La singularité technologique

Pour les gens qui ont simplement envie de discuter sans souhaiter faire passer d'information particulière.
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Vad
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La singularité technologique

Message par Vad »

Documentaire de Arte sur l'idéologie appelée la singularité technologique lien youtube du documentaire. (durée 1h40min). Page wikipédia, c'est ici.
Comment les grosses entreprises et certaines universités œuvrent en ce sens, et quelles sont les finalités de ces idées. Pour résumer, ils prônent une fusion de l'homme et des machines, jusqu'à s'augmenter sciemment pour devenir plus performant qu'un humain de base. Que ce soit en portant des exosquelettes robotiques pour augmenter sa force physique, ou bien plus proche de nous les google glass, ou tout simplement nos smartphones et ordinateurs. (par ailleurs ces derniers changent notre manière d'emmagasiner le savoir, puisque bien souvent on ne retient plus que comment accéder à ce savoir, plutôt que de le mémoriser , les ordinateurs sont devenus des prolongations de notre mémoire).
Cela soulève de nombreux problèmes éthiques et moraux, jusqu'à quel point peut-on être encore considéré comme humain ? Est-ce qu'il y aura des problèmes de ségrégation et d'égalité ? Que va-t-il advenir des personnes refusant ces améliorations technologiques ? Les questions ne manquent pas à mon avis. Et les raisons de s'inquiéter sont nombreuses. Mais au delà de la peur, il ne faut pas renier les aides précieuses que pourrait apporter la technologie utilisée de manière éthique et responsable.

Le lien est aussi à faire avec la manipulation des briques fondamentales dans différents domaines scientifiques, (dénommé BANG, qui est l’acronyme de Bits, Atomes, Neurones et Gènes), ou parfois simplement dit convergence technologique. Dans les domaines concernés, le but est bien d'arriver à manipuler les briques élémentaires, et à partir de là, si l'on dispose des moyens et des connaissances nécessaires, tout est possible ou presque.

Et puis on peut aussi se questionner sur le fait que notre corps devienne l'ultime marché à conquérir au non du capitalisme. Est-ce que l'on pourra bénéficier de remises pour toutes ces prothèses technologiques si l'on accepte de devenir un encart publicitaire à l'instar de ce sportif qui avait loué pour une grosse somme d'argent son bras pour y tatouer le logo d'une entreprise ?
Aspie.
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Vad
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Re: La singularité technologique

Message par Vad »

ça n'intéresse personne ce genre de sujets ? :?
Aspie.
Pupuce
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Re: La singularité technologique

Message par Pupuce »

J'espère que si :) (j'ai pas tête à ça pour le moment :wink: )
Officiellement non-autiste

"J'aurais pas été besoin" Nikos Aliagas, philosophe grec des Lumières
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Tugdual
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Re: La singularité technologique

Message par Tugdual »

Svad a écrit :ça n'intéresse personne ce genre de sujets ? :?
Si, énormément.

Mais que répondre, tant qu'on n'a
pas encore vu le documentaire ?

:)
TCS = trouble de la communication sociale (24/09/2014).
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freeshost
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Re: La singularité technologique

Message par freeshost »

Je ne rêve pas de singularité.
Pardon, humilité, humour, hasard, confiance, humanisme, partage, curiosité et diversité sont des gros piliers de la liberté et de la sérénité.

Diagnostiqué autiste en l'été 2014 :)
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jutana
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Re: La singularité technologique

Message par jutana »

Bonjour,

Si très intéressant, j'apprécierais beaucoup de vous lire

Merci
(◕^^◕)Non-Diagnostiquée2016 début de ma démarche auprès de pro/structures spécialisées TSA en vue d'éliminer ou pas cette auto suspicion de TSA-et être informée et/ou orientée vers des solutions, soutiens pour évoluer/avancer-orientation en secteur privé(◕^^◕)
normal
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Re: La singularité technologique

Message par normal »

tu nous proposes un sujet tres interessant mais tellement vaste : quel est l'avenir de l'homme !
ça peut faire peur à beaucoup d'entre nous .
L'infini ou plutot la conscience de l'infini pourrait gacher le debut ou la fin d'une journée .Car les reponses à cette problematique sont dans cet ordre de grandeur.
Nous pourrions rester sur un plan scientifique , c'est à dire logique et compter les neurones et synapses humains et peser notre niveau d'intelligence pour ensuite le comparer avec le poids des transistors neurones des ordinateurs.
nous pourrions ergoter sur la place et la taille du programme de gestion , systeme d'exploitation , chez l'humain et reinventer des scenario de science fiction qui sont deja fort nombreux .
Nous pourrions attaquer sous l'angle religieux sans espoir de dialogue
il faut avoir du temps , de l'energie , pour un resultat bien maigre à la fin qui se terminerait en "tout est dit" ou en "rien n'est dit" , le penchant pour l'une ou l'autre fin dependant de l'inspiration du moment .
alors soyons efficace : il est urgent de ne pas penser .
j'ai resumé le sentiment que je pense etre celui des autres , sans aucune garantie mais avec beaucoup de conviction.
mieux vaut un qui sait que dix qui cherchent, et je suis celui là
budakesi
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Re: La singularité technologique

Message par budakesi »

@Normal:
normal a écrit :alors soyons efficace : il est urgent de ne pas penser .
j'ai resumé le sentiment que je pense etre celui des autres , sans aucune garantie mais avec beaucoup de conviction.
Ton souci d'efficacité et ta volonté de ne pas penser sont parfaitement caractéristiques de l'homme auquel aspire la singularité technologique.
Je pense :) avec Hannah Arendt que "c'est dans le vide de la pensée que s'inscrit le mal", alors je résiste et me sens souvent bien seule.

Je n'ai pas vu le documentaire qui est le point de départ de ce fil de discussion, mais le sujet me passionne, pas tant pour toutes les possibilités technologiques qu'il laisse entrevoir, que pour la signification que je vois à cette évolution/tendance/(dérive ?) en termes d'enjeux humains et sociétaux.

