lulamae a écrit :@Misty : tu pointes quelque chose qui m'est arrivé toute ma vie - qu'on vienne vers moi pour cette "originalité" qu'on me trouvait, j'imagine un côté rebelle, même pas voulu d'ailleurs, car jusqu'à la fac j'ai été timide et scolaire, ayant toujours la hantise de mal faire. Ensuite, les mêmes personnes me mettaient tout sur le dos en cas de désaccord ou dispute. Parfois, tes proches sont les mêmes personnes qui font ça, te reprocher le lendemain ce qu'ils prétendaient aimer la veille.
Et quand tu ne comprends pas où tu n'as pas compris, c'est frustrant et déstabilisant, tu as l'impression d'avoir faux quoi que tu fasses, et tu n'oses plus rien faire.
Je ne parlais pas tout à fait de la même chose, ce que je ressens dans ces cas là c'est comme si quelqu'un avait une montre qu'il surveillait pour finir par me dire: "ah non, là ça y est il est telle heure donc stop", et qu'on attende de moi que j'enfile un "costume de personne un peu plus normale que ça". Comme être acceptée mais uniquement jusqu'à un certain point (ou une certaine heure) et que tout ce qui dépasse est motif de rejet. Je l'ai vécu à la fois en contexte pro et privé: être embauchée ou "choisie" parce qu'on me trouvait décalée mais c'est toujours la personne en face qui tient le curseur déterminant la marge de décalage acceptable. La face brillante est très "extériorisée": beaucoup de mise en avant de compétences ou autres choses jugées positives (=prétendue originalité, connaissances importantes sur certains thèmes, production artistique...), mais par contre la face moins brillante (et inévitable) entraîne rejet, jugement et culpabilisation systématique (=aucun effort pour "être plus raccord", toujours le nez dans les bouquins, être dans son monde, ne pas assez sortir, trop s'isoler...) Les gens ne comprennent pas que les connaissances en astrophysique ne se trouvent pas en ouvrant un paquet de lessive, et que le processus créatif implique souvent des périodes d'isolement et de recherche/travail obsessionnel excluant tout le reste (en ce qui me concerne en tout cas).
Les difficultés sociales c'est pareil: c'est bien mignon le côté
"Burtonesque-Edwardauxmainsd'argentesque", mais quand quelqu'un dit ça suffit on te serine que si tu voulais tu pourrais t'en sortir nettement mieux que ça, quand même. Tu abuses, et ça c'est parce que ça t'arrange et/ou que tu t'en fous.
Je connais par coeur le chapitre
poétique-qui-clignote-et-diffuse-sa-mélodie-enchantée sur mon "monde intérieur" que tout le monde semble trouver si whaouh, mais j'ai l'impression que personne n'a encore compris que ce n'était pas à eux de le délimiter ni de décider quand je peux y être ou pas. C'est moi qui décide, parce que ça m'appartient et que ça fait partie de qui je suis. Là ce dont je parle c'est un peu comme être encouragé à y aller tellement c'est super tout ça, mais ce n'est jamais toi qui garde les clés.
Je ne sais pas si c'est clair car j'ai du mal à l'expliquer, mais ça doit être lié à un souci d'adaptation aux situations aussi. Un peu comme quand tu entends souvent des gens dire que tu es habillée de façon originale (c'est visiblement chouette à les entendre), et que parfois tu as droit à la mine déconfite accompagnée de "tu vas quand même pas venir là-bas habillée comme ça?" (c'est visiblement plus chouette du tout)
Tu restes comme tu es alors que les situations changent, et il est difficile de s'adapter quand tu ne sais pas ce qui est attendu, ou ce qui est considéré comme original ou pas. Dans certains contextes je vois bien que ma façon d'être et de me comporter est jugée positive alors que dans certains autres c'est le contraire. C'est trop compliqué pour moi de suivre, et si ce qui est chouette ou pas change selon la personne que j'ai en face et/ou la situation je ne m'y retrouve plus. Je crois qu'accepter une personne différente c'est l'accepter dans sa globalité et pas uniquement quand ça nous arrange et/ou qu'on se pense mis en valeur par elle.
J'ai vu beaucoup de gens parler comme si je n'étais pas là d'aspects de mon autisme qu'ils jugent "réjouissants/flatteurs" en donnant une impression de validation et d'acceptation totale, alors que dès que (plus discrètement évidemment) sont abordées les difficultés, ne sont invitées à la table que la condescendance, le paternalisme et la notion "d'efforts à fournir pour réussir à". Certains côtés sont censés me faire sentir fière alors que je devrais avoir honte de certains autres et m'employer à "rectifier le tir". Bien sûr, ce n'est jamais à moi d'en juger mais toujours aux autres.
L'idée de glamour et de "mode" c'est que comme on parle beaucoup d'autisme sans SDI dans les médias (en insistant bien sur ce qui brille), certains se sentent mis en valeur dès lors qu'ils sentent chez eux ou quelqu'un de proche une proximité réelle ou supposée avec ce type d'autisme. C'est quelque chose que je déplore à titre perso car à l'arrivée il n'y a rien de valorisant ni pour la personne ni pour les proches qui souvent sont tellement éblouis par les capacités supposées exceptionnelles qu'ils en oublient la souffrance et les difficultés qui elles sont mises sur le compte de la fainéantise ou d'un tempérament capricieux. C'est la même chose pour les "autistes pas handicapés": ceux qui le sont y sont forcément pour quelque chose, sans quoi ils s'en sortiraient mieux que ça.