Bah, tsé, les interactions sociales, l'absence ou le peu de hiérarchisation, de sélection des informations. [Mais nous pouvons mettre à profit cette absence de sélection, par exemple avec la mémoire.

] Tout cela fatigue en masse.
Ensuite s'ajoute le fait de moins facilement identifier les intentions de la personne (et quand il y en a plusieurs, ch'te raconte pas). Les questions se bousculent. Mais est-ce à elles de nous guider ? Ou à nous de les sélectionner ? Si nous les laissons nous envahir, la fatigue cognitive ressemble à une boule de neige qui dévale une longue pente. Et je ne parle pas des attentes. Certaines personnes non autistes ont tendance à vouloir que leur interlocuteur devine leurs attentes. Ça aurait un côté "magique". Et ce n'est pas toujours simple, même entre personnes non autistes. Quand un scénario se répète, faut-il encore envoyer des signaux ? Certaines personnes peuvent vouloir répéter un scénario sans s'en lasser tandis que d'autres attendent de l'originalité, du changement, de l'imprévu, du hasard, du piment.
Mais la goutte qui fait déborder le vase, ce sont les vagues de signaux non verbaux, un tsunami dont les personnes non autistes peuvent difficilement se passer. Tu vois comment c'est quand deux personnes doivent co-vivre et que l'une ne sait pas utiliser un outil dont l'autre ne peut se passer.
Certaines personnes autistes ont même carrément droit à un autre flou artistique : ne pas déceler l'ironie ou se douter qu'il pourrait y en avoir, certaines figures de style, ainsi que l'implicite. [C'est souvent lié au fait que l'implicite verbal est parfois explicite au niveau du langage non verbal. Aussi parfois, la personne non autiste utilise du langage non verbal pour montrer l'ironie (que c'est une blague, du sarcasme, etc.). Il y a tout un jeu d'harmonies et de dysharmonies des différents signaux de communication, à l'image d'une personne qui pourrait dire verbalement NON mais en même temps dire non verbalement OUI (en hochant la tête).]
La cerise sur le gâteau, la crème de la crème, c'est la diversité culturelle. Les normes sociales et comportementales peuvent varier du Japon à la France, du Pérou à l'Iran, d'Amnesty International à Apple, etc.
Comme le dialogue et la communication - non violente ! - sont l'outil à privilégier pour résoudre des conflits, des malentendus et autres incompréhensions, ce n'est, du coup, pas facile pour toutes les personnes ayant un handicap qui met des bâtons dans les roues de la communication (les personnes autistes, les personnes sourdes, les personnes aveugles, les personnes de langue maternelle étrangère, les personnes n'ayant pas appris certains outils de communication, certaines personnes schizophrènes, les personnes bipolaires, les personnes avec des bouffées délirantes, les personnes avec déréalisation, etc.).
Sous un emballage homogène se cache un cadeau hétérogène. Développons nos aptitudes à nous adapter à chacune de ses facettes, tout en nous ménageant des plages de repos quotidiennes, étant donné qu'il s'agit d'efforts d'adaptation. Mais essayons d'entretenir ces aptitudes, telles de bonnes habitudes. Difficile de se remettre à courir une heure ou deux quand on n'a plus couru depuis belle lurette. Par contre, si on garde le rythme dans la peau, la cadence nous aide à garder le mouvement, à communiquer. Et il n'y a pas forcément besoin d'avoir la cadence d'un politicien ou d'un humoriste. Nous n'avons pas besoin d'être des Usain Bolt, des Fabian Cancellara ou des Michael Phelps pour vivre heureux.
Trucastuces : s'intéresser à la psychologie sociale (notamment l'influence sociale (communiquer, c'est influencer