Les sources auprès desquelles j'ai nourri et développé ma réflexion sont quelques livres et un site internet:
- La condition de l’homme moderne, Hannah Arendt
- Addiction générale Isabelle Sorrente
- L'homme simplifié ; le syndrome de la touche étoile, Jean-Michel Besnier
- L'humanité augmentée, Eric Sadin
- Article « Psychopathologie du SA et « apérigisation » de la société contemporaine » Kato S. dans Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 2011
http://encyclopedie.homovivens.org/

L'homme a toujours rêvé d'immortalité. Comment l'atteindre en échappant aux contraintes du temps, qui fait vieillir les corps, diminue les performances cognitives, et surtout comment l'atteindre en étant soumis à ce que nous contrôlons si mal, et nous procure de tels tourments psychiques qui diminuent nos performances, j'ai nommé nos émotions et sentiments ?

L'idée de base du transhumanisme, défini comme le dépassement de la nature humaine par la technologie, est précisément de viser à affranchir l’être humain à la fois de ses déterminismes naturels et de tout ce qu’il ne peut pas contrôler. Cette visée traduit une intolérance à l'égard de la vulnérabilité, la volonté d'en finir avec la "finitude". En effet, si on contrôle tous les paramètres, et si on peut les ajuster en temps réel dès qu'ils atteignent des valeurs critiques, alors, à la limite de l'épure, l'homme peut être maintenu en état de fonctionnement, efficace, au détriment de son intériorité. Et l'homme devient éternel, comme une machine qu'on peut indéfiniment réparer.

La singularité technologique pose comme postulat que l'intelligence humaine va se retrouver accélérée, notamment sous l'influence de l'intelligence artificielle, mais aussi d'autres technologies, comme la modification du cerveau et la fusion homme-machine.
La conscience est vue comme un obstacle, l’efficacité est du côté du triomphe des automatismes. L’homme moyen doit être comme une boite noire, qui fonctionne par un jeu de stimuli/réponses, une cognition sans conscience ni intention.

Ironiquement, alors qu’on a longtemps prétendu qu’il était important que l’informatique se soucie de l’humanisation des machines, c’est maintenant l’homme qu’il s’agit de « machiniser ».

Donc on observe une « extension cognitive externe », une volonté toujours plus forte d’externaliser nos fonctions cognitives, en les améliorant (perception, traitement, mémorisation) et en les rendant virtuellement inépuisables.

Personnellement, je vois cela comme un appauvrissement, un nouvel asservissement plutôt que comme une conquête. Que reste-t-il de la conscience, de la pensée, si l’être humain se réduit à un interface avec des machines ? Et que reste-t-il du langage, des émotions ?

S’agissant du langage, alors que la technique et le langage étaient en coévolution permanente, on vise de plus en plus à forger une société dans laquelle les technologies doivent nous débarrasser du langage : c’est ce qu’on appelle le syndrome de la « touche étoile », qui nous coupe la parole et nous oblige à n’accéder qu’aux signaux. Et le signe, contrairement au langage, renvoie à l’objet, et tend à rendre l’homme étranger au lien social. Le monde qui se crée sous nos yeux est un monde numérique et iconique, qui pourrait remplacer progressivement notre monde alphabétisé. Le rendement et la productivité, l’obsession du profit, sont incompatibles avec la dynamique du langage (cf «l’homme simplifié, le syndrome de la touche étoile » Jean-Michel Besnier).

Et ce monde-là aura de plus en plus de mal à nouer et entretenir des liens sociaux.

A notre époque post-moderne, l’équilibre entre émotion et logique est fortement perturbé, la logique s’hypertrophie, tandis que l’émotion s’appauvrit. La logique du calcul donne l’illusion de maîtriser la réalité, ce qui constitue un apaisement psychique, dans un monde d’incertitudes permanentes. (cf « addiction générale » – Isabelle Sorrente).

Et comment les NT vont-ils appeler un monde sans langage et sans émotions ?

Selon Kato, des enfants qui ont grandi dans une société qu’on pourrait qualifier de société « comme si » sont susceptibles de développer une personnalité ayant des affinités avec le syndrome d’Asperger. D'après lui, on peut même considérer qu’il s’agit en l’occurrence d’une stratégie pour vivre. L’expression des gens s’est faite uniforme et leurs mouvements affectifs se sont appauvris.

Cependant il y a selon moi une différence fondamentale entre les personnes « aspérigisées » par un mouvement sociétal et les personnes nées Asperger. Les Aspies ont une vie intérieure extrêmement riche, en termes d’émotions et de pensées, mais ils éprouvent une immense difficulté à « exprimer » par le langage ce qui est à l’intérieur (et donc à « exister » au sens premier de « ex sistere » se trouver à l’extérieur). Les « aspérigisés » sont vides à l’intérieur, ils recherchent ce vide pour éviter les souffrances liées aux émotions, souffrances dues à l’incapacité à contrôler ces émotions. Le langage n’a plus dès lors qu’une fonction opératoire.

Donc si je résume ma vison de la singularité technologique, c’est qu’elle va fabriquer des « êtres » sans langage, sans émotions, sans intériorité, entièrement dépendants d’appendices-machines substituts de leurs cognitions et correcteurs automatiques de leurs déficiences physiques. L’homme augmenté est un homme simplifié.

Et le plus ironique dans l’histoire, c’est qu’on tend à considérer que les Aspies ont un avantage sélectif certain dans cette société en marche !
"I am, plus my circumstances." José Ortega y Gasset
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laurent
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Re: La singularité technologique

Message par laurent »

Personnellement, je vois cela comme un appauvrissement, un nouvel asservissement plutôt que comme une conquête.
Entièrement d'accord.
Et le reste de ton message est également un régal pour les yeux et l'âme. :)
En ce qui me concerne, je reste sur mon idée générale d'une volonté d’éradication du libre arbitre en l'humain, dont le transhumanisme est une des courroies, précisément parce que quand on a le choix, et bien on peut dire non, là ou certains n'aimeraient entendre que des oui. Tout simplement.
budakesi
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Re: La singularité technologique

Message par budakesi »

@Laurent:
laurent a écrit : je reste sur mon idée générale d'une volonté d’éradication du libre arbitre en l'humain, dont le transhumanisme est une des courroies, précisément parce que quand on a le choix, et bien on peut dire non, là ou certains n'aimeraient entendre que des oui.
Oui, encore un de ces paradoxes qui me font hurler (intérieurement, car je n'ai jamais d'interlocuteur en face de moi :) ): la plupart des gens prétendent, parce que c'est le discours flagorneur ambiant, qu'ils sont libres (ce qui dans leur bouche signifie: "Je fais ce que je veux, c'est mon droit", sans réfléchir d'ailleurs une seconde que si chacun raisonne de la même façon...). Ils refusent de se considérer soumis au moindre déterminisme, et en parallèle, ils cèdent sans aucune résistance aux tentatives de séduction des courroies que tu évoques.

