En préambule, la non expression faciale des émotions se retrouve ailleurs que dans l'autisme et des personnes autistes peuvent avoir des expressions faciales et même des expressions adaptées.
C'est d'ailleurs plutôt la non reconnaissance de celles des autres qui est problématique chez les personnes autistes. C'est cette non reconnaissance chez l'autre qui brouille le dialogue social. La personne non autiste a d'autres indices à sa portée.
Et quand on apprend ces autres indices aux personnes autistes, sans déficience intellectuelle et qui souhaitent aller vers les autres, ou quand ils les apprennent tout seul d'ailleurs, ça marche assez bien.
La réflexion que je me fais après avoir travaillé cette question de la reconnaissance des émotions sur le terrain avec le seul indice du visage et auprès de plusieurs enfants est celle-ci :
- pour les émotions de colère, de bouderie, de mécontentement, de peur, de surprise, de doute, de contentement et ou de joie "simple", ça va assez vite. la position des yeux et celle de la bouche sont des indices assez fiables pour être appris et généralisés.
- pour les émotions de tristesse c'est plus compliqué, les positions des yeux et de la bouche ne sont pas assez significatives, les larmes sont des indices peu fiables en elle-mêmes car on peut pleurer de rire et les enfants, qui voient une personne en ce cas, la qualifient systématiquement de triste.
- pour les émotions de dégout, ça dépend c'est souvent vu comme de la colère par les enfants et mon avis perso est qu'ils ont bien raison.
L'expression du visage est importante mais loin d'être suffisante, du coup je travaille dès le début avec des cartes simples de mise en situation telles que
celles-ci et je demande très vite :
Le monsieur/la dame/le garçon/... est-comment ? suivi de
Pourquoi ?. Car le contexte est le plus important selon moi, plus que l'expression en réponse.
Bon ça c'est pour les enfants, mais après ?
Globalement, l'expression du visage permet à ou aux interlocuteurs de mesurer l'effet que la situation produit sur une ou plusieurs personnes ou tout simplement comment la personne se sent.
Pour caricaturer, la situation devient une phrase et le visage (associé à la position du corps) devient une réponse. Ça s'apparente à une conversation non verbale. La conversation peut être couplée à l'expression corporelle, elle l'est d'ailleurs généralement, et les expressions corporelles sont des indices supplémentaires.
Il me semble qu'on peut s'en sortir au moins dans un sens, celui de ses propres expressions.
L'hygiène est alors de se rappeler que l'autre aura du mal à lire sur sur mon visage ce que je ressens et d'agir en conséquences SI je souhaite qu'il le sache.
Plusieurs cas s'offrent à moi
si je veux que l'autre ou les autres sachent :
- dire systématiquement ce que je ressens quand ça bouillonne : "
ça ne se voit peut-être pas mais ce qui se passe/ce que tu me dis/ce que vous racontez/... me fait bien plaisir/ me met en colère/ me rend triste/me fait peur/me met mal à l'aise/ ... ;
- composer après apprentissage l'expression adéquate, c'est la solution que j'ai choisie et avec les années c'est devenu quasiment un automatisme. J'ai notamment appris en pratiquant le clown qui est une super école d'exagération des expressions faciales.
Le hic pour moi c'est que je ne peux plus cacher ce que je ressens par un visage neutre (sauf quand je suis très fatiguée). On me dit généralement qu'on lit sur mon visage comme dans un livre ce qui est un indice que mon apprentissage a été réussi !
Je souligne le
si parce que parfois, on peut souhaiter que l'autre ne sache pas ce que l'on ressent et là, c'est bien utile de savoir ne rien monter

.
Pour l'expression du visage de l'autre, c'est plus problématique. Si on n'a pas les clés de lecture, on peut quand même s'en sortir même si c'est plus difficile :
-
L'apprentissage des situations de base à l'aide de personnes qui savent lire les émotions et les contextes : livre, ami, professeur, coach, vidéos, ...
C'est ce que je tente de faire avec les enfants en utilisant du matériel comme je l'expliquais plus haut.
