J'ai fini de le lire pendant les vacances et je l'ai bien aimé.
Il est censé décrire le déroulement des journées en 1999-2000 dans une institution spécialisée pour jeunes autistes et psychotiques, mise en place par les parents.
Sur le
blog du livre sont reproduits les articles parus
A noter en particulier l'article de Déclic :
Il est indiqué qu'il y a un mélange entre deux institutions, que cela correspond à 7 ans d'observation, et que l'hôpital qu'elle décrit est de tendance psychanalytique.
Cela donne effectivement quelques extraits (pas si) surprenants.
L'hôpital de jour a été créé dans les années 1970. A cette époque, les structures pour adolescents n'existaient pas et ceux- ci échouaient trop souvent à l'hôpital psychiatrique. Face à l'inertie des pouvoirs publics, leurs parents se sont regroupés en associations. ils ont eux-mêmes créé des établissements plus adaptés, comme l'hôpital de jour des Jonquilles. Avant d'arriver ici, les adolescents ont suivi un véritable parcours du combattant, et leurs familles avec eux. Au début, la voie ordinaire, à l'école, avec les autres. Mais, très vite, les premiers doutes surgissent et le diagnostic tombe: «Votre enfant est autiste», ou «psychotique».
Les termes diffèrent et sont parfois sujets à controverses, car la France possède sa propre classification des maladies mentales, qui situe l'autisme dans le champ des «psychoses infantiles », tandis que les États-Unis ou le Canada le classent parmi les «troubles envahissants du développement». Mais aux Jonquilles les adolescents ne sont pas réduits à leurs symptômes, ni séparés selon l'origine de leur pathologie. ils sont accueillis ensemble, et bénéficient d'une prise en charge personnalisée et respectueuse des besoins et de l' évolution de chacun. Cette position éthique, Maxime et Pakron la défendent depuis le début.
Page 32
- Vous avez des questions? Non? Bon, alors nous allons enchaîner sur les activités du matin.
Il se dirige vers le grand tableau blanc sur lequel sont aimantées des vignettes avec la photo et le nom de chaque adolescent ou membre de l'équipe. Tous les matins, nous mettons la photo des personnes absentes dans la colonne des absents. Puis chaque adolescent place sa photo à côté de celle de l'éducateur qui animera le groupe, sous le pictogramme aimanté qui représente l'activité du matin.
Le tableau est dans la cafétéria, accessible à tous, et permet de visualiser en un coup d'oeil où chacun se situe dans l'institution et ce qu'il y fait. Il a été mis en place depuis peu à l'hôpital de jour, après avoir fait l'objet d'une réunion animée où chacun a pu donner son point de vue. Étienne était favorable à son utilisation.
Avec ce tableau dans la cafétéria, les ados qui ne sont pas présents à la réunion d'information du matin ou ceux qui ne retiennent pas tout pourront s'y retrouver quand même.
- C'est vrai, a dit Pakron, mais il ne s'agit pas que ce tableau vienne remplacer la réunion, je pense que les deux sont importants.
- Absolument! a enchaîné Maxime. L'image ne se substitue pas à la parole, elle ne remplace pas la relation, elle ne peut être qu'un outil à un moment donné. Si nous gardons bien cela à l'esprit, alors je suis d'accord, moi aussi, pour ce tableau.
- Et puis il n'y aura pas que l'image, a dit Étienne, on écrira aussi le nom de chaque personne sur la photo.
Très vite, nous remarquons que ce sont les adolescents eux-mêmes qui s'en servent le plus. Tous les matins, ils tiennent à jour les présences et les absences de chacun et le programme des activités. Même les ados dont on pensait qu'ils n'en auraient pas vraiment besoin - puisqu'ils comprennent les explications et se repèrent plutôt bien dans le temps, croyait-on –lui accordent une grande importance. Certains passent d'ailleurs de longues minutes à observer les images des éducateurs, des psys ou des autres ados quand ceux-ci sont absents. D'autres reviennent souvent vers le tableau pour vérifier leur activité du jour ou s'admirer eux-mêmes!
-Alors, quel jour sommes-nous? demande Jacky.
-Le lundi 30 août! dit Chérif.
- C'est bien, et ce matin c'est la rentrée, chaque groupe va travailler avec son éducateur référent, histoire de reprendre en douceur. Allez, bonne matinée à tous, on se retrouve à midi pour le repas!
Pages 97-98
Quelques semaines plus tard, en réunion, Pakron nous informe de la possibilité d'accueillir Kevin, le frère jumeau d'Antony, à l'hôpital de jour. n nous demande notre avis car l'accueil de deux frères dans le même établissement n'est pas une chose habituelle.
