Le goût des autres - l'altruisme

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Jean
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Le goût des autres - l'altruisme

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Altruisme, la part de la nature

Par Olivier Postel-Vinay, fondateur du magazine « Books ».

En décembre 2004, quand un tsunami meurtrier a balayé les côtes de l’océan Indien, des milliers de blogs ont tissé un réseau d’entraide planétaire afin de prévenir les familles, de collecter les dons et d’organiser des missions. En janvier 2010, après le séisme qui a ravagé Haïti, un puissant mouvement de soutien s’est levé, ralliant les bonnes volontés.

Alarmés du malheur des autres, choqués par les images des tragédies en cours, reliés par le « système nerveux » des médias, selon l’expression de l’essayiste américain Jeremy Rifkin, nous serions entrés comme jamais dans « l’âge de l’empathie ».

Comment expliquer ces élans de sollicitude pour des inconnus ? Dans son célèbre Essai sur le don (1923), l’anthropologue Marcel Mauss voit dans le geste d’offrir un élément fondamental de toutes les sociétés dites primitives. Cadeaux et festins pour l’hôte ou la collectivité scellent les bonnes relations entre les hommes.

Une forme d’échange

Mais le don, « apparemment libre et gratuit, est cependant contraint et intéressé », écrit-il : un retour en est attendu. Il s’agit en réalité d’une forme d’échange, sans rapport évident avec les formes de générosité spontanée auxquelles nous assistons aujourd’hui. L’homme aurait-il changé ? Ou bien nous payons-nous de mots, faisant de l’altruisme un acte gratuit, alors qu’il n’en est rien ?
Comme le dit l’ancien trader Michael Lewis dans son livre Flash Boys(W. W. Norton & Co, 2014), « les esprits brillants trouvent toujours des moyens de contourner le système à leur avantage ». L’égoïsme fait partie intégrante de notre nature : à l’instar des autres animaux, l’individu humain lutte pour maximiser ses chances de succès.

« Le premier principe de l’économie est que chaque agent est mû exclusivement par son propre intérêt », posait, en 1881, le Britannique Francis Edgeworth, l’un des pères fondateurs de la discipline. Homo economicus est un égoïste rationnel. Pourtant, l’idée que l’altruisme, lui aussi, est « inné » s’est répandue au point de devenir une doxa. Comment concilier ces deux points de vue ? Faudrait-il admettre que l’altruisme est un produit socialisé de notre égoïsme foncier ?

L’instinct de la compassion


Ce n’est peut-être pas un hasard si le premier penseur à avoir développé l’idée d’une innéité de l’altruisme est aussi le fondateur de l’économie libérale, l’Ecossais Adam Smith. Contemporain de Rousseau et de Voltaire, l’inventeur de la « main invisible » est aussi l’auteur d’un ouvrage détonant, la Théorie des sentiments moraux (1759).

« Ressentir beaucoup pour autrui et peu pour nous-mêmes, restreindre notre égoïsme et laisser libre cours à nos sentiments de bienveillance constitue la perfection de la nature humaine », y écrit-il. Il rectifie la formule chrétienne : « Si aimer notre prochain comme soi-même est la grande loi du christianisme, le grand précepte de la nature est de ne pas nous aimer nous-mêmes plus que notre prochain, ou, ce qui revient au même, plus que notre prochain est capable de nous aimer. »

Il revint à Darwin d’identifier la profondeur de ce paradoxe. Dans La Lignée humaine (1871), il observait que les conduites altruistes ne sont pas réservées aux proches parents : « Maint homme civilisé, qui n’a jamais auparavant risqué sa vie pour quiconque (…), a surmonté son instinct de préservation et plongé dans un torrent pour sauver un homme en train de se noyer, bien qu’il s’agît d’un étranger. »Il rejoignait sans le savoir le philosophe chinois Mencius, contemporain d’Aristote : « Tout homme sans exception qui voit un enfant tomber dans un puits éprouve aussitôt un vif sentiment de détresse. »

Mais Darwin voyait une continuité avec le monde animal. Il raconte cette histoire : « Voici quelques années un gardien du jardin zoologique m’a montré des blessures profondes et à peine cicatrisées sur sa nuque, qui lui avait été infligées par un babouin furieux alors qu’il était agenouillé sur le sol. »

Le gardien avait été sauvé par l’intervention d’un petit singe avec lequel il s’était lié. Bien que lui-même terrifié par le babouin, le petit singe s’était jeté sur lui en criant et en mordant. L’homme qui sauve un étranger en plongeant dans un torrent, écrit Darwin, « est mû par le même instinct » que le petit singe.
D’une manière ou d’une autre, conclut le naturaliste, il faut que la sélection naturelle, qui promeut les instincts égoïstes, ait aussi favorisé l’évolution de la compassion. S’il avait vécu, le grand naturaliste aurait été ému par l’histoire de Washoe, cette femelle chimpanzé qui risqua un jour sa vie pour sauver une autre femelle en train de se noyer.
« LA DIFFÉRENCE ENTRE L’ESPRIT DE L’HOMME ET CELUI DES ANIMAUX SUPÉRIEURS, SI GRANDE SOIT-ELLE, EST À COUP SÛR UNE DIFFÉRENCE DE DEGRÉ, NON DE NATURE. » 
CHARLES DARWIN, NATURALISTE
L’idée que l’altruisme n’a pas que des racines culturelles est renforcée par les observations sur les très jeunes enfants. Jusqu’à 14 mois environ, un bébé réagit souvent à la détresse d’autrui, si elle est visible, par des manifestations de détresse. Au-delà de cet âge, il cherche à consoler. Dans une atmosphère sereine, si un stylo tombe d’une table et que vous vous demandez où il a pu rouler, un enfant de 12 mois qui l’a repéré pointe dans sa direction, même s’il n’a aucun lien de parenté avec vous.

« Le gène immortel »

A partir de 14 mois, il peut interrompre son jeu, le chercher et vous l’apporter, sans qu’on le lui demande et sans récompense à la clé. Les expériences le montrent, le fait de lui proposer une récompense ne renforce pas sa propension à venir en aide – à partir de 20 mois, offrir une récompense aurait même l’effet inverse.

Certains de ces comportements s’observent aussi chez les chimpanzés adultes en captivité. Ils vont chercher un objet qu’un humain ne parvient pas à atteindre, enlever la chaîne qui bloque une porte pour laisser passer un congénère non apparenté – avec ou sans récompense.

L’observation initiale de Darwin – « La différence entre l’esprit de l’homme et celui des animaux supérieurs, si grande soit-elle, est à coup sûr une différence de degré, non de nature » – est donc aujourd’hui confirmée expérimentalement : des formes d’altruisme individuel existent chez nos proches cousins. Et elles ressemblent à celles décrites chez les très jeunes enfants.

Que penser alors du point de vue d’un Richard Dawkins, dont le célèbre ouvrage Le Gène égoïste (Oxford University Press, 1976) fête ses 40 ans ? Il y a popularisé l’idée que les gènes sont par nature égoïstes, ce qui laisse entendre que les individus doivent l’être aussi. Mais l’un n’implique pas l’autre.

