L'herbe plus verte au Québec ?

Discussions portant plutôt sur le point de vue des parents d'enfants autistes ou Asperger, par exemple : j'ai un problème avec mon enfant, que puis-je faire ?
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Jean
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L'herbe plus verte au Québec ?

Message par Jean »

Le supplément pour enfant handicapé de la RRQ : une révision des critères s’impose
Catherine Kozminski Image
Coauteure de "L’Autisme, un jour à la fois", PUL, 2008
Mère d’un enfant TED-autiste

Depuis plus de quatre ans, le combat que nous menons pour venir en aide à notre fille atteinte d’un trouble envahissant du développement apparenté à l’autisme est toujours à recommencer. Pire encore, plus l’état physiologique et intellectuel de notre enfant qui n’a pas de déficience intellectuelle s’améliore, plus on nous coupe l’herbe sous le pied, à commencer par le supplément pour enfant handicapé qui atteint 167,00$ mensuellement. Après avoir passé des mois à envoyer de nombreux rapports à la Régie des Rentes du Québec, rapports issus de tous les intervenants possibles et inimaginables (ergothérapeute, orthopédagogue, orthophoniste, pédopsychiatre, neuropsychologue, neuropédiatre, psychologue, etc.), on m’indique que notre fille n’est plus admissible à ce supplément, car son état, réévalué par un médecin qui n’est pas pédopsychiatre (étant donné la pénurie, me dit-on), ne correspond plus aux critères établis pour obtenir un tel supplément. Y a-t-il eu de l’abus de la part de certains parents ? Peut-être. Pour m’annoncer cette fâcheuse nouvelle, on délègue une infirmière qui semble répéter un texte appris par coeur et qui ne cesse de mettre en pratique de bêtes théories psychosociologiques, faussement humanistes, du genre « je comprends que vous soyez déçue », « vous pouvez porter plainte, il nous fera plaisir de réévaluer votre demande ».

Bien sûr, je n’ai que cela à faire, me battre pour une somme qui ne renvoie même pas aux frais assumés pour donner à nos trois enfants un environnement adapté, répondant aux besoins de notre enfant handicapée (chaise trip-trap, animaux lourds, coussins pour TDAH, time timer, pictogrammes, chambre adaptée, vaisselles et couvert particulier, chien d’assistance, rampes adaptées, etc.). Pour la Régie des Rentes, le fait que nous devions faire appel à des services issus du privé depuis quatre ans ne les regarde pas. Ce ne sont pas 167,00$ par mois que nous avons dû dépenser afin de compenser pour le manque de services gouvernementaux, mais plus de 1000,00$ par mois pour stimuler notre fille et j’en passe. Faites le calcul ! Nous sommes rendus à environ 40 000,00$ en quatre ans, sans exagération. Avec le supplément de la RRQ, j’arrive à presque 8000,00$. À 110,00$/heure par intervenant, allant parfois jusqu’à deux fois par semaine, sans compter le fait que les enfants autistes sans déficience intellectuelle doivent aussi être stimulés que les autres enfants handicapés, autant au niveau sensoriel, psychomoteur que comportemental, qu’il faille nous battre pour que notre enfant puisse s’intégrer au niveau ordinaire parce qu’il n’est passez hypothéqué pour se trouver en classe TED, qu’il nous faille engager un orthopédagogue au privé pour assister notre enfant dans ses troubles d’apprentissage (dyslexie, dysorthographie, dyscalculie, dyspraxie, etc.), comment se fait-il que l’on exclue un enfant autiste qui n’est pas assez handicapé aux yeux du gouvernement?

