Phénotype élargi (quezaco ?)

[bernard]

Ce terme est une traduction de l'anglais "broader phenotype"
http://en.wikipedia.org/wiki/Heritability_of_autism
Il signifie par là que la part génétique de l'autisme en est une cause principale. Voir les études que mènent les équipes de Bernadette Rogé
http://w3.cerpp.univ-tlse2.fr/pole2.htm

Mais même si la part génétique est prépondérante, cela ne signifie pas ipso facto une hérédité originelle. D'autres études montrent que c'est au moment de la création des premières cellules que des anomalies génétiques se produisent.
Voir découverte de fin 2006 sur le gène Shank3 situé sur le bras long du chromosome 22 (22q13.3) sur
http://www.canalacademie.com/Autisme-la ... uveau.html
On peut écouter sur ce lien l'interview de la chercheuse à l'origine de cette découverte.
Les Aspies analysés ont de multiples copies de ce gène (souvent 3).
http://www.college-de-france.fr/media/p ... rgeron.pdf

Une page, résumant les questions que l'on se pose et le flou dans les réponses montrant que beaucoup de choses restent à découvrir, est visible sur le site de Autisme Europe à
http://www.autismeurope.org/portal/Defa ... ?tabid=732

C'est Jean qui m'a mis la puce à l'oreille sur ce phénotype élargi.
Une cause non triviale d'un ascendant familial est parfois à rechercher.
Dans le billet suivant, j'ai fait cette analyse pour mon cas.

[bernard]

Avec 2 membres de la famille atteint du syndrome, et l'idée de Jean de chercher des causes proches avant de plus compliquées, j'ai dans un premier temps poussé ma recherche vers mes parents.
Comme déjà dit dans un précédent billet, ma mère avait l'esprit vif et mon père était un peu plus lent. Mais rien que je n'ai ressenti de flagrant sur le syndrome d'Asperger.
En remontant sur la génération précédente, côté paternel, je n'ai connu que mon grand-père. Ma grand-mère étant sa seconde femme, sans enfant de ce mariage. Mon père avait 2 frères et 2 soeurs. Je les ai connus et rien de bien flagrant chez ces oncles et tantes.
Sur la partie maternelle, j'ai connu mon grand-père et ma grand-mère, tous les deux nés en 1898. Ma grand-mère était daltonienne (elle avait 2/1000 de l'être) et a eu 4 filles qui ont transmis ce daltonisme.
Sur tous les garçons de ces 4 filles, le gène défectueux s'est exprimé. Je suis daltonien ainsi que mes 3 cousins.
Reste maintenant le grand-père maternel. On se rapproche.
Savoyard, dernier d'une famille nombreuse, il a toujours eu un esprit taciturne. Il était catalogué comme un original.
Il est décédé en 1966 d'une rupture d'anévrisme (cerveau).
Dans mes souvenirs, seules les années 1965 à 1966 me le remémorent. Il était solitaire, toujours l'oreille collée à son poste à lampe pour écouter les émissions radiophoniques. Il n'adressait la parole à personne. Quand on allait voir mes grands-parents, il soulevait sa casquette pour nous saluer, c'était tout. Jamais il ne nous a embrassé ma soeur et moi, ni mes parents. Il adorait la science, mais avait du embrasser la carrière de mineur de fond. En contrepartie, il cultivait un jardin potager où il faisait des greffes sur ses pêchers et ses abricotiers. Il avait acheté un petit lopin de terre à l'écart du village où il cultivait sa vigne en solitaire. Seules les vipères lui tenaient compagnie. Là, il n'était jamais dérangé. La seule joie de ma grand-mère a été ses enfants. Ma mère m'a raconté qu'à 20 ans comme la grande guerre se terminait, sa mère avait été engagée comme cuisinière d'un notaire local, qui avait une grande propriété secondaire en Algérie. Quand l'hiver arrivait, elle embarquait pour l'Afrique du Nord, où là-bas, elle devenait la responsable des femmes oranaises qui maintenaient en état la maison toute l'année. Ne pouvant accéder aux cuisines, elle pouvait visiter la ville et découvrir les plaisirs des rentiers. De retour en France, elle se maria et ce fut la fin du rêve. Ma mère se rappelle son père comme un homme froid, ne parlant jamais, faisant quelques signes qui voulaient tout dire. Il ne supportait pas le bruit. Il fallait sortir pour parler. Il n'avait aucun ami qui venait le voir. Au début quelques mineurs comme lui sont passés pour les fêtes, mais comme il ne rendait jamais la pareille, ce contact a été rompu rapidement. Et pourtant. Il était doué pour de multiples choses. Quand le salaire n'était pas au rendez-vous, il s'installait dans un troquet pour croquer au fusain un portrait qui rapportait quelques sous. Sorti de sa radio, il lisait ses almanachs qui contenaient quelques infos des découvertes scientifiques de l'époque. J'ai déjà signalé dans un autre billet comment j'ai "hérité" de son almanach du jardinier de 1929 qui comportait des cartes du ciel et des informations astronomiques sur les levers et couchers des astres (Soleil, Lune et Planètes). Il faisait aussi des relevés de positions avec une montre à gousset et un sextant. Seule la montre m'est parvenue. Il faisait aussi de la photo avec une boite noire comme il en existait à l'époque. J'ai aussi récupéré cet appareil rudimentaire. Toutes ses activités, il les menait seul, en autodidacte. Son seul lien était sa radio et le journal local. Ses proches lui étaient indifférents. Il avait de nombreuses manies. Le dimanche, il lui fallait 2 tartes. Celle du midi, et celle du soir. Si l'une des 2 n'étaient pas faites, il piquait sa crise et les voisins étaient obligés d'intervenir pour calmer le jeu. Il s'isolait alors dans sa cave avec son chat et ne ressortait que la nuit venue. Pour les confitures, il fallait toujours 2 pots de confiture ouvertes, une devait toujours être de la confiture de fraise, et l'autre pouvait être un des fruits du jardin. Si aucun pot de fraise n'était présent, il ne disait aucun mot, se levait et sortait de la pièce. Quand il est décédé, ma grand-mère a continué à faire de la confiture de fraise pendant encore 4 ans avant de ralentir l'allure. Quand elle est décédée en 1972 (6 ans après), on a retrouvé une quantité incroyable de pots de confiture séchée dans tous les placards de la maison. Sure que cet homme l'avait marquée.