Dawkins était d’ailleurs embarrassé par le problème. Il aurait préféré que son éditeur choisisse un autre titre : ­ « Le gène immortel ». Car un gène cherche à se reproduire, et son succès peut lui assurer une durée de vie potentiellement illimitée.

En revanche, la sélection naturelle peut conduire la collection de gènes qui forme un organisme à lui imposer une forme d’altruisme, pouvant aller jusqu’au sacrifice de ses facultés de reproduction, voire de sa vie.

« La tyrannie des réplicateurs égoïstes »


Chez certaines espèces de fourmis, seuls quelques mâles et la reine ont ainsi le droit de se reproduire, et des ­ « soldats » sont appelés à se sacrifier pour le bien-être de la collectivité. Le paradoxe s’explique par le fait que ces comportements d’apparence altruiste favorisent en réalité la perpétuation des gènes de la colonie.

L’altruisme de la lionne qui risque sa vie pour ses petits relève aussi de cette logique. Ce qui est beaucoup plus compliqué à expliquer, c’est l’altruisme exprimé à l’égard d’individus non apparentés : le petit singe de Darwin, l’enfant de 14 mois – sans parler des pratiques altruistes chez les humains adultes, en lesquelles Adam Smith percevait « un précepte de la nature ».

Notre génome nous porterait donc à l’altruisme… Mais cela ne nous dit rien des gènes impliqués dans cette propension. Spécialiste de l’autisme, qui touche quatre fois plus de garçons que de filles, le psychiatre britannique Simon ­Baron-Cohen, professeur à l’université de Cambridge, pense tenir une piste : dans The Essential ­Difference (« La Différence essentielle », ­Perseus, 2003, non traduit), il suggère qu’il existe une différence de nature entre les cerveaux des deux sexes. Les filles et les femmes sont nettement plus portées à l’empathie, ce qui traduit, selon lui, une différence génétique.
« Donnerais-tu ta vie pour sauver un frère qui se noie ? » Dans les années 1930, le généticien britannique John ­Haldane aurait répondu par cette boutade : « Non, mais je le ferais pour sauver deux frères ou huit cousins », épinglant ainsi les raisonnements simplistes qui exploitent la génétique pour en déduire un déterminisme des comportements.

Près d’un siècle plus tard, les recherches se poursuivent. Afin de mieux comprendre pourquoi, selon la jolie formule de Dawkins, « nous sommes les seuls sur Terre à pouvoir nous rebeller contre la tyrannie des réplicateurs égoïstes ».

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Le goût des autres. 2|6 : L’altruisme, une invention française

Le mot « altruisme » a été inventé par Auguste Comte à la suite d’une expérience amoureuse. Quand il rencontra Clotilde de Vaux, en 1845, il était le célèbre auteur des six volumes du Cours de philosophie positive. Il avait 47 ans et était d’un tempérament exalté, comme en témoigne un séjour de plusieurs mois dans un asile, en 1828, à l’âge de 30 ans. Fervente catholique, Clotilde était séparée d’un mari peu avenant, mais n’était pas divorcée et se refusa à lui. Elle mourut de tuberculose l’année suivante. Le philosophe conçut pour sa vertu une telle dévotion qu’il transforma son système philosophique : son amour s’était mû en mysticisme. Il fit de l’altruisme sa pierre philosophale et la base d’une religion. Paru en 1851, son nouvel opus magnum, le Système de politique positive, est dédié à la mémoire de « sainte Clotilde ». Sous-titre : Traité de sociologie, instituant la religion de l’humanité. Sur la couverture sont inscrits ces slogans : ­ « Ordre et progrès », « Vivre pour autrui ».

L’année suivante, Comte publie son Catéchisme positiviste. Un texte ahurissant, dans lequel il expose les bases du « culte » à instaurer. Il entend « libérer tous les divers esclaves de Dieu, catholiques, protestants ou déistes » au profit d’une nouvelle « théocratie », avec ordination de prêtres, neuf « sacrements sociaux » et observation de rites quotidiens. Il imagine des « marches solennelles », dans lesquelles les positivistes réciteraient leur « formule fondamentale » en posant les mains successivement sur trois parties du cerveau censées représenter l’amour, l’ordre et le progrès, « la main se déplaçant dans le sens longitudinal sur le crâne, de l’occipital au frontal ».

Se présentant comme un nouveau Copernic, le philosophe prétend en effet fonder sa religion sur la science – le rite de la main sur le crâne étant directement inspiré de la phrénologie inventée par son contemporain, l’anatomiste allemand Franz Josef Gall. Tout en soutenant que l’homme devait désormais penser « sous l’inspiration de la femme » (« le principal office des femmes consiste à former et à perfectionner les hommes »), il rêve d’instituer un clergé autoritaire exerçant un contrôle total sur la société.

« Grossier stimulant »

Cette évolution fut accueillie avec consternation en Angleterre, où Comte jouissait d’un grand prestige. La presse britannique le couvrit de ridicule. John Stuart Mill, principale figure de l’utilitarisme, dénonça « le système le plus complet de despotisme spirituel et temporel qui sortit jamais d’un cerveau humain, à l’exception peut-être de celui d’Ignace de Loyola ». Et, maniant l’ironie : « Nous n’estimons pas que la vie soit si riche en jouissances que nous puissions renoncer à cultiver toutes celles qui s’adressent à ce que M. Comte appelle les penchants égoïstes. »Pourtant, le mot « altruisme » fit mouche.

Car les réflexions du philosophe n’étaient pas toutes délirantes. Il abordait de manière inédite un sujet sensible et posait clairement, dans sa langue fleurie, les termes d’un débat toujours actuel : « Le grand problème humain [est de] subordonner l’égoïsme à l’altruisme. En effet, l’énergie supérieure des instincts personnels peut servir à compenser la langueur naturelle des instincts sympathiques, par une impulsion initiale que ceux-ci n’auraient pas spontanément. Une fois surgie, l’affection bienveillante persiste et grandit d’après son charme incomparable, malgré la cessation de ce grossier stimulant. »
« LA CONVICTION LA PLUS FORTE QUE J’AI EST UNE CROYANCE EN CE QUE COMTE APPELLE L’ALTRUISME : LA DOCTRINE CARDINALE, ME SEMBLE-T-IL, DE JÉSUS DE NAZARETH. »
HENRY SIDGWICK, PHILOSOPHE ANGLAIS
Pour Auguste Comte, l’existence innée des instincts altruistes est « la principale découverte de la science moderne » : nos penchants envers autrui sont inscrits dans la nature même de notre espèce, comme d’ailleurs dans celle d’autres animaux. Certes, « hors les époques de rut et de soins maternels, un tigre, ou même une tigresse, et, à plus forte raison, un crocodile et un boa sont entièrement occupés d’eux-mêmes, et retombent dans la torpeur, de corps comme d’esprit, aussitôt que cessent les nécessités individuelles ». Mais il n’en va pas de même chez d’autres espèces, tel le chien, ce qui montre que « le bonheur de vivre pour autrui ne constitue pas un privilège exclusif de notre nature ». La différence avec les autres espèces capables de « sympathie », c’est que notre cerveau est plus développé.

