Dr Laurent Mottron
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Dr Laurent Mottron
Discours de Laurent Mottron
Montréal, le 15 mai 2009
Lancement de la Chaire de recherche Marcel et Rolande Gosselin en neurosciences cognitives fondamentales et appliquées du spectre autistique de l'Université de Montréal
Madame la ministre,
Monsieur le doyen de la Faculté de médecine,
Messieurs de la Fondation Marcel et Rolande Gosselin
Distingués invités,
Nous sommes ici pour inaugurer la première chaire en Autisme de l’université de Montréal. Il y en aura d’autres j’espère. La création cette première chaire prend une portée toute gorbatchévienne du fait de la nature unique de l’autisme parmi les minorités humaines, comme des positions originales prises par notre groupe à cet endroit. J’y vois en effet le levier d’une subversion de l’intérieur des connaissances académiques sur l’autisme.
Quelle sorte de relation y a-t-il entre autisme et humanité typique? Les humains réalisent leurs œuvres et construisent la culture à l’intérieur des limites imposées par leur perception du monde et de la mémoire de ce qu’ils en gardent, du pouvoir de leur intelligence et de leur imagination, selon enfin les priorités que leurs émotions leur imposent.
Ces contraintes a priori du traitement de l’information sont contenues en puissance dans un programme génétique et réalisées en acte dans l’organe de leur pensée, le cerveau. L’autisme résulte d’une variation de ce programme, qui modifie le support de la pensée, et donc, les conditions a priori permettant à l’homme de manipuler l’information, de sa naissance à sa mort.
L’autisme est un variant humain. Notre conviction est que l’autisme comme tel n’est pas d’avantage porteur de souffrance que de progrès. Cela dépend de la manière dont il est accueilli. Or la manière dont la science le conçoit, qui reflète ou précède la manière dont la société le reçoit, s’est métamorphosée ces cent dernières années. La science eugénique considérait l’autisme comme une erreur de la nature à éradiquer. La science que nous défendons soutient l’admission de plein droit de l’autisme dans le spectre des sortes d’humanité.
Au début de ma carrière, je cherchais le mécanisme dont le dérèglement produit le phénotype autistique par effet de cascade. Dans ces vingt dernières années, mon groupe et moi n’avons pas trouvé les déficits que nous cherchions initialement. Nous avons en revanche mis à jour de multiples supériorités des autistes à traiter certaines informations. Ces fonctionnements supérieurs, presque uniques parmi les variations biologiques de l’humain, nous les avons inventoriés, démontré empiriquement, et imposé au monde scientifique.
Or ces supériorités sont le pied dans la porte pour mettre en doute que l’autisme soit une maladie comme les autres et peut être une maladie tout court. Je suis donc passé de l’autisme comme erreur de l’humain à l’autisme comme variation de l’humain, mais à l’intérieur de l’humain. Et me suis donné comme but que le monde accueille l’autisme, pour que l’autisme contribue à ce monde.
L’idée qui nous a guidé jusqu’ici est que le cerveau autistique accède spontanément, par sa vertu propre, à un certain format d’information de manière privilégiée. Celui-ci déclenche des émotions positives, une curiosité et une intelligence qui lui permettent de rejoindre, mais par ses chemins propres, la culture dominante. Les autistes qui sont devenus verbaux ou savants sans aucun secours nous en convainc a posteriori.
Notre compréhension de leur réussite est que les hasards de la vie les ont mis en présence de matériel qu’ils pouvaient traiter et manipuler, autorisant ainsi le développement de leur intelligence. La chaire en neurosciences cognitive de l’autisme arrive donc à point nommé pour mettre en place dès le début de la vie d’un enfant autiste puis à l’école et jusque dans son travail un formatage de l’information construit à partir de notre connaissance de leurs forces cognitives.
Le mandat de la chaire sera de déterminer et de mettre en place les conditions d’éducation et de travail optimales à partir de ce que nous ont enseigné les neurosciences cognitives des adultes autistes. Nous nous inscrivons donc en rupture avec la majorité des techniques éducatives actuelles, où la règle est plutôt de remonter pièces par pièce des étapes de comportements et de compétences normatives, qui n’ont pas de valeur adaptative pour l’enfant autiste.
Notre modèle pour ce faire reste celui de l’enfant sourd non appareillable, qui accède à la culture grâce à l’exposition à la langue des signes, soit un langage formaté pour que son cerveau puisse le détecter, l’enregistrer et le manipuler. Le langage de signes que les sourds apprennent d’eux mêmes n’est en effet pas celui de « l’alphabet des sourds » de l’abbé de l’Épée, construit de manière normocentrique à partir du nôtre. C’est celui qui s’est spontanément et clandestinement mis en place dans les cours de récréations des institutions religieuses, les mêmes qui attachaient les mains des sourds derrière leur dos pour, pensaient-ils, les forcer à parler.
Pour l’autisme, c’est aussi l’observation de ce que le génie adaptatif du cerveau humain met en place de lui-même pour s’adapter à des modifications des conditions initiales neurobiologiques, qui nous montre la voie. Le cerveau autistique, sans l’aide de quiconque, et souvent malgré l’opposition de son entourage, apprend parfois à manipuler des codes, et y démontre une autre intelligence, qui ne doit rien à l’éducation.
Et comme pour l’enfant sourd, l’enfant autiste vivra un appauvrissement dramatique, sans doute irréversible, de son intelligence si l’on s’obstine à vouloir normaliser sa prise d’information en début de vie, alors même qu’il ne la peut traiter.
Notre programme de recherche sera donc double, appliqué et fondamental. L’originalité de la chaire, dans son aspect appliqué, est de se centrer sur la création et la mise en place de projets pilotes d’intervention fondé sur la connaissance scientifique du traitement de l’information autistique.
Nous créerons un milieu pilote où des enfants autistes sont exposés à des types d’information qu’ils traitent préférentiellement. Il s’agit de faire la jonction entre l’intérêt spontané de l’enfant autiste à des aspects perceptifs de leur environnement, et les forces cognitives autistiques observées chez l’adulte. Cette jonction, certains la réalise naturellement, tel l’enfant autiste qui commence par fixer les fils électriques pour ensuite cataloguer les formes de pylônes d’Hydro Québec, et développer enfin un intérêt pour la physique de l’électricité.
Nous chercherons à comprendre, stabiliser et reproduire la manière dont la spécificité autistique peut amener la culture. Ce faisant, nous tenterons de maintenir le fil de l’intérêt de l’enfant au long de cette métamorphose, selon ce principe que la motivation de l’enfant à manipuler du matériel provient des propriétés phénoménales de celui-ci et non d’un conditionnement extérieur. Notre but ultime est le maniement du langage, mais à partir d’un mode d’entrée qui peut être différent de celui du langage oral.
Des progrès technologiques permettent maintenant à quelqu’un qui possède le code écrit de le transcoder en langage oral, mais encore faut-il accéder au code écrit. Même si nous continuons à nous occuper de ce qui fait obstacle au langage oral, particulièrement au niveau moteur, nous allons mettre toute notre force à déterminer ce qui nourrit l’intelligence tout en le contournant.
De très nombreuses capacités abstraites inhérentes à l’intelligence (catégorisation, raisonnement analogique, détection de régularités symboliques) sont en effet intactes ou supérieures, dès lors qu’on contourne le langage oral dans les instructions ou dans l’obtention de la réponse à une tâche. Ces projets pilotes se feront dans l’enceinte du CETEDUM et du réseau d’établissements liés à celui-ci.
Au niveau fondamental, nous allons continuer à caractériser par la neuropsychologie et l’imagerie les forces des autistes, et spécialement des autistes savants. De la même manière que la clinique a inspiré notre démarche jusqu’ici, en nous indiquant ce qui valait ou ne valait pas la peine d’être investigué, les aléas de l’éducation quotidienne des enfants autistes que nous observerons dans ces projets pilotes continueront de nous imposer des thèmes de recherche pour le volet fondamental de notre travail.