Je ne sais plus qui disait: "Donnez la liberté à un esclave, il se trouvera un maître".

Donc je serais encore plus radicale que toi: ce sont les mêmes qui se prétendent libres qui s'assujettissent. L'homme n'a pas besoin qu'une volonté supérieure lui impose ce choix. Il est terrorisé par la liberté, la vraie, celle qui ne se contente pas de donner des droits mais aussi des devoirs, le principal étant la responsabilité.
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normal
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Re: La singularité technologique

Message par normal »

je ne voudrai pas casser la spirale vertueuse que vous avez enclanchée s'inquiétant d'une alienation de l'homme par la machine pensante crée par le meme homme et de la disparition de son libre arbitre .
Face à ces inquietudes je reste optimiste quant à l'immobilisme de la pensée et de l'action humaine.
à savoir que l'alienation des humains s'est opérée de tout temps , la meilleure preuve en est la propension de l'humain à se créer des maitres physiques , comme l'a souligné Budakesi, mais surtout spirituels ou religieux .
Et parallelement à ces alienés on retrouve aussi de tout temps des hommes libres , mus par leur volonté propre , comme s'ils étaient independant de toute contrainte exterieure , leur feu interieur pour seul moteur , en apparence .
Je ne constate pas , et je ne suis pas le seul , d'evolution , positive ou negative de l'ame humaine .
et Barjavel avait deja bien decrit le phenomene dans "ravage" : la rebellion cohabite en l'homme avec le panurgisme et ça n'est pas pret à changer
vive l'homme ( et la femme )
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Re: La singularité technologique

Message par normal »

j'oubliais :
je commencerai à m'inquieter lorsqu'un chercheur aura identifié que mon gout exacerbé pour les oeufs mimosas vient du spin up de l'atome de carbone 34 de la molecule de cytosine du 118 000 eme gene du 13eme chromosome de mes cellules pancreatique .
Alors là ,et seulement là ,je ne croierai plus en l'homme et en sa mystique profonde
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budakesi
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Re: La singularité technologique

Message par budakesi »

@Normal:
normal a écrit :Et parallelement à ces alienés on retrouve aussi de tout temps des hommes libres , mus par leur volonté propre , comme s'ils étaient independant de toute contrainte exterieure , leur feu interieur pour seul moteur , en apparence .
Oui, bien sûr je suis d'accord avec çà. Les constats ne changent pas, comme je l'évoquais: " Donnez la liberté à un esclave, il se trouvera un maître", et les hommes mus par leur feu intérieur ont toujours été d'une rareté telle que déjà personnellement je n'en ai jamais rencontré :)
Seules les modalités changent.

normal a écrit :l'alienation des humains s'est opérée de tout temps , la meilleure preuve en est la propension de l'humain à se créer des maitres physiques , comme l'a souligné Budakesi, mais surtout spirituels ou religieux
Je ne visais pas seulement les maîtres physiques bien entendu, c'était le sujet du fil de discussion. Et je voulais souligner que cette nouvelle soumission était encore plus perverse que celle des maîtres spirituels ou religieux, car elle repose sur la croyance qu'en se soumettant à ces machines, à leurs calculs et leur données, on opère une libération des déterminismes de la nature humaine.
normal a écrit :Je ne constate pas , et je ne suis pas le seul , d'evolution , positive ou negative de l'ame humaine .
Cela m'intéresserait que tu développes. Tu ne penses pas qu'une société peut créer ses propres "monstres" ?
normal a écrit :je commencerai à m'inquieter lorsqu'un chercheur aura identifié que mon gout exacerbé pour les oeufs mimosas vient du spin up de l'atome de carbone 34 de la molecule de cytosine du 118 000 eme gene du 13eme chromosome de mes cellules pancreatique .
normal a écrit :Alors là ,et seulement là ,je ne croierai plus en l'homme et en sa mystique profonde
Pourquoi ?
Tu sais déjà que tu achètes du pain dans les supermarchés parce qu'on te diffuse dans les narines l'odeur du pain chaud. Et tout le monde n'aime pas les oeufs mimosa, donc si on veut faire aimer les oeufs mimosa et vendre des oeufs mimosa à une majorité, il faut prendre les grands moyens :) .

La fin justifie les moyens comme dirait l'autre, mais pourquoi vouloir une fin ?

Je pense que nous pouvons partager cette magnifique définition de la liberté:
"La liberté est un état d'esprit, non le fait d"être affranchi de quelque chose; c'est un sens de liberté; c'est la liberté de douter, de remettre tout en question. C'est une liberté si intense, active, vigoureuse, qu'elle rejette toute forme de sujétion, d'esclavage, de conformisme, d'acceptation. C'est un état où l'on est absolument seul." Krishnamurti 1895
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jutana
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Re: La singularité technologique

Message par jutana »

Bonjour,

Je ne connaissais pas cette "vue" de la liberté (Krishnamurti 1895), je l'apprécie beaucoup

Merci
(◕^^◕)Non-Diagnostiquée2016 début de ma démarche auprès de pro/structures spécialisées TSA en vue d'éliminer ou pas cette auto suspicion de TSA-et être informée et/ou orientée vers des solutions, soutiens pour évoluer/avancer-orientation en secteur privé(◕^^◕)
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Tugdual
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Re: La singularité technologique

Message par Tugdual »

Ce dimanche, un pavé très intéressant à ce propos sur Rue89 :
-> Quand nous serons tous des cyborgs, il sera trop tard
Rue89 a écrit :De la science-fiction, le transhumanisme ?
Pour l’anthropologue Daniela Cerqui, l’hybridation homme-machine
a déjà commencé.


