Hans Asperger : Le Docteur et les Nazis

Toutes discussions concernant l'autisme et le syndrome d'Asperger, leurs définitions, les méthodes de diagnostic, l'état de la recherche, les nouveautés, etc.
Athéna
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article sur Hans Asperger

Message par Athéna »

Modération (Lilas) : Fusion de sujets
Je ne sais pas si ça a déjà été partagé:
https://www.iflscience.com/health-and-m ... DAmktBLY2Y

vous en pensez quoi ? personnellement ce genre d'article réactive ma peur de l'intolérance à la différence...
Aspie diagnostiquée au CRA de Toulouse
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olivierfh
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Re: article sur Hans Asperger

Message par olivierfh »

Athéna a écrit : mercredi 5 mai 2021 à 9:17Je ne sais pas si ça a déjà été partagé
Oui, c'est le sujet du forum "Hans Asperger : Le Docteur et les Nazis" et sur le blog de Jean "Dossier Hans Asperger et le nazisme" (avec notamment la réfutation par Dean Falk "Non complice : Réexamen de la carrière d'Asperger dans la Vienne à l'époque nazie").
TSA de type syndrome d'Asperger (03/2017) + HQI (11/2016).
4 enfants adultes avec quelques traits me ressemblant, dont 1 avec diagnostic TSA et 1 au début du parcours de diagnostic.
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Jean
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Re: Hans Asperger : Le Docteur et les Nazis

Message par Jean »

Le livre d'Edith Sheffer : "Les enfants d'Asperger" en livre de poche
Dans la collection Champs Flammarion.
https://blogs.mediapart.fr/jean-vincot/ ... e-de-poche
Edith Sheffer Champs.jpg
Vous n’avez pas les permissions nécessaires pour voir les fichiers joints à ce message.
père autiste d'une fille autiste "Asperger" de 41 ans
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Jean
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Re: Hans Asperger : Le Docteur et les Nazis

Message par Jean »

Asperger et nazisme : réponse d'Herwig Czech à Dean Falk

Suite du débat engagé par l'historien Herwig Czech sur le comportement d'Hans Asperger dans l'Autriche nazie.Il répond ici à une critique de Dean Falk, qui défendait Hans Asperger.

link.springer.com Traduction de "Response to ‘Non-complicit: Revisiting Hans Asperger’s Career in Nazi-era Vienna’"
Réponse à "Non-complice : Revisiter la carrière de Hans Asperger dans la Vienne nazie". https://blogs.mediapart.fr/jean-vincot/ ... -dean-falk
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Jean
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Re: Hans Asperger : Le Docteur et les Nazis

Message par Jean »

Nazisme – Plus d'informations sur la carrière d'Asperger : Une réponse à Czech
Débat entre Dean Falk et l'historien Herwig Czech. Réponse de Dean Falk à Herwig Czech. Hans Asperger a-t-il collaboré à l'entreprise d'extermination nazie d'enfants handicapés ?
https://blogs.mediapart.fr/jean-vincot/ ... onse-czech
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Anna-Livia
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Re: Hans Asperger : Le Docteur et les Nazis

Message par Anna-Livia »

Bonjour,

Cette conversation autour de la collaboration de Hans Asperger avec le régime nazi m'intéresse beaucoup. Je sais que vous avez déjà soulevé cette question, mais j'aimerais bien avoir vos différents avis :
Pensez-vous que nous devrions ne plus avoir recours à son nom pour parler du syndrome d'Asperger ?