Le diagnostic de trouble envahissant du développement n’est pas suffisant? Ah bon! Le médecin chargé du dossier de notre enfant a-t-il la moindre idée de ce que nous vivons, isolés depuis quatre ans, à attendre sur des listes d’attente interminables? A-t-il suffisamment de connaissances en pédopsychiatrie pour juger de l’état d’autonomie d’un enfant TED sur papier ? L’infirmière, au téléphone, ne savait trop que répondre. Non, mais je rêve ! Expliquez-moi, surtout, la raison qui motive le choix de soustraire 167,00$ par mois de notre allocation parentale parce que notre enfant va mieux …

Oui, je l’avoue. Notre enfant va mieux. Malgré un TDAH (trouble du déficit d’attention avec hyperactivité) traité, un trouble anxieux sévère avec des traits obsessifs-compulsifs, une hypotonie généralisée causée par une leucomalacie périventriculaire qui la fait tomber fréquemment sans raison, un déficit neurosensoriel, une phobie des entorses à sa routine, une hypersomnie diurne inexpliquée, une dyslexie, une dyspraxie motrice, une dyscalculie, elle va mieux, en effet. Même si nous devons l’habiller chaque matin, alors qu’elle a plus de sept ans, que nous devons souvent la faire manger en raison de son manque de concentration, lui tenir la main lors de nos déplacements en demandant aux plus jeunes d’être autonomes, la laver, lui brosser les dents, calmer ses crises d’angoisse, ses cris de détresse, elle va bien!

D’ailleurs, ce 167,00$ par mois n’était que symbolique, qu’une illusion qui nous permettait de croire que le gouvernement avait un peu d’empathie pour supporter les parents d’enfants TED-autistes qui vivent dans l’attente d’une prise en charge par le CRDI (centre de réadaptation en déficience intellectuelle). SIC. La Régie des Rentes ne compte peut-être pas dans son supplément que les séquelles associées à un diagnostic de trouble envahissant du développement (catégorie incluse dans les troubles du comportement) ne se restreignent pas seulement à l’individu aux prises avec ce handicap, mais à toute la famille, aux frères et soeurs, aux grands-parents, aux amis, aux enseignants, à l’ignorance des gens à ce sujet, à la santé mentale des parents.

Maintenant, si tout cela ne vaut même pas 167,00$ par mois, je crois, messieurs, dames du gouvernement, que vous devrez revoir les critères permettant d’obtenir ce dit supplément pour enfant handicapé incluant les enfants atteints d’un trouble du développement ou, alors, redéfinir ce en quoi consiste un handicap. Selon le Petit Larousse Illustré, un handicap peut être « sensoriel (visuel, auditif), physique (neurologique, musculaire, etc.) ou encore mental (déficience intellectuelle, trouble psychiatrique) ». À ce que je sache, cette définition, plutôt large, correspond au portrait que nous vous avons transmis de notre enfant. À vous de voir.

Source : http://lecarrefourdesopinions.ca/pdf/volume17.pdf
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Jean
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Re: L'herbe plus verte au Québec ?

Message par Jean »

Le livre de Catherine Kozminski et de Nathalie Poirier
L'autisme, un jour à la fois

Image
Il coûte 16 € en France.

je vous recommande aussi la lecture de ce texte récent où elle raconte ce qui a blessé sa fille Maëlle à l'école :
Le coeur en miette
http://autismeinfantile.com/temoignages ... en-miette/
père autiste d'une fille autiste "Asperger" de 41 ans
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Jonquille57
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Re: L'herbe plus verte au Québec ?

Message par Jonquille57 »

Il est vrai qu'on a souvent l'impression que le Canada est un pays où les choses sont plus faciles, notamment pour les personnes autistes... peut-être n' est-ce qu'un mythe ? Pourtant, beaucoup de témoignages montrent que c' est un pays plus ouvert que le nôtre ou la mentalité est tout de même un peu différente. Mais bon, c'est vrai que vu de l'autre côté de l'Océan, on a peut-être le tord d' idéaliser un peu les choses.

Il est vrai que ce que raconte la maman justifiant sa révolte contre la non prise en charge financière des frais occasionnés par le handicap de sa fille est super révoltant, mais.... elle a eu un diagnostique, chose pour laquelle en France, les parents attendant parfois de nombreuses années et perdent donc un temps précieux, elle dispose de moyens qui sont quasiment inexistants dans notre beau pays (
chaise trip-trap, animaux lourds, coussins pour TDAH, time timer, pictogrammes, chambre adaptée, vaisselles et couvert particulier, chien d’assistance, rampes adaptées, etc
et ...
qu’il nous faille engager un orthopédagogue au privé pour assister notre enfant dans ses troubles d’apprentissage (dyslexie, dysorthographie, dyscalculie, dyspraxie, etc.)
).

