[Index Santé] Discutons ici du Covid-19 !

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Curiouser
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Re: Discutons ici du Covid-19 !

Message par Curiouser »

Patrick Boucheron, historien, livre dans un entretien ses réflexions sur ce que peut amener, ou non, la pratique de l'Histoire, pour penser l’événement mondialisé auquel nous sommes confrontés.

Le texte est long, mais certaines réflexions sont intéressantes :
Nous vivons une épreuve grandeur nature de mondialité. Si on pouvait encore avoir des doutes sur le fait qu’on vit dans le monde, qu’il nous rentre dans le corps, c’est terminé. Bien sûr, dans le monde ancien, la peste ou le choléra se déployaient aussi de façon articulée dans un monde interconnecté, mais là, l’échelle est tout autre. Nous ne sommes plus dans le même rayon de courbure – ni en termes de distance, ni en termes de rythmes, ni en termes d’intensité ou de circulation d’informations. La globalisation est accomplie – et de ce point de vue également, on doit se demander si elle ne nous fait pas entrer de force dans ce que Peter Sloterdijk appelle la « posthistoire ».

Cela nous impose de saisir ce qu’on sait déjà, à savoir que les systèmes complexes et interconnectés sont infiniment vulnérables, même s’ils sont aussi résilients.
Cette manière dont l’épidémie prend toute la place est inquiétante. Si l’on a la chance de pouvoir sortir encore un peu dans les rues de sa ville, on peut voir les graffitis sur les féminicides s’effacer lentement, comme si cette révolution féministe qui avait cours il y a seulement quelques semaines appartenait à l’Antiquité, comme si ces inscriptions sur les murs ressemblaient aux graffitis estompés de Pompéi. Cette épidémie nous a cueillis avec tous nos problèmes et le confinement ne va pas améliorer le sort des femmes, mais pourtant le confinement étouffe ou assourdit la voix des féministes. Les régimes de surveillance, les inégalités, l’environnement sont les principales questions qui sont mises en avant par ce qui nous arrive, mais d’autres sujets fondamentaux sont relégués à l’arrière-plan.

C’est également vrai de la question des réfugiés. Quelques jours avant l’annonce du confinement, l’écrivain Marie Cosnay et le philosophe Mathieu Potte-Bonneville avaient signé un beau texte sur la manière dont l’Europe se lavait les mains du problème des réfugiés. L’expression même prend un sens particulier aujourd’hui, mais l’important est qu’ils montraient que le propre du pouvoir contemporain consiste à prendre des mesures d’éloignement – entendons : mettre de la distance, parfois envoyer au diable, pas toujours hors d’état de nuire, mais en tout cas hors de vue. Cette question de la distance, qui nous obsède aujourd’hui – et qui risque de devenir notre quotidien –, a été expérimentée sur les plus fragiles et les indésirables, qui ont été cantonnés, confinés, éloignés.
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lulamae
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Re: Discutons ici du Covid-19 !

Message par lulamae »

Curiouser a écrit : dimanche 12 avril 2020 à 17:04
C’est également vrai de la question des réfugiés. Quelques jours avant l’annonce du confinement, l’écrivain Marie Cosnay et le philosophe Mathieu Potte-Bonneville avaient signé un beau texte sur la manière dont l’Europe se lavait les mains du problème des réfugiés. L’expression même prend un sens particulier aujourd’hui, mais l’important est qu’ils montraient que le propre du pouvoir contemporain consiste à prendre des mesures d’éloignement – entendons : mettre de la distance, parfois envoyer au diable, pas toujours hors d’état de nuire, mais en tout cas hors de vue. Cette question de la distance, qui nous obsède aujourd’hui – et qui risque de devenir notre quotidien –, a été expérimentée sur les plus fragiles et les indésirables, qui ont été cantonnés, confinés, éloignés.
Le passage en gras me fait réagir : j'ai lu il y a quelques jours dans le Guardian un article sur le risque de propagation du coronavirus dans les camps de réfugiés : le coronavirus n'est pas arrêté par les barbelés.
Puis, j'ai lu sur les Noirs-Américains en surmortalité dans le Bronx... Les mouvements de foule flippants en Inde...

La distanciation sociale, c'est un luxe - tant mieux si on peut l'appliquer ; mais là où ça va faire le plus de mal, c'est là où sévit la densité humaine, la promiscuité, là où les gens n'ont pas le choix que d'aller travailler, parce qu'il faut survivre.
Spoiler : 
Marie Cosnay, c'était ma collègue de latin dans le sud-landes, elle est très sympa, et engagée. Elle a écrit un livre sur les sans papiers au Tribunal de Bayonne :
https://www.sudouest.fr/2012/09/21/rega ... 5-4018.php
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Curiouser
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Re: Discutons ici du Covid-19 !