C’est par exemple à partir de la clinique la plus quotidienne que Michelle Dawson, Isabelle Soulières, Morton Gernsbacher et moi avons pu faire la démonstration que l’intelligence fluide des autistes peut être intacte ou supérieure, même en présence d’une apparence de retard mental. Le retour de ce résultat sur la recherche fondamentale a permis à notre groupe, soit à Isabelle Soulière, avec l’aide de T. Zeffiro de Boston et du groupe d’imagerie autisme du CETEDUM, de montrer que le raisonnement est associé chez les autistes à une activation supérieure et atypique du cortex visuel. Ce résultat majeur constitue un corrélat neurologique à l’observation que le langage oral n’est pas chez eux le premier véhicule de l’intelligence.
Enfin, grâce au lien que nous avons entretenu depuis dix ans avec le groupe de génétique autisme de Guy Rouleau, je souhaite aussi que notre connaissance des marqueurs cognitifs de l’autisme aboutisse à une délinéation de phénotypes fins, qui servent à la génétique de l’autisme. A ce jour, il n’y a en effet guère de lien entre phénotype et gènes impliquées, et la cognition a, j’en suis sûr, son mot à dire pour changer cet état de fait. Mais je souhaite surtout que la combinaison de nos deux approches élargisse la notion de variation génétique bien au delà de la notion de maladie.
Je conclurai en vous disant que la création de cette chaire, tant dans ses aspects appliqués que fondamentaux est exemplaire de ce mouvement de réattribution de l’humanité aux minorités, jusque dans leur statut scientifique.
J’ai enfin une longue liste de remerciements à adresser à tous ceux qui ont contribués à leur manière à la création de cette chaire, et les offrirait dans un ordre qu’il ne faut pas trop interpréter, c’était un casse-tête. Je remercie les donateurs pour leur générosité mais surtout pour leur audace. Je remercie la direction de l’hôpital Rivière des Prairies, Michel Lapointe en tête mais aussi ma complice Lynn Grégoire, qui ont porté ces projets avec une intelligence et une volonté qui me font voir maintenant l’administration à son meilleur comme un des beaux arts (je n’étais pas tout à fait parti de là).
Je remercie Guy Rouleau pour son soutien de dix ans, sa confiance et sa fraternité. Jean Rouleau et le décanat de la faculté de médecine ont aussi épaulé le projet. Ils sont à l’origine d’avoir suggéré aux donateurs qu’il se faisait des choses en autisme à l’UdM. Je remercie mon épouse Sylvie Belleville, qui m’a fait faire le saut en science et a contribué de façon décisive aux premiers résultats et modèles dont les développements actuels du groupe sont l’aboutissement. Son jugement exceptionnel a appuyé toutes mes prises de décisions personnelles et scientifiques.
Je remercie également mes étudiants, assistants de recherche, collègues cliniciens de Rivière des Prairies et Sainte Justine, et chercheurs qui me confirment qu’un des plus grands bonheurs de la recherche est de choisir avec qui on travaille. Je remercie enfin Michelle Dawson, chercheure autiste, cerveau et personne hors du commun, qui a influencé d’une manière considérable l’orientation de nos travaux ou leur interprétation. C’est sans doute grâce à elle que notre laboratoire est devenu le préféré des autistes, ce qui me comble.
Merci.
Discours repris d'un post sur le sujet Une intervention du Docteur Mottron au congrès Autisme France sur le site Autisme Infantile
Autres liens :
Pour en savoir plus :
http://www.ledevoir.com/societe/sante/2 ... -apprendre
http://www.conceptconsulted.com/
Une autre façon d'apprendre
Pauline Gravel , Louise-Maude Rioux Soucy 10 octobre 2009 Santé
Au Québec, les enfants autistes reçoivent des soins spécifiques pour surmonter leurs difficultés d'apprentissage. Ceux-ci touchent principalement le comportement, la communication et l'interaction, des approches qui font parfois de vrais miracles, mais qui laissent encore trop d'enfants dans l'ombre. En effet, ces approches laissent en plan des besoins encore plus criants qui touchent à la perception, au traitement de l'information et aux émotions, croient Brigitte Harrisson et Lise St-Charles, qui ont fondé Concept ConsulTED.
Brigitte Harrisson parle en connaissance de cause. Cette autiste de haut niveau a mis au point l'approche Saccade, qui s'attaque en priorité aux déficits sensoriels des autistes. Pour entrer en relation avec le monde, l'humain utilise le toucher, la vue et l'ouïe, et fait appel à ses facultés motrices, cognitives et langagières pour les interpréter. « C'est comme une équipe de hockey, illustre Mme Harrisson. Chez vous, les neurotypiques, les passes se font sans que vous vous en rendiez compte. Nous, on a une équipe d'élite encore plus performante, mais qui ne fait pas de passes. On voit, on entend et on touche, mais on ne perçoit pas. »
Résultat: plusieurs enfants ne répondent pas aux approches intensives et restent prisonniers de leur bulle, déplore Lise St-Charles. « Les gens travaillent très fort en ce moment pour développer les habiletés sociales, c'est la grosse mode. Mais c'est une erreur fondamentale de se contenter de cela. Ils travaillent dans le haut de la pyramide alors que les autistes sont coincés dans le bas de celle-ci, dans le monde des perceptions. »
C'est un peu comme mettre la charrue devant les boeufs, poursuit cette spécialiste de l'autisme. « Ça fait des enfants qui peuvent dire "je veux du jus", mais qui sont incapables de dire "j'ai soif". Ils sont capables de dire qu'il est temps de manger quand Passe-Partout est terminé, mais ils ne savent pas qu'ils ont faim. Ils ne savent pas que le glouglou intérieur signifie qu'ils ont faim. Alors, si Passe-Partout passe le samedi matin à 8h et qu'il finit à 8h30, ils vont faire une crise si on ne leur donne pas à manger. »
Saccade est un programme d'adaptation qui vise à déverrouiller les facultés perceptives des autistes, souvent plus performantes que la moyenne, pour les aider à donner un sens à ce qui les entoure. Un projet-pilote démarrera sous peu dans une école montréalaise auprès d'un groupe d'enfants de quatre à sept ans. « L'idée, c'est de rendre l'enfant disponible aux apprentissages pour le retourner ensuite dans son quartier, une fois qu'il aura eu accès à son potentiel et saura comment l'utiliser. »
Cette approche fonctionne autant chez les tout-petits que chez les adultes. Mais attention, les résultats varient d'un individu à l'autre, et Saccade ne promet pas de miracles, insiste Mme Harrisson. « On ne guérit pas de l'autisme. On permet seulement aux autistes d'avoir accès à leur plein potentiel d'apprentissage, comme n'importe qui d'autre. » Elle cite l'exemple de cette petite fille de six ans qui, malgré des années de services intensifs, ne parlait pas, ne discriminait aucune information et n'avait aucune conscience de son environnement. Diagnostic: autisme avec déficit intellectuel profond.
« Soyons réalistes, cette enfant ne fait pas de phrases un an plus tard, raconte Mme Harrisson. Mais elle a commencé à dire des mots, à répondre au téléphone et à le passer à quelqu'un près d'elle. Elle a commencé à planifier. Elle peut ouvrir la lumière pour monter dans sa chambre. Et elle n'a aucun problème de déficience intellectuelle. »
Révéler des capacités intellectuelles cachées
L'équipe du Dr Laurent Mottron, spécialiste de l'autisme à l'hôpital Rivière-des-Prairies, a obtenu en mai dernier un important financement de la fondation Marcel et Rolande Gosselin pour développer des approches éducatives qui solliciteront elles aussi les capacités perceptives particulières des autistes par des projets-pilotes en collaboration avec le ministère de l'Éducation.
