Babù,
Je te réponds en fonction de mon sentiment personnel mais c'est à prendre avec précaution car je ne sais pas si je suis aromantique (le concept reste flou pour moi, et je ne sais pas non plus comment on fait la différence entre "être amoureux" et "apprécier la compagnie d'une personne sympathique"). On m'a souvent dit que "quand on est amoureux, on le sait".
J'ai été une fois en couple, avec quelqu'un qui travaillait la plupart du temps en mer, dans les pôles.
Donc, le "problème" ne se posait que lors des retrouvailles, qui étaient peu nombreuses et de courte durée.
Déjà, à l'époque, j'avais conscience que seule une situation de ce genre pouvait me convenir.
Babù a écrit : ↑dimanche 5 juillet 2020 à 11:47
Je relance le sujet pour savoir s'il y a des témoignages de personnes aromantiques qui sont en couples? Si oui quel type de relation est-ce: platonique, queer-platonique, sexfriend?, autre? (sans que cet autre soit du romantisme)? Votre partenaire a-t-il/elle ressenti des sentiments dit "romantique" à votre égard? Comment le gérez-vous ou l'avez-vous géré? Comment vous vivez cette relation?
Je ne vais pas pouvoir répondre clairement à la question. À l'époque, j'avais la pression de la "normalité", je me rendais compte que je ne fonctionnais pas comme on aurait attendu que je fonctionne. Je cherchais donc des façons de répondre aux attentes qu'on avait de moi, je me sentais "en faute" de diverger par rapport à la norme et tout ce que je voulais c'était que ça ne se voie pas. Je me disais que mes émotions étaient emprisonnées, que je n'arrivais pas à les laisser sortir, qu'il fallait que je travaille sur moi pour y arriver car c'était pas normal. À aucun moment je n'ai pensé qu'il pouvait être tolérable d'être moi-même.
Donc, je me préparais psychologiquement aux retrouvailles, j'essayais me raconter des histoires pour me mettre "en condition", je m'imaginais une musique comme dans les films, quand les gens se retrouvent après une longue séparation. Bref, je faisais marcher mon imaginaire, je me répétais le scénario jusqu'au moment des retrouvailles et même après. J'essayais de me créer une "ambiance" qui me fasse me sentir comme il aurait fallu que je me sente. Ça a toujours été très difficile car la réalité me rattrapait rapidement, je "perdais" mes sentiments, mes émotions, je voyais juste une personne, que j'appréciais certes, mais qu'il fallait que je serre dans mes bras alors que ce n'était pas forcément l'envie que j'avais à ce moment-là. Marcher côte à côte les cheveux aux vents m'aurait mieux convenu. Mais là encore, je me disais que je "buggais", que c'était évident que c'était la chose à faire, et que l'autre n'avait pas à souffrir de mes bugs. Je devais réparer ou au moins contourner mes bugs. Et c'était faux de penser que je n'étais pas contente des retrouvailles, non, j'étais contente... mais il me fallait le montrer de la façon "conventionnelle", sinon tout était mal interprété... J'ai eu beaucoup de reproches : pas assez démonstrative, pas assez expressive, trop "sérieuse"... je ressentais une pression constante et je m'en voulais énormément que mon "extérieur" montre des choses contraires à ce qui se passait à l'intérieur... C'était une bataille contre moi-même permanente. C'était pareil pour l'intimité, c'était l'enfer, j'essayais de m'imaginer une ambiance comme pour le reste, de me documenter aussi (j'avais hélas gardé en tête un "conseil" lu quelque part : "il faut parfois se forcer un peu", "l'appétit vient en mangeant"), bref c'était pas hyper efficace.
À noter que j'avais déjà entendu un peu parler de l'asexualité (pas encore l'aromantisme) mais c'était une idée que je chassais rapidement de mon esprit car à l'époque ça aurait été une catastrophe pour moi, l'échec ultime après 20 ans à lutter pour arriver à "la norme", l'anéantissement de tout espoir que mon image soit un jour celle que j'espérais qu'elle soit, bref, un drame. Aujourd'hui mon regard a bien changé, je vois à quel point je me torturais et me faisais du mal et j'ai fait le deuil de cette image parce que je sais qu'elle m'aurait rendue malheureuse, et je suis épuisée rien qu'à repenser à tous les efforts que j'aurais dû continuer à fournir en permanence.
Donc, pour répondre à la question : je me forçais en permanence à correspondre à ce que je pensais être la norme. J'étais triste lors des séparations mais tellement soulagée aussi. Je n'avais pas conscience de me forcer ou d'aller contre ma nature. Pour moi je réparais des erreurs (mes bugs de fonctionnement intérieur) et c'était normal de le faire, de toute façon c'est ce que j'avais appris à faire depuis la maternelle et je me suis construite en me sentant honteuse chaque fois que je laissais entrevoir que je divergeais.
Diag. à 37 ans "TSA sans DI ni altération du langage", avec HPI (2020)
"Vous vous voyez comme un Asperger et vous pensez comme un Asperger, donc c'est très bien"
Fille 16 ans HPI + TSA, suspicion TDAH, 3 sauts de classe.