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Autisme. Cléa et Florian abattent les préjugés 31 mars 2015 / Monique Kéromnès /
Florian « n'est jamais aussi bien que dans un jardin ». Cléa, elle, pose aux côtés du loup qu'elle a sculpté : « C'est mon alter ego. Le loup est un animal qui me fascine et que l'on retrouve souvent dans mes oeuvres ».
À 25 et 27 ans, Cléa et Florian sont tous les deux atteints du syndrome d'Asperger, une forme d'autisme. Malgré les difficultés de leur handicap, les Morlaisiens, tous les deux diplômés, tentent de se faire une place dans la société. Leur objectif : trouver du travail.
Le soulagement. C'est ce qu'ont ressenti les Morlaisiens Cléa Salaün, 25 ans, et Florian Lhenry, 27 ans, lorsqu'on leur a annoncé qu'ils étaient autistes. « Pour moi, ça a été comme une deuxième naissance », glisse timidement Florian, diagnostiqué à l'âge de 15 ans. Depuis l'enfance, il « se sentait différent, sans savoir pourquoi », évoquant les classes redoublées, la mise à l'écart de la part de ses camarades à l'école, voire, parfois, des agressions.
« Le choc, à l'adolescence »
Pour Cléa, c'était enfin la réponse à toutes les questions qu'elle se posait : « Enfant, je ne ressentais pas le décalage. J'étais dans ma bulle et j'ai grandi dans un milieu protégé. Le choc, ça a été l'adolescence. Je n'avais pas d'amis et ne comprenais pas quand on se moquait de moi ou que l'on se servait de moi... » Elle a été diagnostiquée « autiste Asperger » il y a seulement deux ans, par le Centre de ressource autisme de Brest. « Là, j'ai enfin compris pourquoi j'étais comme ça et d'où venaient mes crises d'angoisse ». Ce diagnostic ne sera, pourtant, pas la fin du parcours du combattant. Au contraire. « Une fois passée l'annonce, nous sommes un peu livrés à nous-mêmes. Alors, il faut se documenter, lire, aller sur internet. Pour savoir comment faire avec ce syndrome et connaître les aides auxquelles on a droit », explique Cléa qui, depuis, est suivie par une psychologue. Florian, lui, n'en ressent pas le besoin : « Pour parler, j'ai mes copains ». « Quand on est autiste, on doit apprendre des choses qui peuvent paraître logiques aux autres mais qui ne le sont pas pour nous. Moi, par exemple, j'ai compris tout récemment l'intérêt de mélanger le liquide vaisselle à l'eau chaude », sourit la jeune femme, qui mesure aujourd'hui ses progrès. Florian, lui, a appris à prendre le bus avec l'aide d'un éducateur. « Le permis de conduire, en revanche, ce n'est même pas la peine d'y penser ! C'est le code qui bloque. Parce que je réfléchis trop... ».
Diplômés
Tous ces obstacles n'ont pas empêchés les deux Morlaisiens de poursuivre leurs études, liées à leur passion. Cléa est diplômée des Beaux-arts de Lorient depuis l'année dernière et est titulaire du Bafa. « À l'adolescence, j'avais des choses à raconter mais je n'y arrivais pas. C'est l'art qui m'a permis de m'exprimer. J'ai développé mon propre langage ». La jeune femme a commencé avec la BD et a acquis sa technique à l'école, avec le dessin, la sculpture mais aussi le son et la vidéo. Florian, lui, ne se sent jamais aussi bien que lorsqu'il est au milieu des plantes. « Là, je ne me pose plus de questions », explique le jeune homme, titulaire d'un BTS production horticole. Mais ce qui bloque pour tous les deux, depuis des mois, c'est de trouver un emploi.
Difficultés à décrocher le téléphone
« Les autistes ont vraiment des difficultés dans le contact avec les autres. On ne maîtrise pas les codes sociaux, explique Cléa. Dans une conversation, par exemple, on ne saisira pas le second degré ou le double sens. Autant dire que, pour un entretien d'embauche, c'est très compliqué ! Et quand il faut relancer, on peut mettre des jours avant d'oser décrocher le téléphone... ». Ce travail, pourtant, serait la clé de leur indépendance. Cléa souhaite quitter ses parents pour s'installer dans un appartement, à Brest, et travailler auprès des enfants. Florian voudrait simplement « un endroit à lui » et, surtout, être enfin accepté dans son milieu professionnel. Mais il relativise : « L'autisme, c'est pas un cauchemar. C'est un combat de tous les jours : soit c'est lui qui gagne, soit c'est moi ».
En complément
« L'autisme reste encore trop méconnu »
Armel Urien, parent d'un enfant autiste, est le référent d'Asperansa (Association pour la sensibilisation à la protection, l'éducation et la recherche sur l'autisme, et notamment le syndrome d'Asperger), à Morlaix.
Pouvez-vous expliquer ce qu'est le syndrome d'Asperger ? Le syndrome d'Asperger, c'est un trouble du spectre autistique. Il se caractérise, comme pour les autres formes d'autisme (sévère et de haut niveau), par des difficultés dans les interactions sociales et des intérêts restreints. Mais, contrairement à l'autisme sévère, le langage est préservé, il y a une étonnante capacité de mémorisation et, surtout, il y a une meilleure insertion sociale. Il faut préciser qu'aujourd'hui, on ne parle plus que d'autisme en général.
Quel est le but de l'association Esperansa ? Elle a été créée à Brest, il y a dix ans, autour de parents qui venaient au CRA (Centre de ressource autisme) de Brest. Au départ, c'étaient des groupes de parole pour discuter et échanger sur les difficultés émotionnelles et administratives que l'on rencontre lorsqu'on a un enfant autiste. Puis l'association a été créée et s'est développée à Lorient et à Morlaix. Il y a aujourd'hui entre cent et deux cents familles adhérentes.
Qu'espérez-vous de ces trois jours de rencontres ? Aujourd'hui, l'autisme est encore trop méconnu. 90 % des professionnels de santé, de l'Éducation nationale et de l'administration ne savent pas comment se comporter face à un autiste. Ces trois jours vont leur permettre de comprendre et d'apprendre les bons réflexes et les bons gestes face à ce handicap.
Sophie Robert et Josef Schovanec invités des « Journées de l'autisme »
De jeudi à samedi, l'association Esperansa organisera, dans le cadre de la Journée mondiale de l'autisme, les Journées de l'autisme, à l'espace du Roudour, à Saint-Martin-des-Champs. Deux soirées sont ouvertes au grand public et gratuites : le ciné-débat, jeudi soir à 20 h 30, autour du film « Quelque chose en plus », en présence de la réalisatrice, Sophie Robert, de Liora Crespin (IME Éclair - AIME 77) et du SACS Quimper. Le vendredi soir à 20 h 30, c'est Josef Schovanec qui animera une conférence. Il est philosophe, écrivain et témoigne du syndrome d'Asperger, avec lequel il vit.
Des formations pour les professionnels
Les journées du jeudi, du vendredi et le samedi matin seront, eux, rythmés par des formations à l'intention des professionnels de santé, de l'éducation, du médico-social et de l'Éducation nationale mais aussi des parents d'enfants autistes. La journée du vendredi est complète mais il reste des places pour les deux autres jours. Programme détaillé et inscriptions sur
http://www.asperansa.org/actu/ journees_autisme_2015.html
Sur Tébéo L'autisme sera abordé ce soir, dans l'émission « L'instant T », sur Tébéo, à 19 h 30 et 22 h 304