On corrige la myopie au laser, pourquoi ne pas obtenir une vision de 16/10 ?
Militaires et navigateurs peuvent ne pas dormir pendant des jours et des jours
grâce au Modafinil. Les étudiants débrouillards aussi. On fabrique des exosquelettes
pour permettre aux handicapés de marcher... et aux soldats américains de concurrencer
Hulk ! Après l’homme réparé, voici l’homme augmenté et bientôt le transhumain (hybride
homme-machine). Cet homme 2.0 n’est pas sans poser toutes sortes de questions d’ordre
éthique et philosophique. Auxquelles tente de répondre depuis des années l’anthropologue
suisse Daniela Cerqui.

« Transhumanisme », « post-humanisme ».... Ces mots ne font pas encore partie
du vocabulaire courant. De quoi s’agit-il ?


Daniela Cerqui : Il n’y a pas de définition universellement admise ni solidement établie.
Mais je dirais que le transhumanisme est une idéologie portée par différents courants
des sociétés occidentales affirmant qu’il est du devoir de l’homme d’utiliser toutes
les avancées possibles des sciences et des technologies pour augmenter ses performances.

Autrement dit, multiplier prothèses, implants, transgénèses et autres produits stimulants,
non seulement pour réparer l’individu si besoin, mais aussi pour l’améliorer.

L’objectif ? Qu’il reste jeune et en bonne santé ; qu’il soit hyper relié aux autres et au monde ;
qu’il devienne plus intelligent, plus rapide, plus empathique. Et qu’il soit même doté de capacités
inédites comme la télépathie ou la vision à 360° par exemple.

L’idée est donc de perfectionner l’homme. Quitte à parvenir à un point de rupture évolutif
au delà duquel nous ne pourrons plus parler d’humain mais de post-humain : un être inédit.
Par exemple un cyborg, de l’anglais cybernetic organism, être vivant amélioré par des implants
électroniques.

Ou peut-être même une pure machine, puisque certains rêvent d’uploader leur cerveau
dans un ordinateur, c’est-à-dire faire migrer toutes les données de leur système nerveux
dans des circuits électroniques.

Mais l’uploading, la migration du cerveau vers l’ordinateur, n’est-il pas un fantasme
navrant d’informaticiens qui trouvent leurs ordinateurs plus intelligents qu’eux ?


C’est en tout cas l’idée de personnes qui soutiennent que le propre de l’homme est son esprit
rationnel. Seul cet esprit serait digne d’être conservé et développé. D’ailleurs, pensent-elles
souvent, on se portera probablement beaucoup mieux lorsqu’on se sera débarrassé de scories
comme le corps (putréfiable ) et les émotions (perturbantes).

Je vous accorde qu’implanter son esprit dans un disque dur est aujourd’hui de la science-fiction.
Pour autant, je ne pense pas que cela doive nous rassurer à bon compte et nous dispenser
de réfléchir à ce qui se passe aujourd’hui.

Le transhumanisme est le miroir des valeurs que nous accordons à l’humain ici et maintenant.
Il est très révélateur des tendances profondes de notre société. Cette propension par exemple
à toujours plus rapprocher la machine de l’homme.

C’est-à-dire ?

Je prends toujours l’exemple du téléphone. Nous sommes passés du gros téléphone collectif posé
sur une table ou accroché à un mur au téléphone individuel toujours plus petit et mobile, toujours
plus personnalisé et toujours plus près du corps. On n’a plus besoin de se lever pour aller le
chercher, il est constamment dans notre poche !

De là à penser que la prochaine étape est l’implantation du téléphone portable, il n’y a qu’un pas.
Dont on a déjà vu les prémices : en 2002 en Grande-Bretagne, deux chercheurs, Jimmy Loiseau et
James Auger du Medialab de Londres, ont mis au point un prototype de mobile insérable dans
une molaire et relié à l’oreille interne. Plus aucun risque de le perdre ou de déranger les autres
par des sonneries intempestives.

Certes, cette invention ne s’est pas encore répandue. Mais je trouve ce mobile molaire
symptomatique de ce qui se passe actuellement – sans même s’apesantir sur cette société qui
tolère que je ne vous dise pas bonjour lorsque je suis assise en face de vous dans le train mais
que je puisse continuer à répondre au téléphone !

En quoi ce rapprochement homme-machine est-il un problème ?

Disons, je le répète, que c’est une question qui doit faire réfléchir. Je suis une anthropologue
spécialisée dans l’étude des relations entre l’homme, les techniques et la société. J’ai commencé
par m’intéresser aux TIC (technologies de l’information et de la communication), donc au téléphone,
à l’ordinateur. Et bien sûr j’ai constaté que ces objets se rapprochaient toujours plus près du corps.
Cela m’a amenée à regarder toute une série d’autres technologies : les puces, les implants divers
et variés. Mais je me suis vite aperçue que tout cela n’était que la pointe émergée de l’iceberg :
la question sous-jacente mais absolument centrale était bien d’augmenter les performances de l’humain.

Est-ce vraiment nouveau ? Ne sommes-nous pas déjà des hommes améliorés ? Des êtres dotés
de prothèses comme des lunettes, une voiture ou un téléphone portable qui démultiplient nos capacités ?


Vous avez raison. D’ailleurs il est important de comprendre que le passage de l’homme réparé
(celui que l’on soigne après un accident) à l’homme augmenté (celui à qui on confère des capacités
hors norme) est bien un continuum : qu’on lui donne des vitamines tous les matins pour avoir
de l’énergie jusqu’au soir, que l’on retaille sa cornée de myope, qu’on lui greffe une prothèse,
qu’on modifie ses gènes ou qu’on le fasse fusionner avec son ordinateur, on est dans une logique
qui est la même. Il existe une différence de degré, et non de nature, entre les vitamines et l’implant.

Tout de même ! Je n’ai pas l’impression en prenant des vitamines d’être sur une pente qui
me conduirait à me transformer en femme valant 3 milliards...


Je pense que c’est pourtant du même ordre. J’ai été très influencée dans mon parcours par
la pensée d’André Leroi-Gourhan. [...] Pour le célèbre préhistorien français, l’homme est né
avec le premier silex. Notre gros cerveau nous pousse naturellement à penser et produire
des technologies pour accroître nos capacités physiques (marteau, roue, aiguille) et nos capacités
intellectuelles (abaque, ordinateur...). Bref l’homme n’existe pas sans outil. Et vice versa : pas d’outil
sans l’homme. C’est cette théorie qui m’a poussée vers l’étude anthropologique des techniques.