Non, je ne pense pas que l'herbe soit plus verte ailleurs, ceci dit, il faut aussi comparer ce qui est comparable. Si en France, le gouvernement distribue plus facilement de l'argent ( quoique.... :roll: ), les moyens que les parents ont pour aider leur enfant sont vraiment minuscules...

Quant à la déception de la petite fille de ne pas avoir été invité par son ami, certes, c'est vraiment triste, mais d'un autre côté, beaucoup de nos enfants ont connu cette situation, voire des situations bien pire que celle-là....
Modifié en dernier par Jonquille57 le dimanche 29 novembre 2009 à 7:54, modifié 2 fois.
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Ole Ferme l'oeil
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Re: L'herbe plus verte au Québec ?

Message par Ole Ferme l'oeil »

Pour ce qui est du Canada je me rappelle de ce "lien utile" proposé par Asperansa: http://www.sentex.net/~nexus23/naa_02.html
J'en avais beaucoup lu bien que ce soit en anglais, du coup je ne me faisais pas trop d'illusions sur le Canada
J'ai été très touché par le témoignage sur Maëlle... Je promets de ne jamais laisser tomber ainsi mes amis TED Jamais!
Rêvez, Vivez, Soyez!
"Pourquoi lorsqu'ils disent d'un adulte qu'il a une "âme d'enfant", on l'enferme? Alors que les enfants ont le droit de courir librement dans les rues!"
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Jonquille57
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Re: L'herbe plus verte au Québec ?

Message par Jonquille57 »

Dommage que anonyme7700 ne vienne pas souvent sur le forum, car il pourrait certainement nous apprendre beaucoup de choses sur le Canada où il est parti vivre une année et où il a trouvé du travail sans trop de difficultés ! :wink:
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Jean
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Re: L'herbe plus verte au Québec ?

Message par Jean »

Des explications complémentaires :
Depuis 2003, les Centres de réadaptation en déficience intellectuelle (CRDI) du Québec ont comme mandat, entre autres, d’offrir des services de réadaptation pour la clientèle qui présente un trouble envahissant du développement (TED). Au coeur des interventions pour cette clientèle se trouve un programme d’intervention comportementale intensive (ICI) qui se doit d’être offert aux enfants de 0-6 ans, à raison de 20 heures par semaine. Tous les CRDI du Québec offrent, selon différents modèles d’organisation de services, ce programme aux enfants de 0 à 6 ans qui présentent un TED. Le Pavillon du Parc, CRDI de la région de l’Outaouais, a fait le choix organisationnel et clinique d’offrir ce programme en contexte éducatif inclusif, soit en service de garde.
La suite de l'article (9 pages)
Le résumé :
Claude L. Normand, André C. Moreau, Julie Ruel et Sophie Bergeron
L’objectif de cette recherche vise à décrire les résultats d’un programme d’intervention comportementale intensive (ICI) en contexte d’inclusion sur le développement de l’enfant, sur sa participation sociale et celle de sa famille. Un échantillon de huit enfants entre 3 et 6 ans diagnostiqués TED a participé au programme sur des périodes variant entre 6 et 24 mois. Des mesures de développement et des indices de participation sociale ont été analysés. Les résultats suggèrent entre autres que la variation du développement est davantage en lien avec les caractéristiques de l’enfant avant l’entrée dans le programme que la durée de l’intervention. Également, la description de la participation sociale des enfants et de leurs parents permet de dégager les retombées d’un tel programme.

http://www.rfdi.org/index.php?q=node/738
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Re: L'herbe plus verte au Québec ?

Message par anonyme7700 »

L'herbe plus verte au Québec? Je répondrais à la fois oui et non.