Message par Curiouser »

lulamae a écrit : dimanche 12 avril 2020 à 17:17 La distanciation sociale, c'est un luxe - tant mieux si on peut l'appliquer ; mais là où ça va faire le plus de mal, c'est là où sévit la densité humaine, la promiscuité, là où les gens n'ont pas le choix que d'aller travailler, parce qu'il faut survivre.
Oui, malheureusement... Il y a notamment cet article (du 6 avril) sur la question :
« Tous les Français sont exposés à ce coronavirus mais pas de la même façon », reprend Cyrille Delpierre, épidémiologiste social à Toulouse, spécialisé dans l’analyse des inégalités sociales de santé. « L’âge est le facteur discriminant le plus connu, puisqu’il influe sur la gravité des symptômes, l’hospitalisation et donc le risque de décès. Mais l’origine et le milieu socio‐économique jouent également beaucoup », confirme ce directeur de recherche à l’Inserm.
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freeshost
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Re: Discutons ici du Covid-19 !

Message par freeshost »

lulamae, tu lis les mêmes articles de journaux que moi dans The Guardian et The New York Times ? :lol: :lol: :lol:
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lulamae
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Re: Discutons ici du Covid-19 !

Message par lulamae »

Merci pour le lien @Curiouser : c'est une réflexion à mener aussi ces marqueurs sociaux.
freeshost a écrit : dimanche 12 avril 2020 à 17:54 lulamae, tu lis les mêmes articles de journaux que moi dans The Guardian et The New York Times ? :lol: :lol: :lol:
Il y a notamment celui-ci auquel je pensais, tu as dû le voir :
https://www.theguardian.com/global-deve ... reek-camps

Bolsonaro au Brésil est "bien parti" (ironiquement) aussi...
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freeshost
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Re: Discutons ici du Covid-19 !

Message par freeshost »

Oui, entre autres. :mrgreen:
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hazufel
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Re: Discutons ici du Covid-19 !

Message par hazufel »

lulamae a écrit : La distanciation sociale, c'est un luxe - tant mieux si on peut l'appliquer ; mais là où ça va faire le plus de mal, c'est là où sévit la densité humaine, la promiscuité, là où les gens n'ont pas le choix que d'aller travailler, parce qu'il faut survivre.
En Inde c’est aussi catastrophique :(
Voir la Chronique d’Arundhati Roy du Monde du 6 avril et sur France Culture cet article :

Le confinement le plus grand, brutal et risqué au monde
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lulamae
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Re: Discutons ici du Covid-19 !

Message par lulamae »

Beau texte d'Arundhati Roy (que je n'ai malheureusement pas pu lire en entier, n'étant pas abonnée au Monde. Elle a aussi publié un texte dans l'Humanité :
https://www.humanite.fr/inde-le-registr ... ndhati-roy

L'article de France Culture est intéressant, mais tout ça laisse peu d'espoir...
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lulamae
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Re: Discutons ici du Covid-19 !

Message par lulamae »

Ca, je trouve ça choquant : une messe clandestine traditionnaliste réunissant 40 personnes ; le prêtre est verbalisé (135 euros - mais c'est quand même plus grave que de se déplacer seul en dehors des clous :lol: ) et les fidèles, non verbalisés, repartent tranquillement chez eux !!

https://www.francetvinfo.fr/sante/malad ... 12215.html
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hazufel
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Re: Discutons ici du Covid-19 !

Message par hazufel »

lulamae a écrit : mais tout ça laisse peu d'espoir...
Non et il n’y a même pas besoin d’aller très loin :
précarité de certaines familles qui peinent à se nourrir :(
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freeshost
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Re: Discutons ici du Covid-19 !

Message par freeshost »

Le rôle de l'Homme sur la biodiversité en cause
Pour les spécialistes, c'est l'activité humaine qui a favorisé la transmission du coronavirus à l'Homme. Si rien ne change, d'autres maladies provenant du monde animal vont suivre.

Qu'il vienne d'une chauve-souris ou qu'il ait transité par un pangolin, le coronavirus qui a mis le monde sens dessus dessous et dont le bilan mondial approche les 100'000 morts vient du monde animal, c'est certain. Mais c'est l'activité humaine qui a favorisé son passage à l'Homme, et si rien ne change, bien d'autres vont suivre, alertent des spécialistes.

Les «zoonoses» comme on appelle les maladies ou infections qui se transmettent de l'animal à l'humain, n'ont rien de nouveau. Tuberculose, rage, toxoplasmose, paludisme... selon le programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), 60% des maladies infectieuses humaines ont cette origine. Chiffre qui grimpe à 75% pour les maladies «émergentes»: ebola, VIH, grippes aviaires et autres SRAS ou zika...

Changements environnementaux

Or, «l'émergence de maladies zoonotiques est souvent associée aux changements environnementaux» qui sont «habituellement le résultat d'activités humaines, de la modification de l'usage des sols au changement climatique», notait le PNUE dans un rapport de 2016.