[bernard]

Jean,
As-tu remarqué aussi des similitudes dans l'entourage de Lila ?

[maho]

J'ai fait un peu de recherche aussi Bernard, sauf qu'on a des soupcons sur plusieurs syndromes a la fois!! Je crois personnellement qu'il y a beaucoup plus de personnes avec des symptomes de AHN qu'on veut admettre. La seule difference est qu'il y a 50 ans quand quelqu'un etait un peu "ours" on ne faisait pas tout un plat, car les "normes" qui existe dans la societé d'aujourd'hui n'existait pas. A l'epoque on allait a l'ecole de village avec les enfants qu'on connaissais de naissance, et le plus souvent on restait au village avec les memes toute sa vie. L'etendue de communication, media etc. fait qu'on remarque plus les differences. Le noyau familial a cette epoque etait plus soudé, mais aussi moins a choyer chaque enfant, manque de temps.
Le grandpere de mon mari (cantonnier en Bretagne) etait "ours", ne parlait a personne, et j'ai appris qu'il avait une obsession avec le pain (ces dits sont recueillie d'un cousin qui n'a pas beaucoup frequenté Loic, qui a cette meme obsession et les memes reactions) il avait toujours peur d'en manqué (Loic nous a dit exactement le meme chose) et il en caché partout sur le bord de la route, au hasard!!
Le riguer sur les haoraires des repas revient souvent (la routine) ce qui a eté compris a cette epoque comme normale vu la journée de travail, mais aujourd'hui semble "bizarre" puisqu'on peut manger a n'importe quelle heure.
Ma belle mere aussi surtout en vieillissant (elle est veuve depuis 23 ans) a trouvé une obsession avec l'eglise, a des manies de routine, et peut etre blessant (sans le vouloir, elle est formidable!!) dans ses propos. Suite a une pneumonie, elle perds un peu ses moyens, le debut d'Alzheimer (les traits d'Alzheimer ressemble beaucoup a Asperger ou AHN!)
Mon pere egalement est Alzheimer tout comme sa mere (on ne le connaissais pas a cette epoque, on les traité de senilité debile) ma mere aussi commence tout comme sa mere aussi. Mes granperes je n'ai jamais connue, mais les deux etaient des joueurs et des buveurs (addiction au jeux et a l'alcool!!) (Mazette!!! je lis mon arbre généalogique, ca fait peur!!!!)
Chez les femmes, elles vivent tres longtemps, granmere paternelle decedé a 96 ans, maternelle 89ans, et mes propres parents ont bien entamé les 80, donc ma mere a 82 est encore conferencier au fac!!!
Mais je crois que la faute d'aujourd'hui se rejette beaucoup sur la societé, comme je dit toujours, pour ceux qui vivent dans l'ignorance de ce Syndrome, comme toi Bernard, et reussie leur vie tout en etant aussi bien et heureux que possible, tant mieux, sauf que on est jamais a l'abri d'un facteur declencheur comme notre fils, et la c'est le cata!!
Je te lis avec beaucoup d'interet Bernard, meme si comme a dit Chris il y a beaucoup qui me depasse (c'est peut etre aussi le manque de temps pour m'appliquer vraiment car le probleme du chevre et la corde, j'avais deja visualisé dans ma tete!!) continue comme ca, ca me fait tellement plaisir de lire une telle joie de vivre, un tel passion, mais je pense aussi a ta femme, j'espere qu'elle a les epaules solides, car entre toi et Clement, ca ne doit pas etre triste!!!
Bonnes brioches Sue

