harceler les enfants comme ça. Aujourd’hui, on est en colère. On va aller au collège pour voir ce qu’ils comptent faire, on ne parle pas assez du harcèlement. Notre petite sœur n’a pas réussi à se défendre, aujourd’hui, c’est à nous de la défendre ».

« L’école, c’est fait pour grandir, pas pour souffrir »

Chanel sera inhumée, ce mardi, au cimetière de Frévent. Et mercredi, un hommage sera rendu à l’adolescente, avec un rassemblement prévu dès 10 heures, devant le collège. L’objectif, c’est aussi de lancer un SOS afin de lutter contre le harcèlement.

Un rassemblement est prévu mercredi, à 10 h, devant le collège.

« On a lancé un appel aux dons et on veut que les gens viennent avec un t-shirt blanc sur lequel est inscrit "Stop au harcèlement scolaire. L’école, c’est fait pour grandir, pas pour souffrir. À la mémoire de Chanel. Tous ensemble, protégeons nos enfants" " ».

Depuis la tragique disparition, « on a eu beaucoup de messages de soutien. Le maire est venu nous voir. Une petite fille a fait du porte-à-porte dans Frévent pour récolter des dons, elle nous a rapporté 130 euros. Une cagnotte en ligne a aussi été mise en place ». Les larmes aux yeux, Lindsay veut que ce rassemblement permette de faire bouger les choses. « Après la mort de Chanel, il y a encore eu des messages pour dire du mal d’elle. Comment ces gens sans cœur peuvent en arriver à faire de telles choses ? Le harcèlement, il y en a de plus en plus. On veut que Chanel repose en paix, mais la colère est là... ».
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Black Widow
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Re: [Index] Harcèlement partout (école, rue, maison, travail, écran, etc.)

Message par Black Widow »

Je veux juste témoigner pour dire que j'ai subis du harcèlement scolaire. Et le principal problème est que cela est caché et non pris au sérieux. Le jour où j'en ai parlé, voici que que l'on m'a répondu.

“ c'est de ta faute, tu n'as qu'à être comme tout le monde"

Ou encore....

“ de toute façons avec les autres ça ne fonctionnera jamais puisque tu est plus m'ature et en décalage”

“ c'est toi qui a choisit de ne pas t'intégrer...”
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freeshost
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Re: [Index] Harcèlement partout (école, rue, maison, travail, écran, etc.)

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Un jeune Suisse victime de harcèlement scolaire témoigne.
Lundi 25.10.2021.

Nicolas Lurati

Marco Ribeiro, originaire des Grisons, a décidé de parler publiquement du calvaire des victimes de harcèlement. En 2016, il tente de mettre fin à ses jours à trois reprises parce qu'il est malmené à l'école. Témoignage.

Un cas scandaleux de harcèlement scolaire porté à la connaissance des médias en octobre dernier a défrayé la chronique en Suisse alémanique. Dans une école primaire de Reinach, en Argovie, des enfants auraient craché et même uriné sur d'autres élèves. Ce même mois, le cas de Dinah, jeune Française de 14 ans qui a mis fin à ses jours après avoir été harcelée durant deux longues années, a fait les gros titres de la presse francophone.

Mais ces cas très médiatisés ne sont que deux parmi tant d'autres. Le harcèlement scolaire est un phénomène tristement répandu, perpétré depuis toujours mais faisant des victimes de plus en plus jeunes. Ce problème reste difficile à appréhender et, surtout, à chiffrer. Il n'existe pratiquement aucune statistique. On sait simplement, par des témoignages et le bouche-à-oreille, que de très nombreuses personnes en ont souffert – en Suisse comme ailleurs.

Marco Ribeiro, un jeune Grison de 18 ans, en fait partie. Le jeune homme résidant à Ilanz poursuit aujourd'hui un apprentissage de polygraphe. Dans les Grisons, il révèle avoir été harcelé pendant des années. «Pendant toute ma scolarité», effectuée dans une autre commune du canton, raconte-t-il à Blick. «Le calvaire a déjà commencé lors de ma toute première année. Mes camarades de classe m'ont exclu, j'étais toujours seul à l'heure de la pause. Je n'avais pas d'amis.»

«J'ai été encerclé par 30 enfants»

Le harcèlement est arrivé à son paroxysme alors qu'il était élève en troisième année d'école primaire. Il a été victime d'un acte perpétré en bande d'une rare violence. «Une trentaine d'enfants m'ont encerclé. Des élèves de cinquième et sixième année, ainsi que des camarades de classe.» Une quinzaine de ceux qui l'entouraient lui ont alors jeté des pierres, poursuit-il. «Une pierre m'a atteint au visage. J'ai eu extrêmement mal. J'étais en boule, couché sur le sol, lorsque mon professeur est arrivé. Il m'a regardé et m'a dit d'arrêter de faire sans arrêt des histoires pour rien.»