«Vu la croissance de la population humaine et son utilisation toujours plus intense des ressources planétaires, la destruction d'écosystèmes de plus en plus nombreux multiplie les contacts» entre espèces, abonde Gwenaël Vourc'h, directrice-adjointe de l'unité d'épidémiologie vétérinaire de l'INRAE, un institut de recherche public français.

En cause, la déforestation pour faire place à l'agriculture, l'élevage intensif dont les animaux peuvent servir de «pont» avec l'humain (notamment en développant des résistances aux antibiotiques couramment utilisés dans l'agriculture industrielle), l'urbanisation et la fragmentation des milieux, qui modifient l'équilibre entre les espèces. Sans compter le réchauffement climatique qui peut conduire certains animaux vecteurs de maladie à prospérer là où ils ne vivaient pas avant.

«Sans précédent»

«Le processus qui conduit un microbe, tel qu'un virus, d'une population de vertébrés -chauve-souris par exemple- dans laquelle il existe naturellement, jusqu'aux humains est complexe, mais causé par l'Homme (...), les actions humaines créant l'occasion pour les microbes de s'approcher des populations humaines», détaille Anne Larigauderie, secrétaire exécutive de l'IPBES, le panel des experts de l'ONU sur la biodiversité.

«La rapidité de modification des espaces naturels ces 50 dernières années est sans précédent dans l'histoire humaine. Et le facteur direct le plus important de ce changement est le changement d'affectation des terres,» poursuit-elle. D'ailleurs, au delà de la pandémie actuelle, l'IPBES estime que les zoonoses font quelque 700'000 morts par an.

Animaux domestiques aussi

Une étude de chercheurs américains, réalisée avant l'apparition de l'épidémie actuelle et publiée mercredi, identifie rongeurs, primates et chauve-souris comme hôtes de la majorité des virus transmis à l'Homme (75,8%). Mais les animaux domestiques sont également porteurs de 50% des zoonoses identifiées.

Et si l'on se concentre sur les espèces sauvages menacées, l'étude montre que celles qui partagent le plus de virus avec les humains sont précisément «celles dont les populations sont en baisse en raison de l'exploitation et de la perte d'habitat».

«Nous modifions les territoires (...), ce qui augmente la fréquence et l'intensité des contacts entre l'humain et la faune sauvage, créant les conditions idéales pour des transferts viraux», résume Christine Johnson, de l'école vétérinaire de l'université de Californie, qui a dirigé l'étude, faisant écho aux autres expertes.

«Tragédie mondiale»

La tendance ne devrait pas s'infléchir, prévient Anne Larigauderie, car les modifications d'usage des terres, «combinées aux augmentations en matière d'échanges commerciaux et de voyages», devraient faire augmenter la fréquence des pandémies à l'avenir.

La réponse devra donc être systémique, souligne Gwenaël Vourc'h: «Au delà de la seule réponse indispensable à chaque épidémie, il faut réfléchir à notre modèle» et notamment «repenser notre relation avec les écosystèmes naturels et les services qu'ils rendent».

Anne Larigauderie ne dit pas autre chose: elle en appelle à un «changement transformant pour trouver une solution à cette tragédie mondiale», en oeuvrant à un «ancrage environnemental» des différents secteurs économiques, de la finance à la pêche en passant par les transports ou l'énergie.

«Les stratégies efficaces existent déjà pour contrôler la plupart des zoonoses négligées, la principale contrainte semblant le manque d'investissements,» notait déjà le rapport du PNUE de 2016, soulignant que «l'intégrité des écosystèmes sous-tend la santé et le développement humain».

A 86 ans, Jane Goodall a passé la majeure partie de sa vie à étudier et défendre les animaux, notamment les chimpanzés d'Afrique, plus spécialement de Tanzanie. «Il était prédit que ceci allait arriver, et ça va se reproduire jusqu'à ce que nous en apprenions les leçons», prévient la primatologue britannique. Car pour elle, les causes de la pandémie sont évidentes: «notre mépris de la nature et notre manque de respect pour les animaux avec lesquels nous devrions partager la planète».
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Jean
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Re: Discutons ici du Covid-19 !

Message par Jean »

La créativité au temps du confinement - Chronique de Josef Schovanec
https://www.rtbf.be/auvio/detail_la-cre ... id=2622010
père autiste d'une fille autiste "Asperger" de 41 ans
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Re: Discutons ici du Covid-19 !

Message par Jean »

lulamae a écrit : dimanche 12 avril 2020 à 19:01Beau texte d'Arundhati Roy (que je n'ai malheureusement pas pu lire en entier, n'étant pas abonnée au Monde.
lemonde.fr
Arundhati Roy : « En Inde, le confinement le plus gigantesque et le plus punitif de la planète »

Tribune Arundhati Roy Ecrivaine indienne

Dans une tribune qui fera l’objet d’une parution aux éditions Gallimard, l’écrivaine Arundhati Roy livre un regard cru sur la tragédie qui frappe l’Inde à l’heure du coronavirus.