J'ai continué à y avoir recours dans ma thèse (dont le titre est : "Une socio-anthropologie du syndrome d'Asperger. Regards obliques sur le monde moderne") et mes articles scientifiques pour différentes raisons que j'ai chaque fois explicitées ; voici les principales :

1. c'est ainsi que les personnes rencontrées pour ma thèse avaient été diagnostiquées
2. le terme "Aspie" sert à nommer la communauté qui a pu se créer autour de ce diagnostic spécifique (qui diffère de l'autisme de Kanner)
3. il me semble nécessaire de continuer à différencier le "syndrome d'Asperger" de l'autisme de Kanner ; si le fond reste comparable, les uns et les autres ne font pas face aux mêmes difficultés et n'ont pas besoin du même soutien thérapeutique, et on ne fait pas de la recherche de la même manière selon que l'on étudie le syndrome d'Asperger ou de Kanner

Un chercheur m'a fait une critique très négative (et furieuse) d'un de mes articles parce que je continuais à parler de syndrome d'Asperger (alors que j'avais expliqué pourquoi), et que selon lui j'occultais l'histoire de Hans Asperger et des crimes contre l'humanité perpétrés par les nazis (en effet je parlais seulement de "controverse" autour de la pertinence de continuer ou non à utiliser son nom pour parler de ce syndrome étant donné les agissements de Hans Asperger ; il a considéré que je "banalisais" (je le cite) les crimes nazis et que je faisais des "omissions de l'histoire" (sic) parce que je n'avais pas parlé de Anni Weiss et Georg Frankl qui avaient contribué à initier les découvertes sur l'autisme ; honnêtement, j'attendais le moment où il allait m'accuser de négationnisme et d'antisémitisme : étant donné le contexte actuel, je peux cependant comprendre qu'on soit vigilant à ce niveau-là).

Bref, mon article a été considéré "impubliable" à cause des "problèmes éthiques" qu'il soulevait, d'où ma question (qui en pose une plus large : doit-on faire un procès aux philosophes qui citent Heidegger, membre du parti nazi ? Doit-on accuser les chanteurs d'opéras qui chantent Wagner, pro-prussien antisémite notoire ?).
Je suis prête à modifier mon utilisation du terme "syndrome d'Asperger", mais il me faut des arguments et un consensus scientifique, ainsi que les avis des personnes directement concernées (donc vous).

Merci
Modifié en dernier par Anna-Livia le vendredi 8 décembre 2023 à 8:32, modifié 2 fois.
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Tugdual
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Re: Hans Asperger : Le Docteur et les Nazis

Message par Tugdual »

Bonjour Anna-Livia,

Peux-tu mettre à jour ta signature (dans ton profil) avec ton
statut quant au diagnostic (voir notre charte, chapitre 1.2) ?
Spoiler : Pour modifier la signature : 
  • cliquer (en haut à droite) sur ton pseudo ;
  • dans le menu qui apparaît, cliquer sur "Panneau de l'utilisateur" ;
  • cliquer sur l'onglet "Profil" ;
  • cliquer (à gauche) sur "Modifier la signature" ;
  • préciser le statut dans la zone d'édition
    (exemples : suspicion de TSA, TSA diagnostiqué, parent, conjoint, proche...) ;
  • cliquer (en bas) sur "Envoyer".
D'avance merci...

Penser aussi à une petite présentation dans la section idoine...
TCS = trouble de la communication sociale (24/09/2014).
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Eratosthène
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Re: Hans Asperger : Le Docteur et les Nazis

Message par Eratosthène »

Anna-Livia a écrit : jeudi 7 décembre 2023 à 10:54 Bonjour,

Cette conversation autour de la collaboration de Hans Asperger avec le régime nazi m'intéresse beaucoup. Je sais que vous avez déjà soulevé cette question, mais j'aimerais bien avoir vos différents avis :
Pensez-vous que nous devrions ne plus avoir recours à son nom pour parler du syndrome d'Asperger ?

