A propos de notre "résistance au changement"

[Tsaag Valren]

Bonjour.

Je me pose des questions sur l'un des critères diagnostiques de l'autisme, à savoir la résistance (supposée) au changement.

J’ai découvert tout récemment que la très grande majorité des gens (non-autistes ?) qui ont un compte Facebook ne changent jamais la langue de celui-ci. Et j’en suis triste pour eux, parce qu’ils se privent d’une chouette possibilité de découvrir des mots et des structures linguistiques nouvelles. Bref, une personne qui venait me rendre visite m’a demandée pourquoi mon interface de Facebook est en portugais.

Le nom de jeune fille de ma mère étant portugais, elle a supposé que j'en avais entendu dans mon enfance, et que je gardais un FB en portugais par nostalgie ou par habitude. Mais pas du tout. Je change régulièrement la langue de mon Facebook (tous les mois ou tous les ¾ mois, ça dépend si j'aime ou pas), histoire d’en découvrir (et si j’aime, j’essaie de les apprendre un peu). Les actions déterminées par les zones cliquables sont situées exactement à la même place. L’interface de FB ne change jamais. Comme sur Wikipédia, d'ailleurs. Je peux mettre Facebook en chinois ou en arabe sans besoin de comprendre l’écriture du chinois et de l'arabe. Il suffit de se rappeler où sont positionnés les onglets et les liens cliquables courants. Rien n’empêche non plus de revenir au français pour quelques actions facebookiennes spécifiques, du genre trifouillage dans les paramètres.

Et pas besoin d’être autiste pour changer la langue de son Facebook, comme s’il fallait le rappeler… !

Donc, je propose à cette personne de changer la langue de son FB vers quelque chose d'assez proche du français dans un premier temps, genre espagnol, italien ou portugais, juste pour voir. Elle me répond qu'elle n'a pas envie de se fatiguer à chercher que veut dire quoi. Soit c'est un manque de confiance en soi, soit c'est une... résistance au changement ? Dans mon cas, si je prenais une balance, et que dans un plateau je mettais le temps perdu à se rappeler de quel onglet/lien cliquable fait quoi, de l’autre le plaisir à voir des mots nouveau, le plaisir des mots nouveaux l’emporterait de loin.

Dans les critères diagnostiques de l’autisme, il reste écrit que nous sommes « résistants aux changements »... Et si c’était faux ? Est-ce qu'on est plus résistant au changement quand on n'aime pas avoir son heure de repas décalée, ou quand on ne sort jamais d'un rythme métro-boulot-dodo ?

Je connais des gens qui ne supporteraient pas le décalage de l’heure d'un RDV ou d'un repas, mais qui opèrent d’eux-mêmes des changements de routines (sur le web, en particulier) que des personnes non-autistes ne feraient pas. Du coup, pour moi, ce n'est qu'une différence qualitative de changement.

Qu'en pensez-vous ? Avez-vous des témoignages similaires ?
D'avance, un tout grand merci !

[L'espion du coin]

Effectivement, si on me propose une occasion en or, je suis POUR le changement... !

J'appréhende, toutefois...

[L'espion du coin]

Intéressant... : ça m'arrive de balancer certains de mes blogs en Allemand, histoire de renouer avec mes origines...

ça me rappelle que y a "quelques Langues" qu'y faut qu'je cogite... !

Cogito, ergo sum...

[Benoit]

Je ne suis pas particulièrement attiré par les "routines" de l'existence non plus, mais ça pourrait aussi être une question de génération.

Par contre, je suis tout à fait absorbé par certains "intérêts spéciaux", et là pour ne pas arriver à en "sortir' on est bien au dela de la résistance, c'est "pire" que ça.

Et évidemment, les changements idiots subis et autres manifestations d'autorité stupides m'insupportent.

Donc en moyenne, j'ai l'impression d'être plutôt réticent à certaines formes de changement, mais pas nécessairement les plus évidentes.