), mais aussi la dissonance cognitive), aussi la psychologie cognitive (les biais cognitifs, leurs bons côtés et leurs moins bons côtés), aux sciences du langage (et de la communication), aux dictionnaires d'expressions, aux figures de style, à la linguistique. Et pourquoi pas au théâtre, étant donné que tout peut être communication, tous les éléments du contexte : la distance avec l'interlocuteur, le ton de la voix, l'accoutrement, la posture, la gestuelle, les mimiques du visage, la valise que l'on tient dans sa main ou le sac à dos, le coucher de soleil, le miroir, la fenêtre, les nuages, le bus qui freine d'un coup, le co-passager qui laisse tomber son panier de châtaignes (L'a-t-il fait exprès pour observer les réactions des autres passagers ? Vont-il l'aider à ramasser ses châtaignes ? Vont-ils se moquer ? Ou faire comme si de rien n'était), le tas de cartons au bord de la route (qui nous rappelle/confirme qu'on est bien mercredi, jour de ramassage des cartons et papiers), etc. Et pourquoi pas à la logique, notamment à certains problèmes qui font appel au développement de la théorie de l'esprit (et autres méta-communications), ou aux sciences forensiques, aux énigmes, à Sherlock Holmes. J'ai ouï-dire que la théorie de l'esprit n'était pas développée chez toutes les personnes autistes - les personnes Asperger, vous savez, ces personnes autistes qui n'ont pas de retard de langage durant leur enfance, ben, elles seraient moins sujettes à l'absence de théorie de l'esprit. À défaut d'une théorie de l'esprit automatisée, nous pouvons nous aider des outils rationnels de compréhension : les sciences. Être un brin curieux, ça aide, j'avoue.
En Suisse, on aime bien le dialogue interculturel, le dialogue pour résoudre des conflits (ou en prévenir), la diversité linguistique, la neutralité, la collégialité, donc le compromis. "Wir müssen ein Kompromiss finden." ("Nous devons trouver un compromis.")
On dit qu'il faut réfléchir avant d'agir. Mais réfléchir, c'est déjà éblouir l'autre, c'est déjà donner un signal. D'où
l'impossibilité de ne pas communiquer, parfois appelée effet Palo Alto. Idem pour vivre ensemble, on ne peut pas ne pas négocier. Communiquer, c'est négocier. Mais cela est plus fatigant pour les personnes autistes (y compris les personnes Asperger), d'où la nécessité de bien aménager et répartir les plages de repos.
En plus, communiquer, c'est devenu bien plus. Ma présence est déjà un élément, inévitable, non masquable, de communication. Communiquer, c'est offrir, économie oblige. Ça peut carrément parfois signifier créer la demande (la demande en communication, la demande en affection, la demande en sensations, en signaux), voire le besoin (ou la dépendance). Avec le développement des outils de communication, des médias, et leurs usages généralisés, accessibles à tout un chacun, communiquer, c'est devenu offrir une image, et, pour ainsi dire, offrir une réputation, économie oblige. Si la réputation des employés est en berne, ça va se ressentir sur le chiffre d'affaire de l'entreprise.
Les vautours mercantiles volent au-dessus de nous. Et il n'est pas toujours aisé de comprendre leur langage dont ils usent tels des orateurs. Les actes économiques sont aussi des signaux, moins visibles, mais non sans impact. Le paradis des menteurs et des hypocrites peut être l'enfer des sincères. Attention donc aux mauvaises fréquentations, qui peuvent brouiller la communication. Attention donc aussi aux mauvais contextes (parfois appelés contextes toxiques ; on parle aussi de relations toxiques). Mais bon, ce n'est pas toujours facile de distinguer le vrai du faux.
L'étiquette d'une bouteille de vin peut être trompeuse, vous
former une fausse impression, de laquelle vous risquez de ne point vouloir en démordre. On peut faire miroiter des rêves à des personnes qui seront dans l'engrenage de la prostitution, du trafic, du terrorisme, etc.
Mais bon, ne vous forcez pas à embrasser ces considérations économiques (à moins qu'elles ne vous intéressent voire passionnent). Il y a le risque que l'argent et le pouvoir (d'influence, d'autorité) vous montent à la tête. Les céphalées et autres sursollicitations risquent aussi de s'inviter contre votre gré. Et si vous vous évanouissez, les vautours s'en iront (une partie de la demande est morte), laissant place... à d'autres vautours, de vrais.
Voyons plutôt un autre bon point de la communication : communiquer, c'est aussi découvrir, découvrir l'autre. Quand on aime une science, un art ou un pays, on s'intéresse souvent à son histoire. Ben, je dirais qu'il en va de même avec les personnes. Difficile de connaître une personne et de s'y adapter quand on ne connaît pas son vécu (avec ses hauts et ses bas, de laine, car tout n'est pas cousu de fil blanc, je vous avais dit déjà), son histoire, sa chronologie, ses ressentis, mais aussi ses relations. Et c'est là que la curiosité se tisse de fil en aiguille. Mais il faut dire aussi que... l'autre personne, c'est aussi une personne - un peu de tautologie !

- avec sa curiosité. Vous voulez plus la connaître ? Ben, elle aussi, elle veut plus vous connaître. Alors, à défaut de révéler votre jardin secret (que vous avez cultivé de manière candide), vous pouvez révéler les fruits (et autres plantes potagères) qui y ont poussé, les offrir. Souvenez-vous : communiquer, c'est aussi offrir. Ça va dans les deux sens, ainsi va l'équilibre du vélocipède qu'est une relation. Certes, parfois, on pédale dans la semoule. Mais bon, j'aime le couscous.
En gros, communiquer, ça ne s'apprend pas en un jour. Il peut arriver qu'on fasse des erreurs, puis de se les pardonner, puis de continuer nos apprentissages.