Publié le 06 avril 2020 à 18h00

Tribune. Qui peut utiliser aujourd’hui l’expression « devenu viral » sans l’ombre d’un frisson ? Qui peut encore regarder un objet – poignée de porte, carton d’emballage, cabas rempli de légumes – sans l’imaginer grouillant de ces blobs invisibles, ni morts ni vivants, pourvus de ventouses prêtes à s’agripper à nos poumons ? Qui peut penser embrasser un étranger, sauter dans un bus, envoyer son enfant à l’école sans éprouver de la peur ? Ou envisager un plaisir ordinaire sans peser le risque dont il s’accompagne ?

Qui de nous ne s’intitule du jour au lendemain épidémiologiste, virologiste, statisticien et prophète ? Quel scientifique, quel médecin ne prie sans se l’avouer qu’un miracle se produise ? Quel prêtre ne s’en remet à la science, serait-ce secrètement ? Et au même moment, alors que le virus se répand, qui ne serait transporté par le crescendo des chants d’oiseaux dans les villes, la danse des paons aux carrefours de bitume, le silence des cieux ?

A l’heure où j’écris, le nombre de cas détectés dans le monde frôle dangereusement le million. Près de 50 000 personnes sont décédées de la maladie. Des projections suggèrent qu’elles seront des centaines de milliers, peut-être plus. Le virus s’est déplacé librement le long des voies du commerce et du capital mondialisés, et la terrible maladie qu’il a propagée dans son sillage a confiné les humains à l’intérieur de leurs frontières, de leurs villes et de leurs foyers.

« Les mandarins qui gèrent l’épidémie aiment à parler de guerre (…) Pourtant, s’il s’agissait réellement de guerre, qui mieux que les Etats-Unis y eût été préparé ? »

Contrairement au flux du capital, ce virus ne cherche pas le profit, mais la prolifération. Ce faisant, il a renversé par inadvertance, dans une certaine mesure, le sens du courant. Il se joue des contrôles d’immigration, de la biométrie, de la surveillance numérique et de toute sorte d’analyse de données. Il a frappé le plus durement – jusqu’ici, du moins – les nations les plus riches et les plus puissantes, forçant le moteur du capitalisme à un arrêt brutal. Temporaire, peut-être, mais assez long pour que nous puissions soumettre les composants du système à l’examen et en dresser une évaluation avant de décider si nous voulons contribuer à sa réparation ou en chercher un meilleur.

Les mandarins qui gèrent l’épidémie aiment à parler de guerre. Ils font même du terme un usage littéral et non métaphorique. Pourtant, s’il s’agissait réellement de guerre, qui mieux que les Etats-Unis y eût été préparé ? Si, au lieu de masques et de gants, leurs soldats avaient eu besoin de bombes surpuissantes, de sous-marins, d’avions de chasse et de têtes nucléaires, aurait-on assisté à une pénurie ?

Nuit après nuit, aux antipodes de l’Amérique, nous sommes plusieurs à regarder la diffusion des annonces à la presse du gouverneur de New York, Andrew Cuomo, avec une fascination difficile à expliquer. Nous suivons les statistiques, nous entendons parler d’hôpitaux états-uniens submergés, d’infirmières sous-payées et surmenées qui en sont réduites à se fabriquer des équipements de protection dans des sacs-poubelles et de vieux imperméables, prenant tous les risques pour secourir les malades. D’Etats forcés de se disputer des respirateurs aux enchères, de médecins acculés au dilemme de choisir entre les patients qui en seront équipés et ceux qu’ils devront laisser mourir. Et nous nous écrions en nous-mêmes : « Mon dieu, l’Amérique, c’est ça ! »

La tragédie est là, au présent, épique. Elle se déroule sous nos yeux dans sa réalité. Mais elle n’est pas nouvelle. C’est le déraillement d’un train qui roule en vacillant sur les rails depuis des années. Qui n’a gardé en tête les vidéos où l’on voit des malades, encore vêtus de leur seule chemise d’hôpital, postérieur à l’air, jetés discrètement à la rue ?

Aux Etats-Unis, les portes des hôpitaux sont trop souvent fermées aux citoyens les plus démunis, quels que soient le stade de leur maladie et l’étendue de leur souffrance. Du moins en était-il ainsi, car aujourd’hui, à l’ère du virus, la pathologie d’un individu pauvre est susceptible d’affecter la santé de toute une société prospère. Et pourtant, encore aujourd’hui, on considère comme déplacée, jusque dans son propre parti, la candidature à la Maison-Blanche du sénateur Bernie Sanders, qui défendait infatigablement dans sa campagne l’accès à la santé pour tous.