Actuellement, les méthodes thérapeutiques ou éducatives employées auprès des autistes n'utilisent qu'un système de punitions et de récompenses, qu'on appelle « l'intervention comportementale intensive ». « Cette approche s'appuie sur l'idée que le matériel auquel on expose les enfants n'est pas intéressant pour l'autiste, et donc qu'il faut le rendre intéressant en l'associant à une émotion positive, comme un bonbon », explique le Dr Mottron, qui remet en doute l'efficacité d'une telle approche.
Pour favoriser l'apprentissage du langage, l'équipe du Dr Mottron prévoit exposer les autistes à du matériel doté d'une certaine régularité, comme le langage écrit, que la perception des autistes capte très rapidement, souligne le professeur au département de psychiatrie de l'Université de Montréal. « On les amènera à manipuler du code écrit afin de mettre à contribution leur mémoire implicite, cette forme de mémoire qui s'acquiert à notre insu. Ainsi, par le simple fait qu'ils seront exposés à des formes régulières (des lettres, en l'occurrence), les autistes pourront mémoriser ces formes-là, et ce, même si le but de l'opération ne visera au départ qu'à reproduire des formes à l'aide de lettres, par exemple. »
Un autiste de deux ans qu'on oblige à faire quelque chose fera une colère terrible, fait remarquer le Dr Mottron. « Par contre, devant une caisse de jouets, il se mettra à faire des appariements, des séries par formes ou par couleurs. Si vous favorisez ces activités-là avec du matériel écrit, comme des lettres aimantées, vous le faites entrer dans un code, celui des lettres, dont il finira par détecter la régularité. Et à partir de là, on espère qu'il fera comme les autistes hyperlexiques qui passent quelques années à lire sans rien comprendre, apparemment, mais qui finissent par craquer le code. Et à l'âge de six ou sept ans, les autistes hyperlexiques réussissent à parler à partir de leur code écrit. »
Pour la conception de ces nouvelles approches éducatives, la neuropsychologue Isabelle Soulières, qui est membre de l'équipe du Dr Mottron, s'inspirera de certains éléments des matrices progressives de Raven, ce test qui mesure le raisonnement non verbal et auquel plusieurs autistes apparemment déficients obtiennent des scores particulièrement élevés. « Je cherche quels sont les éléments dans les matrices de Raven qui représentent les conditions optimales pour que les autistes révèlent et mettent en action leurs capacités intellectuelles cachées », indique-t-elle, avant de préciser que, dans les matrices de Raven, « il y a pour une part le fait que toute l'information dont on a besoin pour résoudre le problème est là, sur la feuille ».
« On n'a pas besoin d'aller chercher de l'information ailleurs. Il y a aussi le fait que l'information est structurée et organisée. Le test consiste justement à découvrir cette structure, cette organisation, pour pouvoir trouver l'élément manquant des séries. Toute information présentée de cette manière-là devrait aider les personnes autistes », fait valoir Mme Soulières.
Le succès que certains autistes apparemment déficients ont remporté aux épreuves complexes du test de Raven fait dire aux chercheurs qu'il n'est pas nécessairement bon de simplifier l'information, « de ne donner qu'une petite information à la fois ». « Je crois qu'il faut donner accès à plusieurs types de matériel et à plusieurs niveaux d'informations. Certaines personnes autistes ont appris à lire en regardant les encyclopédies de leurs parents. Cela ne nous serait pas venu à l'idée de donner une encyclopédie pour adultes à un enfant de quatre ans, alors que c'est justement ça qui peut déclencher l'apprentissage de la lecture chez un autiste », croit Isabelle Soulières.
Un autre article sur Brigitte Harrisson :
http://forum.asperansa.org/viewtopic.php?p=8541#p8541
Montréal, le 15 mai 2009
Lancement de la Chaire de recherche Marcel et Rolande Gosselin en neurosciences cognitives fondamentales et appliquées du spectre autistique de l'Université de Montréal
Madame la ministre,
Monsieur le doyen de la Faculté de médecine,
Messieurs de la Fondation Marcel et Rolande Gosselin
Distingués invités,
Nous sommes ici pour inaugurer la première chaire en Autisme de l’université de Montréal. Il y en aura d’autres j’espère. La création cette première chaire prend une portée toute gorbatchévienne du fait de la nature unique de l’autisme parmi les minorités humaines, comme des positions originales prises par notre groupe à cet endroit. J’y vois en effet le levier d’une subversion de l’intérieur des connaissances académiques sur l’autisme.
Quelle sorte de relation y a-t-il entre autisme et humanité typique? Les humains réalisent leurs œuvres et construisent la culture à l’intérieur des limites imposées par leur perception du monde et de la mémoire de ce qu’ils en gardent, du pouvoir de leur intelligence et de leur imagination, selon enfin les priorités que leurs émotions leur imposent.
Ces contraintes a priori du traitement de l’information sont contenues en puissance dans un programme génétique et réalisées en acte dans l’organe de leur pensée, le cerveau. L’autisme résulte d’une variation de ce programme, qui modifie le support de la pensée, et donc, les conditions a priori permettant à l’homme de manipuler l’information, de sa naissance à sa mort.
L’autisme est un variant humain. Notre conviction est que l’autisme comme tel n’est pas d’avantage porteur de souffrance que de progrès. Cela dépend de la manière dont il est accueilli. Or la manière dont la science le conçoit, qui reflète ou précède la manière dont la société le reçoit, s’est métamorphosée ces cent dernières années. La science eugénique considérait l’autisme comme une erreur de la nature à éradiquer. La science que nous défendons soutient l’admission de plein droit de l’autisme dans le spectre des sortes d’humanité.
Au début de ma carrière, je cherchais le mécanisme dont le dérèglement produit le phénotype autistique par effet de cascade. Dans ces vingt dernières années, mon groupe et moi n’avons pas trouvé les déficits que nous cherchions initialement. Nous avons en revanche mis à jour de multiples supériorités des autistes à traiter certaines informations. Ces fonctionnements supérieurs, presque uniques parmi les variations biologiques de l’humain, nous les avons inventoriés, démontré empiriquement, et imposé au monde scientifique.
Or ces supériorités sont le pied dans la porte pour mettre en doute que l’autisme soit une maladie comme les autres et peut être une maladie tout court. Je suis donc passé de l’autisme comme erreur de l’humain à l’autisme comme variation de l’humain, mais à l’intérieur de l’humain. Et me suis donné comme but que le monde accueille l’autisme, pour que l’autisme contribue à ce monde.
L’idée qui nous a guidé jusqu’ici est que le cerveau autistique accède spontanément, par sa vertu propre, à un certain format d’information de manière privilégiée. Celui-ci déclenche des émotions positives, une curiosité et une intelligence qui lui permettent de rejoindre, mais par ses chemins propres, la culture dominante. Les autistes qui sont devenus verbaux ou savants sans aucun secours nous en convainc a posteriori.
Notre compréhension de leur réussite est que les hasards de la vie les ont mis en présence de matériel qu’ils pouvaient traiter et manipuler, autorisant ainsi le développement de leur intelligence. La chaire en neurosciences cognitive de l’autisme arrive donc à point nommé pour mettre en place dès le début de la vie d’un enfant autiste puis à l’école et jusque dans son travail un formatage de l’information construit à partir de notre connaissance de leurs forces cognitives.
Le mandat de la chaire sera de déterminer et de mettre en place les conditions d’éducation et de travail optimales à partir de ce que nous ont enseigné les neurosciences cognitives des adultes autistes. Nous nous inscrivons donc en rupture avec la majorité des techniques éducatives actuelles, où la règle est plutôt de remonter pièces par pièce des étapes de comportements et de compétences normatives, qui n’ont pas de valeur adaptative pour l’enfant autiste.
