Je n'ai pas l'impression que l'inclinaison particulière pour la science-fiction des personnes présentant des troubles autistiques de la personnalité ait été vraiment creusée sur le forum jusqu'ici (je m'excuse par avance si c'est le cas). Beaucoup d’auteurs dans ce genre sont aujourd’hui présumés autistes ; parmi les cas les moins contestables figurent les écrivains H.P. Lovecraft et Isaac Asimov ou le réalisateur Stanley Kubrick.
À mon sens, je vois déjà ces raisons pour expliquer une telle attirance :
- La S-F adopte une vision du monde clairement matérialiste/naturaliste, en phase avec la pensée analytique et le rationalisme "pathologique" des autistes.
- Elle est organisée en une sous-culture au sein de laquelle des autistes sans déficience intellectuelle, particulièrement durant toutes les années où ils sont restés invisibles du monde médical, ont pu trouver une communauté partageant et valorisant leurs centres d’intérêt.
- Elle leur offre la possibilité de s’évader un temps d’une société humaine qui n’a pas été bâtie pour eux. Elle peut avoir un effet narcotique.
- Cette "pornographie des idées" aborde des thèmes qui leur parlent plus intimement. S’interroger sur l’essence de la nature humaine, traiter de la différence, constitue l’un de ses enjeux. Les autistes ont souvent du mal à comprendre et à s’intéresser aux motivations des personnages d’un récit fictionnel réaliste, qui se résument trop souvent à qui sait quoi, qui n’est pas au courant de quoi, qui a fait quoi avec qui, etc.
- La S-F s’intéresse au fond plus à l’objet technique et à l’Autre qu’à l’humain "normal". L’Autre peut directement s’incarner dans des personnages neurodivergents. Citons ainsi, parmi beaucoup d’autres exemples littéraires, À la poursuite des Slans d’A. E. van Vogt, Les Coucous de Midwich de John Wyndham (Le Village des damnés dans ses adaptations cinématographiques), Glissement de temps sur Mars de Philip K. Dick ou encore L’Oreille interne de Robert Silverberg qui peuvent plus particulièrement évoquer des personnalités autistiques. Dans ce genre résolument métaphorique, cet Autre peut encore plus fréquemment prendre la forme de l’être artificiel ou de l’extraterrestre humanoïde. La métaphore permet notamment de représenter de façon saisissante le contraste entre les accomplissements intellectuels des personnes atteintes d’autisme et l’évident déficit émotionnel qui régit leurs relations sociales. Celles-ci s’identifient à tous ces "monstres" fictifs, confrontés aux mêmes isolement, incompréhension, incommunicabilité, rejet et souffrances psychologiques. Et ce d’autant plus facilement qu’il leur arrive d’être péjorativement taxées par les gens normaux (ou neurotypiques), sur leurs seules apparences, d’ordinateurs sans âme, de robots, d’extraterrestres ou encore de zombies.
Cela vous semble-t-il correct, voyez-vous d'autres raisons, peut-être encore plus fondamentales ?
Pas encore "officiellement" diagnostiqué. Hésite encore à entreprendre cette démarche.