une vision du couple ... écrite par quelqu'un qui fait du bien au mien (de couple) (Aspie + NT)
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Le couple : amour et paradoxe
"L’amour c’est donner ce que l’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas." Jacques Lacan
Dans cet article, j’aimerais tenter de vous partager ma propre représentation de ce que signifie le couple, je dirais d’un point de vue psychothérapeutique. Et pour cela, la notion de paradoxe me semble au cœur de la réflexion.
Commençons donc d’abord par un bref point lexical. Qu’est-ce qu’un paradoxe ? C’est un fait ou une idée qui semble défier la logique car comportant deux propositions apparemment contradictoires (exemples: la victoire du plus faible, il est interdit d’interdire, ne jamais dire jamais, si tu m’aimais vraiment tu aimerais la soupe…). Ensuite, qu’est-ce que j’entends par « couple » ? Je pense au couple en tant que 2 personnes majeures, de même sexe ou non, engagées dans une relation sentimentale privilégiée et notoire (autrement dit, deux amants clandestins, à mes yeux, ne font pas couple ou en tout cas pas encore).
De nos jours, l’idée du couple est chahutée. Le bouleversement des schémas familiaux et la part belle faite à l’individu peuvent pousser à remettre en cause la raison d’être du couple. Sa pertinence, son utilité, son symbolisme, sa légitimité,…en un mot : son sens. Et l’allongement de la durée de la vie n’arrange rien à l’affaire: auparavant, c’était souvent la mort qui mettait fin au couple. Désormais, la question se pose pour de vrai : comment pourra-t-on passer 20, 40, 60 ans ensemble !?…Aimera-t-on encore ? En sera-t-on encore capable ? La question peut réellement créer la panique. Alors on peut être tenté de balayer d’un revers de manche ce truc un peu trop « gnan-gnan . Ou encore se la jouer cynique en décrétant que faire couple c’est dépassé, « has-been ».
Pour autant, désolée, je ne prendrai pas tout à fait le contrepied de cette position. Je ne clamerai donc pas que le couple est la clé du bonheur, de l’épanouissement. J’ignore si le couple est LA solution. Mais c’est UNE solution. Et c’est cette forme relationnelle que j’ai plaisir à accompagner. Ni plus, ni moins.
Revenons-en maintenant au paradoxe. Le couple, c’est du paradoxe à haute dose, nous sommes bien loin des concentrations homéopathiques. Au sein du couple, les paradoxes s’empilent. Une thérapie en couple –non pas une thérapie de couple-, c’est se mettre face à ces paradoxes auxquels on ne peut pas se soustraire. Et je vais tenter de vous exposer l’un de ces paradoxes fondamentaux, en vous en présentant les deux propositions apparemment antagonistes.
Proposition 1
Le couple, c’est LE lieu de la confrontation
En effet, le couple, c’est le lieu de la différence, de l’altérité, de l’incompréhension, de la rivalité. Et c’est tous les jours. Couple ne signifie pas clone. C’est un appel à la remise en cause permanente. Tandis que quand je suis seul(e), je souffre peut-être de cette solitude mais je peux me raconter toutes les histoires que je veux sur qui je suis. Il n’y a personne pour me contredire. Je peux tenir ma subjectivité pour la réalité, sans rencontrer trop de protestations. Je ne suis pas non plus dérangé(e) par des sempiternelles séances de négociations. Avouons qu’il y a bien un côté commode et confortable…
Alors le couple, non, ça ne va pas de soi. En dépit de toutes les historiettes romantiques qui nous disent que s’il y a de l’amour alors les choses s’en suivent naturellement. On peut s’aimer et souffrir d’être ensemble.
Ou alors, à travers le couple, on cherche à retrouver la fusion originelle (à plus d’un titre, le couple rejoue notre relation primordiale avec notre mère ou la personne qui a tenu ce rôle maternant). La fusion éviterait la question de la place : tu es moi, je suis toi, nous ne faisons plus qu’un donc pas besoin de lutter pour savoir qui a la place puisqu’on l’a tous les deux ensemble…Jolie tentative d’esquive…qui échoue tout le temps. Même en fusion, il faut bien 2 chaises pour s’assoir ! Au mieux, cela peut fonctionner un temps, pendant la lune de miel, collés-serrés comme des ventouses… Et puis surtout, dans la fusion, on est face à un autre problème : fusionné, nous sommes menacé d’être englouti, effacé. Si je suis toi, comment je fais pour rester moi ?