Là encore, Comte se réfère aux travaux de Gall, lequel, ­détaille-t-il,« distingua judicieusement trois instincts ­ [supérieurs] : d’abord l’attachement, puis la vénération, et enfin l’instinct suprême, la bonté, ou l’amour universel, dont la charité des chrétiens constituait l’ébauche théologique ». Ces instincts, précise le philosophe, ont leur siège dans le cerveau : « La lutte fictive entre la nature et la grâce fut dès lors remplacée par l’opposition réelle entre la masse postérieure du cerveau, où résident les instincts personnels, et sa région antérieure, où siègent distinctement les impulsions sympathiques et les facultés intellectuelles. » Comte était acquis à la thèse de l’évolution des espèces et pensait, comme Lamarck, que les caractères acquis sont transmissibles (c’était avant Darwin). Il en tirait l’idée que l’altruisme peut se cultiver et étendre ses progrès de génération en génération.

Théorie de « l’entraide »


En Angleterre, le philosophe évolutionniste Herbert Spencer, viscéralement opposé au mysticisme politique du Français, n’en adopta pas moins le mot ­ « altruisme ». L’un et l’autre, écrit l’historien Thomas Dixon, « espéraient l’avènement d’une société nouvelle dans laquelle les formes barbares, militarisées, de la société seraient remplacées par des formes civilisées, industrialisées, caractérisées par un plus grand altruisme ». A ceci près que pour Spencer, auteur de la fameuse formule« la survie des plus aptes », la société allait évoluer dans ce sens de façon naturelle, par le jeu de la libre coopération d’individus trouvant un avantage croissant à s’intéresser au bien d’autrui – au point, disait-il, de« remettre en question l’autorité des sentiments ego-altruistes ». Il entendait par là l’altruisme bien compris de ceux qui en espèrent une récompense de nature religieuse.

Toujours dans l’Angleterre victorienne, l’un des fondateurs de la pensée moderne sur l’altruisme est l’utilitariste Henry Sidgwick. Inconnu en France, mais considéré par les Anglo-Saxons comme le plus grand philosophe de son époque, il se disait profondément redevable à Auguste Comte : « La conviction la plus forte que j’ai, écrivait-il en 1861, est une croyance en ce que Comte appelle l’altruisme : la doctrine cardinale, me semble-t-il, de Jésus de Nazareth (…). Que je sois ou nom positiviste, je me sens comme si je ne devais jamais dévier de ma maxime cardinale, qui est aussi la sienne : l’amour pour principe, le progrès pour but. » On retrouve ces mots inscrits sur le fronton de la chapelle de l’Humanité, au 5, rue Payenne, à Paris, où habitait Clotilde.

Lecteur de Comte, le prince Kropotkine, grande figure de l’anarchisme russe, développa à la même époque une théorie de l’entraide, aujourd’hui reconnue comme prémonitoire. Son traité, paru en 1902 lors de son exil en Angleterre, reprend une philippique parue quelques années plus tôt dans un mensuel britannique contre un écrit de Thomas Huxley, « Le bouledogue de Darwin ». Convaincu par la théorie de l’évolution, Huxley se référait à l’idée présentée par Hobbes au XVIIe siècle selon laquelle l’état de nature est animé par « la guerre de chacun contre chacun ». Géographe émérite, Kropotkine avait exploré en tous sens la Sibérie orientale et la Mandchourie, observant au passage les mœurs des animaux et des hommes : il y avait vu bien autre chose. Chez les fourmis, les abeilles et, plus proches de nous, les loups de Sibérie, la société est fondée sur des règles de coopération et d’entraide. Il en va de même chez les peuples sans Etat. Kropotkine ne nie pas le rôle de la compétition individuelle, mais explique qu’à force d’insister sur ce point on néglige l’autre grand « facteur de l’évolution des sociétés animales et humaines ». Et de préciser : « L’étude scientifique des sociétés et des institutions (…) prouve que les us et coutumes créés par l’homme pour le profit de l’entraide, de la défense mutuelle et de la paix en général, ont été élaborés anonymement par la collectivité. Et ce sont ces coutumes qui ont permis à l’homme de survivre dans la lutte pour l’existence dans un environnement plus rigoureux. »

Olivier Postel-Vinay

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Le goût des autres. 3|6 : L’altruisme par la bande

Jamais les Londoniens n’ont été aussi altruistes que pendant le Blitz, note Churchill dans ses ­Mémoires. Dans un autre genre, en offrant leur vie en sacrifice, les combattants de Daech manifestent la forme la plus radicale de l’altruisme. L’individu fait table rase de son intérêt personnel et se met intégralement au service de la collectivité à ­laquelle il pense appartenir.

L’idée que la guerre a joué un rôle dans la genèse de l’altruisme humain remonte au moins à Darwin : les groupes « comportant un plus grand nombre de membres courageux, tournés vers autrui et fidèles, toujours prêts à s’alerter ­mutuellement, à s’aider et à se défendre les uns les autres (…) ont toutes les chances de se répandre et de se rendre victorieux d’autres tribus », notait-il.
POUR ROUSSEAU, LA NATURE EST BIENVEILLANTE ET L’HOMME FONCIÈREMENT BON : C’EST LA CIVILISATION QUI L’A ­PERVERTI.
Peu plaisante, cette théorie de la fonction positive de la guerre a été souvent rejetée au motif que nos ancêtres du pléistocène étaient de « bons ­sauvages », la guerre n’ayant fait son apparition que beaucoup plus tard, au néolithique, avec l’invention de l’agriculture et la sédentarisation qui s’ensuivit. Elle fait encore aujourd’hui l’objet d’études contradictoires, d’allure très scientifique mais qui paraissent souvent refléter la vieille opposition idéologique entre Hobbes et Rousseau.

Dans son Léviathan (1651), le premier fait une description sinistre de l’homme à l’état de nature. Aux prises avec un ­environnement hostile, confronté « à la crainte et au risque continuels d’une mort violente »,l’homme souffre d’une vie « solitaire, besogneuse, pénible, quasi animale, et brève ». Pour Rousseau, au contraire, la nature est bienveillante et l’homme foncièrement bon : c’est la civilisation qui l’a ­perverti.

Les deux conceptions sont aussi fantasmatiques l’une que l’autre, mais les données archéologiques et ethnographiques les plus sérieuses se prêtent aux interprétations. Il ne fait ainsi aucun doute que des rituels de guerre, parfois des plus meurtriers, ont existé jusqu’au XXe siècle chez des peuples de chasseurs-cueilleurs, tant en Amazonie qu’en Australie ou en Nouvelle-Guinée. Tout récemment, dans l’actuel Kenya, ont été trouvés les restes d’un groupe de vingt-sept individus tués à l’aide de flèches voilà environ dix mille ans… A contrario, nombre de peuples paraissent avoir été longtemps pacifiques.
L’égoïste bat l’altruiste, et inversement

Il n’est cependant pas indispensable d’invoquer la guerre pour constater l’ancienneté des pratiques d’altruisme de groupe. Chez l’homme, mais aussi chez de nombreux animaux – ce qui pose à nouveau la question de l’inné et de ­l’acquis, de la nature et de la culture. Un livre a ainsi fait couler beaucoup d’encre ces derniers temps, celui du biologiste et anthropologue américain David Sloan Wilson.