Aujourd’hui, malgré toute mon admiration pour Leroi-Gourhan, j’ai pris de la distance et
je ne suis plus si sûre que ce lien homme-outil soit indissoluble.

On est probablement là devant un mythe fondateur comme toute société en produit.
Mais je constate sa prégnance car si on postule que la technique est naturelle à l’homme,
alors il est naturel de maitriser le temps, l’environnement, l’espace...
Puis en dernier ressort de maîtriser l’humain jusque dans ses constituants les plus petits,
d’où le rôle fondamental des nanotechnologies.

Une preuve de cette vision du monde ? Le fameux rapport américain [PDF] de 2002 sur
les technologies convergentes, autrement appelées NBIC pour nano-bio-info-cogno. Il s’agit
des nanosciences, des biotechnologies, des TIC et des sciences cognitives. Son titre,
« la convergence NBIC pour l’amélioration des performances humaines », annonçait clairement
la couleur ! Ensemble, ces technologies vont nous faire entrer dans une nouvelle ère.

On parle moins aujourd’hui de ce rapport controversé. Mais sa vision futuriste est à l’œuvre.
Pour donner un exemple, le rapprochement du numérique et des biotechnologies a ouvert la voie
à la biologie de synthèse. Avec l’espoir de pouvoir programmer des bactéries sur mesure capables
de dépolluer les sols ou de fabriquer des médicaments comme on le ferait d’un logiciel...

Oui, mais la biologie de synthèse n’a pas encore donné de résultats probants et
par ailleurs elle soulève beaucoup d’inquiétudes...


Il y a des résistances. Mais dans le même temps, la convergence annoncée des NBIC est aussi
présentée par d’autres comme le deus ex-machina qui va doper la croissance, résoudre moult
problèmes environnementaux et améliorer l’individu qui vivra mieux et plus longtemps.
Les transhumanistes promettent la même chose lorsqu’ils nous voient transformés en cyborgs.

Le transhumanisme est-il un vrai courant ? Ou ne regroupe-t-il que quelques hurluberlus ?

On présente souvent les transhumanistes comme des marginaux. Mais ils ne forment pas
une secte. Les plus influents ont pignon sur rue et travaillent dans les instances officielles.
L’un des deux éditeurs du rapport NBIC, William Sims Bainbridge, est professeur d’université
et codirecteur du département d’anthropologie numérique à la National Science Foundation
américaine. C’est un sociologue très écouté aux États-Unis même s’il prône la cryogénisation
(la congélation des corps humains dans l’espoir de pouvoir les ressusciter, ndlr), une technique
qui ne marchera, selon certains, que le jour où l’on saura faire renaître une vache à partir
d’un hamburger !

Par curiosité, allez voir le site internet de la Singularity University, fondée par l’informaticien
Ray Kurzweil en Californie. Un établissement privé, financé par Google et la Nasa, qui ne délivre
pas de diplômes officiels mais passe la bonne parole transhumaniste à des chefs d’entreprise,
chercheurs et autres têtes. Kurzweil est par ailleurs membre du conseil d’administration
du MIT [Massachusetts Institute of Technology, l’un des plus célèbres centres de recherches
du monde, ndlr] et membre de l’Army Science Advisory Board, chargé de conseiller l’armée
américaine dans les domaines scientifiques et techniques.

Le philosophe suédois Nick Bostrom, fervent de la pensée transhumaniste – il publie des papiers
prônant sérieusement la sélection des embryons pour augmenter les capacités intellectuelles de
l’être humain dans les 50 ans à venir – n’est pas non plus isolé : il dirige le Future of Humanity
Institute créé en 2005 par l’université d’Oxford.

J’ajouterai bien sûr Kevin Warwick, professeur de cybernétique à l’université de Reading
en Grande-Bretagne, que je connais bien pour avoir fréquenté son laboratoire pendant deux ans.
Warwick se proclame « premier cyborg de l’histoire ».

Vous voyez, tous ces adeptes du transhumanisme, dotés d’un haut niveau de formation et tenant
des raisonnements élaborés, ne sont pas les derniers des imbéciles. Je les vois comme des gens
qui ont une longueur d’avance sur nous : pas dans le sens où ils devraient nous servir de modèles.
Mais dans celui où ils nous tendent un miroir que l’on ferait mieux de regarder et de questionner
si l’on ne veut pas voir disparaître l’espèce humaine.

En prévoyant la disparition de l’espèce humaine, n’y allez-vous pas un peu fort ?

Vous savez, Kevin Warwick a écrit un livre qui commence par : « Je suis né humain par accident. »
Vaste programme ! Il pense que l’Homo sapiens est imparfait – ce qui n’est pas une idée nouvelle –
mais que demain, les technologies lui permettront de pallier ces imperfections et d’atteindre
l’immortalité ou presque.

Bref de sortir de la condition humaine ! Très bientôt, affirme-t-il, il y aura des gens implantés,
hybridés avec des machines diverses et ceux-ci domineront le monde. Les autres qui ne le seront
pas, soit par choix, soit par manque de moyens, ne seront pas plus utiles que nos vaches actuelles
gardées au pré parce qu’elles nous donnent du lait. Ce n’est pas une perspective réjouissante !

Au-delà de l’outrance, la force de conviction de Warwick réside dans sa capacité à payer
de sa personne pour appuyer ses dires. Son parcours d’ingénieur l’a poussé à devenir
son propre cobaye. Il a commencé en 1998 par se faire implanter une puce RFID en sous-cutané.
Remarquez que l’on s’est déjà tellement habitué à cette idée qu’elle nous paraît aujourd’hui presque
banale et certainement anodine !

Cette expérience, dite Cyborg 1, était symboliquement importante mais un peu gadget : dès
qu’il passait la porte de l’institut, une voix féminine lui susurrait « Good morning, Professeur Warwick ! »
et la machine à café se mettait en route. Mais cela n’allait pas beaucoup plus loin.

Alors, quatre ans plus tard, il a tenté Cyborg 2 : un chirurgien a connecté une puce au nerf médian
de son avant-bras. L’opération qui a duré deux heures et demi était franchie grâce à elle plusieurs
étapes : Warwick pouvait notamment commander à distance une main électronique dotée de capteurs
de pression avec laquelle il réussissait à manipuler un œuf sans le faire tomber ni le broyer. Y compris
lorsqu’il n’était pas dans son labo mais de l’autre côté de l’Atlantique, grâce à Internet !