J'ai pour ma part séjourné outre-atlantique mais je n'ai jamais parlé de mon TED à personne là bas.
Pour ce qui est de la recherche d'emploi, on regarde moins les critères comme l'âge, la nationalité, etc. Les employeurs regardent plutôt la personnalité du candidat, sa motivation, etc. De plus, j'ai eu l'impression que les employeurs répondaient plus vite aux candidatures. Il est assez facile d'obtenir une entrevue (mais ce n'est pas pour autant que vous serez embauché). Aussi, il n'est généralement pas nécessaire de prendre le téléphone pour fixer un rendez-vous afin de rencontrer un patron. Ceux-ci sont plus disponibles que par ici. Bref, j'ai trouvé les démarches de recherche d'emploi moins pénibles que par ici.

Là bas, les gens jugent moins aussi. Les mentalités ne sont pas pareilles. On laissera systématiquement passer une personne en chaise roulante, etc alors que par ici....

Maintenant, d'après des témoignages que j'ai lus, certains Québécois ayant un TED ont aussi eu un parcours difficile et eu affaire à des "spécialistes" incompétents.

Enfin, il reste un point à aborder: les immigrants. Même si les lois canadiennes protègent leurs habitants contre la discrimination, etc, il n'en va pas de même pour les immigrants. Faire une demande d'immigration pour le Québec en parlant de son TED à l'immigration risque d'aboutir à un refus de visa (pas question de donner un visa à un immigrant susceptible de nécessiter du système de santé).
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Jonquille57
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Re: L'herbe plus verte au Québec ?

Message par Jonquille57 »

Merci pour ton témoignage, anonyme... :bravo: Je suis toujours admirative quand tu parles de ton séjour là-bas, car partir un an sans objectif précis et se débrouiller pour avoir un travail et un logement, moi, je dis : chapeau ! :bravo:

Si tu en avais l'opportunité, est-ce que tu repartirais là-bas ?
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Re: L'herbe plus verte au Québec ?

Message par anonyme7700 »

Oui, bien sûr. :)
J'aurais un peu plus d'expérience profesionnelle, je ferais ma demande de RP (résidence permanente). Actuellement, j'estime que c'est un peu juste...
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Jean
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Re: L'herbe plus verte au Québec ?

Message par Jean »

Compte-rendu du Xème colloque de TED sans frontières « La personne avant tout »,15 et 16 octobre 2009, Laval, Québec par Sophie Biette, dans la lettre de l'arapi numéro 47 -automne 2009 (pp.8-9)

L'intervention précoce ne suffit pas

(...)
Focus sur l'accès aux services publics pour les enfants présentant un TED au Québec : trop d'étanchéité

L'accompagnement des enfants autistes et de leurs familles dépend de trois ministères : Santé et services sociaux, Famille et Education. L'intervention comportementale intensive est préconisée par le réseau Santé et services sociaux, les approches utilisées par le réseau scolaire sont plutôt des approches de type "TEACCH » Pour obtenir des services, les parents doivent faire les demandes d'aides financières auprès de ces trois ministères.

Bien qu'il soit prévu des collaborations intra- et inter- réseaux, visiblement pour des raisons structurelles et culturelles cela ne fonctionne pas bien. Ceci a des incidences sur le dépistage, l'information, la nature des interventions à offrir, l'accès aux services, la continuité dans l’offre de services et le soutien à la famille. Si nous retrouvons les mêmes interrogations qu'en France, elles ne sont pas tout à fait de même nature. L'accès aux services spécialisés dépend trop souvent de la confirmation précise du dia- gnostic. Ce qui a pour conséquence de laisser certains enfants, en attente de diagnostic, sans aucune prise en charge. L'intervention précoce intensive est prévue pour les en fants entre les âges de 3 et 5 ans. L'enfant non diagnostiqué TED n'y aura pas droit, s'il l'est à 4 ans et demi, il n'aura droit qu'à 6 mois d'intervention intensive.. .

Le budget est personnalisé, les familles font les démarches auprès de chaque réseau. L'addition des formalités imposées est peu lisible. Les « plan de services » (privés, publics) dépendent de réseaux différents étan ches entre eux. Il en résulte une élaboration compliquée, une certaine incohérence des interventions et de nombreuses ruptures de suivi.