Dans Does Altruism Exist ? Culture, Genes and the Welfare of Others(« L’altruisme existe-t-il ? La culture, les gènes et le bien-être des autres », Yale University Press, 2015, non traduit), il développe l’idée controversée que la sélection naturelle n’opère pas seulement au niveau du gène, ni même de l’individu, mais du groupe. Celui qui comporte le moins d’individus égoïstes est le plus enclin à pratiquer la coopération, ce qui représente un avantage évolutif.
SAUF QUAND ILS S’ORGANISENT POUR MENER UN RAID CONTRE UNE TROUPE VOISINE, LES CHIMPANZÉS, NOS TRÈS PROCHES COUSINS, NE PRATIQUENT GUÈRE L’ALTRUISME DE GROUPE.
Wilson a cette formule à l’emporte-pièce : « L’égoïste bat l’altruiste au sein d’un groupe. Les groupes altruistes battent les groupes égoïstes. Tout le reste est commentaire. » L’altruisme de groupe, précise-t-il, explique le sacrifice de castes entières chez les insectes sociaux, mais aussi le succès de certaines collectivités humaines – voire de l’espèce elle-même.

Un succès dans lequel l’adhésion à une religion aurait joué un rôle moteur. Car « les religions, écrit ­Wilson, qui est non-croyant, conduisent les gens à se conduire pour le bien du groupe, et à éviter les comportements égoïstes pouvant porter préjudice aux autres membres du groupe ».

Sauf quand ils s’organisent pour mener un raid contre une troupe voisine, les chimpanzés, nos très proches ­cousins, ne pratiquent guère cette forme d’altruisme. Si l’on veut en trouver des exemples probants chez les primates, il faut ­remonter plus loin sur l’arbre de l’évolution. Ce que fait l’anthropologue américaine Sarah Hrdy. Elle met en avant un trait bien particulier de l’espèce humaine, l’« élevage coopératif », que nous partageons avec plusieurs ­espèces.

Elevage coopératif

Chez les loups, les éléphants et les minuscules ouistitis, le soin aux enfants n’est pas apporté par la mère seule mais par divers adultes du groupe. Les ouistitis ­mâles entrent même en compétition pour porter les petits et les nourrir. Selon ­Sarah Hrdy, dans les petites troupes de chasseurs-cueilleurs de la fin du pléistocène, ­« pères, oncles, aînés, grands-mères et parfois même des ­individus non apparentés protégeaient, portaient et nourrissaient l’enfant d’un autre ». Chez les grands singes, en ­revanche, l’enfant dépend uniquement de la mère : s’il en est séparé, il est le plus souvent tué.

Comme les animaux qui pratiquent l’élevage coopératif, Homo sapiensse distingue par des usages de partage de la nourriture qui n’existent pas chez nos proches cousins. La mère du petit humain – qui mûrit lentement et reste dépendant très longtemps – ­reçoit de la nourriture d’autres membres du groupe et a du temps libre pour en chercher elle-même.

Quelle que soit l’origine de ces traits, ils peuvent contribuer à expliquer que l’altruisme de groupe soit devenu une réalité culturelle et ait évolué en tant que telle. Deux économistes américains, Samuel Bowles et Herbert Gintis, explorent ce sujet dans un livre intitulé A Cooperative Species : Human Reciprocity and Its Evolution (« Une espèce coopérative : la réciprocité humaine et son évolution », Princeton University Press, 2011, non traduit).

Le point de départ est une constatation banale : la plupart d’entre nous venons ponctuellement en aide à des personnes que nous ne ­connaissons pas et dont nous n’attendons rien en retour. On laisse son siège à une dame âgée, on porte une poussette dans un escalier, on ­envoie un don à l’occasion d’une catastrophe naturelle.

Comment rendre compte d’une ­société où des mécènes tiennent à garder l’anonymat ? « L’idée que les gènes égoïstes produisent nécessairement des individus égoïstes est manifestement fausse, écrivent Bowles et Gintis. Chez les chasseurs-cueilleurs, les rencontres avec des anonymes devaient être plus rares, et les manifestations d’altruisme pouvaient mieux se comprendre comme relevant d’un “égoïsme éclairé”. »

La société qui regarde

Selon ce point de vue, l’altruisme anonyme ne s’explique qu’en introduisant la notion d’une évolution culturelle qui se surimpose à l’évolution biologique. L’intériorisation des normes culturelles peut suppléer aux attentes concrètes de retour que génère un acte altruiste. Une expérience classique, maintes fois répétée, montre qu’en présence d’une paire d’yeux sommairement dessinés, la propension à ­l’altruisme augmente.

Pour le dire autrement : je vais venir en aide anonymement parce que même si personne ne me voit, la ­société, elle, me regarde. D’ailleurs bien souvent mon geste est vu par d’autres : ils ne me connaissent pas, mais ils ­observent qu’un acte a été fait. Et eux comme moi savons bien que si tout le monde se conduisait en sale ­égoïste, la ­société serait invivable.

Jusqu’à quel point l’évolution culturelle s’est-elle détachée de l’évolution biologique ? C’est là que les spécialistes se ­chamaillent. Dans la pratique, l’altruisme est d’autant plus fréquent qu’il concerne des proches, qui souvent partagent une bonne partie de notre génome.

Si on admet en outre que la sélection naturelle s’applique aussi aux collectivités, alors l’altruisme de groupe, tout culturel qu’il paraît, est aussi le produit de la nature. Ce qui pourrait contribuer à ­expliquer la permanence des comportements xénophobes et du « phénomène-guerre », selon l’expression du sociologue français ­Gaston Bouthoul.

Historiquement, en effet, l’altruisme de groupe se construit d’abord sur l’opposition à un ou plusieurs groupes concurrents. Sur ce terrain comme sur tant d’autres, la tension entre nature et culture est à l’œuvre depuis des temps très reculés. Les Egyptiens ont chassé les Hébreux, mais il faut lire le papyrus d’Ani, longue série de textes ­rédigés vers 1250 avant notre ère. On y trouve ce qu’on appelle les « 42 confessions négatives ». Dont celle-ci : « Je n’ai fait pleurer personne. »

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Charité mal ordonnée

Le philosophe Adam Smith observe une foule dont les yeux sont rivés sur un funambule. Sous l’emprise de l’émotion, les paumes deviennent moites, les corps se balancent au rythme des pas sur la corde. Sous l’effet de l’empathie, les spectateurs vibrent à l’unisson de l’équilibriste. Réaction immédiate, profonde, incontrôlée. Pour Jamil Zaki, psychologue, directeur du laboratoire des neurosciences sociales de Stanford (Californie), cette description correspond à l’une des trois formes d’empathie.

