Je suis de retour, besoin de me confier
Donc, j'ai eu la restitution du diagnostic par le CRA.
C'était un rdv d'une heure environ pendant lequel je n'ai pas arrêté de pleurer du début à la fin, même avant qu'ils commencent à parler… Je sais que c'était une période où les hormones devaient jouer sur ma sensibilité m'enfin quand même, à 27 ans, j'aurais cru que je me contrôlerais un peu plus lors de ce rdv… Sans doute trop d'émotions pour moi, depuis deux ans que j'attends cette réponse… Et pourtant, je n'appréhendais pas plus un oui qu'un non… Enfin à vrai dire quand ils m'ont demandé pourquoi je pleurais je n'ai pas su répondre.
Il s'avère qu'ils m'ont expliqué leur raisonnement qui a abouti au diagnostic : "non autiste", et le psychiatre (assisté par l'infirmière), m'a même affirmé qu'il pouvait dire cela avec certitude.
Son raisonnement était le suivant: il y aurait deux types de TSA ( sans déficience intellectuelle) : ceux pour lesquels les manifestations sont à peu près stables dans le temps et ceux pour lesquels elles ne sont visibles que pendant l'enfance puis compensées ("autistes invisibles").
Ils ont apparemment, et à mon plus grand regret, été influencé dans tout leur raisonnement par l'interrogatoire sur la petite enfance.
Etant donné que ma mère, qui a parlé avec l'infirmière assez longtemps n'a très certainement fait part d'aucune anomalie, ils n'ont pas cherché plus loin. Or le psychiatre a même dit : "à moins que votre mère n'ait pas tout dit et soit dans le déni, on peut conclure (…)". Ma mère m'a même expliqué comment s'est passé l'interrogatoire, et sans qu'elle m'explique je savais déjà ce qu'elle dirait. J'ai en effet l'impression qu'elle est vraiment subjective sur cette question, et je ne sais pas s'il s'agit de déni, mais je pense qu'elle a guidé le diagnostic comme elle l'entendait. Quand je parlais avec ma mère, les dernières années, et que je lui faisais part de mes ressentis quand à mon identification au syndrome d'asperger (toute contente de pouvoir enfin mettre des mots sur des souffrances et des parts de moi-même), en parlant même avec elle de points très précis et très nombreux, elle se contentait de répondre systématiquement "mais non, c'est normal, tout le monde a ça"... Comme si ce que je disais n'avait aucun sens pour elle. Ca a été des dizaines et des dizaines de fois des frustrations assez énormes, des sentiments d'être incomprise et de solitude… Et avec l'infirmière, je sais que ma mère (qui me l'a même avoué) a affirmé du début à la fin que j'étais "une enfant tout à fait normale", que mon développement psychomoteur était des plus normal (elle a du préciser qu'elle était infirmière aussi auparavant et qu'elle a déjà travaillé avec des autistes, pas asperger à ma connaissance, mais bref)… Elle n'a, à mon avis, et ce n'est pas pour être mauvaise langue, même pas cherché à relever des détails qui auraient pu avoir toute leur importance. Je lui ai demandé si elle les avait mentionné et elle m'a dit que non, comme si je cherchais trop loin ! Alors que pour moi ça avait du sens. Par exemple, jusqu'à au moins 4 ou 5 ans, je parlais en prononçant mal (avec des "ch"), c'étais pas évident de me comprendre; bébé je ne savais pas du tout marcher à quatre pattes normalement, j'ai vu les vidéos… J'étais très mature pour mon âge quand je commençais à grandir, comme une petite adulte, j'appelais parfois mon père par son prénom au lieu de l'appeler papa… J'avais un regard plutôt fixe comparé à mes frères et sœurs, dans ce que je vois sur toutes, abolument toutes, les vidéos d'enfance. Bref, des choses singulières. Et oui, j'avais des copines. Oui, je faisais preuve d'échange, oui je faisais des jeux avec des personnages et jeux de rôle. Mais est-ce qu'il faut s'arrêter là ?
Le CRA m'a fait en tout et pour tout faire deux choses: parler avec un psychiatre et répondre à des questions sur des situations. Soit en tout un seul type de test. Je n'ai vu aucun psychomotricien, aucune orthophoniste, je n'ai passé aucun test de QI.
J'ai en effet passé auparavant des tests avec une neuropsychologue qui avaient été transmis au CRA. Mais ça a joué en ma défaveur : notamment, j'ai répondu presque tout juste à l'interprétation des regards. Or justement, j'ai aussi presque fait un sans faute aux questions sur des situations sociales du CRA.