Bien que la plupart s’entendent sur la nature neurodéveloppementale à forte composante génétique de l'autisme, le rôle des facteurs environnementaux dans l'apparition des TED fait actuellement débat. La diversité des symptômes regroupés sous le vocable des TED font dire à certains que la stratégie unique d'intervention proposée à ce jour au Québec n'est pas la bonne. D'autres y voient des points communs suffisamment importants pour justifier des demandes de services apparentés. Compte tenu de l'ampleur des moyens mis dans l'intervention comportementale précoce, il serait nécessaire d'évaluer l’efficacité de ces interventions.

Focus sur l'intervention précoce : bilan d'un programme ambitieux

Le plan d'action 2003 du Ministère de la santé et des services sociaux prévoit que« centres de réadaptation en déficience intellectuelle» offrent un programme d'intervention faisant appel à des principes de l'analyse appliquée du comportement (ABA) et à d'autres techniques comportementales, au minimum 20 heures par semaine.

Au Québec entre 2007 et 2008, 22 centres ont reçu 700 enfants en intervention comportementale intensive, la disparité de l'offre selon les régions est forte. La liste d'attente est pour cette même période de 700 enfants. La moyenne d'heures réellement dispensées est de 445 par an avec un écart important selon les enfants, de 93 à 753 par an. Il semble que ceci dépende plus de l'organisation des centres que des besoins des enfants. Tous les centres pratiquent une approche comportementale mais certains n'utilisent que I'ABA, dans d'autres cette approche domine mais d'autres techniques y sont ajoutés, enfin d'autres font appel à un modèle intégrant plusieurs méthodes. Des centres se sont spécialisés selon les niveaux d'autisme. Certains proposent de I'ABA pendant 3 années de suite sans révision du programme, d'autres en réexaminent la pertinence/efficacité après 3 mois d'essai pour une réorientation, si besoin, vers une assistance éducative plus généraliste. Des centres admettent les enfants ayant reçu un diagnostic validé, d'autres dès qu'il y a des éléments en ce sens. Les uns cessent impérativement à l'âge de 5 ans, âge de début de la scolarisation, les autres sont un peu plus souples et poursuivent jusqu'à l'âge de 6 ans, mais en diminuent le nombre d'heures (10 heures/ semaine).

La moyenne d'heures effectives d'intervention est de 13 heure/semaine (variation majoritaire entre 15 et 5). Les interventions sont en majorité offertes en 1 pour 1, les contextes d'intervention sont le domicile ou des lieux spécialisés.

Une recherche est actuellement menée sur l'efficience de ces programmes, 18 centres sur 23 y participent. Sont étudiées les modalités de l'application de I'intervention intensive précoce et leur efficacité. L'indicateur choisi étant l'intégration dans les milieux dits « ordinaires ».

Les résultats en 2006 sont les suivants : 20 heures par semaine demeure un objectif mais n'est pas la norme. Bien que la précocité est considérée comme importante, la majorité des interventions ne démarrent qu'à l'âge de 4 ans et doivent s'arrêter entre 5 et 6 ans. Selon les auteurs de la recherche, I'intégration en milieu régulier n'est pas un indicateur valide puisqu'il ne dépend pas nécessairement de I'impact qu'a eu le programme d'intervention intensive, ni des progrès réels de l'enfant mais plutôt des politiques d'intégration en vigueur à l'école ou dans ce qu'on appelle au Québec des « milieux de garde ». Bien qu'il existe une corrélation entre les progrès de l'enfant et la précocité, la durée et l'intensité de l'intervention, le niveau de développement initial de l'enfant est considéré comme un facteur majeur de réussite. Le niveau de stress parental diminue dès que l'enfant est pris en charge et les interactions avec leur enfant sont perçues comme plus faciles. Cependant il ressort clairement que l'objectif visé par le plan de 2003, c'est-à-dire que tous les enfants TED intègrent l'école sans soutien, n'est pas atteint.