J'ai continué à y avoir recours dans ma thèse (dont le titre est : "Une socio-anthropologie du syndrome d'Asperger. Regards obliques sur le monde moderne") et mes articles scientifiques pour différentes raisons que j'ai chaque fois explicitées ; voici les principales :

1. c'est ainsi que les personnes rencontrées pour ma thèse avaient été diagnostiquées
2. le terme "Aspie" sert à nommer la communauté qui a pu se créer autour de ce diagnostic spécifique (qui diffère de l'autisme de Kanner)
3. il me semble nécessaire de continuer à différencier le "syndrome d'Asperger" de l'autisme de Kanner ; si le fond reste comparable, les uns et les autres ne font pas face aux mêmes difficultés et n'ont pas besoin du même soutien thérapeutique, et on ne fait pas de la recherche de la même manière selon que l'on étudie le syndrome d'Asperger ou de Kanner

Un chercheur m'a fait une critique très négative (et furieuse) d'un de mes articles parce que je continuais à parler de syndrome d'Asperger (alors que j'avais expliqué pourquoi), et que selon lui j'occultais l'histoire de Hans Asperger et des crimes contre l'humanité perpétrés par les nazis (en effet je parlais seulement de "controverse" autour de la pertinence de continuer ou non à utiliser son nom pour parler de ce syndrome étant donné les agissements de Hans Asperger ; il a considéré que je "banalisais" (je le cite) les crimes nazis et que je faisais des "omissions de l'histoire" (sic) parce que je n'avais pas parlé de Anni Weiss et Georg Frankl qui avaient contribué à initier les découvertes sur l'autisme ; honnêtement, j'attendais le moment où il allait m'accuser de négationnisme et d'antisémitisme : étant donné le contexte actuel, je peux cependant comprendre qu'on soit vigilant à ce niveau-là).

Bref, mon article a été considéré "impubliable" à cause des "problèmes éthiques" qu'il soulevait, d'où ma question (qui en pose une plus large : doit-on faire un procès aux philosophes qui citent Heidegger, membre du parti nazi ? Doit-on accuser les chanteurs d'opéras qui chantent Wagner, pro-prussien antisémite notoire ?).
Je suis prête à modifier mon utilisation du terme "syndrome d'Asperger", mais il me faut des arguments et un consensus scientifique, ainsi que les avis des personnes directement concernées (donc vous).

Merci
D'après les lectures que j'ai depuis deux mois, je pense que le problème du nom "Asperger" dépasse de loin le problème du nazisme et de son éventuelle participation au programme "T4" (avérée, cela suffirait à rebaptiser le syndrome qui porte son nom depuis les années 1980, car c'est un hommage qui lui avait été rendu) : ses théories relèvent d'une autre époque dans laquelle on catégorisait de façon trop marquée (l'asperger est ainsi l'autiste qui a un fort potentiel intellectuel, le petit professeur).
Les théories de Baron-Cohen sur les Conditions du spectre de l'autisme, ou la dénomination plus courante de troubles du spectre autistique prennent en compte l'incroyable diversité des symptômes - ce qui rend le diagnostic d'autant plus difficile - le fait qu'on peut avoir des traits autistiques sans pour autant être autiste (par exemple des intérêts spécifiques et des rituels sans avoir de trouble relationnel), que le qi peut être bas (selon les critères des tests courants adaptés aux personnalités utilisant un langage typique) , moyens, exceptionnels, ne peuvent entrer dans des cases trop délimitées. Parfois le haut potentiel ressemble à du HPI en arborescence, parfois c'est une capacité discursive linéaire très poussée qui sera privilégiée.
Face à cet incroyable et merveilleux buissonnement, maintenir les vieilles distinction entre Kanner et Asperger n'a plus guère de sens, mieux vaut à la rigueur privilégier la distinction entre autiste verbal et non verbal de façon à adapter la prise en charge et l'accompagnement.
Le seul avantage du terme Asperger, c'est que le cinéma et les séries l'ont associé à une connotation de génie qui passe mieux si l'on veut faire "tomber les masques" une fois diagnostiqué que le mot autiste : mais dans l'absolu il faut casser cette image qui amènent désormais tous les milliardaires et stars à s'autoproclamer aspergers avec qi stratosphériques.
Mais vu le passif psychanalytique du terme autisme (auto érotisme), celui-ci mériterait d'ailleurs d'être rebaptisé quand on isolera plus précisément les causes et les modalités des divergences perceptives du TSA.
Après une suspicion de TSA-SDI, confirmation par le médecin traitant. Enfin diagnostiqué TSA-SDI par médecin psychiatre le 09/02/2024
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Curiouser
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Re: Hans Asperger : Le Docteur et les Nazis

