
L'ABA n'est pas reconnue en France... mais elle a métamorphosé la petite Sidonie. PHOTO CHRISTOPHE LEFEBVRE L'ABA n'est pas reconnue en France... mais elle a métamorphosé la petite Sidonie. PHOTO CHRISTOPHE LEFEBVRE
Sidonie, une Haubourdinoise de 2 ans et demi, fait sa première rentrée ce jeudi à l'école Prévert de Villeneuve-d'Ascq. Banal ? Hier encore, il était pourtant question que la petite autiste aille en hôpital de jour, dans un service psychiatrique. Cinq mois de traitement « ABA » ont tout fait basculer.
« C'est toute la vie de la famille qui est changée. On revit ! » Angélique Bastin, la maman de Sidonie, vient de vivre un long combat. Contre le handicap, le monde médical, l'administration.
Il y a encore cinq mois, la fillette au regard fuyant multipliait les crises de colère, ne se nourrissait qu'au biberon, ne parlait pas et ne se laissait pas toucher. « Bébé à haut risque autistique », diagnostiquaient les spécialistes. « Ils ne nous donnaient plus d'espoir », rage Angélique. Et Sidonie devait entrer au centre Mosaïques de Lille, en hôpital de jour... « Je leur ai dit "Il n'en est pas question !" », se souvient sa mère.
La famille a alors mobilisé les parents d'élèves de l'école du quartier, la presse, la mairie, le député pour que la petite puisse faire son entrée à la maternelle Pierre-et-Marie-Curie, à Haubourdin.
Progrès étonnants
Entre-temps, Mme Bastin a « fait le forcing » pour rencontrer Vinca Rivière, la spécialiste des techniques ABA (Analyse appliquée du comportement) à l'université de Lille III. Un reportage d'Envoyé spécial, « Carte blanche à Francis Perrin », avait fait connaître aux Bastin ces techniques pratiquées dans de nombreux pays, mais pas encore reconnues en France. Et aussi, l'école avec laquelle travaille l'équipe de l'universitaire : Jacques-Prévert, à Villeneuve-d'Ascq.
Une prise en charge est alors mise sur pied, à raison de 35 heures par semaine : éducateurs, psychologues travaillent avec Sidonie, à son domicile. « Il ne s'agit pas de faire n'importe quoi, on s'appuie sur des résultats scientifiques de l'analyse du comportement, on suit un protocole spécifique », insiste Mme Rivière, en réponse aux détracteurs de l'ABA, qui lui reprochent notamment son côté intensif.
L'ABA n'est pas reconnue en France et coûte 3 000 E mensuels : les parents doivent se débrouiller pour trouver 2 000 E, l'association Pas à Pas finance le reste. C'est cher. Mais en quinze jours, les crises disparaissent, les premiers mots sortent de la bouche de la petite.
Et cinq mois plus tard, à la veille de sa rentrée, Sidonie est tout simplement... méconnaissable. Elle vous accueille d'un franc « Bonjour » agrémenté d'un bisou, mange normalement, parle, dessine...
Bien sûr, il reste encore du boulot pour certains gestes du quotidien. Mais elle revient de loin. Et ce matin, elle ira à l'école maternelle. Elle est inscrite à Jacques-Prévert, à Villeneuve-d'Ascq, où une auxiliaire de vie sera à ses côtés. Pour le reste, Sidonie est maintenant capable de vivre tout simplement sa vie. •
ISABELLE ELLENDER
> www.autiste-lememeregardpourtous.org
La Voix du Nord - 3.9.2009
V. Rivière est l'auteur de « L'Analyse du comportement appliquée à l'enfant et à l'adolescent ».

> Voir Sidonie aussi éveillée, et à la veille de sa première rentrée scolaire, ça vous fait quoi ?
« Ça nous fait plaisir, bien sûr ! Mais pour nous, ces progrès ne sont pas exceptionnels. Certains enfants avec qui on pratique l'ABA se développent doucement, d'autres, comme Sidonie, avancent très vite. » > Comment expliquer l'ABA au grand public ?
« D'abord, il vaut mieux parler de " techniques comportementales " plutôt que de " méthode ABA". Dans l'" analyse appliquée du comportement " (c'est le nom français de l'applied behaviour analysis), nous suivons un protocole précis, nous utilisons ce qui est validé scientifiquement. Ce qu'on fait n'est pas " ma méthode " mais ce que montrent les publications scientifiques : que les enfants pris en charge ont 70 % de chance de sortir de l'autisme. Plus on s'y prend tôt, mieux c'est. Mais même un enfant de 10 ans qui ne parlait pas peut devenir verbal.
Et je pense à ce jeune homme de 22 ans qui est devenu propre récemment, ça change la vie de sa famille ! » > On reproche à l'ABA son côté intensif...
« Mais n'importe quel enfant qui est en plein développement ne cesse de travailler ! Là, il est accompagné par des intervenants : éducateurs, psychologues, c'est la différence (...). En ce moment, tout le monde veut faire de l'ABA, parce que ça rapporte. Attention, il faut une vraie formation ! Malheureusement, nous sommes les seuls en France, à l'Université de Lille III, à étudier l'ABA et seules 25 personnes sont formées chaque année... Je le dis, je le répète, on ne fait pas rêver les parents, on s'appuie sur des résultats. Les analystes n'ont rien inventé, les lois du comportement sont aussi tangibles que les lois de la physique. Mais en France, le fait de rendre scientifique le comportement humain, c'est difficile à accepter... » > Pourquoi tant de réticences dans le monde médical traditionnel, comme en politique ?
« En France, la santé est réservée aux seuls médecins, or nous sommes chercheurs, universitaires... Les médecins n'ont aucune connaissance des traitements comportementaux. Nous pensons qu'avec un enfant, autiste ou non, travailler le langage une demi-heure par semaine n'a pas de sens. Le langage, c'est tout le temps ! » • I. ELLENDER
La Voix du Nord - 2.9.2009