Ces données corroborent plusieurs recherches faites dans ce domaine :
:arrow: Aucune recherche ne constate qu'il n'y a pas de gain possible à faire avec un petit nombre d'interventions.
:arrow: Les données de la recherche actuelle, pour ce qui concerne les approches comportementales, mettent en avant :
  • - l'engagement actif de l'enfant,
    - la participation des parents,
    - la qualité de la formation des intervenants,
    - l'individualisation,
    - la rigueur du suivi clinique,
    - l'adaptation de l'intensité en fonction du diagnostic, du niveau de développement et de l'âge de l'enfant.
Les programmations actuelles proposées au Québec sont-elles en lien avec les données actuelles de la recherche? Pour y répondre, les acteurs se posent aujourd'hui les questions suivantes :
:arrow: Quelles sont les capacités à développer qui ont un impact significatif sur le développement, la participation sociale et la qualité de vie à long terme ?
:arrow: Quelles sont les caractéristiques des enfants, des familles et des types d'intervention qui influencent significativement les résultats ?

:arrow: Quel type de formation est nécessaire pour appliquer les méthodes propres à I'intervention précoce intensive ? Quelles sont les mesures de contrôle de la qualité nécessaires ?
:arrow: Quels sont les arrimages et les mécanismes de transition à développer quand l'intervention intensive précoce est ter- minée afin d'assurer la continuité des progrès ?

Le Québec, qui a fait le choix d'une approche porteuse d'espoir, se réinterroge sur les besoins de la personne tout au long de la vie et des collaborations entre les partenaires. Les réelles améliorations des connaissances qui ont émergé entre 1970 et 2000 ont justifié aux yeux des décideurs la proposition d'une l'intervention précoce intensive comportementale à tous les enfants. Ceci était un véritable progrès à l'époque, au regard de l'absence de prise en charge.
Aujourd'hui la complexité et l'hétérogénéité des TED et surtout de ses manifestations au cours du temps posent de nouvelles questions. L'application d'un tel programme se révèle en pratique difficile tant pour des raisons financières et organisationnelles que pour des raisons d'efficacité insuffisante au regard du coût engendré, de l'objectif affiché de réinsertion en milieu ordinaire sans soutien et de l'assurance du maintien des progrès de l'enfant sur le long terme. En effet, du coup, les services de suite aux interventions précoces sont sous dotés (car l'hypothèse était de ne plus en avoir besoin). La scolarisation (qui, rappelons-le, est garantie pour tous les enfants au Québec) a toujours besoin de soutien et l'accompagnement se révèle toujours nécessaire tout au long de la vie. En bref, même si l'approche est fort intéressante et ne doit pas être mise au panier (de nombreux indicateurs sont prometteurs et doivent être affinés) il n'y a pas eu de miracle, ni de normalisation.

Rapidement nous pouvons mettre en parallèle les données françaises exposées par Amaria Baghdadli : les Français, s'ils ne se situent pas du tout au même plan quant au contenu de l'intervention (l'intervention précoce intensive comportementale est « expérimentale » -voir mesure 29 du plan autisme), les interrogations sont similaires : l'approche choisie doit être proche du développement de l'enfant, les niveaux initiaux de développement et de langage de l'enfant ne suffisent pas pour que « n'importe quelle approche » soit efficace mais nos connaissances actuelles ne permettent pas encore de connaitre et surtout de comprendre totalement les raisons des progrès. Nous avons encore besoin de recherche en pédagogie spécialisée en lien avec la génétique, la psychiatrie, la psychologie et les neurosciences.

Cependant il est indéniable que l'autisme n'est pas qu'infantile, l'adolescent, ensuite l'adulte, continue à changer en interaction avec son environnement. L'éducation, la pédagogie et les soins ne sont pas réservés à l'enfance. L'intervention précoce est nécessaire mais ne suffit pas. Ce sont des constats que Français et Québécois partagent.
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Jean
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Re: L'herbe plus verte au Québec ?