Message par Curiouser »

Anna-Livia a écrit : jeudi 7 décembre 2023 à 10:54 Bonjour,

Cette conversation autour de la collaboration de Hans Asperger avec le régime nazi m'intéresse beaucoup. Je sais que vous avez déjà soulevé cette question, mais j'aimerais bien avoir vos différents avis :
Pensez-vous que nous devrions ne plus avoir recours à son nom pour parler du syndrome d'Asperger ?

J'ai continué à y avoir recours dans ma thèse (dont le titre est : "Une socio-anthropologie du syndrome d'Asperger. Regards obliques sur le monde moderne") et mes articles scientifiques pour différentes raisons que j'ai chaque fois explicitées ; voici les principales :

1. c'est ainsi que les personnes rencontrées pour ma thèse avaient été diagnostiquées
2. le terme "Aspie" sert à nommer la communauté qui a pu se créer autour de ce diagnostic spécifique (qui diffère de l'autisme de Kanner)
3. il me semble nécessaire de continuer à différencier le "syndrome d'Asperger" de l'autisme de Kanner ; si le fond reste comparable, les uns et les autres ne font pas face aux mêmes difficultés et n'ont pas besoin du même soutien thérapeutique, et on ne fait pas de la recherche de la même manière selon que l'on étudie le syndrome d'Asperger ou de Kanner

Un chercheur m'a fait une critique très négative (et furieuse) d'un de mes articles parce que je continuais à parler de syndrome d'Asperger (alors que j'avais expliqué pourquoi), et que selon lui j'occultais l'histoire de Hans Asperger et des crimes contre l'humanité perpétrés par les nazis (en effet je parlais seulement de "controverse" autour de la pertinence de continuer ou non à utiliser son nom pour parler de ce syndrome étant donné les agissements de Hans Asperger ; il a considéré que je "banalisais" (je le cite) les crimes nazis et que je faisais des "omissions de l'histoire" (sic) parce que je n'avais pas parlé de Anni Weiss et Georg Frankl qui avaient contribué à initier les découvertes sur l'autisme ; honnêtement, j'attendais le moment où il allait m'accuser de négationnisme et d'antisémitisme : étant donné le contexte actuel, je peux cependant comprendre qu'on soit vigilant à ce niveau-là).

Bref, mon article a été considéré "impubliable" à cause des "problèmes éthiques" qu'il soulevait, d'où ma question (qui en pose une plus large : doit-on faire un procès aux philosophes qui citent Heidegger, membre du parti nazi ? Doit-on accuser les chanteurs d'opéras qui chantent Wagner, pro-prussien antisémite notoire ?).
Je suis prête à modifier mon utilisation du terme "syndrome d'Asperger", mais il me faut des arguments et un consensus scientifique, ainsi que les avis des personnes directement concernées (donc vous).