[Ixy]

DSM (note : ce n'est pas un item nécessaire mais fait partie de la catégorie 'intérêts et comportements restreints' ):

Insistance sur l'adhésion inflexible à des habitudes ou modes ritualisés de comportement verbaux ou non verbaux (par exemple, une détresse extrême en cas de petits changements, difficultés avec les transitions, modes de pensée rigide, rituels de salutation, besoin de prendre le même itinéraire ou de manger la même nourriture tous les jours).

'Résistance au changement' ne signifie pas résistance à tous les changements, cela va de paire avec des particularités sensorielles aussi ou bien des difficultés dans les fonctions exécutives. Comme tu dis, pour toi, tu as tes repères sur Facebook car les boutons sont à la même place. Donc modifier la langue ne te perturbe pas... Et si on modifiait les boutons de place, est-ce que cela te perturberait ? Tout dépend de ses repères à soi.... par exemple l'intolérance à des changements de lieux ou de trajets (qu'on ne trouve pas chez toutes les personnes autistes) dépend de la façon de s'orienter, d'appréhender son environnement et de se déplacer.

[gog]

Pour mon boulot je dois passer d'une langue à l'autre instantanément et ça demande un peu d'énergie, du coup je peux comprendre qu'on n'ait pas spécialement envie de changer de langue de référence pour quelque chose qui ne relève pas de la nécessité. Facebook n'est pas spécialement un outil d'apprentissage des langues, autant regarder des films ou des séries, lire des œuvres en version originale pour apprendre...

[nouvo]

Donc, je propose à cette personne de changer la langue de son FB vers quelque chose d'assez proche du français dans un premier temps, genre espagnol, italien ou portugais, juste pour voir. Elle me répond qu'elle n'a pas envie de se fatiguer à chercher que veut dire quoi. Soit c'est un manque de confiance en soi, soit c'est une... résistance au changement ? Dans mon cas, si je prenais une balance, et que dans un plateau je mettais le temps perdu à se rappeler de quel onglet/lien cliquable fait quoi, de l’autre le plaisir à voir des mots nouveau, le plaisir des mots nouveaux l’emporterait de loin.

Concernant tes 2 interrogations /suppositions ici,

le plus vraisemblable est ce que la personne t'a répondu.. que j'ai souligné.
Personnellement ça me barbe / fatigue à avoir à traduire (c'est une gymnastique fatigante) - comme déjà lire (si c'est long / longuet) me fatigue.
Après ceux qui ont un intérêt pour les langues le feront avec plaisir, envie et curiosité.
D'autres, non.
Peu à voir (à mon avis) avec des histoires relatives à la résistance au changement, ou alors assez peu et pas fondamentalement.

Et sur la "résistance au changement", j'aime peu ce qui change, je n'aime pas les imprévus ou trucs de dernière minute, j'aime bien (me sens mieux) sur un rythme - et mon quotidien (en travaillant en extérieur notamment) (aléas, incertitudes, changements météo) + des gens qui peuvent appeler et faut prévoir (cadrer avec d'autres et dans un contexte d'incertitude) me crée des choses comme ça : plus ça et ça

Par contre pour manger,j'ai toujours mangé à l'heure où j'avais faim
et les changements d'heure ne me perturbe aucunement puisque je mange quand j'ai faim et me réveille quand je me réveille !

[Daredevil]

Pour moi un changement, c'est dans la vraie vie. Je suis non seulement apte à m'adapter mais j'aime bien découvrir de nouvelles choses sur micro.
En revanche, si tu changes ma vitesse de souris, ça va vite me perturber ou la disposition de ma table de bureau aussi.
J'essaie le nouveau clavier de Google sur Android

Dés fois un petit changement m'est plus intolérable dans une routine qu'un gros.
Exemple
Petit changement :On change de place à table chez moi, ça va beaucoup me perturber.
Gros changement : Pour un nouveau resto, avec mon entourage j'aurais de l'appréhension mais je surmonterai tout ça.