[bernard]

Merci Maho pour ton intervention.
Je ne savais pas que stocker de la nourriture faisait partie des traits des AHN. Je l'apprends.
Jusqu'ici, je croyais que c'était normal.
Mais j'ai eu la réflexion : "il stocke comme s'il allait en manquer".
Je m'explique. J'ai une cave où je peux stocker des aliments.
J'y ai même installé Internet, au cas où.
Quand j'achète du lait c'est 64 ou 128 bouteilles.
De la lessive, j'en ai pour 2 ans.
De l'eau pour un régiment.
Tu comprends mon étonnement en lisant ta lettre.

[jakesbian]

tu oublies les 20 ordinateurs dans la maison... au fait 'est pourquoi?
- tu achêtes quand il y a une nouveauté... ou
- chaque ordi a été acheté à un usage bien précis

[bernard]

Ni l'un, ni l'autre.
En fait mon entreprise se débarrasse des PC au bout de 4 ans et pour 120 euros, on peut avoir un Pentium IV 1,7 GHz, ou pour 150 euros un P4 2 GHz. J'ai monté une batterie de PC dans mon garage, tous sous Linux, sur lesquels j'ai monté mon serveur web, ma passerelle, mes calculateurs, mon serveur de fichiers. Cela me permet de mettre 100 Go en ligne avec des programmes qui tournent en permanence sur les calculateurs pour me tracer les cartes et les positions de la foultitude d'astéroides qui sont maintenant découverts (pas loin de 400000). Ca marche tout seul et cela permet a tout moment de savoir ou ils sont. On les voit bouger sur leur orbite en 3D, c'est marrant.
Sinon, il y a un ou deux PC par chambre sous Windows 95, 98, XP ou Vista. Puis ceux dans l'abri de jardin et dans la cave.
Tout est monté sur onduleur bien sur surtout en cas de coupure de courant pendant les orages (en été).
Quand je les change car trop anciens, je les relook et les donne aux parents des enfants que ma femme garde. Ca leur fait une 3ème vie.
A la maison, cela fait un sacré réseau.

[maho]

Je t'en prie Bernard, apelle moi Sue, Maho c'est mon nom de famille mais suite a une erreur de ma part c'est le seul moyen de me connecter!!! J'ai l'impression d'etre a l'ecole chaque fois que tu dit Maho!!!
Alors bizarrement j'ai discuté ce soir encore du stockage, surtout en nourriture, dont une mere qui veille de ne pas mettre un pantalon a poche a son fils quand ils sont invité a l'apero, sinon il remplit les poches une fois que le ventre est plein!!! Par peur d'en manquer!!!!
Dis moi, dans les WC aussi il y a un PC? Nous on a jamais depassé les BD!!!!

[jakesbian]

formidable sue, c'est tellement bon de nous faire rire...
- nicolas n'a jamais stocké la nourriture, mais lorsqu'on allait à une fête, çà a souvent été la honte de le voir se jeter sur la nourriture et les boissons... maintenant, il ne le fait plus car il sait que çà ne se fait pas.

çà y est, bernard, je comprend... tu comprends, chez moi, il y a un ordi et question internet, on est ravitallés par les corbeaux( quoique çà va de mieux en mieux) , alors le week-end, lorsque les enfants sont là, c'est partage, diplomatie et organisation.

[bernard]

Vous m'excuserez pour les prénoms mais ce n'est pas facile pour moi.
Pas besoin d'expliquer je pense.
Au début c'est un peu compliqué de savoir qui est qui.
Surtout qu'au lieu de mémoriser les prénoms, je mémorise les signatures en bas de texte. Celle qui m'a le plus plut, c'est celle de Lila. Ensuite celle de Sue. Puis celles avec les enfants et les ages.

[bernard]

J'avais lancé ce thème sur le phénotype élargi, et je vois qu'on diverge sur les PC. Revenons à nos moutons. J'attendais des infos de la part de Jean.

[Jean]

Le point sur le caractère déterminant de la génétique pour l'autisme a été fait de façon claire (et nuancée à mon avis) dans le projet d'avis du comité d'éthique de l'INSERM. Voir dans le sujet sur les tests.

C'est plus résumé dans l'avis du conseil consultatif national d'éthique sorti en novembre.