Notre modèle pour ce faire reste celui de l’enfant sourd non appareillable, qui accède à la culture grâce à l’exposition à la langue des signes, soit un langage formaté pour que son cerveau puisse le détecter, l’enregistrer et le manipuler. Le langage de signes que les sourds apprennent d’eux mêmes n’est en effet pas celui de « l’alphabet des sourds » de l’abbé de l’Épée, construit de manière normocentrique à partir du nôtre. C’est celui qui s’est spontanément et clandestinement mis en place dans les cours de récréations des institutions religieuses, les mêmes qui attachaient les mains des sourds derrière leur dos pour, pensaient-ils, les forcer à parler.
Pour l’autisme, c’est aussi l’observation de ce que le génie adaptatif du cerveau humain met en place de lui-même pour s’adapter à des modifications des conditions initiales neurobiologiques, qui nous montre la voie. Le cerveau autistique, sans l’aide de quiconque, et souvent malgré l’opposition de son entourage, apprend parfois à manipuler des codes, et y démontre une autre intelligence, qui ne doit rien à l’éducation.
Et comme pour l’enfant sourd, l’enfant autiste vivra un appauvrissement dramatique, sans doute irréversible, de son intelligence si l’on s’obstine à vouloir normaliser sa prise d’information en début de vie, alors même qu’il ne la peut traiter.
Notre programme de recherche sera donc double, appliqué et fondamental. L’originalité de la chaire, dans son aspect appliqué, est de se centrer sur la création et la mise en place de projets pilotes d’intervention fondé sur la connaissance scientifique du traitement de l’information autistique.
Nous créerons un milieu pilote où des enfants autistes sont exposés à des types d’information qu’ils traitent préférentiellement. Il s’agit de faire la jonction entre l’intérêt spontané de l’enfant autiste à des aspects perceptifs de leur environnement, et les forces cognitives autistiques observées chez l’adulte. Cette jonction, certains la réalise naturellement, tel l’enfant autiste qui commence par fixer les fils électriques pour ensuite cataloguer les formes de pylônes d’Hydro Québec, et développer enfin un intérêt pour la physique de l’électricité.
Nous chercherons à comprendre, stabiliser et reproduire la manière dont la spécificité autistique peut amener la culture. Ce faisant, nous tenterons de maintenir le fil de l’intérêt de l’enfant au long de cette métamorphose, selon ce principe que la motivation de l’enfant à manipuler du matériel provient des propriétés phénoménales de celui-ci et non d’un conditionnement extérieur. Notre but ultime est le maniement du langage, mais à partir d’un mode d’entrée qui peut être différent de celui du langage oral.
Des progrès technologiques permettent maintenant à quelqu’un qui possède le code écrit de le transcoder en langage oral, mais encore faut-il accéder au code écrit. Même si nous continuons à nous occuper de ce qui fait obstacle au langage oral, particulièrement au niveau moteur, nous allons mettre toute notre force à déterminer ce qui nourrit l’intelligence tout en le contournant.
De très nombreuses capacités abstraites inhérentes à l’intelligence (catégorisation, raisonnement analogique, détection de régularités symboliques) sont en effet intactes ou supérieures, dès lors qu’on contourne le langage oral dans les instructions ou dans l’obtention de la réponse à une tâche. Ces projets pilotes se feront dans l’enceinte du CETEDUM et du réseau d’établissements liés à celui-ci.
Au niveau fondamental, nous allons continuer à caractériser par la neuropsychologie et l’imagerie les forces des autistes, et spécialement des autistes savants. De la même manière que la clinique a inspiré notre démarche jusqu’ici, en nous indiquant ce qui valait ou ne valait pas la peine d’être investigué, les aléas de l’éducation quotidienne des enfants autistes que nous observerons dans ces projets pilotes continueront de nous imposer des thèmes de recherche pour le volet fondamental de notre travail.
C’est par exemple à partir de la clinique la plus quotidienne que Michelle Dawson, Isabelle Soulières, Morton Gernsbacher et moi avons pu faire la démonstration que l’intelligence fluide des autistes peut être intacte ou supérieure, même en présence d’une apparence de retard mental. Le retour de ce résultat sur la recherche fondamentale a permis à notre groupe, soit à Isabelle Soulière, avec l’aide de T. Zeffiro de Boston et du groupe d’imagerie autisme du CETEDUM, de montrer que le raisonnement est associé chez les autistes à une activation supérieure et atypique du cortex visuel. Ce résultat majeur constitue un corrélat neurologique à l’observation que le langage oral n’est pas chez eux le premier véhicule de l’intelligence.
Enfin, grâce au lien que nous avons entretenu depuis dix ans avec le groupe de génétique autisme de Guy Rouleau, je souhaite aussi que notre connaissance des marqueurs cognitifs de l’autisme aboutisse à une délinéation de phénotypes fins, qui servent à la génétique de l’autisme. A ce jour, il n’y a en effet guère de lien entre phénotype et gènes impliquées, et la cognition a, j’en suis sûr, son mot à dire pour changer cet état de fait. Mais je souhaite surtout que la combinaison de nos deux approches élargisse la notion de variation génétique bien au delà de la notion de maladie.
Je conclurai en vous disant que la création de cette chaire, tant dans ses aspects appliqués que fondamentaux est exemplaire de ce mouvement de réattribution de l’humanité aux minorités, jusque dans leur statut scientifique.
J’ai enfin une longue liste de remerciements à adresser à tous ceux qui ont contribués à leur manière à la création de cette chaire, et les offrirait dans un ordre qu’il ne faut pas trop interpréter, c’était un casse-tête. Je remercie les donateurs pour leur générosité mais surtout pour leur audace. Je remercie la direction de l’hôpital Rivière des Prairies, Michel Lapointe en tête mais aussi ma complice Lynn Grégoire, qui ont porté ces projets avec une intelligence et une volonté qui me font voir maintenant l’administration à son meilleur comme un des beaux arts (je n’étais pas tout à fait parti de là).
Je remercie Guy Rouleau pour son soutien de dix ans, sa confiance et sa fraternité. Jean Rouleau et le décanat de la faculté de médecine ont aussi épaulé le projet. Ils sont à l’origine d’avoir suggéré aux donateurs qu’il se faisait des choses en autisme à l’UdM. Je remercie mon épouse Sylvie Belleville, qui m’a fait faire le saut en science et a contribué de façon décisive aux premiers résultats et modèles dont les développements actuels du groupe sont l’aboutissement. Son jugement exceptionnel a appuyé toutes mes prises de décisions personnelles et scientifiques.
Je remercie également mes étudiants, assistants de recherche, collègues cliniciens de Rivière des Prairies et Sainte Justine, et chercheurs qui me confirment qu’un des plus grands bonheurs de la recherche est de choisir avec qui on travaille. Je remercie enfin Michelle Dawson, chercheure autiste, cerveau et personne hors du commun, qui a influencé d’une manière considérable l’orientation de nos travaux ou leur interprétation. C’est sans doute grâce à elle que notre laboratoire est devenu le préféré des autistes, ce qui me comble.
Merci.
Discours repris d'un post sur le sujet Une intervention du Docteur Mottron au congrès Autisme France sur le site Autisme Infantile
Autres liens :
Pour en savoir plus :
http://www.ledevoir.com/societe/sante/2 ... -apprendre
http://www.conceptconsulted.com/
Une autre façon d'apprendre
Pauline Gravel , Louise-Maude Rioux Soucy 10 octobre 2009 Santé
Au Québec, les enfants autistes reçoivent des soins spécifiques pour surmonter leurs difficultés d'apprentissage. Ceux-ci touchent principalement le comportement, la communication et l'interaction, des approches qui font parfois de vrais miracles, mais qui laissent encore trop d'enfants dans l'ombre. En effet, ces approches laissent en plan des besoins encore plus criants qui touchent à la perception, au traitement de l'information et aux émotions, croient Brigitte Harrisson et Lise St-Charles, qui ont fondé Concept ConsulTED.