Merci
Bonjour Anna-Livia,

Pour un autre avis (plus nuancé et moins univoque que la critique qui vous a été lancée par le chercheur) sur la question et ses ramifications dans le domaine du handicap, je vous invite à lire cet article, écrit par une personne autiste :
Spoiler : Extraits : 
Ce « syndrome » n’a pas été nommé et proposé par Asperger lui-même. Lui, il parlait de « psychopathie autiste » et a observé des jeunes très différents les uns des autres (le pourquoi de « psychopathe », ce sera un sujet pour un autre jour, sinon on y passe la nuit). L’expression « syndrome d’Asperger » a été formée et diffusée par la psychiatre Wing, qui a fait pression dans les années 80 pour que ce nouveau diagnostic entre dans le DSM. Et ce n’est pas qu’Asperger avait décrit des enfants et adolescents présentant un autisme différent des patients de Kanner et établi lui-même une liste de caractéristiques correspondant au « syndrome d’Asperger » : non, il a eu tout type de patients (plus ou moins autonomes, verbaux ou non, etc.). Mais il a choisi (convictions personnelles ou contexte de purification nazie ou les deux) de décrire ses patients sous un jour plus positif, selon leur intelligence particulière et leurs capacités parfois hors-normes.

Lorna Wing n’était pas une personne diabolique. Elle a formulé l’idée de « spectre » dans l’autisme, le fait que l’autisme puisse s’exprimer de manières très diverses, et elle a retrouvé cette idée dans les travaux d’Asperger. Ses observations et revendications se basaient sur la vie avec sa fille autiste, qu’elle semble avoir bien traité, et sur des années de travail avec des enfants et ados autistes. Sa volonté était de pouvoir aider personnes autistes et parents d’enfants autistes, en permettant à davantage de personnes autistes d’accéder à une reconnaissance et des aides. Mais oui, sa justification pour le fait d’introduire un nouveau « syndrome » plutôt que de juste élargir la définition et les critères de diagnostic de l’autisme, c’était d’éviter la stigmatisation associée au terme « autisme » – toujours pour permettre à davantage de personnes ayant besoin d’aide d’obtenir un diagnostic, et permettre aux parents d’accepter ce diagnostic pour leurs enfants.

Parce que l’idée à l’époque, c’était que les autistes n’avaient pas d’âme, pas de personnalité, pas de capacités ; des coquilles vides qui ne pouvaient pas apprendre et qui étaient condamnés à être enfermés dans une institution toute leur vie. Être déclaré autiste, c’était presque une condamnation à mort : un refus d’humanité, un destin tragique, un fardeau pour les parents. Alors que les autistes « asperger », eux, étaient considérés comme ayant des capacités, pouvant travailler, et donc méritant des soins, de la liberté, et un accompagnement qui leur permette de développer leurs capacités.

Et ces idées ont perduré. Deux types d’autisme distincts, des autistes « supérieurs » à d’autres, des autistes cas désespérés et d’autres qui peuvent travailler et même être hyper-productifs et utiles au capitalisme. En théorie, cette distinction était posée sur la base de l’âge d’apparition du langage oral ainsi que sur des tests de QI. En pratique… ça ne fonctionne pas, ces catégories, et ça a surtout permis le développement de tout un tas d’idées reçues, fantasmes, représentations culturelles erronées, et autres préjugés nocifs pour toutes les personnes autistes.
[...]
La réalité vécue par les personnes autistes
Comme j’ai commencé à le dire dans la partie précédente – la patience, c’est pas mon fort –, les catégories ne correspondent souvent pas à notre vécu. Il y a de grosses différences entre personnes autistes, leurs vécus, leur quotidien, leurs capacités et difficultés, oui – mais ça ne correspond pas aux catégories « autisme asperger » vs « autisme de kanner », « autisme léger » vs « autisme lourd » ou encore « autisme de haut niveau » vs « autisme de bas niveau ».

Par ailleurs, le diagnostic médical fixe des observations d’un moment T comme si elles étaient l’essence de la personne, sans prendre en compte les fluctuations dans le temps ni l’influence de l’éducation, l’environnement, les opportunités données, sur le développement des capacités et l’épanouissement de la personne autiste. Enfin, on nous considère comme plus ou moins « fonctionnel » selon des grilles d’interprétation normées, contextuelles, et validistes : par exemple, des tas d’autistes (souvent des hommes blancs) considérés comme « hautement fonctionnels » et donc « asperger » maintenant qu’ils travaillent dans les entreprises de la Silicon Valley ou autre travail informatique et dans un milieu qui s’en fout de leurs bizarreries comportementales auraient pu être considérés comme des cas désespérés, asociaux, incapables de communiquer, et sans capacité utile, dans une ère où internet et l’informatique n’étaient pas aussi développés et valorisés.