Message par Jean »

Une polémique au Québec sur l'utilité de l'ABA :
Des professeurs, des chercheurs, des psychologues et des parents dénoncent la récente couverture médiatique de l'ICI

MONTRÉAL, le 27 janv. /CNW Telbec/ - Des experts en autisme de l'Université du Québec à Montréal (UQÀM), de l'Association québécoise pour l'analyse du comportement (QcABA), du Centre de réadaptation de l'Ouest de Montréal (CROM), de la Clinique d'approche béhaviorale en autisme (C-ABA), du Centre de formation et de recherche Abe Gold et de Cocon Development ont dénoncé aujourd'hui les récents articles parus dans le journal La Presse. Ils reprochent au contenu des articles de donner une vision inexacte et trompeuse de la réalité et des bienfaits liés à l'intervention comportementale intensive (ICI), également connue sous le nom d'Early Intensive Behavioural Intervention (EIBI) en anglais.

« Plusieurs sources citées dans La Presse écartent sciemment le fait que l'ICI est une approche efficace pour le développement de compétences dans toutes les sphères de développement chez les jeunes enfants présentant de l'autisme et ce, tel que les recherches approfondies le démontrent », dit Marc Lanovaz, président de la QcABA et conseiller, planification et programmation - transfert de connaissances et recherche, au CROM.
La suite : http://www.newswire.ca/fr/releases/arch ... c5778.html
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Re: L'herbe plus verte au Québec ?

Message par Jean »

Vous n’avez pas les permissions nécessaires pour voir les fichiers joints à ce message.
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Re: L'herbe plus verte au Québec ?

Message par snip »

Pour tenter de comprendre le débat, il faut préciser quelques fondamentaux.

L'autisme est un handicap complexe à la fois un handicap originel mais il faut y inclure des effets (sur-)handicapants de ce handicap qui dépendent de l'inclusivité du milieu.

Pour simplifier; d'un coté vous avez l'approche comportementaliste (ABA) qui utilise la logique ABC (antécédent,behavior,conséquence) qui est un apport théorique de Skinner mais qui a pour focus de demander au sujet de s'adapter.
Globalement c'est l'intégration où on demande au sujet de s'intégrer.

D'une autre part vous avez l'approche TEACCH qui correspond à une adaptation du milieu pour que le sujet puisse avoir accès à un développement cognitif.
Cette approche est une approche qui demande au milieu de s'adapter et TEACCH peut être défini comme une approche inclusive ségrégée.

Ensuite vous avez l'approche "pure player" inclusive qui demande pour être réussie à la fois le support théorique de l'ABC donc la demande au sujet de faire l'effort de s'intégrer et à la fois qui demande au milieu de se modifier pour inclure le sujet mais cette approche offre en prime un stimulant puissant dans le A (du ABC) qui est la est l'émulation par les pairs et c'est ce qui donne les meilleurs résultats (pour l'autisme sans comorbidités).

Pour des raisons culturelles et historiques la société nord-américaine anglophone est capable de produire une inclusion de bonne qualité et peut être très performante en matière de prise en charge globale de l'autisme. L'inclusion de Temple Grandin en est un exemple.

Pour ce que j'ai pu comprendre en suivant (de loin) les nouvelles, au Québec si des voix se sont élevées c'est principalement parce qu'il y a des éléments de comparaisons avec les provinces anglophones qui font que l'implémentation au Québec de ICI basée principalement sur le behavorisme est comparée avec ce qui se fait dans les provinces anglophones qui pour les raisons sus-citées est vu comme plus performant.

Au final ce qu'il faut retenir c'est que si le débat pour une optimisation des prises en charge au Québec est ouvert, en France on est à dix milles lieux de ces subtilités.

Difficile de conclure autrement que sur ce triste constat.
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Re: L'herbe plus verte au Québec ?

Message par Jean »

Je ne comprends pas le débat de la même façon.

Temple Grandin ne peut être prise comme exemple. Dans son autobiographie, je ne vois pas quelle méthode de prise en charge a été mise en œuvre spécialement. Pour moi aucune, si ce n'est le hasard, l'attention de ses parents et des soignants, et ses propres initiatives.