L’empathie cognitive permet, elle, de se mettre à la place de l’autre sans forcément ressentir ses émotions, comme les psychopathes en sont capables. La troisième forme, la plus élaborée, est la compassion. Comme l’ont révélé les travaux d’imagerie cérébrale de l’équipe de Tania Singer, à l’Institut Max Planck de Leipzig (Allemagne), ces types d’empathie sont si différents qu’ils mobilisent des circuits neuronaux distincts.

Tapez le mot « empathie » sur Amazon. Se déroule un tapis de livres. Dont certains ont fait le tour du monde. L’Age de l’empathie. Leçons de la nature pour une société solidaire (LLL, 2010), de Frans de Waal, spécialiste des chimpanzés. Une nouvelle conscience pour un monde en crise. Vers une civilisation de l’empathie (LLL, 2011), par le visionnaire écologiste américain Jeremy Rifkin. D’autres sont destinés à un public ciblé, comme l’ouvrage collectif L’Empathie (Odile Jacob, 2004), dirigé par le spécialiste du cerveau Alain Berthoz, professeur au Collège de France.

Nous avons aussi Une histoire de l’empathie (Odile Jacob, 2012), de ­Jacques ­Hochmann. Une somme de Jacques Lecomte, adepte de la psychologie « positive », La Bonté humaine. Altruisme, ­empathie, générosité (Odile Jacob, 2012). Ainsi que toute une série de livres deself-help, écrits par des psychologues ou des conseillers en communication : L’Empathie. L’art d’être en ­relation, cinquante exercices pour développer son empathie…

« Quotient d’empathie »

Du temps d’Auguste Comte, le mot « empathie » n’existait pas. Il fallait se contenter de « sympathie », sentiment dans lequel Adam Smith, et le philosophe David Hume avant lui, voyaient le fondement et le moteur de la morale.

« La sympathie sert de contrepoids à l’égoïsme », notait au XIXe siècle le Dictionnaire de l’Académie française. « Empathie » nous vient de l’adaptation anglaise d’un mot venu de la philosophie allemande,Einfühlung.

Forgé en 1873 par un spécialiste de l’esthétique, il désignait d’abord l’émotion qui nous saisit devant une œuvre d’art, dans laquelle nous projetons nos sentiments. Il fut utilisé au tournant du siècle par Theodor Lipps, un maître à penser de Freud, pour désigner la faculté de s’approprier les émotions d’autrui. C’est la sympathie au sens de Smith, celle qu’on éprouve devant le funambule : l’empathie au sens le plus courant, le sentiment qui vous porte le plus spontanément à l’altruisme.
« SI VOUS VOULEZ ÊTRE BON ET FAIRE LE BIEN, L’EMPATHIE EST UN MAUVAIS GUIDE »PAUL BLOOM, PROFESSEUR DE PSYCHOLOGIE À L’UNIVERSITÉ YALE
Ces derniers temps, les psychologues ont mis au point des tests d’empathie, et même un « quotient d’empathie », comme il existe un quotient intellectuel. Pas de doute, l’empathie est en vogue. Un peu trop, peut-être ?

En décembre doit paraître Against Empathy(« Contre l’empathie »), un brûlot écrit par Paul Bloom, célèbre professeur de psychologie à l’université Yale (New Haven, Connecticut). Son point de vue se résume à cette phrase : « Si vous voulez être bon et faire le bien, l’empathie est un mauvais guide. » Il ne nie pas l’évidence : se mettre dans la peau de l’autre et partager ses émotions favorise l’altruisme.

Des biais délétères

Mais l’empathie a aussi l’effet contraire. Si l’on se place du point de vue de la collectivité et des politiques publiques, elle est source de biais délétères. Elle se manifeste plus volontiers à l’égard de ceux qui nous ressemblent, ce qui prépare le terrain aux populistes xénophobes.

Mère de l’indignation, elle est sœur de la colère et pousse à l’agression. Conformément à l’adage « loin des yeux, loin du cœur », elle tend à privilégier des ­individus bien identifiés et est insensible aux réalités statistiques. Elle favorise le « ici et maintenant » et ne se projette guère dans le futur. « Pour une bonne politique, mieux vaut laisser l’empathie de côté », soutient Bloom, qui cri­tique l’usage appuyé du mot par le président Obama.

Nos relations personnelles et professionnelles aussi sont en cause : le bon médecin, le bon psy, le bon ami est-il celui qui manifeste le plus d’empathie et souffre à l’unisson, ou celui qui éclaire et tranquillise ? Comme les bouddhistes, Bloom ­insiste sur la distinction entre l’empathie au sens courant du terme et la compassion. Le bodhisattva, qui consacre sa vie à alléger les souffrances du plus grand nombre, a le choix entre deux attitudes : pratiquer l’empathie en série, ce qui l’épuise, ou la compassion, démarche raisonnée qui lui ­permet de mieux supporter la souffrance d’autrui et ainsi de se rendre plus utile.
Peut-être par un excès de moralement correct, on ne s’est pas suffisamment penché sur les errances de l’altruisme, soutient pour sa part l’Américaine Barbara Oakley. Cette spécialiste de l’éducation a exploré le problème en tous sens, remettant au goût du jour une notion très ancienne, « l’altruisme pathologique ». Elle se défend d’utiliser l’expression dans un sens clinique, se contentant d’analyser les conséquences négatives d’une empathie ou d’un ­altruisme mal placés. Mais les psychiatres du début du XXe siècle avaient moins de retenue.

Dans un article publié en 1910, le médecin aliéniste français Georges Genil-Perrin décrit ainsi par le menu des cas d’« altruisme morbide ». Il parle de « l’amabilité exagérée des ivrognes », de « l’exagération de la bienveillance » de certains maniaques, de « débiles philanthropes » qui peuvent aller jusqu’à s’endetter et à voler pour mieux donner, de la« déviation des sentiments altruistes » qui peut conduire à déshériter sa famille au profit d’inconnus, voire d’animaux. Une « hystérique » a laissé avant de se suicider une lettre présentant son geste comme un acte de générosité, destiné à permettre à son mari d’épouser sa rivale.

« Tragédie de l’altruisme »

Genil-Perrin rappelle les descriptions faites par le célèbre psychologue américain William James, mort en 1910, de l’« état théopathique », qui conduit, au nom de la charité chrétienne, à avaler les vomissements d’une cancéreuse ou manger les déjections d’une dysentérique.

Autre cas de « déviation » : Sante Geronimo Caserio, l’anarchiste italien assassin du président Sadi Carnot, dont on a conservé les lettres de prison. « Je ne pouvais plus voir cette infâme société qui, tous les jours, fait mourir des centaines de pauvres ouvriers », écrit-il. Son gardien note pour sa part qu’« il n’est pas du tout affecté par l’idée du chagrin qu’il cause à ses parents ».

