Glaciell a écrit : ↑dimanche 14 juin 2020 à 22:04
En tout cas merci à vous deux (pour les questions et les réponses) car j'ignorais beaucoup de choses et je trouve votre échange très enrichissant.
N'hésitez donc pas à continuer (je retourne à la lecture silencieuse ^^).
Hehe, je suis content de savoir que ça puisse susciter de l'intérêt.
Petit Foxi a écrit : ↑dimanche 14 juin 2020 à 19:04
Merci pour tes réponses.
J'espère que tu ne le prendra pas mal, mais pouvons nous essayer de parler de choses qui serait plus adapté à mes besoins s'il te plait ?
Oui bien sûr.
Je me rends compte que je ne me suis peut être pas adapté à toi..
Alors , contrairement à ce que mes mots ont pu laisser transparaître, je n'ai pas de regard sombre sur mon métier.
. Du tout même.
C'est ce que j'essaie justement de transmettre à mes étudiants: se décentrer au maximum et faire le deuil de leur propre toute puissance. Celle qui nous pousse à être animés de plein de bonnes intentions..
Pourquoi ?
Tout simplement parceque dans l'accompagnement de quelqu'un,
on peut facilement le prendre en otage de nos propres désirs et projections.
Parfois, l'autre devient prétexte, porte-étendard d'un combat qui ne le concerne pas.
Il importe donc de
prendre de la distance face aux situations rencontrées.
Cette juste distance n'implique pas de ne pas avoir d'émotions. Au contraire, il s'agit de les identifier , du moins être pleinement conscient que nous sommes portés par elles et qu'elles conditionnent le travail. Parfois, nous sommes touchés. Il y a un écho..
Pour ma part, sans doute parceque je suis autiste, je n'ai aucun problème vis à vis de ça. Je peux accueillir tout types de situations sans me sentir bousculé. Pour palier à ça ou le faire émerger, il y'a
le travail en équipe, essentiel au métier, qui permet de se décentrer. Il y aussi
des temps d'analyse de pratique avec un professionnel (psychiatre, psychologue) permettant d'apposer un regard clinique distancier. Tout cela est essentiel parceque dans le feu de l'action, on ne se rend parfois pas compte de ce qu'on met en place.
Une relation est engageante, un lien s'expose, l'affectif est une prise de risque qui se borne mais ne s'interdit pas.
Mais je sais pertinemment que parfois je me trompe. Parfois je prends des postures face aux usagers qui pourraient potentiellement violentes. Dire non à un adolescent en crise pour son bien n'implique pas qu'il nous remercie illico. Au contraire. On porte le cadre, le tordons parfois. Et plus que de l'appliquer, il s'agit de donner à l'autre les moyens de le comprendre afin qu'il puisse rebondir face aux aléas de la vie. L'intention est bonne, la manière de la mettre application, pas forcement. C'est pour cela qu'il ne faut pas attendre gratifications ou reconnaissance. Il faut agir au plus juste et assumer d'endosser parfois le rôle du méchant de l'histoire.
Nous sommes tous sujets à ça. Nous pouvons tous être maltraitants. De même que celui qu'on aide, nous aide aussi. C'est du don/contre-don. On apprends en même temps qu'on transmet.
C'est un double mouvement transmission/autodidaxie. Et c'est cette capacité à accueillir l'autre dans ce qu'il a de singulier, qui autorise une relation de confiance authentique et l'émergence de la demande et du choix.
Être travailleur social suppose donc être conscient que l'on peut faire des erreurs, il faut en faire et surtout ne pas se persuader qu'on peut répondre à tous types de situations.
Et c'est le postulat à avoir avant même de chercher à aider les autres.
Savoir que nous ne serons jamais parfait est justement ça qui nous rend professionnel. L'important est d'avoir le recul et d'être humble. L'humilité signifiant d'être conscient de nos forces et faiblesses..sans chercher à être ce que nous ne sommes pas.Respecter les limites de l'autre, suppose déjà de se figurer les siennes. L'autre existe parceque je suis distinct de lui.
Je pose souvent la même question à mes étudiants : qu'est qu'un éducateur?
Souvent ils répondent la même chose.
"C'est quelqu'un qui fait ci, qui fait ça."
Alors je repositionne les choses.
"Je ne vous demande pas ce qu'il fait, mais ce qu'il EST. Ce qu'il incarne."
Et là, c'est tout de suite plus compliqué parceque ca nous confronte à ce que nous sommes, au-delà de la fonction.
L'éducateur prend appui sur lui-même, ses cicatrices, sa sensibilité. Il doit être en mesure d'autoriser la création du lien..et c'est possible que si la relation s'inscrit sur un mode horizontal (c'est à dire sans apport aidant/ aidé, sachant-/apprenant , dominant /dominé), sans quoi on positionne l'autre dans une "dette".
Or la finalité de mon boulot est la fin de mon boulot. J'accompagne dans l'objectif de ne plus avoir besoin de le faire. Je crée donc une relation de dépendance dans l'objectif que l'autre s'en affranchisse. Sacré paradoxe..
Lors des concours d'entrée en école de travail social, quand je fais jury, je dis souvent que je recrute des étudiants non pas parcequ'ils ont été bons à l'oral mais parceque je sens qu'ils ont la capacité à remettre en question toutes les conneries qu'ils ont pu me raconter durant leur oral...^^
J'aime à penser que nous sommes passeurs de sens .
Le sens direction
Le sens signification
Le sens sensation.
Concernant la fatigue, il m'est parfois difficile de gérer les fluxs de demandes, les sollicitations, les bruits etc...mais je parviens à composer. Je bosse en institution. Il y a des règles, une organisation, un emploi du temps.
Tout cela structure. Me structure.
Par le passé, j'ai beaucoup travaillé dans la rue, les squats et je ne te cache pas que ça me fut douloureux et épuisant et violent. Pour autant, les usagers m'aimaient bien.
Je sais pourtant qu'en tant qu'autiste, j'ai besoin de repères clairs.
Mon principal soucis au quotidien, c'est le bruit. (Les enfants font parfois des crises )
Actuellement, lorsque je sens un trop-plein, je parviens à m'isoler et ma collègue direct connait très bien mon fonctionnement.
Parfois ce n'est pas évident..
Je n'ai aucun aménagement. Je l'ai fait moi-même ^^ en m'isolant sur les temps de pauses , en bossant dans mon coin plutôt que dans le bureau collectif. J'évite les appels téléphoniques par exemple..
Pour le moment je ne demande pas d'avantage. Mais conscient que le social évolue et que je peux être amené à changer de travail ou subir les conditions d'une évolution moins confortable, j'engage une démarche de reconnaissance handicap..histoire de prévenir.