En ce qui concerne la comparaison entre des provinces anglophones (l'Ontario ?) et le Québec, la question ne porte que sur l'intensivité de la prise en charge en ABA/ICI. Plutôt 20 heures en théorie au Québec (14 heures en réalité) que 40 heures en théorie en Ontario.

A ma connaissance, il n'y a aucune preuve qu'il vaut mieux 40 que 20 heures par semaine.
Ensuite vous avez l'approche "pure player" inclusive qui demande pour être réussie à la fois le support théorique de l'ABC donc la demande au sujet de faire l'effort de s'intégrer et à la fois qui demande au milieu de se modifier pour inclure le sujet mais cette approche offre en prime un stimulant puissant dans le A (du ABC) qui est la est l'émulation par les pairs et c'est ce qui donne les meilleurs résultats (pour l'autisme sans comorbidités).
Je n'ai pas entendu parler de cette approche sous cette forme, mais sur le principe, elle me semble similaire à une scolarisation avec AVS. Chacun fait un pas.
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Re: L'herbe plus verte au Québec ?

Message par Jean »

Déficience intellectuelle et TED - Échec pour l'accès aux services à Montréal
Louise-Maude Rioux Soucy - Le Devoir - 10 mars 2011 -Santé
Les services destinés aux personnes ayant une déficience intellectuelle (DI) ou un trouble envahissant du développement (TED) font du surplace à Montréal. Un an et demi après le rapport dévastateur de la protectrice du citoyen et trois ans après le dépôt du plan d'accès ministériel, c'est un véritable constat d'échec que dresse l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS).

Dans une lettre expédiée au ministre de la Santé, Yves Bolduc, dont Le Devoir a obtenu copie, la troisième vice-présidente de l'Alliance, Johanne McGurrin, est claire. «Sans un appui financier suffisant et sans l'ajout de personnel», il faudra mettre définitivement une croix sur l'accès à des services dans des délais raisonnables, pourtant un élément clé du plan d'action québécois de 2008.

Même son de cloche à la Fédération québécoise de l'autisme et des autres troubles envahissants du développement (FQATED). «À ce moment-ci, le plan d'accès devrait déjà être pleinement efficace. Il ne l'est pas du tout», confirme sa directrice générale, Jo-Ann Lauzon. Quant aux délais, ils sont tout sauf raisonnables. «Ça ne bouge pas vite, les structures sont lourdes, d'accord. Mais ça fait depuis 2003 qu'on attend. C'est déraisonnablement long.»

Dans sa lettre, l'APTS explique que l'attente pour le diagnostic est toujours d'un an et plus. Et ce n'est là que le début d'un parcours du combattant, raconte Josée Fréchette, répondante politique à l'Alliance. «Il y a plus de diagnostics que jamais parce qu'on est plus attentifs et mieux outillés. Mais une fois diagnostiqués, tous ces gens-là sont dirigés vers les CRDI [centres de réadaptation en déficience intellectuelle] et se butent à d'autres listes d'attente.»

Ces délais varient d'un à deux ans pour l'obtention de services en CRDI et de cinq à six ans pour une aide spécialisée à domicile. Il faut encore attendre pour obtenir la subvention pour le soutien à la famille qui, dans certains CSSS, peut prendre jusqu'à trois ans avant de débuter. Les CSSS offrent d'ailleurs des services bien inégaux, déplore l'APTS. En qualité comme en intensité.

À ces délais s'ajoute une charge de travail très lourde en raison du manque de personnel. Les intervenants mènent en moyenne 65 dossiers de front. «C'est le double d'une charge idéale», calcule Mme Fréchette. Certains vont jusqu'à 95 dossiers réguliers, en plus des cas urgents qui n'ont de cesse de s'ajouter. À ce rythme, il ne reste que des miettes pour les adultes, déplore l'APTS. «Nous avons l'impression qu'ils sont laissés à eux-mêmes.»

Les adolescents et les adultes sont complètement oubliés, corrobore Jo-Ann Lauzon. «On ne parle pas de cas isolés. C'est généralisé. Il n'y a rien pour eux. Rien.» La protectrice du citoyen s'est récemment intéressée à ces deux clientèles. Son rapport est attendu sous peu.
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