Barbara Oakley, elle, préfère se concentrer sur les innombrables cas où les meilleures intentions altruistes se retournent contre leurs bénéficiaires supposés. On fournit de la drogue à un ami pour le délivrer de son manque, une épouse reste avec son mari violent au risque de sa vie, une mère ne vaccine pas son enfant pour le protéger contre les vaccins, des parents obéissent aux quatre ­volontés de leurs rejetons pour ne pas contrecarrer leurs désirs, on privilégie les filles à l’école au point de pénaliser les garçons, on donne le diplôme à tous les étudiants parce qu’on ne veut pas les décevoir, on accroît les prestations sociales au point de créer des assistés, on encourage les prêts immobiliers aux pauvres au risque de créer une crise financière, on donne aux pays démunis en fermant les yeux sur l’usage fait de l’argent, on intervient militairement au nom de l’humanitaire.

Rappelons-nous, écrit-elle : « Au cours du XXe siècle, des dizaines de millions de gens ont été tués sous un régime despotique venu au pouvoir au nom de l’altruisme. » Oakley dénonce une véritable « tragédie de l’altruisme », alimentée par une panoplie de biais cognitifs.

« Rien n’est si dangereux qu’un ignorant ami », concluait La Fontaine, après avoir mis en scène un ours qui, pour ­débarrasser son ami d’une mouche importune, lui écrase la tête avec une pierre.

Par Olivier Postel-Vinay
http://www.lemonde.fr/idees/article/201 ... _3232.html
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Re: Le goût des autres - l'altruisme

Message par Jean »

Le goût des autres 5|6
Savants calculs

L'altruisme doit-il toujours être efficace ? Les philosophes utilitaristes répondent par l'affirmative, allant jusqu'à quantifier mathématiquement la meilleure façon de " faire le bien ". Mais ce procédé n'emporte pas l'adhésion de tous…

Ayant fait un rêve, Mélanie la Jeune et son mari Pinianus, richissimes Romains, vendirent leurs immenses possessions pour fonder églises et monastères. C'était en 405 ap. J.-C.  Cinq ans plus tard, le sac de Rome les fit se réfugier en Afrique du Nord. Là, ils rencontrèrent saint Augustin, qui leur fit le reproche de créer tous ces établissements religieux sans donner à l'Eglise les moyens d'en financer l'entretien sur la durée.

C'est l'un des premiers exemples avérés de réflexion sur ce qu'on appelle " l'altruisme efficace " : il ne suffit pas de donner, même beaucoup, encore faut-il penser à l'impact réel et à l'utilité de ses dons tant pour aujourd'hui qu'à l'avenir. Saint  Augustin s'opposait encore à la doctrine de l'ascète -Pélage (354-420), un ami de -Mélanie, qui allait jusqu'à promouvoir l'abolition de la -richesse. Selon ce dernier, la seule façon pour les riches chrétiens d'entrer au paradis était de renoncer à toute leur fortune. " Elimine le riche et tu ne trouveras plus de pauvre ", disait Pélage. Augustin jugeait cette position déraisonnable et peu efficace. Pour assurer le futur de la société et permettre au plus grand nombre d'accéder au royaume des cieux, mieux valait prôner les vertus de l'aumône, -appliquant ainsi le précepte adressé par le prophète juif Daniel au roi Nabuchodonosor : " Rachète tes -péchés par l'aumône et tes iniquités par la pitié pour les pauvres. " -Généraliser l'aumône -modeste pour les plus démunis mais conséquente pour les riches assurerait aussi, efficacement, la pérennité de l'Eglise.

Le chantre de l'altruisme efficace est aujourd'hui le philosophe australien Peter Singer. D'origine juive (trois de ses grands-parents sont morts en déportation), élevé dans le milieu protestant des écoles australiennes, il ne croit pas en Dieu mais préconise un altruisme radical, fondé sur un calcul rationnel. En  1971, alors qu'il faisait son doctorat à Oxford, une terrible famine frappa le Bangladesh. Il rédigea un article qui fit sensation : " Au moment où j'écris ces lignes, des gens sont en train de mourir au Bengale-Oriental, par manque de nourriture, d'abris et de soins -médicaux. Ces souffrances et ces morts n'ont rien d'inévitable. " Elles sont dues à la cécité morale, tout autour du monde, de riches trop égoïstes pour venir en aide aux pauvres. Le remède ? Donner son argent jusqu'à ce que ce sacrifice soit" d'importance morale comparable " à l'agonie de ces malheureux. Peu importe où ceux-là vivent, car la valeur d'une vie humaine est la même partout : " Cela ne fait pas de différence morale que la personne que je peux aider soit l'enfant d'un voisin à quelques pas de chez moi ou un Bengali dont je ne connaîtrai jamais le nom, à des milliers de kilomètres de là. "

Multimillionnaire et altruiste extrême

Selon Peter Singer, le critère à prendre en compte est la -faculté de souffrir. Pour tous les êtres vivants, animaux compris. " L'idée que la vie humaine est sacrée simplement parce qu'elle est humaine est un héritage médiéval. " M.  Singer s'inscrit dans la lignée de l'utilitarisme du réformateur britannique Jeremy Bentham (1748-1832) et de ses successeurs. M. Bentham vivait dans l'Angleterre nouvellement industrialisée, où les enfants de 6 ans travaillaient dans des conditions épouvantables au cœur d'usines dont les propriétaires étaient devenus fabuleusement riches. Dans son Introduction aux principes de la morale (1789), il avait posé ce principe utilitaire : " Un doit compter pour un et personne pour plus d'un. " M. Singer se réfère encore au philosophe anglais Henry Sidgwick (1838-1900), qui affirmait qu'en matière d'altruisme il faut laisser de côté toute forme d'empathie et de sentimentalisme pour se placer -résolument " du point de vue de l'univers ", en pratiquant une aide concrète (Ethique pratique, 1898).
A cette aune utilitariste, si un être vivant vaut un être -vivant, il est bien de sauver sa fille, écrit Peter Singer, mais il faut la sacrifier si l'on peut à la place sauver la vie de dix personnes inconnues. Il est favorable à l'infanticide des enfants gravement handicapés vivant dans la douleur (à condition que les parents soient d'accord). Il prône aussi l'euthanasie des personnes âgées très diminuées et souffrantes (mais il a dépensé une fortune pour maintenir en vie sa mère -atteinte d'Alzheimer, qui ne le reconnaissait plus).