Il a également installé des capteurs à ultra-sons sur sa casquette. Et il se promenait les yeux bandés
dans les bureaux sans se cogner grâce aux informations que les capteurs transmettaient à sa puce.
En quelque sorte il a ainsi développé un sixième sens : un système d’écholocalisation comme les chauves-souris.

Il affirme aussi avoir communiqué par télépathie avec sa femme, elle aussi implantée, mais je ne suis pas
sûre que le message était très élaboré, probablement plus de l’ordre du partage d’impulsions nerveuses
que que de la vraie transmission de pensée.

Reste que Warwick a fini par enlever sa puce !

Oui, il avait tout de même un peu peur des risques sanitaires ! Avec raison : l’opération a duré
cinq heures cette fois-ci tant les tissus s’étaient refermés sur la puce. Mais cela ne l’a pas vacciné.
Son désir maintenant est de s’implanter une puce dans le cerveau. Il n’a pas encore osé.
Mais assurément ses expériences ont ouvert une brèche.

Kevin Warwick n’est pas Monsieur Tout-le-monde. Vous croyez vraiment que le commun
des mortels est prêt à devenir un être bionique ?


Mais oui ! Regardez le cas Oscar Pistorius. Souvenez-vous qu’en 2008, le sprinter sud- africain
amputé des deux jambes avait demandé à courir avec les valides. Le CIO a refusé dans un premier
temps au prétexte que ses prothèses de carbone lui conféraient une supériorité sur ses concurrents,
en rappelant que l’athlète doit se dépasser, mais dans les limites que la nature lui a données.
Un discours que l’on pouvait interpréter comme « non à l’amélioration artificielle ». Mais les arguments
n’ont pas tenu très longtemps : comme vous le savez, Pistorius a fini par courir avec les valides !

Coïncidence plutôt amusante : au même moment, dans les médias, on pouvait voir une publicité Puma
pour une nouvelle chaussure. On y voyait un match de football virtuel censé se dérouler en 2178 avec
des joueurs hyperrapides dotés de jambes de kangourou qui rappelaient étrangement celles de Pistorius.

Le message était clair : « En 2178, l’humain aura des jambes ultra perfectionnées. Jusque-là,
contentez-vous des chaussures Puma ». Dans cette anecdote, je vois un signe montrant à quel point
les représentations de corps améliorés sont omniprésentes et acceptées dans nos sociétés.
Bref, nous sommes dans les starting-blocks.

Mais le cas Pistorius le montre bien aussi : ces technologies visent d’abord à réparer l’homme.
Or dans ce domaine, on a effectivement fait beaucoup de progrès : prothèses high tech, fauteuils ultra-
sophistiqués, ordinateurs commandés par le regard ou par la voix permettent aux handicapés de retrouver
une certaine autonomie et de communiquer avec autrui. N’est-ce pas tout de même formidable ?


Si. Et c’est le piège : on est tellement ébloui que l’on ne réfléchit plus.

Quand on voit Claudia Mitchell, cette ex-marine américaine qui a retrouvé l’usage de son bras
amputé grâce à une prothèse commandée par la pensée, on est fasciné.

Aussi par Aimee Mullins, cette actrice amputée des deux jambes comme Pistorius, médaillée
des jeux paralympiques, égérie de l’Oréal, récemment élue parmi les plus belles femmes du monde.

Dans le très intéressant documentaire de Cécile Danjan, « Un homme presque parfait »,
Aimee Mullins raconte qu’elle a douze paires de jambes adaptées à de multiples circonstances :
courir le cent mètres, défiler sur les podiums... et que, finalement, pouvoir gagner dix centimètres
simplement en changeant de prothèses, ne pas avoir à s’épiler, arborer des pieds toujours
parfaitement pédicurés est un gros avantage.

D’ailleurs, elle parie que l’amputation volontaire tentera bientôt nombre de candidats. Notamment
dans le monde du sport. Ce qui ne m’étonnerait pas car il semble que les records sportifs arrivent
à leur limites maintenant que l’on a optimisé la détection, la préparation et le matériel des athlètes.
Or le désir de se dépasser et les pressions économiques pourraient bien se conjuguer pour donner
envie à certains de troquer des membres de chair et d’os contre des jambes de carbone.

C’est une hypothèse extrême. Auriez-vous un exemple qui pourrait concerner plus de monde ?

Le pacemaker. Il y a vingt ans, je m’étais entretenue avec un responsable d’un fabricant suisse
de ce petit stimulateur conçu pour aider les cœurs un peu lents à garder le rythme. Pour lui,
il était évident que l’on n’était ni dans le monde de la science-fiction, ni dans celui de Robocop.
Que ce dispositif prolongeait simplement la vie de certains cardiaques.

Aujourd’hui, ce même fabricant propose des pacemakers connectés à internet et capables
d’alerter directement les médecins en cas de problème et bientôt couplés à des distributeurs
de médicaments ad hoc. Je parie qu’il pense rester dans le cadre du thérapeutique.

Mais un pacemaker, même connecté, ne vous transforme pas en homme-robot !

Par déformation professionnelle, je m’interroge. On constate que la notion de thérapeutique
s’élargit au fur et à mesure des améliorations techniques.

Prenez par exemple le cœur artificiel totalement implantable mis au point par une équipe française
et dont on vient d’effectuer le premier essai sur un patient, malheureusement décédé. Un gros progrès
médical assurément : infiniment plus pratique que les cœurs artificiels externes et un vrai espoir pour
les malades qui attendent une transplantation d’organes tant la pénurie de greffons est importante.

Je trouve inquiétant qu’au moment de sa présentation, en 2008, un des médecins responsables
du projet parle non seulement des personnes en attente de greffes, mais de celles qui pourraient
en bénéficier pour des problèmes d’importance secondaire. Je ne peux pas m’empêcher de me
demander si un jour on cherchera à utiliser cet appareil pour améliorer les performances des individus !

Quand je leur parle de transhumanisme, de post-humanisme, en soulignant qu’un jour nous deviendrons
peut-être une autre espèce, la plupart des gens que je rencontre sont fermement opposés à l’idée.
Sans voir qu’il n’existe pas de limite claire entre le thérapeutique et le dépassement de la condition humaine.