Avec le temps, les personnes se rendent compte que pas mal de situations se reproduisent et peuvent associer une expression faciale à une situation.
Avec les proches c'est plus facile car on connait généralement bien leur visage et on peut les questionner plus facilement. Enfin si on y pense, j'y reviendrai plus bas.
Du coup, une certaine généralisation peut se faire. Si elle est un peu mécanique et pas vraiment intuitive, je la trouve plus fiable que celle qui n'est pas apprise.
-
le contexte: ah celui là qui aide la plupart des gens à comprendre et au moins autant (si ce n'est plus) que l'expression elle-même. Il s'agit de la somme de ce qui s'est dit, de ce qui s'est vu, de ce qui s'est agit ... et qui normalement avec tout ce que j'ai déjà appris, vu, va aboutir généralement à telle ou telle émotion.
Exemple (tiré de ma pratique avec une jeune adulte) :
Une voiture décorée avec des gens bien habillés dedans et une femme a des larmes sur le visage.
La voiture est noire et la femme est habillée en sombre et elle est seule à l'arrière de la voiture, il s'agit probablement d'un enterrement et elle est triste.
La voiture est noire, la femme est habillée en blanc et un homme souriant est à côté d'elle, il s'agit probablement d'un mariage et elle est entrain de rire si fort qu'elle pleure de rire ou bien elle est très émue parce que c'est un jour très important pour elle.
Pour en être sur, je regarde le contexte un peu plus : y a t-il d'autres voiture? Comment sont-elles, décorées, ou non ? Est-ce que les voitures klaxonnent ? Dans les autres voitures, les gens sont comment ? ...
Cet exemple est parfait pour illustrer les biais possibles du contexte qui font que des personnes non autistes peuvent se planter et se plantent d'ailleurs souvent.
Cet exemple illustre aussi comment le contexte est un truc flou et pas facilement explicable car après tout dans l'absolu une mariée peut pleurer le jour de son mariage pour plein de raisons et donc elle peut être triste. Idem pour la femme seule à l'arrière de la voiture.
Seulement, les personnes qui ont de l'intuition sociale ont aussi d'autres cordes à leur arc pour réparer quand elles se plantent ou vérifier, mais ce n'est pas l'objet de ce topic.
Le questionnement, si si :c'est extrêmement simple et pourtant bougrement difficile à mettre en pratique.
Penser à demander :
Comment tu te sens ? Ça te rend comment cette situation ? suppose d'avoir conscience que le contexte peut générer de l'émotion, d'avoir envie d'être en relation, de connaître suffisamment les gens pour se l'autoriser et d'autres trucs auxquels je ne pense probablement pas dont la peur d'être submergé par les émotions de l'autre ou la non envie d'entendre ces émotions si elles sont négatives.
C'est à mon avis une des origines du
ça va ? (qui a une origine officielle assez cocasse

) qu'on échange banalement et qui je crois permettrait de savoir hors contexte (la personne vient d'arriver ou c'est nous, on ne sait donc rien de l'avant) si on posait la question pour une réponse et qu'on prenait le temps de l'écouter cette réponse. Aujourd'hui, c'est une banale suite au
bonjour la plupart du temps.
La reconnaissance des émotions reste une science complexe qui s'apprend avec les années et je suis persuadée (je veux bien changer d'avis si c'est argumenté) qu'il n'y a pas un moyen d'y parvenir mais plusieurs et que ça suppose de poser le social comme fondement de l'existence.
Savoir que l'autre peut m'agresser ou me faire du bien me semble fondamental si je veux avoir une réponse adaptée à la situation.
Si l'autisme augmente le risque de ne pas y parvenir, ce n'est ni une barrière insurmontable ni une propriété exclusive, des tas d'autres personnes ont du mal avec ça.
Ni diag., ni en cours , ni auto-diag. Juste un peu zarbi, les fesses entre minimum deux chaises, un peu bancale.
Bienheureux inconfort qui permet une multitude de rencontres.
Ne se sentir nulle part à sa place permet d'en expérimenter de nombreuses.