- C'est vrai que les institutions n'aiment pas trop cela en général, dit Pakron. Cela pose certains problèmes, notamment celui de savoir comment réagira Antony.
- Ils en ont parlé en famille, dit Étienne, et Antony leur a dit qu'il était d'accord.
- Peut -être, dit Maxime, mais il peut y avoir d'autres difficultés pour l'équipe, il ne serait pas souhaitable qu'on les identifie comme «les jumeaux », ce sont bien deux jeunes hommes distincts.
- C'est étonnant quand même, deux frères jumeaux autistes... Ça arrive souvent? demande Julie.
- Parfois, mais il n'y a pas vraiment de règle en la matière..., dit Pakron.
-Ça voudrait dire qu'il y a quand même un facteur génétique? poursuit Julie, qui n'a jamais peur d'énoncer tout haut les questions que certains se posent tout bas.
-Peut-être, dit Pakron, puisqu'il y a une proportion de quatre autistes garçons pour une fille... Mais pour l'instant aucun généticien n'a pu trouver le gène en question... Il semble plutôt que l'autisme soit lié à un ensemble de facteurs génétiques, neurologiques ou autres, mais bien malin celui qui peut dire aujourd'hui avec certitude d'où cela vient exactement! Ce qui paraît certain, c'est que l'environnement familial n'est pas la cause. Même si le travail avec les familles est important, le but n'est pas de les faire culpabiliser, mais plutôt de les soutenir.
Pages 148-149
- Alors Victoria a eu dix-huit ans cette année, elle vit à Paris avec ses parents, profeseurs de collège tous les deux. Victoria est fille unique. Elle serait autiste, avec, selon Maxime, une suspicion d'atteinte génétique non décelée à ce jour.
- A ce propos, dit Maxime, je suis en train de mettre en place pour l'année prochaine une consultation génétique sur site pour les adolescents de l'hôpital de jour. Ce sera peut-être l'occasion d'avancer sur ce plan. Mais continue. . .
- Je disais donc que Victoria est une adolescente qui, malgré ses fameux «troubles du langaze », communique de mieux en mieux avec nous et avec les autres adolescents. Elle grandit et ses centres d'intérêt évoluent, en ce moment elle s'intéresse beaucoup à l'actualité, c'est un domaine dans lequel elle possède de solides connaissances. Victoria a une très bonne mémoire et un vocabulaire riche et imagé, mais elle éprouve encore des difficultés à déchiffrer un texte et son écriture est plutôt crispée. Elle sait faire preuve d'humour, elle est souvent très fine! En revanche, dans certaines situations bien précises, elle peut se laisser submerger par ses émotions, surtout quand elle rencontre des bébés ou quand elle voit Maxime.
- Et là, enchaîne Sofia, elle ne se maîtrise plus du tout. Et ça fait deux ans que ça dure. ,
- C'est vrai que dans l'état actuel des choses, dit Maxime, .. je ne peux avoir aucun entretien avec elle. Heureusement qu'elle parle avec sa psychologue et son éducatrice, sinon je n'aurais pas beaucoup d'éléments.
- Et c'est dommage, dit Sofia, parce qu'elle aurait des choses à te dire, surtout en ce moment où elle exprime une angoisse de séparation...
- On pourrait essayer ce qu'on a fait avec le jeune Sébastien, dit Pakron. Tu te souviens, Maxime, en 1987? Le truc du téléphone!
- - Ah oui! Je n'y avais pas pensé, dit-il, pourquoi pas!
- C'est quoi exactement, le truc du téléphone? demande Julie.
- Pour certains jeunes, dit Pakron, la relation directe avec leur thérapeute est trop envahissante. Il y a quelques années, un garçon que certains ici ont connu me flanquait un coup de poing dès qu'il entrait dans mon bureau. C'est lui qui nous a soufflé l'idée de lui parler au téléphone. Ça lui a permis, en quelques semaines, de me dire ce qu'il souhaitait depuis le début: que je ne croise pas son regard. . . Et c'était la raison de sa violence car, à chaque fois qu'il entrait dans mon bureau, je levais les yeux vers lui, c'était machinal, mais ça lui était insupportable! Quand il a pu me parler, grâce au téléphone, on " a mis au point un code entre nous: s'il voulait venir me voir , dans le bureau, il frappait à la porte en disant: «Sébastien, la porte! », et je baissais les yeux, on pouvait alors faire de longs entretiens... sans jamais se regarder.
Pages 185-186
A 18 ans, on se pose encore la question : "autiste" ou "psychotique" ?