Brigitte Harrisson parle en connaissance de cause. Cette autiste de haut niveau a mis au point l'approche Saccade, qui s'attaque en priorité aux déficits sensoriels des autistes. Pour entrer en relation avec le monde, l'humain utilise le toucher, la vue et l'ouïe, et fait appel à ses facultés motrices, cognitives et langagières pour les interpréter. « C'est comme une équipe de hockey, illustre Mme Harrisson. Chez vous, les neurotypiques, les passes se font sans que vous vous en rendiez compte. Nous, on a une équipe d'élite encore plus performante, mais qui ne fait pas de passes. On voit, on entend et on touche, mais on ne perçoit pas. »
Résultat: plusieurs enfants ne répondent pas aux approches intensives et restent prisonniers de leur bulle, déplore Lise St-Charles. « Les gens travaillent très fort en ce moment pour développer les habiletés sociales, c'est la grosse mode. Mais c'est une erreur fondamentale de se contenter de cela. Ils travaillent dans le haut de la pyramide alors que les autistes sont coincés dans le bas de celle-ci, dans le monde des perceptions. »
C'est un peu comme mettre la charrue devant les boeufs, poursuit cette spécialiste de l'autisme. « Ça fait des enfants qui peuvent dire "je veux du jus", mais qui sont incapables de dire "j'ai soif". Ils sont capables de dire qu'il est temps de manger quand Passe-Partout est terminé, mais ils ne savent pas qu'ils ont faim. Ils ne savent pas que le glouglou intérieur signifie qu'ils ont faim. Alors, si Passe-Partout passe le samedi matin à 8h et qu'il finit à 8h30, ils vont faire une crise si on ne leur donne pas à manger. »
Saccade est un programme d'adaptation qui vise à déverrouiller les facultés perceptives des autistes, souvent plus performantes que la moyenne, pour les aider à donner un sens à ce qui les entoure. Un projet-pilote démarrera sous peu dans une école montréalaise auprès d'un groupe d'enfants de quatre à sept ans. « L'idée, c'est de rendre l'enfant disponible aux apprentissages pour le retourner ensuite dans son quartier, une fois qu'il aura eu accès à son potentiel et saura comment l'utiliser. »
Cette approche fonctionne autant chez les tout-petits que chez les adultes. Mais attention, les résultats varient d'un individu à l'autre, et Saccade ne promet pas de miracles, insiste Mme Harrisson. « On ne guérit pas de l'autisme. On permet seulement aux autistes d'avoir accès à leur plein potentiel d'apprentissage, comme n'importe qui d'autre. » Elle cite l'exemple de cette petite fille de six ans qui, malgré des années de services intensifs, ne parlait pas, ne discriminait aucune information et n'avait aucune conscience de son environnement. Diagnostic: autisme avec déficit intellectuel profond.
« Soyons réalistes, cette enfant ne fait pas de phrases un an plus tard, raconte Mme Harrisson. Mais elle a commencé à dire des mots, à répondre au téléphone et à le passer à quelqu'un près d'elle. Elle a commencé à planifier. Elle peut ouvrir la lumière pour monter dans sa chambre. Et elle n'a aucun problème de déficience intellectuelle. »
Révéler des capacités intellectuelles cachées
L'équipe du Dr Laurent Mottron, spécialiste de l'autisme à l'hôpital Rivière-des-Prairies, a obtenu en mai dernier un important financement de la fondation Marcel et Rolande Gosselin pour développer des approches éducatives qui solliciteront elles aussi les capacités perceptives particulières des autistes par des projets-pilotes en collaboration avec le ministère de l'Éducation.
Actuellement, les méthodes thérapeutiques ou éducatives employées auprès des autistes n'utilisent qu'un système de punitions et de récompenses, qu'on appelle « l'intervention comportementale intensive ». « Cette approche s'appuie sur l'idée que le matériel auquel on expose les enfants n'est pas intéressant pour l'autiste, et donc qu'il faut le rendre intéressant en l'associant à une émotion positive, comme un bonbon », explique le Dr Mottron, qui remet en doute l'efficacité d'une telle approche.
Pour favoriser l'apprentissage du langage, l'équipe du Dr Mottron prévoit exposer les autistes à du matériel doté d'une certaine régularité, comme le langage écrit, que la perception des autistes capte très rapidement, souligne le professeur au département de psychiatrie de l'Université de Montréal. « On les amènera à manipuler du code écrit afin de mettre à contribution leur mémoire implicite, cette forme de mémoire qui s'acquiert à notre insu. Ainsi, par le simple fait qu'ils seront exposés à des formes régulières (des lettres, en l'occurrence), les autistes pourront mémoriser ces formes-là, et ce, même si le but de l'opération ne visera au départ qu'à reproduire des formes à l'aide de lettres, par exemple. »
Un autiste de deux ans qu'on oblige à faire quelque chose fera une colère terrible, fait remarquer le Dr Mottron. « Par contre, devant une caisse de jouets, il se mettra à faire des appariements, des séries par formes ou par couleurs. Si vous favorisez ces activités-là avec du matériel écrit, comme des lettres aimantées, vous le faites entrer dans un code, celui des lettres, dont il finira par détecter la régularité. Et à partir de là, on espère qu'il fera comme les autistes hyperlexiques qui passent quelques années à lire sans rien comprendre, apparemment, mais qui finissent par craquer le code. Et à l'âge de six ou sept ans, les autistes hyperlexiques réussissent à parler à partir de leur code écrit. »
Pour la conception de ces nouvelles approches éducatives, la neuropsychologue Isabelle Soulières, qui est membre de l'équipe du Dr Mottron, s'inspirera de certains éléments des matrices progressives de Raven, ce test qui mesure le raisonnement non verbal et auquel plusieurs autistes apparemment déficients obtiennent des scores particulièrement élevés. « Je cherche quels sont les éléments dans les matrices de Raven qui représentent les conditions optimales pour que les autistes révèlent et mettent en action leurs capacités intellectuelles cachées », indique-t-elle, avant de préciser que, dans les matrices de Raven, « il y a pour une part le fait que toute l'information dont on a besoin pour résoudre le problème est là, sur la feuille ».
« On n'a pas besoin d'aller chercher de l'information ailleurs. Il y a aussi le fait que l'information est structurée et organisée. Le test consiste justement à découvrir cette structure, cette organisation, pour pouvoir trouver l'élément manquant des séries. Toute information présentée de cette manière-là devrait aider les personnes autistes », fait valoir Mme Soulières.
Le succès que certains autistes apparemment déficients ont remporté aux épreuves complexes du test de Raven fait dire aux chercheurs qu'il n'est pas nécessairement bon de simplifier l'information, « de ne donner qu'une petite information à la fois ». « Je crois qu'il faut donner accès à plusieurs types de matériel et à plusieurs niveaux d'informations. Certaines personnes autistes ont appris à lire en regardant les encyclopédies de leurs parents. Cela ne nous serait pas venu à l'idée de donner une encyclopédie pour adultes à un enfant de quatre ans, alors que c'est justement ça qui peut déclencher l'apprentissage de la lecture chez un autiste », croit Isabelle Soulières.
Un autre article sur Brigitte Harrisson :
http://forum.asperansa.org/viewtopic.php?p=8541#p8541
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Re: Dr Laurent Mottron
Enfin des paroles sensées. Merci Jean de nous faire connaitre les discours de Laurent.Jean a écrit :Discours de Laurent Mottron
Montréal, le 15 mai 2009
[...]
L’autisme est un variant humain. Notre conviction est que l’autisme comme tel n’est pas d’avantage porteur de souffrance que de progrès. Cela dépend de la manière dont il est accueilli. Or la manière dont la science le conçoit, qui reflète ou précède la manière dont la société le reçoit, s’est métamorphosée ces cent dernières années. La science eugénique considérait l’autisme comme une erreur de la nature à éradiquer. La science que nous défendons soutient l’admission de plein droit de l’autisme dans le spectre des sortes d’humanité.
[...]
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Re: Dr Laurent Mottron
SECTE !!!!