La résistance au changement,
Lorsque je me projette dans une situation, que cela ne s'est pas réalisé comme prévu cela va me perturber. Je ne veux pas forcément que tout se passe d'une même manière mais je suis facilement surpris. Je n''aime pas les imprévus.
Lorsque je n'ai rien prévu (rare), je ne suis pas contre un peu de nouveautés mais je ne suis pas en recherche.

PS pas diag

[Flower]

J'ai récemment déménagé à l'étranger, j'en étais très contente et je l'attendais avec impatience. Par contre j'ai emporté mes meubles, je n'aurais pas supporté vivre dans un appartement meublé. J'ai une place préférée en réunion et si quelqu'un d'autre s'y asseoit, cela me gêne (même si je ne dis rien) et si on me dit 5 minutes avant d'aller assister à une réunion, cela me met extrêmement mal à l'aise... Je ne supporte pas faire la même chose tout le temps, mais j'ai au quotidien une routine (légèrement variable) qui me rassure et si on la dérange, je me sens mal. Alors résistante au changement ou pas? Je ne sais pas.
Chez moi, ce qui a été retenu par rapport au diagnostic est plutôt que j'ai des choses qui doivent être rangées d'une certaine manière, notamment les livres, mais aussi les ustensiles de cuisine p. ex. Et quand la femme de ménage est passée, je dois prendre 10 minutes pour tout remettre en place correctement. Donc rigidité là-dedans...

[L'espion du coin]

Ouais... en fait, je déteste qu'on vienne dans ma chambre...
Sinon, le chien qui monte... qui marque son territoire vous savez comment...


Les gens qui dérangent mes montagnes d'habits, piles de livres...
La fenêtre qu'on ouvre et qu'on laisse ouverte, laissant les poussières des travaux s'insinuer sournoisement dans mes livres...

Le changement en MIEUX, là par-contre, je KIFFFE... !


Genre Taizé et mon Service Civique à l'Arche...
(Malgré les déboires... !)
^^
Tout dépend, en fait...

[Salicorne]

Effectivement, tout le monde apprécie d'avoir une certaine stabilité, quelques routines, et exprime une résistance au changement plus ou moins grande... Je pense que cela permet de réguler l'anxiété, de "rassurer". La plupart des enfants ont d'ailleurs des petites routines et se montrent inquiets face au changement (dixit une personne qui a l'habitude de travailler avec des enfants).

Les personnes autistes sont souvent plus anxieuses que les autres. Il n'est alors pas étonnant qu'elles aient tendance à développer davantage de rituels et une résistance au changement plus marquée. C'est une réaction simplement humaine, je crois. Comme les critères de diagnostic se basent sur l'observation de comportements qui se distinguent de la majorité par leur intensité ou leur nature, les psychiatres ont, en conséquence, inclus cet item dans la liste des caractéristiques de l'autisme. Bien sûr, ces critères ne sont pas parfaits et continuent à être discutés, car les TSA ont vraiment des manifestations très hétérogènes.

Il y a aussi un autre facteur qui permet influencer la "résistance au changement" d'une personne : il s'agit de la curiosité et de l'intérêt que l'on peut avoir pour accepter un certain changement. Si une personne n'a pas de véritable intérêt pour les langues, elle ne se montrera pas curieuse et n'aura vraisemblablement pas envie de "s'embêter" à changer son interface Facebook.

A l'inverse, une personne autiste qui craint les changements pourra trouver une forte motivation à bousculer son quotidien si elle est, par exemple, passionnée de voyages. Un intérêt particulier est, du reste, une autre façon (plus positive) pour réguler l'anxiété.

[AsperGuerre]

Oh, c'est trop marrant. Moi aussi j'adore ça et j'ai droit à "t'es bizarre" de la part des autres qui se demandent pourquoi je fais telle ou telle chose. J'ai fini par prendre ça pour de la curiosité plus accrue.

Je me suis aussi posé ce genre de question quand j'ai lu "résistance au changement" au début. Ça m'éclaire un peu, je ne suis pas seule.