L’Inde, entre caste et capitalisme

Et que dire de l’Inde, mon pays, mon pays pauvre et riche, suspendu quelque part entre féodalisme et fondamentalisme religieux, castes et capitalisme, gouverné par des nationalistes hindous d’extrême droite ?

En décembre [2019], tandis qu’en Chine le virus faisait irruption, le gouvernement de l’Inde était aux prises avec le soulèvement de centaines de milliers de ses concitoyens protestant contre la loi sur la citoyenneté, éhontément discriminatoire, qu’il venait de promulguer après son adoption par le Parlement.

Le premier cas de Covid-19 détecté en Inde a été annoncé le 30 janvier, quelques jours après que l’invité d’honneur de la parade du Jour de la République, Jair Bolsonaro [le président brésilien], dévorateur de la forêt amazonienne, négateur du Covid-19, a quitté Delhi.

Mais le parti au pouvoir avait un agenda bien trop chargé en février pour y réserver une place au virus. Il y avait la visite officielle de Donald Trump, prévue la dernière semaine du mois. On avait appâté le président des Etats-Unis avec la promesse d’un public de 1 million de spectateurs dans un stade de l’Etat du Gujarat. Tout cela nécessitait de l’argent et beaucoup de temps. Ensuite venaient les élections législatives de Delhi, perdues d’avance pour le Bharatiya Janata Party [BJP, au pouvoir], à moins qu’il ne passe à la vitesse supérieure, ce qu’il a fait en déchaînant une campagne nationaliste haineuse, dominée par la menace de recourir à la violence physique et d’abattre les « traîtres ».

Il n’en a pas moins perdu. Il a donc fallu infliger un châtiment aux musulmans de Delhi, à qui l’on imputait l’humiliation de la défaite. Des bandes armées de miliciens hindous soutenues par la police ont attaqué les musulmans des quartiers ouvriers du nord-est de Delhi. Maisons, boutiques, mosquées et écoles ont été incendiées. Les musulmans, qui s’étaient attendus à cet assaut, ont répliqué. Plus de cinquante individus, musulmans et hindous, ont été tués. Des milliers de personnes ont trouvé refuge dans les cimetières avoisinants. On extirpait encore des cadavres mutilés du réseau d’égouts putrides à ciel ouvert le jour où les autorités gouvernementales ont tenu leur première réunion sur le coronavirus, le jour où la plupart des Indiens ont découvert l’existence d’un nouveau produit : le désinfectant pour les mains.
Article réservé à nos abonnés Lire aussi Inde : New Delhi en proie à de violents conflits intercommunautaires

Le mois de mars a été bien rempli, lui aussi. Les deux premières semaines ont été consacrées à renverser le Parti du Congrès au pouvoir dans l’Etat de l’Inde centrale du Madhya Pradesh, afin de le remplacer par un gouvernement BJP. Le 11 mars, l’OMS a haussé le développement du Covid-19 du niveau d’épidémie à celui de pandémie. Le 13, le ministère indien de la santé déclarait que le coronavirus ne représentait pas une « urgence sanitaire ».

« “Distanciation sociale”, concept aisément assimilable par une société rompue aux pratiques de la caste »

Enfin, le 19 mars, le premier ministre, Narendra Modi, s’est adressé à la nation. Il n’avait pas beaucoup planché sur ses dossiers, calquant ses stratégies sur celles de la France et de l’Italie. Il a parlé de la nécessaire « distanciation sociale » (concept aisément assimilable par une société rompue aux pratiques de la caste) et appelé la population à respecter un « couvre-feu populaire » le 22 mars.

Au lieu d’informer les gens des mesures qu’allait prendre son gouvernement pour faire face à la crise, il leur a demandé de sortir sur leurs balcons, de sonner des clochettes et de taper sur des ustensiles de cuisine pour rendre hommage aux soignants. Il n’a pas mentionné le fait que l’Inde avait continué jusqu’alors à exporter du matériel de protection et des équipements respiratoires au lieu de les conserver pour le personnel de santé des hôpitaux et d’autres structures.

« Les méthodes de Narendra Modi donnent vraiment l’impression que le premier ministre de l’Inde voit les citoyens de son pays comme une force hostile »

Sans surprise, la requête de Narendra Modi a soulevé l’enthousiasme. On a assisté à des marches de percussions domestiques, à des danses traditionnelles, à des processions. Peu de distanciation sociale. Les jours suivants, on a vu des hommes sauter à pieds joints dans des barils de bouse sacrée et des partisans du BJP organiser des fêtes arrosées à l’urine de vache. Afin de ne pas se trouver en reste, maintes associations musulmanes ont déclaré que le Tout-Puissant était la réponse au virus et appelé les croyants à s’assembler en grand nombre dans les mosquées.

