lulamae a écrit : ↑jeudi 19 décembre 2019 à 19:13
le problème pour moi n'est pas que je ne me sente pas légitime en tant qu'autiste, il est que j'ai souvent le sentiment de m'exprimer trop et de ne pas apporter le contenu attendu (lectures, parole officielle). Je ne suis pas dans une association, je n'ai pas lu toute la littérature scientifique (en ce moment, ce serait plutôt "droit administratif" et "tout sur la fonction publique" pour passer un p*** de concours alors que j'en ai déjà un).
Je n'ai RIEN à apporter que mes réflexions personnelles ou questions.
C'est peut-être le cap autour duquel les gens qui ont été diagnostiqués finissent par ne plus intervenir, je ne sais pas… En tout cas, je veux réfléchir à une autre manière de contribuer, si j'ai envie de reprendre la parole, parce que
sans les appuis théoriques, en dehors du diagnostic, rien ne me différencie, encore et toujours, des personnes en recherche. Et quand bien même j'aurais le temps de lire les écrits reconnus, je n'ai pas cette assurance de parler de l'autisme pour tout le monde, ni d'amener des contenus que je saurais être sûrs et certains (???).
C'est vain tout ça - je n'ai pas "le profil".
lulamae a écrit : ↑jeudi 19 décembre 2019 à 21:31
Qui sait ? Je trouverai peut-être une place un jour.
Je ne sais pas ce qu'est "le profil", Lulamae.
Quant à ta place, tu l'as déjà trouvée.
Il a fallu toute sa vie à Rousseau pour parvenir à formuler cette réalité incontestable de la condition humaine: "Je suis tout entier là où je suis."
Tu es diagnostiquée TSA.
Tu as une forte capacité auto-réflexive (insight).
Tu te passionnes pour le sujet de l'autisme, tu lis beaucoup, y compris en anglais et tu offres généreusement ta contribution à la traduction d'articles ardus rédigés en anglais, permettant ainsi à tous ceux qui le désirent d'en prendre connaissance.
Tu as donc d'emblée des points de vue différents à exprimer.
Et du fait de ta capacité à les mettre en relation, tu es capable de donner un éclairage plus vaste, plus puissant, que les autistes qui ne savent décrire que leurs propres comportements sans élaborer sur "comment ça se passe quand je perçois et traite des stimuli", ou que les autistes qui n'étudient pas l'autisme, ou que les non-autistes qui étudient l'autisme, ou encore que l'immense majorité de ceux qui dans ce monde se contentent d'une représentation figée de l'"autisme" pour juger sans rien connaître, ni de l'intérieur, ni de l'extérieur.
Personne n'est capable de parler de l'"autisme" de façon certaine, exhaustive ni surtout d'une façon suffisamment générale pour que les propos énoncés puissent concerner l'"autisme" dans tout le spectre et décrire les "autistes" dans tout le spectre. Ni les autistes qui le vivent dans leur singularité, ni les non-autistes qui en parlent de leur point de vue extérieur, observateurs de certains comportements qui leur semblent au mieux "bizarres", au pire "pathologiques".
Alors quoi ? Il faudrait se taire ?
Le plus important à mes yeux est que chacun soit conscient de la place d'où il parle - la sienne -.
Quand on est autiste, cette place est particulièrement investie, habitée, au détriment de tous les rôles sociaux si facilement joués par les non-autistes. J'ai déjà évoqué le mot maori pour désigner l'autisme: "Takiwatanga", qui signifie "his or her own time and space" (son propre espace-temps). Sur cette base, je m'efforce de n'exprimer que ce que, en conscience, je vois et comprends du monde. Et dès que je fais un apport de la pensée d'autrui, je le fais sous forme de citations. Et en général, quand je cite, c'est que je vois aussi les choses de cette façon, mais je n'aurais pas su l'exprimer si clairement et précisément. J'ai du mal à traduire en mots ce qui se passe dans ma tête. Et les mots des autres m'aident quand je les rencontre. C'est un peu comme si je lisais le contenu de mon cerveau.
La question posée dans le sujet sur lequel je suis en train de faire un hors sujet, je ne peux qu'y répondre de mon propre point de vue. Je suis HPI et TSA, et je suis très confortable avec les deux "étiquettes", mais uniquement parce qu'elles s 'appuient sur des caractéristiques de mon fonctionnement qui m'ont été données d'un point de vue extérieur et dans lesquelles je me suis reconnue. Je suis bien incapable de généraliser: il est tout à fait possible que certaines formes de TSA soient incompatibles avec le HPI (du moins celui qui est repéré avec les tests de QI du type WAIS) et que certains HPI soient clairement non concernés par le TSA.
En fait je m'en fiche qu'il n'y ait pas de réponse à cette question générale. C'est toujours un grand étonnement pour moi de constater cette obsession du passage du singulier à l'universel, surtout en passant par des catégorisations abstraites qui sont déjà des généralisations.... Je sais bien que tout dialogue est impossible en l'absence de langage commun, mais il me semble que souvent on utilise certains mots (catégories, concepts) comme s'ils correspondaient à une réalité bien concrète, ininterrogeable, alors que ce n'est pas le cas.