Il se souvient aussi comme si c'était hier du jour où ses camarades l'ont coincé contre un arbre et ont appuyé si fort sur sa poitrine qu'il ne pouvait plus respirer. Le petit s'est évanoui.

En plus des attaques physiques, la violence verbale était récurrente: «Ils m'appelaient 'fils de p...' ou 'p... de psychopathe'. Ils me disaient aussi de me tuer.» Mais à la maison, il n'osait pas beaucoup parler du harcèlement dont il était victime. «Je voyais bien que mes parents étaient dépassés par la situation. J'ai senti qu'ils ne voulaient rien avoir à faire avec ça.» Il ne les blâme pas. «Pour se protéger, ils ne voulaient pas reconnaître à quel point je souffrais.»

«Les professeurs regardaient ailleurs»

S'il n'en veut pas à ses parents, pour ses bourreaux, Marco Ribeiro n'a aucune indulgence. «Je n'accepterais aucunes excuses. Pendant neuf ans, ils n'ont pas pensé à m'en présenter. Ils n'ont plus besoin d'en inventer aujourd'hui.» L'aspirant polygraphe porte également des accusations contre ses enseignants: «J'étais régulièrement battu dans la cour de récréation. Les superviseurs ne sont jamais intervenus. En général, les enseignants regardaient ailleurs lorsque j'étais frappé ou insulté. Ils ont même parfois fait de moi le bouc émissaire.»

Marco a fini par éprouver le sentiment qu'il était de trop dans ce monde. En 2016, pendant l'été, il a décidé de mettre fin à ses jours. Trois fois en à peine quelques mois. «J'avais laissé une lettre à chaque fois.»

Heureusement, cinq ans plus tard, il est toujours en vie. Il se porte bien, mais ne pourra jamais effacer de sa mémoire ces horribles années, tient-il à préciser. «Je n'oublierai jamais les brimades dont j'ai été victime. Une ou deux fois par semaine, j'ai des flashbacks qui me trottent dans la tête. Les expériences que j'ai vécu resurgissent parfois violemment.»

La pire chose pour les victimes de harcèlement: le silence

Marco a choisi volontairement de rendre son histoire publique. «Parce que je veux que l'on parle plus et plus sérieusement du harcèlement.»

Il conseille aux jeunes victimes de se confier à quelqu'un. «A propos du harcèlement lui-même, mais aussi en général. Lorsque vous êtes harcelé, que quelqu'un vous demande 'comment ça va' peut tout changer.» Cela peut avoir un effet déclencheur et permettre d'ouvrir le dialogue: il ne faut jamais garder tout pour soi.

Les victimes de harcèlement peuvent également le contacter directement, précise-t-il. «Je peux essayer de les aider. Ou simplement être une oreille attentive. Je veux proposer aux jeunes victimes des réponses à leurs questions.»
Malheureusement, il y a pas mal d'enseignants (ou de directeurs, de patrons, etc.) qui préfère fermer les yeux (ne veulent pas s'attaquer au problème ; ne veulent pas ternir la réputation de l'école/l'entreprise ; etc.).
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user6375
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Re: [Index] Harcèlement partout (école, rue, maison, travail, écran, etc.)

Message par user6375 »

Moi ce qui me tend dans toutes ces histoires c'est que, paradoxalement, on ne regarde que les victimes et non les harceleurs. Ce sont les harceleurs qui sont en cause, pas les victimes. Tant qu'on ne voudra pas s'occuper des harceleurs, rien ne changera. On pourra apporter tout le soutien qu'on souhaite aux victimes, ca ne règlera pas le problème de fond ...

Perso je n'en veut pas aux gens qui m'ont entendu et écouté et qui ont essayé de faire quelques chose. J'en veux, aujourd'hui encore, à mes harceleurs. Contre eux j'ai une haine tenace qui ne s'effacera pas tant qu'ils ne seront pas confronté à ce qu'ils ont fait et puni pour ca, même 30ans après les faits. Le reste ne m'intéresse pas.
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freeshost
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Re: [Index] Harcèlement partout (école, rue, maison, travail, écran, etc.)

Message par freeshost »

Oui, le travail sur les personnes harceleuses, de tous âges, ne fait que commencer.
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