Si on dit oui aux technologies qui redonnent un membre à un amputé, comment dire non aux mêmes
technologies qui permettent à un militaire de contrôler mille robots à distance ? Il ne faut pas être
naïf : dès le moment où l’on fait du thérapeutique, on met le doigt dans l’engrenage de l’amélioratif.

Cela paraît très humain. L’homme a toujours cherché à améliorer sa condition.
Vous prônez un retour vers le passé ?


Absolument pas. Je possède un ordinateur, une tablette et un smartphone et je me sens, comme
beaucoup, « amputée » quand je ne l’ai pas. Et cela me rassure de savoir que j’aurai accès
à une médecine développée s’il m’arrive un pépin de santé. C’est d’ailleurs une des dimensions
de la question : à titre individuel on ne peut que se réjouir de ces avancées techno-scientifiques.

Mais il faut arriver à dissocier le plan personnel du plan de la société. Prendre du recul et se dire :
c’est merveilleux mais quel est le sens d’une société dans laquelle certains bénéficient de ces techniques
alors que d’autres, par choix ou par incapacité économique, ne peuvent y avoir accès ? Je ne parle même pas
de la fracture nord-sud, sur laquelle il y aurait beaucoup à dire. Mais de ce qui se passe aujourd’hui en Occident.

Un exemple concret : la télévision suisse romande a diffusé récemment un reportage sur de nouvelles
prothèses et autres appareils destinés à redonner de l’autonomie à des personnes lourdement handicapées.
L’émission montre que le système actuel ne permet pas de traiter tout le monde de la même manière.

L’équipe a filmé deux hommes, tous deux dotés d’une prothèse de jambe, descendant le même escalier.
Marcel, un motard quinquagénaire, dévale les marches comme vous et moi. Alors que Daniel, étudiant
d’une vingtaine d’années, claudique en équilibre un peu instable. Le premier a pu s’offrir un genou
électronique dernier cri grâce aux assurances du chauffard qui l’a renversé. Le second, au tarif « sécu »,
n’a pu obtenir qu’une prothèse mécanique pour remplacer sa jambe perdue à la suite d’une tumeur osseuse.
Démonstration frappante ! Je crains que l’on ne s’enfonce de plus en plus dans un système à deux vitesses
avec ces nouvelles technologies. Vous me direz que la société devrait prévoir les structures sociales pour
pallier ces inégalités. Certainement. Mais pour l’instant, je n’ai pas l’impression que l’on mette en place
les bons systèmes.

Pire, peut-être : j’ai parfois l’impression que se gargariser avec ces innovations nous dispense
des aménagements nécessaires à la vie quotidienne des handicapés. [...]

Encore une fois, sous un argument acceptable par tous et même incontestable – on ne va pas
refuser de soigner toujours mieux malades et handicapés –, on élargit le champ du thérapeutique.
Or cela rendra d’autant moins acceptable la situation de ceux qui n’y auront pas droit.

Vous voulez dire que nous serons de moins en moins tolérants face au handicap et à la maladie ?

C’est évident. Déjà on pathologise à outrance la vieillesse et on ne supporte plus que les seniors
n’entendent pas bien. Le cas de la trisomie 21 est également assez éloquent. À l’heure du diagnostic
prénatal, la possibilité de laisser venir au monde un enfant trisomique est de moins en moins acceptée
par la société.

Résultat : la naissance d’un enfant atteint est considérée comme un échec. Soit une erreur de la médecine,
soit la faute de parents « inconscients » ou « héroïques » selon le système de valeurs de chacun.
C’est évidemment éthiquement très discutable.

Prenons un cas moins tragique : la vision. Aujourd’hui, si vous êtes myope, vous portez des lunettes
ou des lentilles. Ne pas en avoir n’est pas admissible. Ni par vous, ni par les autres qui vont trouver
gênant que vous plissiez les yeux tout le temps. Tout cela pour dire que la norme a changé : il n’est plus
acceptable de ne pas chercher à combler ses handicaps. [...] Demain, peut-être ne supporterons-nous
plus les porteurs de lunettes. Et après-demain peut-être serons-nous considérés comme handicapés
si nous n’avons pas une vue de lynx et 16/10 à chaque œil.

La Darpa, l’agence de recherche de l’armée américaine, ne cherche-t-elle pas à améliorer la vision
des pilotes de chasse grâce à des implants de rétine ? Si elle y parvient, je ne vois pas pourquoi
la technique ne se répandrait pas dans la société civile.

Pour le coup, on serait dans l’amélioratif bien au-delà du thérapeutique. Ne pensez- vous pas
que la société, les comités d’éthique, les chercheurs eux-mêmes sauront mettre des limites ?


Je ne suis pas si optimiste. J’ai pu observer, dans une commission européenne d’attribution de budgets,
des chercheurs, pourtant farouchement anti-tranhusmanistes, décider de s’allier avec le diable,
en l’occurrence Kevin Warwick justement, qu’ils jugent pourtant « complétement illuminé » ; il s’agissait
pour eux de profiter de la manne financière que ce dernier obtient pour ses expériences.

Je ne crois pourtant pas qu’ils soient d’horribles Docteur Frankenstein ; simplement, ils sont passionnés
par leurs travaux. Avec les meilleures intentions du monde, ils essaient de mettre au point une technique,
ou outil, une machine qui pourrait améliorer le sort de certains humains. Sans appréhender la question
dans sa globalité.

Peu de gens se demandent ce qui se passerait pour l’humain au sens large si on additionnait les avancées
thérapeutiques de chacune des spécialités. Pour caricaturer, demain, pourrait-on avoir deux cerveaux
pour travailler, quatre bras pour s’occuper de ses enfants en bas âge et des jambes à ressorts pour
courir après le train quand on est en retard ?

C’est donc ainsi que les chercheurs, comme Monsieur Jourdain faisant de la prose,
sont dans la mouvance transhumaniste sans le savoir ?


Exactement. Par ailleurs, fixer des limites n’est pas si facile. Prenons l’exemple des organes
artificiels : jambe, bras, cœur, œil bionique etc, ou même des organes régénérés à partir
de cellules souches. À partir de combien de prothèses ne seriez-vous plus vous-mêmes ?
Cela rappelle le problème philosophique du bateau de Thésée que l’on se pose depuis l’antiquité.

