Je ne suis pas du tout d'accord avec les critiques.
1/
Ce n'est pas le cliché de l'autiste qui ne ressent rien, c'est la description de l'alexithymie (= ne pas
percevoir ses émotions). Il y a écrit "elle-même
se perçoit". Je me perçois aussi comme ça parce que je suis alexithymique, même si je sais que je ressens des émotions.
2/ Aurore dit qu'elle voit "derrière les yeux des gens", c'est déjà très différent de "lire dans les yeux des autres". Je trouve ça authentique parce qu'en fait il ne s'agit pas de déchiffrer les émotions mais plutôt de percevoir quand le discours de la personne ne correspond pas à ce qu'elle dégage (il y a l'exemple de ses parents, notamment). J'ai beau ne pas détecter la tristesse en tant que telle, je ressens un malaise face à quelqu'un qui fait semblant d'aller bien. C'est de ça qu'il est question, et de la comédie sociale.
3/ Concernant le regard, les autistes (surtout enfants) peuvent avoir un regard très fixe, dans le genre "rayons X". Quand j'étais petite, le peu de personnes que j'arrivais à regarder me demandait de ne pas le faire car je leur fichais la trouille. On me le dit encore parfois. Ce qui est un cliché c'est l'autiste qui ne regarde jamais, car au contraire c'est un problème d'intensité (=trop fixer ou pas du tout).
4/ L'histoire des "pouvoirs" est à remettre dans le contexte de parution, qui est celui de la littérature jeunesse. Secteur très codifié, qui demande de l'exagération et une pointe de merveilleux si on veut que le public s'y intéresse. On en avait déjà parlé au sujet des
Autodafeurs de Carteron. Une histoire d'enfant autiste sans "pouvoirs sortant de l'ordinaire", personne ne la lit, surtout pas les enfants/ados.
Et personnellement je préfère 1000 fois Aurore et ses "pouvoirs" à un énième égotrip où l'enfant est moins un personnage qu'un faire-valoir qui montre combien ses parents sont formidables (=98% de la littérature sur le sujet, que ce soit en fiction ou en essais).
5/
Je suis surprise de voir des membres de collectifs pseudo-autistiques parler de "livre faussé". Le travail de Sfar et Kennedy a déjà le mérite d'être vendu comme de la fiction, ce qui n'est pas le cas des communautés aspienets qui prétendent représenter les autistes de manière authentique.
Je trouve Aurore bien moins fictive et "faussée" que la plupart des profils composant ces entités. Et je veux bien qu'on critique mais dans ce cas ça a plus de poids quand on essaie de faire partie de la solution au lieu de généraliser des attitudes qui font partie du problème.
Bref: je suis autiste et j'adore ce livre. Par contre je déteste qu'on parle à ma place.