Intitulé The Most Good You Can Do (" le plus de bien que vous puissiez faire ", Yale University Press, 2015, non traduit), le dernier livre de M. Singer met en scène quelques altruistes extrêmes, qu'il a invités à s'exprimer devant ses étudiants à Princeton. Il y avait Julia Wise, pour qui " chaque dollar dépensé est pris des mains de qui en a davantage besoin ". Elle se demande : " Ai-je autant besoin de cette crème glacée qu'une femme vivant dans la pauvreté ailleurs dans le monde, et qui réclame un vaccin pour son enfant ? " Quant à Zell Kravinsky, un multimillionnaire de l'immobilier, il a donné presque toute sa fortune à des bonnes œuvres et, pensant n'en avoir pas fait assez, s'est fait prélever un rein au profit d'un inconnu. Interrogé sur le point de savoir s'il accepterait de voir mourir son enfant pour en sauver mille, il a répondu : " Même pour en sauver deux. "

Ce qui plaît surtout à Peter Singer, c'est le raisonnement objectif présenté par l'intéressé : ne pas donner son rein aurait signifié qu'il accordait à sa vie une valeur 4 000 fois supérieure à celle de l'inconnu. Zell Kravinsky, a expliqué M. Singer, " a traduit son altruisme en termes mathématiques ". Le philosophe a encore rendu un hommage appuyé à Bill Gates et à Warren Buffett, qui ont donné une grande partie de leur fortune pour aider les malades des pays pauvres " sans en espérer une récompense au paradis ", n'étant pas croyants. Peter Singer et son épouse donnent de leur côté un tiers de leurs revenus. Le philosophe a pris sa calculette pour expliquer que si les 10 % des -contribuables les plus riches du monde donnaient une part de leurs revenus, allant de 15 % pour les plus " pauvres " d'entre eux à 33  % pour les 0,01  % les plus riches, la " pauvreté globale " serait éradiquée.

On peut prôner l'altruisme efficace sans se réclamer d'un utilitarisme aussi radical que celui de Peter Singer. Un jeune philosophe d'Oxford, William MacAskill, a publié en 2015 un livre proposant une méthode pour évaluer la meilleure façon de " faire le bien " : Doing Good Better(Avery, 2015, non traduit). Il reprend à son compte la notion de " qaly " mise au point par les économistes de la santé. Un qaly représente une année de vie en parfaite santé. Une année d'une personne infectée par le VIH mais non soignée vaut 0,5 qaly. Une année d'un aveugle en vaut 0,4. Et ainsi de suite… Cela conduit à de savants calculs. Ainsi, administrer des antirétroviraux à un patient atteint du VIH lui offre cinq ans de plus à vivre et une qualité de vie à 90  %, ce qui représente un gain de 6,5 qalys - (0,4 × 5) + (0,9 × 5) - . Quand on fait des dons, on peut donc comparer arithmétiquement l'effet de sa générosité en fonction des actions de l'organisme auquel on donne. Cela permet aussi d'engager une réflexion sur son propre choix de vie. Un jeune qui devient médecin ajoutera environ cent fois plus de valeur, mesurée en qalys, s'il exerce dans un pays pauvre plutôt que dans un pays nanti.

Mais faire médecine est-il le meilleur choix possible ? -Entrer dans la finance et gagner beaucoup d'argent peut être plus efficace en termes de qalys si l'on donne une part substantielle de ses revenus à un organisme bien choisi. Une ONG créée par deux financiers repentis, Give Well, permet justement d'identifier les organismes charitables les plus performants en termes d'efficacité.

Ces différentes formes d'altruisme " efficace " n'emportent pas l'adhésion de tous. L'objectivité du " point de vue de l'univers " adopté par Singer et MacAskill fait bon marché d'autres " biens " qui ont aussi de la valeur, soutient le philosophe américain Thomas Nagel : l'avancement du -savoir, la création et la préservation de la beauté, la protection de l'environnement, l'animation de son quartier ou simplement le plaisir de vivre avec sa famille et ses amis. Chacun a le droit moral de préférer certaines valeurs à d'autres et de donner à qui il préfère donner sans se limiter à l'efficacité objective.

Un prêtre ayant vu Thomas Hobbes faire l'aumône à un mendiant lui demanda s'il l'aurait fait si Jésus ne l'avait pas commandé. Le philosophe répondit qu'il avait certes donné pour soulager le mendiant, mais aussi pour soulager son propre inconfort devant l'état misérable de ce pauvre hère. C'est aussi une forme d'altruisme efficace.

Olivier Postel-Vinay
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Re: Le goût des autres - l'altruisme

Message par Jean »

L'altruisme entre en religion
L'homme du XXIe siècle semble plus empathique que ses lointains ancêtres. Dieu a-t-il joué un rôle dans ce progrès moral ? Dernier volet de notre série " Le goût des autres "

Longtemps, le jeune Siddhartha Gautama, le futur Bouddha, vécut sans conscience de la misère du monde. Fils de roi, il se consacrait aux plaisirs dans son palais. Il était déjà marié quand les dieux en firent leur élu. Un jour, il quitte sa -résidence, voit un vieil homme mourant, puis la douleur d'un grand malade et enfin un -cadavre. Il choisit alors de découvrir le monde, constate les souffrances des hommes, et se -retire pour se faire moine, cherchant dans la méditation un moyen d'alléger nos peines.

Quelque cinq siècles plus tard, Saul, le futur saint Paul, participe à la lapidation du premier martyr chrétien, Etienne. Puis il se repent, se convertit au christianisme et reprend à son compte le commandement " Aime ton prochain comme toi-même ".

On peut lire dans ces histoires la métaphore d'une idée très ancienne remise au goût du jour, selon laquelle l'espèce humaine est -appelée à progresser moralement. Fils d'un des esprits les plus sarcastiques de son temps (Jean-François Revel), le moine bouddhiste Matthieu Ricard, lui-même impliqué dans 140 projets humanitaires, analysant une -série d'événements contemporains, avance que ce processus de progrès moral est aujourd'hui bien engagé.

Dans son best-seller international Plaidoyer pour l'altruisme (Nil, 2013), il adhère aux conclusions du psychologue américain Steven Pinker, qui pense avoir démontré que la violence sous toutes ses formes n'a cessé de diminuer depuis la préhistoire (The Better Angels of Our Nature, Viking Books, 2011), et reprend à son compte le point de vue des biologistes et des anthropologues qui considèrent que l'homme est une -espèce coopérative amenée à évoluer dans le sens d'une plus grande solidarité.

Matthieu Ricard salue encore l'avènement de l'économie du " care " (du soin et de l'attention aux défavorisés), d'innovations comme le microcrédit et le commerce équitable, et met en avant les expériences éducatives montrant la facilité avec laquelle on peut promouvoir les comportements empathiques chez les enfants, au point d'y habituer le fonctionnement de leur cerveau, imagerie cérébrale à l'appui. Il se sent en phase avec l'optimisme de son ami le psychologue chrétien -Daniel Batson, auteur de la somme -Altruism in Humans (Oxford University Press, 2011), selon qui promouvoir cette vertu est la clé de notre avenir. Il y ajoute l'efficacité de la " méditation compassionnelle ", qui elle aussi, certaines -recherches l'avancent, modifie les réseaux de neurones et, partant, nos habitudes.