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Re: Dr Laurent Mottron
La remarque - que je trouve peu explicite - s'adresse à qui ?dondavidson a écrit : SECTE !!!!
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Re: Dr Laurent Mottron
Mottron et ses partisans ! Pareil pour Baron-Cohen et ses partisans !
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Re: Dr Laurent Mottron
C'est vachement argumenté!
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Re: Dr Laurent Mottron
Faites un tour sur le forum de doctissimo ....là c ' est argumenté !
J ' ai autre chose à faire que d ' argumenter sur tous les forums !
Mais entre nous , le contenu de l ' allocution de Mottron parle de lui-même ( enfin pour toute personne dotée d ' un minimum de bon sens ...)
J ' ai autre chose à faire que d ' argumenter sur tous les forums !
Mais entre nous , le contenu de l ' allocution de Mottron parle de lui-même ( enfin pour toute personne dotée d ' un minimum de bon sens ...)
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Re: Dr Laurent Mottron
Vraiment concis pour une foisOle Ferme l'oeil a écrit :C'est vachement argumenté!
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Re: Dr Laurent Mottron
OK. La discussion sur le forum commence d'abord par un compte-rendu fait par Ducky Smolton des conférences du dernier congrès d'Autisme france. Et la discussion au sujet du discours de Mottron commence le 18/12/2009.dondavidson a écrit :Faites un tour sur le forum de doctissimo ....là c ' est argumenté !
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Re: Dr Laurent Mottron
Non ...Le cas Mottron est traité AVANT le 18 ....Relisez bien ( tout du moins , il est introduit - les réflexions qui font suite au sujet et de Baron-Cohen et de Fombonne apportent un éclaircissement ...)
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Re: Dr Laurent Mottron
Un article dans la revue de l'université Mac Gill (page 5)
http://forum.asperansa.org/posting.php? ... f=6&t=1382
Un résumé de l'intervention de Laurent Mottron au congrès d'Autisme france surle site d'Autisme Basse-Normandie :
Pr Laurent Mottron : à la place de guérir l’autisme, s’adapter à une intelligence différente.
L’autisme non syndromique ne se guérit pas. On a donc cherché à exploiter le « sur-fonctionnement perceptif », à un bas niveau ( = concernant l’entrée de l’information dans les aires primaires du cerveau) par rapport à l’intelligence, pour développer des techniques d’apprentissage originales.
1.Diverses expérimentations montrent que, comparée à celle de personnes de QI identique, la perception « bas niveau » des autistes est plus performante (durée d’inspection plus brève, seuils de discrimination visuelle et auditive moins élevés…). On constate aussi une meilleure détection et manipulation des formes statiques (cubes de Khos, par exemple).
2.Mise en évidence par le test des matrices de Raven d’une intelligence « fluide », non verbale, de niveau supérieur à leur QI verbal.. Cette intelligence n’est pas « adaptation ».
3.Relation entre perception de bas niveau et perception de niveau intermédiaire (= capacité à reconnaître et à manipuler les formes). Corrélation forte établie pour les autistes entre les habiletés visio-spatiales (cubes de Khos) et l’intelligence « fluide » mobilisée par les matrices de Raven. Non établi pour les « neuro-typiques » (= non-autistes). Ces capacités propres aux autistes ont-elles une structure commune avec les opérations cognitives ?
4.On fait l’hypothèse d’une « cartographie véridique ». Cela expliquerait :
http://forum.asperansa.org/posting.php? ... f=6&t=1382
Un résumé de l'intervention de Laurent Mottron au congrès d'Autisme france surle site d'Autisme Basse-Normandie :
Pr Laurent Mottron : à la place de guérir l’autisme, s’adapter à une intelligence différente.
L’autisme non syndromique ne se guérit pas. On a donc cherché à exploiter le « sur-fonctionnement perceptif », à un bas niveau ( = concernant l’entrée de l’information dans les aires primaires du cerveau) par rapport à l’intelligence, pour développer des techniques d’apprentissage originales.
1.Diverses expérimentations montrent que, comparée à celle de personnes de QI identique, la perception « bas niveau » des autistes est plus performante (durée d’inspection plus brève, seuils de discrimination visuelle et auditive moins élevés…). On constate aussi une meilleure détection et manipulation des formes statiques (cubes de Khos, par exemple).
2.Mise en évidence par le test des matrices de Raven d’une intelligence « fluide », non verbale, de niveau supérieur à leur QI verbal.. Cette intelligence n’est pas « adaptation ».
3.Relation entre perception de bas niveau et perception de niveau intermédiaire (= capacité à reconnaître et à manipuler les formes). Corrélation forte établie pour les autistes entre les habiletés visio-spatiales (cubes de Khos) et l’intelligence « fluide » mobilisée par les matrices de Raven. Non établi pour les « neuro-typiques » (= non-autistes). Ces capacités propres aux autistes ont-elles une structure commune avec les opérations cognitives ?
4.On fait l’hypothèse d’une « cartographie véridique ». Cela expliquerait :
- - L’hyperlexie de certains autistes (= don de repérer quasi instantanément l’isomorphie entre graphèmes et phonèmes)
- L’oreille absolue, fréquente chez les autistes (= capacité de relier nom de la note et échelle tonale)
- La maîtrise des calendriers pour déterminer le jour de la semaine correspondant à n’importe quelle date.
- Les savoirs encyclopédiques descriptifs chez certains autistes.
- 1- présenter à l’enfant un langage chargé d’un maximum d’isomorphismes : l’enfant exposé à un matériel écrit, dictionnaire par exemple, ne va pas entrer initialement dans la communication mais effectue des apprentissages qui peuvent y conduire.
2 - dans l’apprentissage éviter l’émotionnel et le renforcement (sic !) qui n’améliorent en rien (voire gênent) la mémorisation des formes. Seul, le matériel doit susciter l’intérêt par sa structure propre.
3 - le niveau de complexité des formes exposées doit comporter un minimum de « congruence » (= relations de coïncidence, de dépendance ou d’équivalence) permettant de susciter « l’intelligence autistique ».
4 - les comportements répétitifs, l’expression des « intérêts restreints » peuvent avoir un rôle cognitif équivalent à celui du jeu pour les enfants « neuro-typiques ».
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Re: Dr Laurent Mottron
article de L Mottron paru dans Enfance (mars 2010)
Que fait-on de l’intelligence autistique ?
Laurent Mottron
Cet article présente des caractéristiques de l’intelligence autistique et des moyens d’en optimiser le développement dans un cadre scolaire. Les résultats récents ont revu à la baisse la place de la déficience intellectuelle dans l’autisme : une proportion notable d’autiste possède une intelligence fluide intacte, indépendamment de leur niveau expressif verbal.
L’intelligence autistique
Que fait-on de l’intelligence autistique ?
Laurent Mottron
Cet article présente des caractéristiques de l’intelligence autistique et des moyens d’en optimiser le développement dans un cadre scolaire. Les résultats récents ont revu à la baisse la place de la déficience intellectuelle dans l’autisme : une proportion notable d’autiste possède une intelligence fluide intacte, indépendamment de leur niveau expressif verbal.
L’intelligence autistique
- 1. s’exerce sur des systèmes de représentations auquel elle a été longuement exposée,
2. comprend un apprentissage implicite des régularités visuo-spatiales et formelles par exposition,
3. ne progresse pas par d’essais et erreurs,
4. manipule des systèmes de représentations indépendamment de leur fin ou leur utilité sociale.
