Il ne faudrait pas mettre toutes les normes dans le même paquet. Il y a le gros risque de faire des amalgames, voire même de glisser dans le tourbillon des théories du complot.Jean-Paul C38 a écrit :Oui, tout à fait, et alors ?Il y a des normes sociales dans chaque groupe, normes qui peuvent alors varier d'un groupe à l'autre.
Oui, mais qui décide des normes ? Le "groupe" ou deux ou trois leaders autoproclamés du dit "groupe" ?Après, à chaque personne de voir les groupes dont les normes lui correspondent et conviennent et les groupes dont les normes ne lui conviennent pas.
Refuser en bloc sans réfléchir un ensemble de normes, c'est donner du grain à moudre à un ensemble concurrent de normes. En voulant alors se distancer de toutes les normes ainsi que de toutes leurs normes contraires ou concurrentes, on ne fait qu'essayer de repousser deux (ou plusieurs) forces qui s'approchent pour la confrontation.
Exemples :
1. Dans certaines cultures, partager un verre (voire une bouteille, soyons gentils ) de vin est monnaie courante. C'est une norme sociale de cette culture (valaisanne, par exemple, entre autres ). Mais il y a aussi une norme sociale concourante : il ne faut pas abuser de l'alcool car ça nuit à la santé (foie, hépatite, cirrhose, poids, problèmes de sommeil, de mémoire, cardiovasculaires, voire financiers, pénaux, professionnels, familiaux, sociaux si on vire dans la dépendance). Ou encore une norme sociale dans l'islam, selon laquelle le pratiquant ne doit pas boire d'alcool, etc.
2. Certaines personnes considèrent qu'il faut manger halal. Les animaux autorisés sont alors abattus selon un rituel appelé dhabiha. C'est une norme sociale chez ces personnes. Mais il y a aussi plusieurs normes sociales concurrentes : le groupe des personnes qui veulent éviter la souffrance animale, et qui considèrent la dhabiha (tout comme diverses autres méthodes d'abattage non halal) comme vectrice de souffrance chez l'animale ; le groupe de personnes résolument carnivores ("dans le cochon, tout est bon") ; le groupe de personnes qui considèrent qu'il faut manger raisonnablement de la viande pour une bonne alimentation ; le groupe de personnes qui considèrent les vaches comme sacrées, etc.
3. Certaines personnes considèrent qu'il faut favoriser le libre-échange entre les pays. D'autres considèrent qu'il faut favoriser clairement (surtout fiscalement) les produits locaux et vont plutôt se ranger alors du côté du protectionnisme.
4. Certaines personnes qu'une paire de claque remet les pendules à l'heure en termes d'autorité. D'autres considèrent qu'il faut éviter toute sanction physique. D'autres considèrent qu'on peut accepter seulement aux fesses. D'autres...
5. "Il ne faut manger la bouche ouverte." car le bruit que celui-ci horripile... les personnes ont appris cette norme. Prends une culture où cette norme n'a pas été développée : le fait de mâcher la bouche ouverte ne dérange pas.
6. "Il faut serrer la main, voire faire 2-3-4 bises." dans certaines cultures, mais pas dans d'autres, où il faut plutôt garder la distance.
7. "Il faut continuer d'enseigner l'allemand, le français et l'allemand dans les écoles en Suisse." Pourtant, dans certains cantons, il y a eu et y a encore des débats en Suisse allemande sur la priorité du français (langue nationale) ou de l'anglais (langue internationale) ou du "trilinguisme" (ne renoncer ni au français ni à l'anglais).
8. "Les piétons doivent toujours attendre au feu rouge." contre "C'est stupide de ne pas traverser au rouge alors qu'il n'y a pas de voiture."
...
Enfin... on peut voir tous les conflits, tous les sujets de débat, comme illustration qu'il n'y a pas qu'une pensée unique, un seul ensemble de croyance.
