ABFH-Sur le fait d'être indépendant(e)

[Ole Ferme l'oeil]

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Mardi, 20 Mars, 2007
Sur le fait d'Être Indépendant(e)

Les parents disent souvent que le but le plus important qu'ils aient pour leur enfant autiste est que l'enfant soit capable de vivre indépendamment une fois adulte. Et il est assez compréhensible qu'ils ressentent les choses de cette façon, Étant donné combien notre société est terriblement discriminatoire contre quiconque n'entre pas dans la catégorie "indépendant". Ne pas être indépendant est communément associé avec la pauvreté, l'infériorité, les abus, et l'institutionnalisation. Il en résulte, que les parents s'embarquent souvent dans une quête frénétique pour "sauver" leur enfant de ce destin redouté au moyens de diverses thérapies, peu importe quels en seront les coûts.

Mais qu'est-ce-que ça signifie réellement, cependant, quand nous disons qu'une personne est indépendante? Il y a de si nombreuses variables culturelles qui jouent dans la détermination de ce statut, et souvent ils sont plutôt arbitraires et ont bien peu à voir avec les capacités d'une personne en elle-mêmes.

Par les standards de notre société, Je suis actuellement dans la catégorie "indépendante" parce que j'ai une maison, un travail, et une voiture. Je ne me charge pas personnellement de la maintenance de ma maison et de ma voiture car il me manque les aptitudes mécaniques nécessaires, mais heureusement pour moi, notre culture autorise les personnes ayant un travail à entrer dans la catégorie "indépendant" même si ce sont d'autres personnes qui s'occupent de l'entretien de la voiture et de la gestion du domicile.

Maintenant supposons qu'une crise économique nous fasse tomber dans une période de grande récession et que je perde mon emploi et qu'il me faille déménager et m'installer chez mes parents. En un instant, je serai transformée en adulte autiste dépendante et de ce fait un objet de pitié, même si aucuns de mes talents et aptitudes n'aurait changé d'un iota. Je pourrais choisir de passer mes journées à améliorer la société en enseignant aux illettrés ou servir des repas dans un refuge pour personnes sans-domicile-fixe, mais aussi longtemps que je ne serai pas payée pour ça, Je serai toujours vue comme une personne dépendante qui ne contribue pas à la société.

Si j'avais alors la chance exceptionnelle d'acheter un billet de loterie me faisant gagner plusieurs millions de dollars pendant que je vis avec parents, cependant, je rebondirais immédiatement dans la catégorie des personnes indépendantes socialement acceptables, malgré le fait que je ne travaille pas. Je pourrais aller vivre dans quelque club de vacances tropical décadent et y passer toutes mes journées à boire des margaritas sur la plage et ne faire absolument rien de productif, mais je jouirais toujours d'un statut social bien plus élevé que tous les travailleurs de là-bas.

Imaginons alors qu'après avoir vécu dans un luxe hédoniste pendant quelques temps, j'aie honte de moi, que je distribue toute ma fortune pour aider à nourrir les affamés de la terre, et que j'aille vivre quelque-part dans une hutte en terre et réfléchir sur la signification de l'existence humaine tout en travaillant bénévolement pour m'occuper des enfants malades dans une clinique de village. Non seulement mon statut social dégringolerait jusqu'à terre, but mais quelqu'un suggérerait probablement à mes parents d'essayer d'obtenir une tutelle sur moi pour me protéger de moi-même.

Si je passe les quelques années suivantes comme femme au foyer à élever mes enfant, je retournerai dans la catégorie: adulte indépendante respectée, sans attention prêtée au fait que ce soit mon mari qui paie les factures. Ma contribution à la société serait considérée comme noble, et je serai une incarnation reluisante des valeurs familiales.*

Mais si mon mari emportait tout l'argent et se tirait en Jamaïque avec une bimbo, me plantant là comme une mère célibataire sans-le-sou recevant l'aide sociale dans des logements sociaux, je deviendrais instantanément un poids regrettable pour la société, bien que je sois toujours la même mère dévouée prenant soin de ma demeure et racontant des histoires à mes enfants.

Puis, si je transformais ces histoires en un livre best-seller et obtenait un gros contrat pour de nombreuses suites, peut-être que je pourrais être une célébrité, apparaitre dans des talk shows et étant l'invitée de marque dans des conventions. Les gens liraient avec envie des articles sur moi dans les tabloïds. Je pourrais vivre dans un manoir immense avec un cuisinier, une gouvernante, et un chauffeur.

Quelques années plus tard, disons que mes livres ne sont plus aussi populaires Et que je n'aie plus les ressources pour conserver mon manoir et mes serviteurs. Que je développe alors quelque sorte de condition physique handicapante qui me rende hautement difficile la gestion des tâches ménagères. Ma compagnie d'assurance invalidité s'arrangerait pour me fournir les services d'un(e) assistant(e) pour m'aider à cuisiner, faire le ménage, et faire mes courses. Maintenant je ne serais plus considérée comme étant indépendante, bien que mon assistant(e) fasse exactement le même travail que celui que faisaient mes serviteurs quand j'étais une personne valide paresseuse.