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Re: Dr Laurent Mottron
L'AUTISME : DU DIAGNOSTIC PRECOCE A L’AUTONOMIE
Les troubles du spectre autistique (l'autisme, le syndrome d'Asperger et les troubles envahissants du développement non spécifiés) recouvrent des tableaux cliniques très hétérogènes selon l'âge, l'intelligence, le langage et les maladies associées. Leur prévalence est passée de 4 pour 10000 il y a 20 ans à 70 pour 10 000. Pour quelles raisons ? Les facteurs environnementaux qui ont fait l'objet d'études (les vaccins et les allergies) ne sont pas en cause dans cette augmentation. La raison en est plutôt que l'on a inclus dans la définition des individus d'intelligence élevée et bien adaptés socialement, ainsi que des troubles neuro-développementaux multiples correspondant aux critères actuels de l'autisme; de plus, les sociétés sont davantage vigilantes à l'égard de cette condition et le diagnostic d'autisme est plus avantageux par rapport à d'autres troubles du développement pour obtenir de l'aide. En conséquence, l'incidence de la déficience intellectuelle dans l'autisme, autrefois attachée à cette condition, a fortement diminué ces dernières années.
Quels sont les signes de ces troubles ? Dans sa deuxième année de vie, l'enfant ne babille pas, ne pointe pas, ne fait pas de gestes sociaux et communicatifs ou ne répond pas à son prénom. Puis il présente un retard dans l'apparition de mots simples ou de phrases de deux mots; et à tous ces âges, on observe une régression de sa capacité langagière ou sociale. Quand il est plus âgé, on relève une diminution des gestes exprimant l'intérêt de l'enfant ou dirigeant l'attention de l'autre sur un objet d'intérêt, et un manque de contact visuel intégré à l'acte de communication, ainsi qu'une difficulté de compréhension du langage oral. Des intérêts ou des aversions spécifiques pour des stimulations perceptives ou des éléments spécifiques d'objet sont aussi notés. D'autres formes correspondant au syndrome d'Asperger se révèlent bien plus tard, par une limitation de la socialisation spontanée et l'existence d'intérêts spécifiques.
Des troubles génétiques
L'autisme est un trouble neuro-développemental, lié à une modification du fonctionnement synaptique et de l'organisation cérébrale, à de multiples niveaux. Cette modification est d'origine génétique. Elle engendre un changement dans le traitement de l'information, depuis l'information perceptive élémentaire jusqu'à l'information sociale (visages, voix, mouvement), la perception et la mémoire de l'environnement et du langage, avec des effets soit délétères, soit avantageux. Pour les mécanismes génétiques, on est passé de l'hypothèse de l'interaction de quelques gènes à la possibilité d'une multitude de mécanismes, différents selon les individus, chacun pouvant être monogénique (n'ayant qu'un gène muté).
Est-ce l'absence de traitement valide qui justifie l'émergence constante de panacées frauduleuses ? Alors qu'on ne penserait pas à « traiter» une trisomie 21, du fait que la modification génétique qui l'entraîne est définitive et irréversible, l'idée que l'on puisse traiter l'autisme reste ancrée dans les esprits. On la retrouve dans l'idée qu'un facteur environnemental est en cause et qu'il pourrait être supprimé.
On la retrouve aussi dans des méthodes telles que l'intervention comportementale intensive (ICI). Celles-ci visent à réamorcer les mécanismes cérébraux supposés atteints via le renforcement et la fragmentation des comportements à apprendre. Ces méthodes, contrairement à la rumeur, ne guérissent pas l'autisme, ont des effets imprévisibles et n'ont pas fait l'objet de démonstrations scientifiques convaincantes; elles soulèvent d'importants problèmes éthiques et n'obtiennent, quand c'est le cas, que de faibles modifications comportementales. De plus, on ignore leurs effets à long terme et leurs éventuels effets négatifs sur l'apprentissage spontané de l'enfant. Enfin, les acquis obtenus ne tiennent pas compte du fait que les enfants autistes d'intelligence normale, le groupe pour lequel ces méthodes sont les plus efficaces, progressent souvent d'eux-mêmes, quel que soit leur environnement.
Alors que fait-on avec un enfant, puis un adulte autiste? On ne le « soigne » pas, on l'élève et l'éduque, on le scolarise, en rendant son environnement suffisamment prédictible et compréhensible, et en le préservant des dangers extérieurs. Enfant, on met à sa disposition du matériel permettant d'exercer son intelligence, sa volonté d'explorer le monde et d'interagir avec autrui. À l'âge adulte, on l'aide à trouver un emploi et à être autonome.
Toutefois, on doit accepter que sa façon de jouer, les matériaux qui suscitent son intérêt et le rôle des parents sont très différents d'un autre enfant. Les informations qui l'intéressent ne sont pas enfantines. centrées sur les personnages, le faire semblant, la variété, les joies partagées avec des pairs; elles sont techniques, centrées sur les fonctionnements des objets, la réalité physique, explorée dimension par dimension. On est aussi tolérant devant des manifestations de joie sous forme de mouvements répétitifs, ou de frustration sous forme de mouvements d'automutilation, le plus souvent bénins. On doit accepter que le langage oral soit en apparence exclu de ses interactions au début de la vie, et parfois pour toute la vie, ce qui n'empêche pas l'enfant autiste d'observer et de comprendre beaucoup de choses. Et il comprend souvent le langage écrit. En outre, son intérêt pour les autres enfants et l'intérêt des autres enfants pour lui n'occupent pas une place prépondérante dans son éducation.
Aider les enfants et les parents
Pour aider les parents dans ce parcours, il existe depuis peu des méthodes d'intervention plus légères que l'intervention comportementale intensive ; elles s'appliquent souvent en milieu familial, ou lors de courtes séances où famille et enfant sont observés et aidés. Celles-ci bénéficient aujourd'hui d'une crédibilité scientifique supérieure à la thérapie comportementale intensive, du fait de larges essais cliniques. Elles visent à redonner aux parents les moyens de communiquer avec leur enfant, au lieu de juger ces derniers comme déviants par rapport à une norme communicative ou développementale.
Un enfant autiste devrait être scolarisé dans le système régulier. Plusieurs niveaux d'adaptation sont possibles, depuis la classe spéciale dans le système régulier jusqu'à l'aide individuelle. La fonction de l'aide sera d'individualiser les consignes et les évaluations académiques selon le niveau intellectuel et la compréhension des consignes, et d'aménager la façon de les transmettre. Dans les cas les plus extrêmes, un enfant autiste peut n'être accessible qu'à une seule tâche, directement inspirée de ses intérêts particuliers au moment de son entrée dans la classe; il s'agit ensuite d'élargir et de diversifier ses intérêts. Toutefois, la majorité des enfants autistes s'intéressent à l'acquisition des connaissances, et s'adaptent bien dans un cadre scolaire.
Alors que traite-t-on avec les médicaments ? L'autisme s'accompagne parfois, surtout à l'âge adulte et dans les formes les plus verbales, d'anxiété, d'irascibilité et de dépression, qui peuvent bénéficier de traitements pharmacologiques. Et ces derniers ne changent pas les symptômes sociocommunicatifs de l'autisme. L'approche cognitivo-comportementale chez l'adulte qui parle consiste à travailler des attitudes bénéfiques et adaptatives, et à en supprimer d'autres qui lui nuisent ou nuisent à son entourage. Enfin, chez l'enfant, mais aussi chez l'adulte, une intervention sélective est la gestion de crise survenant en milieu familial, scolaire ou professionnel. Celles-ci seront abordées par une enquête, une explication de leur déclenchement et une adaptation du milieu aux particularités de la personne, comme c'est le cas pour les handicaps.
Ainsi, un enfant autiste grandira, se compliquera, étonnera ses parents et son entourage par une intelligence différente, avec le désir et la capacité de trouver une place sociale, et l'envie d'être heureux et un sentiment d'épanouissement personnel.