Le 24 mars à 20 heures, Modi est passé à la télévision pour annoncer qu’à partir de minuit, l’Inde tout entière entrait en confinement. Les marchés seraient fermés. Tous les moyens de transport publics et privés étaient interdits. Cette décision, a-t-il ajouté, il ne la prenait pas seulement en tant que premier ministre, mais en tant qu’aîné de la famille que nous formons.

Qui d’autre, sans consulter le gouvernement de chacun des Etats qui allaient devoir en affronter les conséquences, aurait pu décider qu’une nation d’un milliard trois cent quatre-vingts millions d’habitants allait être confinée sous quatre heures sans la moindre préparation ? Ses méthodes donnent vraiment l’impression que le premier ministre de l’Inde voit les citoyens de son pays comme une force hostile qu’il est nécessaire de prendre en embuscade, par surprise, et à laquelle il ne saurait être question de faire confiance.

Ainsi nous sommes-nous retrouvés confinés. De nombreux professionnels de la santé et épidémiologistes ont applaudi cette mesure. Ils ont peut-être raison en théorie. Mais nul doute qu’aucun d’entre eux n’aurait pu donner son aval au manque calamiteux d’anticipation et à l’impréparation qui ont changé le confinement le plus gigantesque et le plus punitif du globe en l’opposé exact de ce qu’il est censé accomplir.

Le grand amateur de spectacles a créé le plus formidable de tous les spectacles.

Insensibilité à toute souffrance

Sous les yeux effarés du monde, l’Inde a révélé son aspect le plus honteux, son système social inégalitaire, brutal, structurel. Son indifférence et son insensibilité à toute souffrance. Le confinement a agi à la façon d’une réaction chimique mettant d’un seul coup en lumière des éléments cachés. Tandis que boutiques, restaurants, usines et chantiers fermaient leurs portes et que les classes aisées se claquemuraient dans leurs colonies résidentielles encloses, nos villes et nos mégapoles se sont mises à rejeter leurs ouvriers et travailleurs migrants comme autant d’excédents indésirables.

Des millions de personnes appauvries, affamées, assoiffées, congédiées, pour un grand nombre d’entre elles, par leurs employeurs et propriétaires, jeunes et vieux, hommes, femmes, enfants, malades, aveugles, handicapés n’ayant plus nulle part où aller, sans moyen de transport public en vue, entamèrent une longue marche de retour vers leurs villages. Ils ont marché des jours durant à destination de Badaun, Agra, Azamgarh, Aligarh, Lucknow, Gorakhpur – à des centaines de kilomètres de leur point de départ. Certains d’entre eux sont morts en cours de route.

En rentrant chez eux, ils savaient pouvoir s’attendre à y mourir lentement de faim. Peut-être même se savaient-ils porteurs potentiels du virus, susceptibles de contaminer leur famille, leurs parents et leurs grands-parents une fois arrivés, mais ils avaient désespérément besoin d’un semblant de toit, de relations familières et de dignité aussi bien que de nourriture, sinon d’amour.

En chemin, certains ont été brutalement frappés et humiliés par la police chargée de faire respecter scrupuleusement le couvre-feu. Des jeunes hommes ont été forcés à s’accroupir et à avancer en sautillant comme des grenouilles sur la route. Un groupe, arrêté aux environs de Bareilly, a été rassemblé et aspergé collectivement de désinfectant chimique au tuyau d’arrosage. Quelques jours plus tard, inquiet à l’idée que cette population puisse répandre le virus dans les campagnes, le gouvernement a donné l’ordre de fermer les frontières interétatiques, y compris aux piétons, et ceux qui marchaient depuis si longtemps ont été obligés de rebrousser chemin vers des camps dans les villes qu’ils avaient été forcés de quitter.

Pour certains des plus âgés, la situation rappelait la Partition, ce transfert de populations qui a eu lieu en 1947 quand la division de l’Inde britannique a donné naissance au Pakistan. A la différence près que l’exode de 2020 n’était pas une affaire de religions, mais de divisions de classes. Il ne s’agissait pas pour autant des citoyens les plus pauvres. Ils avaient (du moins jusqu’alors) un travail à la ville et un foyer où retourner.

Quant aux sans-emploi, aux sans-abri et aux désespérés, ils étaient restés là où ils étaient, dans les villes comme dans les villages où une profonde détresse allait se creusant depuis longtemps, bien avant que survienne cette tragédie. Tout au long de cette période horrible, Amit Shah, le ministre de l’intérieur, est resté totalement absent de la scène publique.

« Les voies principales peuvent bien être vides, les pauvres sont enfermés dans des espaces exigus à l’intérieur de bidonvilles et de baraquements »

Quand la marche a commencé au départ de Delhi, je suis partie en voiture, munie d’un laissez-passer délivré par un magazine dans lequel j’écris souvent, pour Ghazipur, à la frontière entre le territoire de Delhi et l’Uttar Pradesh.