Nos capacités sont souvent contrastées, pas forcément liées entre elles, fluctuantes au cours de notre vie et selon notre énergie (surtout si ce sont des capacités apprises à force de compensation, camouflage et investissement de nos intérêts spécifiques), et dépendantes de si le contexte est favorable à leur développement et leur maintien ou pas (plein de mecs autistes – et pas autistes, d’ailleurs – professionnellement brillants parce que, c’est pratique, leur maman et/ou leur compagne s’occupe de leur survie quotidienne, leur confort physique et émotionnel, leur promotion et leurs contacts sociaux). Scientifiquement, il n’y a pas de définition de ce qui constituerait des « niveaux d’autisme » (en anglais, les « étiquettes de fonctionnement »).

La perspective anti-validiste
Voilà, on y arrive. Oui, c’est validiste de vouloir déterminer des niveaux d’autisme en fonction d’une intelligence supposée, d’un niveau d’autonomie – selon une certaine définition de l’autonomie –, d’une certaine manière de mouvoir son corps, et de la capacité à s’insérer dans le monde scolaire et professionnel normé.

Mais en fait… beaucoup de personnes ont des valeurs validistes (capitalistes, libérales). Beaucoup de personnes, y compris de personnes autistes elles-mêmes, sont totalement en accord avec le fait de dire qu’il y a des personnes plus ou moins autistes et plus ou moins humaines. Des personnes à plaindre, à priver de liberté (les institutions), à soumettre à des traitements maltraitants, et dont éviter l’existence (lobbying pour des tests prénataux, tests médicamenteux douteux), et des personnes qui, elles, ont une différence enviable, voire salvatrice pour l’humanité, et qu’on ne devrait pas ranger dans la catégorie des troubles. Beaucoup de personnes qui pensent défendre les autistes, en mettant en avant nos « capacités spéciales », notre « intelligence particulière », nos qualités morales essentialisées et idéalisées (paraît qu’on serait toustes fondamentalement honnêtes, fidèles, altruistes, révoltés par l’injustice, dénués de biais – ce serait chouette, mais c’est faux), et surtout notre employabilité particulière (on travaille par passion et pas pour l’argent ! On est super-doués en technologie ! On est capables d’être en hyperfocus pendant des heures ! On est super ponctuels et on adore suivre les règles !) (encore une fois, non), recréent de même des hiérarchies de valeur pour nos existences selon qu’on peut se plier ou non au système capitaliste, et en réduisant nos individualités riches, complexes et diverses à un stéréotype objectifiant.

Moi, non, je ne me reconnais pas dans ces valeurs-là. Que je considère que l’autisme soit handicapant à cause de la société inadaptée ou handicapant et douloureux en lui-même, ça ne change rien au fait que pour moi, tous les êtres humains ont la même valeur et les mêmes droits.
Je ne classe pas les personnes comme ayant plus ou moins de valeur selon leur productivité dans le système capitaliste, ni leur « autonomie » comme définie par le système capitaliste et libéral. Du coup, mon argument principal pour ne pas utiliser cette appellation d’« asperger », c’est que c’est incompatible avec la vision du monde anti-validiste et anti-capitaliste que je défends.
J'ai mis en gras ce que, moi-même, je trouvais convaincant et rejoignant mes propres idées.
Diagnostiquée TSA en janvier 2021. Conjoint diagnostiqué TSA en octobre 2020.

Site : Tout Sur l'Autisme (ressources et documents)
Anna-Livia
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Re: Hans Asperger : Le Docteur et les Nazis

Message par Anna-Livia »

Merci pour ces réponses. Je vais lire l'article que vous me suggérez.
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