Laurent MOTTRON
psychiatre et chercheur à l'Hôpital Rivière-des-Prairies de l'Université de Montréal
« Pour la Science » Avril 2011 – pp.50-51
Les troubles du spectre autistique (l'autisme, le syndrome d'Asperger et les troubles envahissants du développement non spécifiés) recouvrent des tableaux cliniques très hétérogènes selon l'âge, l'intelligence, le langage et les maladies associées. Leur prévalence est passée de 4 pour 10000 il y a 20 ans à 70 pour 10 000. Pour quelles raisons ? Les facteurs environnementaux qui ont fait l'objet d'études (les vaccins et les allergies) ne sont pas en cause dans cette augmentation. La raison en est plutôt que l'on a inclus dans la définition des individus d'intelligence élevée et bien adaptés socialement, ainsi que des troubles neuro-développementaux multiples correspondant aux critères actuels de l'autisme; de plus, les sociétés sont davantage vigilantes à l'égard de cette condition et le diagnostic d'autisme est plus avantageux par rapport à d'autres troubles du développement pour obtenir de l'aide. En conséquence, l'incidence de la déficience intellectuelle dans l'autisme, autrefois attachée à cette condition, a fortement diminué ces dernières années.
Quels sont les signes de ces troubles ? Dans sa deuxième année de vie, l'enfant ne babille pas, ne pointe pas, ne fait pas de gestes sociaux et communicatifs ou ne répond pas à son prénom. Puis il présente un retard dans l'apparition de mots simples ou de phrases de deux mots; et à tous ces âges, on observe une régression de sa capacité langagière ou sociale. Quand il est plus âgé, on relève une diminution des gestes exprimant l'intérêt de l'enfant ou dirigeant l'attention de l'autre sur un objet d'intérêt, et un manque de contact visuel intégré à l'acte de communication, ainsi qu'une difficulté de compréhension du langage oral. Des intérêts ou des aversions spécifiques pour des stimulations perceptives ou des éléments spécifiques d'objet sont aussi notés. D'autres formes correspondant au syndrome d'Asperger se révèlent bien plus tard, par une limitation de la socialisation spontanée et l'existence d'intérêts spécifiques.
Des troubles génétiques
L'autisme est un trouble neuro-développemental, lié à une modification du fonctionnement synaptique et de l'organisation cérébrale, à de multiples niveaux. Cette modification est d'origine génétique. Elle engendre un changement dans le traitement de l'information, depuis l'information perceptive élémentaire jusqu'à l'information sociale (visages, voix, mouvement), la perception et la mémoire de l'environnement et du langage, avec des effets soit délétères, soit avantageux. Pour les mécanismes génétiques, on est passé de l'hypothèse de l'interaction de quelques gènes à la possibilité d'une multitude de mécanismes, différents selon les individus, chacun pouvant être monogénique (n'ayant qu'un gène muté).
Est-ce l'absence de traitement valide qui justifie l'émergence constante de panacées frauduleuses ? Alors qu'on ne penserait pas à « traiter» une trisomie 21, du fait que la modification génétique qui l'entraîne est définitive et irréversible, l'idée que l'on puisse traiter l'autisme reste ancrée dans les esprits. On la retrouve dans l'idée qu'un facteur environnemental est en cause et qu'il pourrait être supprimé.
On la retrouve aussi dans des méthodes telles que l'intervention comportementale intensive (ICI). Celles-ci visent à réamorcer les mécanismes cérébraux supposés atteints via le renforcement et la fragmentation des comportements à apprendre. Ces méthodes, contrairement à la rumeur, ne guérissent pas l'autisme, ont des effets imprévisibles et n'ont pas fait l'objet de démonstrations scientifiques convaincantes; elles soulèvent d'importants problèmes éthiques et n'obtiennent, quand c'est le cas, que de faibles modifications comportementales. De plus, on ignore leurs effets à long terme et leurs éventuels effets négatifs sur l'apprentissage spontané de l'enfant. Enfin, les acquis obtenus ne tiennent pas compte du fait que les enfants autistes d'intelligence normale, le groupe pour lequel ces méthodes sont les plus efficaces, progressent souvent d'eux-mêmes, quel que soit leur environnement.
Alors que fait-on avec un enfant, puis un adulte autiste? On ne le « soigne » pas, on l'élève et l'éduque, on le scolarise, en rendant son environnement suffisamment prédictible et compréhensible, et en le préservant des dangers extérieurs. Enfant, on met à sa disposition du matériel permettant d'exercer son intelligence, sa volonté d'explorer le monde et d'interagir avec autrui. À l'âge adulte, on l'aide à trouver un emploi et à être autonome.
Toutefois, on doit accepter que sa façon de jouer, les matériaux qui suscitent son intérêt et le rôle des parents sont très différents d'un autre enfant. Les informations qui l'intéressent ne sont pas enfantines. centrées sur les personnages, le faire semblant, la variété, les joies partagées avec des pairs; elles sont techniques, centrées sur les fonctionnements des objets, la réalité physique, explorée dimension par dimension. On est aussi tolérant devant des manifestations de joie sous forme de mouvements répétitifs, ou de frustration sous forme de mouvements d'automutilation, le plus souvent bénins. On doit accepter que le langage oral soit en apparence exclu de ses interactions au début de la vie, et parfois pour toute la vie, ce qui n'empêche pas l'enfant autiste d'observer et de comprendre beaucoup de choses. Et il comprend souvent le langage écrit. En outre, son intérêt pour les autres enfants et l'intérêt des autres enfants pour lui n'occupent pas une place prépondérante dans son éducation.
Aider les enfants et les parents
Pour aider les parents dans ce parcours, il existe depuis peu des méthodes d'intervention plus légères que l'intervention comportementale intensive ; elles s'appliquent souvent en milieu familial, ou lors de courtes séances où famille et enfant sont observés et aidés. Celles-ci bénéficient aujourd'hui d'une crédibilité scientifique supérieure à la thérapie comportementale intensive, du fait de larges essais cliniques. Elles visent à redonner aux parents les moyens de communiquer avec leur enfant, au lieu de juger ces derniers comme déviants par rapport à une norme communicative ou développementale.
Un enfant autiste devrait être scolarisé dans le système régulier. Plusieurs niveaux d'adaptation sont possibles, depuis la classe spéciale dans le système régulier jusqu'à l'aide individuelle. La fonction de l'aide sera d'individualiser les consignes et les évaluations académiques selon le niveau intellectuel et la compréhension des consignes, et d'aménager la façon de les transmettre. Dans les cas les plus extrêmes, un enfant autiste peut n'être accessible qu'à une seule tâche, directement inspirée de ses intérêts particuliers au moment de son entrée dans la classe; il s'agit ensuite d'élargir et de diversifier ses intérêts. Toutefois, la majorité des enfants autistes s'intéressent à l'acquisition des connaissances, et s'adaptent bien dans un cadre scolaire.
Alors que traite-t-on avec les médicaments ? L'autisme s'accompagne parfois, surtout à l'âge adulte et dans les formes les plus verbales, d'anxiété, d'irascibilité et de dépression, qui peuvent bénéficier de traitements pharmacologiques. Et ces derniers ne changent pas les symptômes sociocommunicatifs de l'autisme. L'approche cognitivo-comportementale chez l'adulte qui parle consiste à travailler des attitudes bénéfiques et adaptatives, et à en supprimer d'autres qui lui nuisent ou nuisent à son entourage. Enfin, chez l'enfant, mais aussi chez l'adulte, une intervention sélective est la gestion de crise survenant en milieu familial, scolaire ou professionnel. Celles-ci seront abordées par une enquête, une explication de leur déclenchement et une adaptation du milieu aux particularités de la personne, comme c'est le cas pour les handicaps.
Ainsi, un enfant autiste grandira, se compliquera, étonnera ses parents et son entourage par une intelligence différente, avec le désir et la capacité de trouver une place sociale, et l'envie d'être heureux et un sentiment d'épanouissement personnel.
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Re: Dr Laurent Mottron
En zappant les interventions genre "secte" je suis plutot d'accord avec Bernard, des paroles sensées.
Suzanne, la vieille qui blatere, maman de Loic 29 ans
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Re: Dr Laurent Mottron
Voir l'étude sur les autistes surdoués de la perception
père autiste d'une fille autiste "Asperger" de 41 ans