En voulant s'éloigner de toutes les normes sociales, finalement, on ne s'éloigne d'aucune, voire, sans forcément s'en rendre compte au début, on en crée de nouvelles (Animal farm ).
Les normes ne se créent pas forcément consciemment, qu'il s'agisse de normes sociales, de normes linguistiques ou autres, de normes de circulation ("rouler à gauche dans certains pays", "rouler à droite dans d'autres pays"), etc.
On peut encore prendre l'exemple de l'hétérosexualité : des personnes ne sont juste pas habituées à voir des personnes homosexuelles, elles voient tous les jours des couples homme-femme ; des personnes sont habituées à converser de tout et de rien, à faire du small talk autour d'une table, alors une personne (autiste) qui reste silencieuse, ça leur fait bizarre ("Pourquoi tu parles pas ?" "Décoince !" "Viens avec nous faire la teuf en boîte !"). Après tout l'air de rien, entre personnes autistes, il peut aussi se créer de nouvelles normes à force que nous organisons des rencontres (chercher des lieux convenables pour personnes autistes), normes qui ne conviendront pas forcément aux personnes non autistes. C'est comme les "jeunes" qui préfèrent certains bars pendant que les "vieux" préfèrent d'autres bars.
Certes, il y a les normes légales, les lois, qui sont explicites.
Mais il y a aussi tout un tas de normes sociales implicites, qui peuvent varier d'une culture à l'autre. D'ailleurs, Temple Grandin a écrit un ouvrage au sujet des règles tacites dans les relations sociales : Unwritten rules of social relationships.
Il y a aussi le (fameux) concept de dissonance cognitive. Il y a notamment, chez une personne, une dissonance cognitive quand elle se rend compte que deux cognitions ("Je veux être écolo'." et "Je ne trie pas mes déchets.") ne collent pas l'une à l'autre. Essayons maintenant de nous insérer dans un groupe avec ses normes sociales. Si celles-ci ne me conviennent pas, il y a de la dissonance cognitive entre celles-ci et mes normes ("Oui, j'ai des normes, même si je n'en suis pas forcément complètement conscient."). Comment réagir face à cette dissonance ? Plusieurs possibilités : M'adapter (adapter mes cognitions préalablement construites à celles du groupe), adapter le groupe à moi (essayer de faire en sorte que le groupe m'accepte tel que je suis, prenne en compte mes particularités, mes normes particulières), minimiser le lien (d'incompatibilité) entre les normes du groupes et les miennes (souvent à l'aide de cognitions nouvellement créées qui consonent tant avec les normes du groupes et les miennes ; "Les amis de mes amis sont mes amis."), ne pas adhérer au groupe (ne pas chercher de compromis). Opter pour cette dernière option permet de rester libre, et ça peut être bénéfique avec les groupes "malsains", trop fermés, trop normatifs, trop totalitaristes. Mais si on applique cette dernière option (ne pas adhérer au groupe) à tous les groupes, non seulement on risque de se trouver très isolé, mais en plus on risque de voir tous les groupes comme des ennemis, de faire l'amalgame entre eux, de croire en un complot généralisé (d'autant plus que l'amalgame fait le flou quant aux créateurs du complot, lequel est un des "arguments" des théoriciens du complot ["Ils sont tellement bien organisés, cachés, qu'on ne sait pas qui ils sont."]).
Après, il faut voir si les personnes autistes ont plus de difficulté à gérer la dissonance cognitive (entre ce que je dis et ce que je fais).
Vouloir renoncer à toutes les normes revient à renoncer à tous les groupes. C'est un exemple de jeter bébé avec l'eau du bain. Il y a aussi des bienfaits à s'insérer dans certains groupes.
Le perfectionnisme (social ou autre) qui amène à rejeter toute imperfection amène à l'isolation. En ce sens, c'est une sorte de totalitarisme appliqué à soi-même. Et il semble difficile d'en sortir.
Voir aussi l'aversion au risque.