C’était une vision biblique. Ou peut-être pas. La Bible n’aurait su connaître de telles multitudes. Le confinement destiné à assurer la distanciation sociale a eu le résultat inverse : la contiguïté physique à une échelle inconcevable.

Le même phénomène se produit dans les villes grandes et petites de l’Inde. Les voies principales peuvent bien être vides, les pauvres sont enfermés dans des espaces exigus à l’intérieur de bidonvilles et de baraquements.

Le virus inquiétait chacun des marcheurs à qui j’ai parlé. Mais il était moins préoccupant, moins présent dans leurs vies que le manque de travail, la faim et la violence policière qui les guettaient. J’ai parlé à un grand nombre de personnes ce jour-là, y compris à un groupe de musulmans qui avaient réchappé à peine quelques semaines plus tôt au pogrom anti-musulman. Les paroles de l’un d’entre eux m’ont particulièrement troublée. C’était un charpentier du nom de Ramjeet, qui avait prévu de marcher jusqu’à Gorakhpur, près de la frontière népalaise.

« Peut-être que quand Modiji a décidé ça, personne ne lui avait parlé de nous. Peut-être qu’il ne sait pas ce que nous vivons », m’a-t-il dit. Par « nous », il faut entendre environ 460 millions de personnes

Un narcissisme dérangeant


En Inde (tout comme aux Etats-Unis), les gouvernements des Etats ont fait preuve de plus de cœur et de compréhension dans cette crise. Syndicats, citoyens, collectifs distribuent nourriture et rations d’urgence. Le gouvernement central a été lent à réagir à leurs demandes désespérées d’aide financière. Il s’avère que le Fonds de secours national manque d’argent disponible. A sa place, les dons des bonnes volontés se déversent dans les caisses passablement opaques du PM-CARES, le nouveau fonds attaché à la personne du premier ministre. Des repas préemballés à l’effigie de Modi ont fait leur apparition, tandis que le premier ministre partage ses vidéos de yoga nidra [yoga du sommeil, NDT] dans lesquelles un avatar à tête de Modi et au corps de rêve exécute des postures pour aider ceux qui le regardent à combattre le stress de l’isolement.

Ce narcissisme est profondément dérangeant. Peut-être Modi devrait-il inclure à ses asanas une posture « requête » par laquelle il en appellerait au premier ministre français pour qu’il annule le très embarrassant contrat signé pour l’achat de chasseurs Rafale, dégageant ainsi 7,8 milliards d’euros pour venir en aide d’urgence à quelques millions d’affamés. Nul doute que les Français se montreraient compréhensifs.

Tandis que l’on entre dans la deuxième semaine de confinement, les chaînes d’approvisionnement sont rompues, les médicaments et les fournitures essentielles se raréfient. Des milliers de camionneurs sont immobilisés le long des autoroutes, avec un accès limité à la nourriture et à l’eau potable. Les récoltes prêtes à être moissonnées pourrissent sur pied. La crise économique est là, la crise politique se poursuit.

Les médias grand public ont attelé le Covid-19 à la campagne anti-musulmane venimeuse qu’ils mènent vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Le Tablighi Jamaat, une association qui a tenu une réunion à Delhi avant le confinement, est montré du doigt et étiqueté « super-contaminateur », qualificatif par lequel on entend stigmatiser et diaboliser les musulmans. La tonalité générale suggère que ce sont les musulmans qui ont inventé le virus pour le propager délibérément dans une forme de djihad.

Les hôpitaux incapables de faire face

La crise du Covid-19 reste à venir. Ou pas. Nous n’en savons rien. Si et quand elle éclatera, nous pouvons être sûrs qu’elle sera traitée avec tous les préjugés de religion, de caste et de classe intacts et bien en place.

Aujourd’hui (2 avril), en Inde, il y a près de 2 000 cas confirmés et 58 morts. Ces chiffres sont probablement inexacts, étant donné le nombre dramatiquement bas de tests effectués. L’opinion des experts connaît des variations vertigineuses. Certains prédisent des millions de morts, d’autres beaucoup moins. Nous ne connaîtrons peut-être jamais les courbes de la crise, même lorsqu’elle nous frappera de plein fouet. La seule chose que nous savons, c’est que la ruée vers les hôpitaux n’a pas encore commencé.

Les hôpitaux et les dispensaires sont incapables de faire face au million, ou presque, d’enfants qui meurent chaque année de diarrhée et de dénutrition, aux centaines de milliers de tuberculeux (un quart des cas mondiaux), à la vaste population de mal-nourris et d’anémiques, vulnérables à toutes sortes d’affections mineures qui, dans leurs cas, se révèlent mortelles. Il leur sera impossible d’affronter une crise du même ordre de gravité que celle à laquelle sont confrontés aujourd’hui l’Europe et les Etats-Unis.