[Zengali]

Je crois, peut-être à tort?, que la partie "résistance au changement" du diag. compte pour les changements imposés de l'extérieur (déplacer un RV, changer une interface qui fonctionnait bien comme ça), spécifiquement quand ces changements sont incompris et jugés inutiles.

Perso, j'aime les séries, (séries de petits déj identiques, séries télé, séries de bouquins du même auteur etc.), je change donc mais pas toutes les deux secondes non plus.

Si j'arrive le matin au boulot et qu'on m'annonce un gros changement dans l'emploi du temps, j'ai ma propre stratégie pour gérer (dont j'ai grave honte ici, donc je passe mon tour), mais globalement je n'aime pas trop qu'on me modifie mon planning du jour. à moins d'une semaine de battement je considère que c'est une ingérence dans mon organisation

[Autiste ou surdoué ?]

Bonjour,

Je me demande si le sujet de la résistance aux changements n'est pas une sorte de raccourci très réducteur dans le genre de celui qui est fait pour le manque d'empathie. Il y a changements et changements, tout comme il y a empathie ressenti et ce qu'on est capable de faire avec ce ressenti…
Il y a des changements que l'on supporte et d'autres pas. Certains que l'on s'impose même. Et cela est peut-être variable d'une personne à l'autre, je suppose.

MES CHANGEMENTS VOULUS : Je me fais des changements quand c'est pour moi une expérience nouvelle, une exploration, un challenge que j'ai envie de me donner. Cela peut être un détail genre étaler la mousse à raser de la main droite (j'ai l'impression que tous les hommes -droitiers- étalent la mousse de la main gauche et se rasent de la droite), aussi bien que commencer un nouvel apprentissage.

LES CHANGEMENTS IMPOSES : Il me faut soit la surprise complète (Pas le temps de se préparer, j'aime ou je n'aime pas, mais l'idée ne me dérange pas), soit être prévenu pour je m'habitue à l'idée.
Pour ces changements prévus, il me faut un temps d'adaptation. Mais une fois enregistré, il ne faut pas que ça rechange.
"- Mais, chéri, je croyais que tu n'avais pas envie de les voir, tu devrais être content qu'il annulent ?!
- Oui, mais je m'étais habitué à l'idée…". C'est un exemple, car ma femme ne m'appelle pas chéri !

MES INERTIES AU CHANGEMENT : ce sera plutôt sur des "détails". Je bois toujours mon café dans un verre à moutarde, au point que si ma femme se trompe, je vais en chercher un et transvase. Les verres ont leurs places dans les placards et j'ai du mal à ce que ma femme ne respecte pas les places. Alors que suis plutôt "bordélique" et trouve qu'une maison rangée est "morte" (gros différents avec mon épouse à ce sujet !).
Dans ma bibliothèque, j'ai une règle plate de 4 ou 5 cm de large, elle me sert à aligner mes livres par rapport au bord pour que ce soit joli, je n'aime pas qu'on les désaligne. Pour tout cela, et d'autres choses, quand ce n'est pas dans l'ordre, je range, pas d'autre solution.
Etc.

(Non diag je rappelle)

[Jean]

Vos remarques sont très pertinentes.

Pour se moquer de moi, Georges Huard disait que les syndicalistes sont comme les autistes, ils résistent au changement. Un argument que je n'utilise pas évidemment quand j'essaie de convaincre des patrons d'embaucher des personnes autistes.

Il y a d'ailleurs un certain danger dans la façon d'en parler : la résistance au changement, c'est ce qu'avait expliqué comme caractéristique de l'autisme le service d'accompagnement chargé de Guénolé.

Quelle surprise pour l'employeur de constater que Guénolé ne résiste pas au changement quand le changement des procédures (écrites) de la comptabilité est fait avec lui.

Plus généralement, j'ai appris que la résistance au changement est une procédure de protection psychologique pour les gens en général. C'est normal que les gens résistent au changement quand ils n'en sont pas à l'initiative, qu'ils n'en sont pas partie prenante ou qu'il ne se fait pas en fonction de leur intérêt.

La résistance au changement imposé de l'extérieur est positive !