Benoit a écrit :Ca suppose que l'oeuvre intégrale n'a de sens que si elle est publiée (ou écrite de façon définitive).
Ce n'est pas tout à fait ce que j'évoquais, mais c'est vrai que j'ai du mal à être claire, enfin encore plus que d'habitude (j'ai changé de croquettes, là je suis aux Royal Canin je suis pas habituée...
)
Je pense que si tu te mets à la place de Lovecraft (vaste entreprise oui, à la fois parce que c'est lui et parce que c'est toi...
), tu vas écrire différemment selon que tu écris des nouvelles qui ont peu de chances d'être publiées ou une série de romans qui est validée.
Une métaphore qui va peut-être m'aider à éclaircir c'est celle des cases de bd. Quand tu écris une bd, tu as un nombre de cases et surtout un format de case, ce qui restreint ton espace d'expression. Même si des gens comme Larcenet avec Blast ont commencé à "agrandir les cases" et changer le format, les auteurs de bd ont souvent peu de place pour évoquer à la fois une ambiance, un décor, des personnages, des émotions...
Si tu es Lovecraft qui écrit ses nouvelles, tu n'as aucune idée ni de la grandeur ni du nombre des cases, et en fait tu n'es même pas sûr qu'il y aura des cases. Pourtant, tu veux vraiment t'exprimer (on a beau dire ce qu'on veut de Lovecraft c'était quelqu'un qui voulait s'exprimer auprès d'un lecteur, réel ou imaginaire). Du coup, tu es obligé de mettre des milliards de détails dans un dessin format timbre poste, parce qu'il faut qu'il y ait l'atmosphère, le début, les caractéristiques des personnages, les péripéties et la fin. Tu ne peux pas faire autrement.
Là oû intervient la notion de publication, c'est que j'ai senti chez des auteurs comme Salinger une certaine indifférence au lecteur dans les écrits (d'ailleurs certains de ses textes publiés n'auraient pas dû l'être, logiquement, et je trouve que ça se sent). Il te balance des trucs, mais un peu comme Lynch avec ses films, sa préoccupation première n'est pas forcément que tu y comprennes quelque chose.
En revanche chez Lovecraft et C.Doyle (puisque c'est de lui que c'est parti) par exemple, je sens un réel désir de tout expliquer et de donner un max de détails au lecteur pour être compris au mieux. Même dans des toutes petites cases (qui sont devenues immenses mais ça ils ne pouvaient pas le savoir), ils ont mis une densité phénoménale d'éléments. Et il y a certaines enquêtes de Sherlock ou nouvelles de Lovecraft qui me paraissent bien plus riches en 20 pages que des séries de 15 bouquins. Je pense que le format de la "case" a joué sur la qualité de l'oeuvre, en ce sens: la construction a été certainement plus minutieuse car la latitude d'expression était aussi restreinte qu'incertaine.
Je ressens chez certains auteurs le besoin d'étoffer et de donner un maximum de sens, peu importe le format, et peu importe que l'oeuvre soit publiée ou pas. Je pense que c'était juste caractéristique de leur façon d'écrire, et que le fait d'avoir à disposition l'oeuvre globale directement amoindrit un peu cette particularité (qui se retrouve aussi parfois dans les comics).
J'espère que je n'ai pas trop obscurci en voulant éclaircir
Je te suis à propos de Zelazny, et effectivement j'ai un peu peur au sujet de Mr Martin: ça me parasite un peu la chose car je ne suis pas fan des trucs pas finis et là c'est assez quantique comme délire (en +, clairement j'ai peur qu'il meure, aussi
)