En substance : je vous prête mon bon vieux bateau, vous le gardez dix étés de suite. Chaque année
deux planches pourrissent alors vous les remplacez par deux neuves. Au bout de dix ans vous avez
changé toutes les planches. Première question : est-ce mon bateau que vous me rendez ?
Deuxième question : est-ce que je vais m’en apercevoir ? Et si je n’y vois que du feu est-ce plus
rationnel que de ne pas reconnaître mon bateau si vous avez changé la figure de proue et rien d’autre ?
Enfin, si vous reconstruisez un bateau avec toutes les planches pourries un peu rapetassées,
à qui appartiendra ce bateau ? Vous voyez, on n’a pas fini de réfléchir à la question.

Pour l’être humain, on peut tenir le même raisonnement. Quel est le seuil quantitatif ?
Quel est le seuil qualitatif ? L’essence de l’individu est-elle réductible à son seul cerveau,
comme le suppose la pensée dominante dans notre société ? Les réponses ne sont pas évidentes.

L’hybridation homme-machine est donc pour demain ?

Elle a déjà commencé ! Avec les Google glass par exemple qui ne sont pas implantables – pour l’instant –
mais qui nous font évoluer dans un monde à la « réalité augmentée ». Avec tous ces dispositifs et autres
interfaces homme-machine qui arrivent sur le marché pour nous permettre de vivre au moins en partie
par avatars interposés. Et même de faire l’amour à distance grâce à des casques orgasmiques ou
des sex-toys connectés ! Sans compter qu’à l’autre bout de la chaîne, on tend à humaniser les robots,
en leur couplant des neurones humains par exemple. Les systèmes de représentations sont en train
de changer. Le monde économique l’a très bien compris.

C’est un vrai marché...

Évidemment ! Et tout le monde y croit. Je me souviens d’un rapport de prospective économique
d’une agence gouvernementale britannique publié en 2010. Que prévoyait-il ? Pour 2020,
des ordinateurs contrôlés directement par le cerveau et en 2025, des ordinateurs hybrides
organiques-non organiques. Cela m’a frappée de voir que le gouvernement outre-Manche intègre
déjà les résultats des recherches menées par des scientifiques comme Kevin Warwick dans
ses pronostics de croissance !

Par ailleurs, qui investit aujourd’hui ? Honda, Sony, IBM et, bien sûr, Google. La firme californienne
ne se contente pas de miser sur ses lunettes et les voitures sans chauffeur. Elle a engagé
Ray Kurzweil, transhumaniste déclaré, fondateur de la Singularity University dont je vous ai parlé.

Et son nouveau Graal est la lutte contre le vieillissement : elle rachète ou finance des sociétés
de biotechnologies tournées vers la génétique et l’allongement de la vie, dont celle d’Anne Wojcicki,
l’épouse du co-fondateur de Google Sergey Brin. C’est peut-être du vent mais du vent qui rapporte
et fait du buzz dans les médias : Time magazine a titré en une le 30 septembre dernier « Google
peut-il vaincre la mort ? »

La vision transhumaniste du monde est, me semble- t-il, scientiste : elle suppose une foi quasi
aveugle dans les progrès des sciences et des technologies qui nous aideront aussi bien à rester
jeune qu’à résoudre nos problèmes environnementaux et économiques.

Comment cette vision peut-elle se répandre, alors que notre société se montre finalement
très méfiante envers ces mêmes progrès scientifico-technologiques ? Une part importante
de la population est en effet prompte à dénoncer les potentiels dangers des OGM, des ondes
radio-électriques, etc.


Plusieurs systèmes de valeurs coexistent dans notre société, et heureusement : sinon, nous serions
dans un système totalitariste. Ainsi notre représentation assez mécaniste du corps humain – qui veut
que si un organe est « cassé », on le répare ou on le change comme on met des bougies neuves dans
une voiture – coexiste avec une représentation beaucoup plus englobante.

Cette représentation ne sépare pas le corps et l’esprit, elle est portée par les médecines douces,
la psychologie, des pratiques comme le yoga ou le taï-chi.

De même, aujourd’hui nous désirons être toujours plus rapidement connectés aux autres et au monde et,
dans ce sens, certains tenants de la cyber-culture rêvent de voir notre cerveau directement raccordé
à Internet en court-circuitant le corps.

Mais, par ailleurs, nous bichonnons, comme jamais, ce corps en le sculptant par le sport et en le tartinant
de crèmes anti-rides. Un des pièges, à mon sens, est que la tentation transhumaniste constitue un alibi
bien confortable parce qu’elle nous dispense de changer nos comportements. Nous pouvons continuer
à vivre comme nous vivons aujourd’hui, en consommant à outrance parce que les innovations à venir
vont nous permettre de le faire…

C’est une utopie ?

Individuelle peut-être. Mais pas collective : il n’y a pas derrière le transhumanisme un vrai projet de société.
Ce n’est pas non plus un complot comme certains le disent. Juste un courant dans lequel on se laisse aller,
sans réaliser que dans cette perspective il n’y aura rien à changer, si ce n’est nous mêmes !

Mais, bien entendu, il y a des résistances. Citons l’implant cochléaire (un petit appareil électronique
greffé dans l’oreille interne pour rétablir l’audition dans certains cas de surdité. ndlr).
Dans la communauté sourde, beaucoup ne veulent même pas en entendre parler, si je puis m’exprimer
ainsi. Parce que la restauration, souvent très imparfaite, de l’ouïe risquerait de se faire aux prix
de la dévalorisation de la langue des signes et de la culture sourde. Autrement dit, les sourds ont
d’autres critères d’appréciation que la performance auditive.

Et je trouve cela particulièrement intéressant dans une société comme la nôtre, où règne le culte
de la performance, du « plus on en fait, mieux cela est ». Et où l’on fait écouter du Mozart ou
de l’anglais aux fœtus dans le ventre de leur mère dans l’espoir de les rendre plus intelligents...

Notre culte de la performance est bien le nœud du problème ?

Bien sûr. C’est un véritable engrenage. Mais je milite pour un temps mort : pour que nous prenions
le temps d’y réfléchir maintenant. Quand nous serons tous des cyborgs, il sera trop tard.
TCS = trouble de la communication sociale (24/09/2014).