Peut-être qu'au cours du temps ma santé s'améliorerait, et je n'aurais plus besoin d'assistance pour la gestion des tâches ménagères. À présent, je serais suffisamment âgée pour commencer à utiliser le plan d'épargne retraite que j'avais mis en place lorsque j'étais un auteur à succès, et je me reposerais pour apprécier le statu social relativement confortable d'une personne de classe moyenne à la retraite.

Enfin, jusqu'à ce que je développe des problèmes de santé à nouveau, cela-dit. alors assurément certaines personnes commenceront à grommeler quand aux ressources gaspillées pour préserver mon vieux corps décrépit, qui est regrettablement resté en vie plus longtemps que les statistiques actuarielles ne l'avaient prédit, et devrais faire preuve d'assez de considération pour tomber morte et dégager du chemin.

Si vous trouvez que tout cela est complètement aléatoire et bizarre et n'a pas quoi que ce soit à voir avec l'autisme—C'est justement là que je voulais en venir.

Tags: culture, handicap

Note du traducteur:
*Enfin je n'irai pas jusqu'à dire que les femmes au foyer ne sont absolument jamais stigmatisées.

[maho]

considering how strongly prejudiced our society is

Est ce que "discriminatoire " pourrait aller la?

[Ole Ferme l'oeil]

Peut-être...

[Ole Ferme l'oeil]

J'ai suivi ton conseil, merci maho!

[Jonquille57]

J'ai hâte de lire la suite.... en français.

[Ole Ferme l'oeil]

Tu vas être contente, C'est prêt!

[Jonquille57]

Merci Olé ! Je lirai demain matin...

[Jean]

pourquoi attendre, Jonquille? En plus tu verras une note très gentille du traducteur !

[Jonquille57]

pourquoi attendre, Jonquille? En plus tu verras une note très gentille du traducteur !

Hé bien, il y en a qui lise le journal en buvant leur café du matin, et moi, je lis les articles du forum en trempant mon pain + confiture dans mon bol de café au lait...

[Jonquille57]

Je rajouterai que les mères au foyer ne sont respectables que lorsqu'elles ont au moins 2 enfants... sinon...

[Jonquille57]

Et en tout cas, on pourrait disserter longtemps sur la nation d'indépendance... un peu comme sur la notion de liberté : c'est une discussion sans fin.

[jakesbian]

pour moi, la notion d'indépendance est d'abords de "pouvoir décider soi même du contenu de sa vie"...
... quelque soit sa situation géographique, physique, professionnelle ou financière.

la dignité de vivre comme on aime, sans avoir à supporter le jugement d'autrui; pouvoir, chaque jour s'endormir en étant fier de sa journée, même si celle-ci s'est résumée à un sourire...
... car le sourire, même si il ne coute rien, apporte beaucoup.

on peut être riche, travailleur, très entouré et occupé... et être malheureux, seul dans sa tête... et très dépendant d'un bonheur qu'on n'arrive pas à trouver... qui s'appelle "simplicité", et dont on peur d'en être jugé.

[Jonquille57]

Tout dépend aussi de l'importance que l'on donne au regard des autres ( et de leur jugement ) ...

Être seul dans son coin n'est pas vraiment la panacée... si on ne peut pas partager son bonheur...

[Ole Ferme l'oeil]

pour moi, la notion d'indépendance est d'abords de "pouvoir décider soi même du contenu de sa vie"...
... quelque soit sa situation géographique, physique, professionnelle ou financière.

la dignité de vivre comme on aime, sans avoir à supporter le jugement d'autrui; pouvoir, chaque jour s'endormir en étant fier de sa journée, même si celle-ci s'est résumée à un sourire...
... car le sourire, même si il ne coute rien, apporte beaucoup.

on peut être riche, travailleur, très entouré et occupé... et être malheureux, seul dans sa tête... et très dépendant d'un bonheur qu'on n'arrive pas à trouver... qui s'appelle "simplicité", et dont on peur d'en être jugé.

Exactement, beaucoup de personnes handicapées luttent pour l'indépendance selon cette définition, malheureusement l'imagerie populaire qui accompagne ce mot est beaucoup plus étroite.
d'où l'utilité du texte d'ABFH pour remettre les pendules à l'heure.
Apparemment toi tu as déjà compris.
Mais je crains que ce texte soit encore nécessaire pour discuter de la notion d'indépendance dans le domaine du handicap.

[jakesbian]

il est vrai, jonquille, que seul au monde... on a personne à qui sourire .

je pense que pour ne pas devenir dépendant, il faut être acteur de sa vie et non consommateur.

maintenant, tout le monde n'en est pas capable; et il y a ceux qui veulent suivre le mouvement pour s'intégrer à un groupe...
... maintenant, je pense que le pire des comportements est de rendre quelqu'un dépendant, en décidant et faisant tout à sa place... et lui disant que c'est pour son bien.