De là à passer directement à la conclusion, sans envisager que je puisse être capable de compenser mes difficultés, sans avoir pris la peine d'analyser tout ce en quoi je me reconnais dans le syndrome d'asperger… Je trouve cela assez léger, pour un diagnostic réputé officiel.
De plus, ils ont insisté sur le fait que je n'ai pas de problème avec la théorie de l'esprit.
Ils m'ont également affirmé que mon intelligence semblait répartie de manière homogène au vu des résultats scolaires rapportés… mais, l'école est-elle un moyen fiable pour définir l'intelligence d'une personne ?
D'après eux, j'ai simplement une dépression et une anxiété sociale, et je devrais apprendre à m'affirmer, à gérer mes émotions… changer d'environnement, etc. Même si tout cela me parait vrai, le problème me parait beaucoup plus large que cela… Et sincèrement, de l'intérieur, je trouve cela beaucoup plus complexe et je me reconnais très fortement dans le fonctionnement de l'autisme, dans tous les critères. Cela fait quand même plus de deux ans que j'ai fait un "puzzle" sur moi-même avec tout cela, et leur réponse m'a particulièrement heurtée, même avec toute leur diplomatie et toute leur sympathie, ainsi qu'avec quand même beaucoup de compétences sur le sujet, je n'affirme pas non plus du mal sur eux.
Je repars avec le doute qui plane toujours. Et le pire dans tout ça, c'est que quand ils m'ont demandé ce que je pensais de leur raisonnement et si j'avais quelque chose à ajouter, je n'ai pas su leur exprimer tout ça. La seule chose que j'ai ajouté, c'est de demander comment est-ce qu'ils expliquaient que dans mes relations amoureuses j'ai parfois des copains complètement atypiques eux aussi, sans les avoir cherchés nul part. Pourquoi et comment est-ce que je suis capable de m'entendre et de si bien comprendre ce type de personnes ? (excusez-moi pour le terme "type").
J'espère avec ma remarque avoir au minimum fait avancer la science, et j'espère aussi que j'aurai l'occasion de bientôt demander un deuxième avis ou éventuellement passer un test de Qi pour vérifier un éventuel statut HPI/asperger, ce qui avait été suggéré par ma neuropshychologue, bien qu'elle ne se soit jamais positionnée franchement… Jusqu'ici j'affirmais que je ne pensais absolument pas être HPI, juste asperger. Maintenant, j'ai un doute. Si c'est si masqué que ça ! Peut-être que je suis aussi HPI. Ou alors: "pas assez autiste" ?
Sur ce, je vais modifier ma signature sur le forum. Honnêtement, je suis triste, je repars avec le sentiment de ne pas avoir été libérée de cette question qui me pesait (si ce "non" est si vrai, j'aurais voulu en être convaincue, et dieu sait que j'ai confiance dans les médecins, même là une part de moi même voudrait leur faire confiance)… et avec le sentiment que je n'arriverai jamais à être comprise par les autres.
Je ne me sens pas seulement "en dépression". Je me sens souvent "en dépression". Mais je me sens surtout en lutte constante pour tenir le coup, pour m'adapter aux autres, capable de m'effondrer à n'importe quel moment sans avoir pu l'anticiper, ni sans pouvoir exactement comprendre la cause. Je me sens différente et c'est fatiguant de toujours faire en sorte de le cacher, c'est frustrant de ne pas pouvoir dire "pourquoi". Je me sens jugée, rejetée… pas jugée à ma vraie valeur. J'ai l'impression de faire le double d'efforts par rapport à une personne lambda ayant mes capacités, et d'obtenir le double de critiques. Je ne me vois pas raisonnablement continuer comme ça en faisant abstraction d'un diagnostic qui aurait pu être essentiel sous prétexte qu'il faudrait que je fasse confiance à une réponse en laquelle je ne crois pas.
Je connais des gens en dépression et je ne reconnais absolument pas mes spécificités chez eux, je crois que je peux en conclure que les éléments ressemblant chez moi syndrome d'asperger ne sont pas seulement des conséquences de la dépression.
C'est désolant, vraiment désolant, de faire des efforts pour avoir l'air normale, et d'être injustement jugée : normale. Ca ne donne plus envie de faire d'efforts, honnêtement.
Voilà j'espère ne pas me tromper, ne pas être seulement une personne qui n'accepte pas son diagnostic, mais c'est très sincèrement ce que je ressens aujourd'hui deux jours après la restitution du diagnostic.