Le couple, ce n’est pas non plus une solution clé en main, une ardoise magique qu’il suffit de secouer pour effacer ce qu’il y avait avant. On arrive dans le couple avec nos « casseroles ». Nos souffrances ne vont pas se dissoudre dans le couple par enchantement. Le conjoint n’est pas un super héros qui répare les blessures historiques. Au contraire, nos apprentissages relationnels vont jouer plein pot et le couple va jouer caisse de résonance, amplifier un phénomène qui pourrait passer inaperçu.
Voilà pourquoi, on peut oser parler de confrontation. Le couple nous confronte. A nos ambivalences, à nos limites, à nos croyances, à nos réactions plus ou moins ajustées, à nos peurs, à nos espoirs.
Proposition 2
ET, en même temps, le couple est un lieu de développement, de croissance
Car justement, en nous renvoyant en continu nos comportements, nos attitudes, nos défenses, notre partenaire sollicite notre conscience réflexive, notre appétence psychique à comprendre ce qui se passe. Le travail de thérapie est un chemin individuel. On le fait pour soi. C’est nous qui bougeons. Le couple ne peut et ne doit pas être la condition à notre mieux être psychique et relationnel. Le partenaire ne peut pas être le dépositaire d’une partie de notre psychisme (comme le fut notre mère pendant de notre courte vie de nourrisson). Le couple mis au travail, c’est vraiment comme la cerise sur le gâteau. Il faut donc d’abord s’occuper du gâteau, c’est-à-dire de soi-même.
Le couple ainsi envisagé devient donc un espace de croissance individuelle. Il s’agit de penser son couple. Ce n’est pas une entité qui existe intrinsèquement dès lors que 2 personnes décident de devenir partenaires. Le couple n’existe pas de fait. C’est seulement la production des deux protagonistes. Et on ne peut pas faire couple pour 2 (à moins d’être d’accord consciemment pour ce « deal »). Quel sens je souhaite donner à ma relation de couple ? Quelle vision de notre couple pouvons-nous co-construire ?
L’intimité prend alors toute l’envergure de sa signification. Notre partenaire, c’est celui à qui on se révèle le plus, volontairement ou non. En acceptant cette réalité et en s’y jetant pleinement, comme on se jette dans le courant de la rivière: se dévoiler et accueillir le dévoilement de l’autre. C’est dans cette intimité partagée que le couple croît, ainsi que chacun de ses membres, dans la recherche conjointe de la satisfaction de chacun. Et en tenant compte des fragilités respectives. Ainsi, je peux supposer que si moi je bataille avec des conflits internes, l’autre a sans doute aussi son lot.
Bien sûr, c’est une prise de risque, une proximité comme avec aucune autre personne. C’est aussi une construction. C’est d’une alliance. C’est redonner toute son envergure à la notion de « partenaire ». Et dans cet engagement réciproque où l’on recherche ensemble un mieux-être individuel et mutuel, le mien, le tien, le nôtre, on œuvre à donner une autre épaisseur au mot amour. L’amour est l’étincelle de notre couple mais il en devient aussi le fruit, charnu et juteux.
Alors, par-delà le paradoxe, faire couple, c’est quoi ? Vous l’aurez deviné, il n’y a pas de réponse qui aille de soi. Il faut une vie commune, de quelques années ou de plusieurs décennies, pour construire la réponse, unique à chaque fois.
par Séverine
. On n'est pas à l'abri d'un coup de pot.
. C'est d'où qu'on vient ? C'est où qu'on va ?
. Pourquoi que les méchants ils sont méchants ?
. Philosopher est essentiel.
* Diagnostic Aspie fin 2017. Bilan réalisé par un psychiatre spécialiste * RQTH valide *