L'essayiste américain Robert Wright a développé des idées proches dans L'Animal moral (Michalon, 1995), puis en 2001 dans un livre plus ambitieux -intitulé Non Zero : The Logic of Human Destiny - (Vintage Books, 2001). Pourquoi : " Non Zero " ? L'auteur constate que les interactions humaines ne se réduisent pas à un jeu à somme nulle, où le gain de l'un -signifie obligatoirement une perte pour l'autre : -elles nous entraînent aussi dans une logique -vertueuse, -gagnant-gagnant, profitable à tous. Le philosophe australien Peter Singer exprime cette même idée, à sa manière, dans son ouvrage The -Expanding Circle (Princeton University Press, 2011). Il y montre comment le cercle de l'altruisme s'élargit peu à peu de lui-même, passant des proches aux étrangers, puis à l'humanité, et enfin aux animaux capables de souffrance.

" Nous nous sommes domestiqués nous-mêmes "

Dans un autre essai intitulé The Evolution of God (Little, Brown and Company, 2009), Robert Wright insiste sur l'élément moteur que les religions ont -représenté, et représentent toujours, dans ce mouvement de progrès moral. A ses yeux, elles continuent d'opérer dans le bon sens – en dépit des dérapages dont nous sommes témoins aujourd'hui. Un signe est le changement du sens de la formule " Aime ton prochain comme toi-même ". Dans le -Lévitique, elle signifie " aime ton voisin comme -toi-même " : ceux qui n'appartiennent pas au -peuple élu en sont exclus. Désormais le mot - " voisin ", toujours utilisé par les anglophones - (neighbour), a pris le sens de " prochain ". " Le cercle de la fraternité s'est étendu ", écrit Wright.

Tout récemment, une réflexion semblable a été -menée par l'universitaire britannique Dominic -Johnson, auteur d'un livre au titre éloquent : Dieu te regarde : comment la peur du divin nous rend -humains (Oxford University Press, 2016). Il a passé au crible près de deux cents " cultures préindustrielles ", et conclut que les croyances religieuses porteuses de sentiments moraux sont plus fréquentes dans les -sociétés plus nombreuses et plus complexes. Que nous en soyons ou non conscients, l'œil noir de Dieu -continue de nous regarder et pèse sur nos actions.

Il pointe là un débat lui aussi très ancien, mais toujours vif : si le cercle de l'altruisme s'étend, est-ce parce que l'homme a progressé en vertu ? N'est-ce pas surtout en raison des contraintes et des habitudes imposées par ce que le philosophe anglais -Hobbes appelait le Léviathan, c'est-à-dire le " souverain " : l'Etat et son arsenal punitif ? Les deux explications ne sont pas exclusives, mais elles reposent sur deux conceptions différentes de l'animal humain. La première est optimiste : l'homme possède en lui un fond de bonté qui ne demande qu'à croître et à embellir, pourvu qu'on lui fournisse l'environnement approprié et qu'on l'éduque en ce sens, dès le plus jeune âge. La seconde relève d'un réalisme plus cynique : les facultés morales de l'homme n'évoluent pas, mais les nécessités de la vie collective ont conduit à mettre en place un " contrat social " scellé par des institutions, qui nous conduit à modifier nos comportements en intériorisant des règles dont le non-respect attire des sanctions.

Ainsi, nous payons des impôts élevés dont nous -savons qu'ils vont financer des actions dont nous ne profiterons pas directement : l'enseignement public alors que nous n'avons pas d'enfant, les subventions à l'agriculture alors que nous sommes citadins, etc. Nous pouvons émettre des réserves sur la manière dont cet argent est employé ou sur le montant -global des prélèvements, mais la plupart d'entre nous jouent le jeu. Cette forme d'altruisme ne -repose sur aucun sentiment d'empathie ni même de générosité à l'égard des bénéficiaires. C'est une obligation dont nous avons intériorisé la nécessité -sociale, et dont nous savons qu'elle peut conduire à une pénalité si nous ne nous en acquittons pas. Pour reprendre une formule de l'anthropologue américain David Sloan Wilson : " Nous nous sommes -domestiqués nous-mêmes. "

Toujours dans cette optique réaliste, l'explosion -démographique du XXIe siècle et la révolution des outils de communication qui l'a suivie ont mécaniquement favorisé l'extension du cercle de l'empathie. Mais, là encore, les meilleurs esprits se séparent. Dans un livre au titre très optimiste, The Moral Arc (First Edition, 2015), l'historien des sciences -Michael Shermer met en scène une tension. Même si l'homme est une espèce foncièrement coopérative et morale, écrit-il, quand une communauté se sent menacée, elle tend à commuer la compassion pour les siens en haine de l'autre. Le sens de la justice -devient un argument pour le recours à la -violence. Mais fort heureusement, croit-il, voilà qu'Internet et le smartphone mettent le savoir et la raison à la portée de tous. La bonne information -finira par chasser la mauvaise, permettant aux gens de juger par eux-mêmes en connaissance de cause.

Illusion ? Pour l'Américain Eli Pariser, le fondateur du site Upworthy, qui tente de promouvoir ces bonnes informations, les internautes accèdent essentiellement aux contenus qui confirment leurs préjugés. Ils sont victimes d'un " effet de silo ". Internet, explique-t-il dans son livre The Filter Bubble (Penguin Press, 2011), présente un risque sérieux de- -régression intellectuelle et morale. De son côté, la sociologue du MIT Sherry Turkle se demande si on peut vraiment faire confiance aux seules technologies de réseau pour promouvoir l'altruisme. Après des années d'enquête auprès des jeunes Américains, sa réponse est négative. Le smartphone est un outil dépersonnalisant, qui renforce l'égotisme et le- -conformisme et fait diminuer la propension à -l'empathie, écrit-elle dans Reclaiming Conversation- (Penguin Press, 2015).

Si, d'un côté, d'excellents prophètes appellent à se sacrifier pour nos petits-enfants et leurs successeurs, de l'autre continue de résonner la plaisanterie de Groucho Marx : " Pourquoi me soucierais-je des générations futures ? Qu'ont-elles jamais fait pour moi ? " Et l'anthropologue américaine Sarah Hrdy nous prévient : " Nous ne sommes ni meilleurs ni -pires qu'il y a un million d'années. "

Olivier Postel-Vinay
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Djinpa
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Re: Le goût des autres - l'altruisme

Message par Djinpa »

merci Jean de ce post qui me passionne!
peut-être Aspie, en attente d'un premier rdv demandé au CRA.
premier rdv le 04/07, demande de bilans ergo/neuro en cours
Premier diag Asperger posé par un neurologue expert juillet 2016, communiqué en décembre
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Re: Le goût des autres - l'altruisme

Message par Rem 82 »

J'adore les gens ! :love:
Je les déteste aussi ! :twisted:

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neg55
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Re: Le goût des autres - l'altruisme

Message par neg55 »

Merci aussi, j'apprécie bcp bcp.
Empathie, raté pour moi mais suis pouvue de compassion +++ quasi pathologique ! L'empathie conduit elle à la compassion?
EnHans
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Re: Le goût des autres - l'altruisme

Message par EnHans »

+1, c'est très intéressant.
Un enfant diag en 2012
Rem 82
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Re: Le goût des autres - l'altruisme

Message par Rem 82 »

Bon ! Ben nous sommes des autistes altruistes ... ou des altruistes autistes ! :lol:
Aspi.

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