Tous les soins sont plus ou moins suspendus, moyens et personnel des hôpitaux ayant été mis au service de la lutte contre le virus. Le centre de traumatologie du légendaire All India Institute of Medical Sciences (AIIMS) de Delhi a fermé, les centaines de patients cancéreux connus sous le nom de « réfugiés du cancer » qui vivent sur les trottoirs devant l’énorme hôpital en sont chassés comme du bétail.

Des gens tomberont malades et mourront chez eux. Nous ne connaîtrons peut-être jamais l’histoire de chacun d’eux. Sans doute n’entreront-ils même pas dans les statistiques. Notre seul espoir est que l’hypothèse de scientifiques (qui fait débat) selon laquelle le virus aime le froid se confirme. Jamais peuple n’a souhaité aussi ardemment et avec autant d’irrationalité un été torride et impitoyable.

« Nos pensées se précipitent encore dans un va-et-vient, rêvant d’un retour à la normale, tentant de raccorder le futur au passé, de les recoudre ensemble, refusant d’admettre la rupture »

Quelle est cette chose qui nous arrive ? Un virus, certes. En tant que tel, il ne constitue ni ne véhicule aucun message moral. Mais c’est aussi, indubitablement, plus qu’un virus. Certains croient qu’il s’agit de l’instrument de Dieu par lequel Il nous rappelle à la raison. Pour d’autres, c’est le fruit d’une conspiration de la Chine pour prendre le contrôle du monde.

Quoi qu’il en soit, le coronavirus a mis les puissants à genoux et le monde à l’arrêt comme rien d’autre n’aurait su le faire. Nos pensées se précipitent encore dans un va-et-vient, rêvant d’un retour à la normale, tentant de raccorder le futur au passé, de les recoudre ensemble, refusant d’admettre la rupture. Or la rupture existe bel et bien. Et au milieu de ce terrible désespoir, elle nous offre une chance de repenser la machine à achever le monde que nous avons construite pour nous-mêmes. Rien ne serait pire qu’un retour à la normalité. Au cours de l’histoire, les pandémies ont forcé les humains à rompre avec le passé et à réinventer leur univers. En cela, la pandémie actuelle n’est pas différente des précédentes. C’est un portail entre le monde d’hier et le prochain.

Nous pouvons choisir d’en franchir le seuil en traînant derrière nous les dépouilles de nos préjugés et de notre haine, notre cupidité, nos banques de données et nos idées défuntes, nos rivières mortes et nos ciels enfumés. Ou nous pouvons l’enjamber d’un pas léger, avec un bagage minimal, prêts à imaginer un autre monde. Et prêts à nous battre pour lui.

Traduit de l’anglais par Irène Margit.

© Arundhati Roy 2020. Ce texte a été publié pour la première fois dans le « Financial Times ».
Il est publié, en France, par « Le Monde », et fera l’objet d’une parution numérique dans la collection « Tracts de crise » des éditions Gallimard.

Arundhati Roy, écrivaine et militante indienne, est l’auteure, entre autres, des romans « Le Dieu des Petits Riens » (Gallimard, 1997) et « Le Ministère du Bonheur Suprême » (Gallimard, 2018), ainsi que de plusieurs essais politiquement engagés, dont « Au-devant des périls. La Marche en avant de la nation ­hindoue », texte sur Narendra Modi paru le 19 mars ­(Gallimard, « Tracts », 64 p., 3,90 € ; numérique 3,50 €).


Arundhati Roy(Ecrivaine indienne)
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hazufel
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Re: Discutons ici du Covid-19 !

Message par hazufel »

sur France Inter, dans les pieds sur Terre :

Journal de non confinement, une caissière et un livreur

Extraits :

« Il y a au moins dix zones de contacts dans un immeuble pour un livreur. Je fais descendre les clients en bas de l'immeuble pour éviter tout contact avec les parties communes. Aujourd'hui je devais livrer une pizza. Le client m'a demandé si je n'utilisais pas le coronavirus comme excuse à ma fainéantise.. »
:( :(

« Le concurrent est équipé d'un filtrage à l'entrée et les caissiers et caissières ont des masques. Ce n'est pas le cas chez nous. On se lève le matin pour rendre service à notre employeur mais il joue avec nos vies.

Les gens achètent au jour le jour, des choses non-essentielles comme des bières ».
:( :(
TSA
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lulamae
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Re: Discutons ici du Covid-19 !

Message par lulamae »

Le père d'une amie de ma fille travaille dans l'agro-alimentaire : ils vont aussi travailler sans masque, on ne leur donne que du gel hydro-alcoolique.
Il a eu une retenue de 15 mn la semaine dernière sur son salaire parce qu'il est arrivé 1 mn en retard à cause d'un contrôle policier. :?

A noter que l'employeur ne met pas que la vie des caissiers et employés en danger en ne filtrant pas, mais celles des clients aussi. Sans compter que les clients pourraient bien passer à la concurrence si le supermarché est plus sécurisé.
Diagnostic d'autisme juillet 2019.