Je n'ai pas envie de me lancer dans la description des personnes de la famille de Lila qui ont quelques traits de caractère communs. En effet, c'est un ensemble de comportements qui caractérise le syndrome. Quand il n'y en a que quelques-uns, il ne me semble pas évident d'en tirer la moindre conclusion. De plus, au bout d'un certain temps (à un certain âge), une adaptation à la société plus ou moins naturelle (plutôt moins) s'est faite et il n'y a pas grand chose à faire.

Ce sera peut-être intéressant à l'avenir, quand des origines génétiques clairement identifiées existeront, d'aller voir dans la famille des autistes dans quelle mesure certains gênes se reconcontrent chez certains, et comment cela s'est manifesté. Pour l'instant, cela est bien prématuré : j'ai entendu critiquer la démarche de la fondation autisme "agir et vaincre" à cause de cela. Suivant des chercheurs, il faut se concentrer sur la recherche de gênes chez des autistes identifiés suivant les procédures de diagnostic classiques.

Par contre, en ce qui me concerne, c'est vrai que je suis troublé depuis quelques années quand je réalise que j'ai des comportements qui sont facilement identifiés chez Lila comme conséquence de son syndrome. Avant son diagnostic, elle a travaillé deux mois pendant l'été dans ma boîte. Ses comportements atypiques (remarques saugrenues ou... pertinentes) étaient considérés comme similaires à son père.

Un de mes amis m'a fait la remarque que çà se passait bien au boulot, mais qu'il y avait un problème : elle ne regardait pas dans les yeux. je n'avais jamais remarqué et je me disais "et alors?".

Depuis le diagnostic de Lila, lorsqu'on analyse son comportement ou celui d'autres autistes, je suis amené à réfléchir aux comportements sociaux que je pratique et à ceux que je pratique mal. Effectivement, j'ai tendance à ne pas regarder mon interlocuteur et à me tourner de côté pour me concentrer sur la question qui m'est posée. J'ai été étonné le jour où je frimais avec des lunettes de soleil neuves et où une amie m'a demandé de les enlever. J'ai du mal à identifier les gens et surtout à mettre leur nom en relation avec leur physionomie, alors que tout le monde me connaît. J'oublie de dire bonjour et je lance des blagues sans me rendre compte du caractère humiliant qu'elles peuvent avoir. Circonstance atténuante : c'est ma mère qui en ramasse le plus

Bon, je vais arrêter, car en répondant à bernard, j'ai l'impression d'être passé à confesse pour plusieurs Pâques d'avance.

[bernard]

Jean, j'ai trouvé super ton billet.
Je vais aller voir les liens indiqués.
Je ne pense pas que confesse et le bon mot.
C'est juste la possibilité qu'on a aujourd'hui en 2008 de pouvoir s'exprimer, de partager des idées et de comparer pour mieux comprendre.

Quand on dit "ne pas regarder dans les yeux", au départ, la première fois que j'ai entendu cela en 2003, je ne me sentais pas concerné. Je m'efforce de regarder dans les yeux.
Mais en y réfléchissant, et en y pensant quand cela m'arrivait, je me suis aperçu qu'en fait, ce n'est pas si évident.

Je le vois aussi en regardant Clément et je me souviens.
Je me souviens que petit, je ne pouvais pas regarder quelqu'un dans les yeux sans éclater de rire. Je ne peux pas expliquer pourquoi. J'ai donc en grandissant contourner le problème et comme tu le dis, j'essaye de regarder sa bouche, ou un peu en biais, sans que cela se voit trop.

Mais avec Clément, je ne peux pas. Quand on se parle, on ne peut (presque) jamais se regarder dans les yeux sinon c'est fou rire assuré, et là, je me lâche. Du coup ma femme nous regarde d'un drôle d'air. Le pire, c'est quand le cousin de Paris est là (en principe il descend à chaque vacances scolaires). Cela donne des parties de fou rire à trois sans raison. Mais bon c'est comme çà.

Cela dit, comme le fait remarquer Jean, avec l'âge, je suis capable de regarder mon interlocuteur, à condition de ne pas le fixer en permanence.

[bernard]

J'ai commencé à lire ce soir le premier document.
En fait en bas de page, il faut charger un fichier Word (.doc) qui contient la suite du texte. J'en ai lu les 26 premières pages sur 60 et c'est passionnant.
Je lirai la suite demain, j'ai mon chat qui veut des câlins, et il m'empêche de lire correctement.

[jakesbian]

quand on y pense, c'est quand même surprenant ce que les gens peuvent reprocher à un autiste... ce sont des petites choses sans importance... ok, dans un groupe de 50 personnes, on ne voit qu'eux; ils ne font jamais ce qu'il faut, au moment où il faut... mais lorsque l'on voit la méchanceté de certaines personnes...
... lorsque nicolas avait 8 ans, lors d'une célébration de cathé, le curé m'avait dit: "votre fils est un instable"; je savais déjà qu'il ne pouvait pas y avoir plus stable que nicolas.