@budakesi
Oui, je comprends et c'est frappant de constater cette contradiction, qui consiste à la fois à fuir le contact du monde et à regretter dans le même temps de ne pouvoir l'intégrer : à regretter de ne pouvoir avoir une identité (le mot est juste, en effet), au sein d'un groupe, à souvent devoir se contenter d'une apparence virtuelle pour communiquer.
Je comprend cette frustration.

et cela me fait penser à ces chats harets, qui ont connu le confort et la douceur d'un foyer aimant, puis par quelque cruauté typiquement humaine, ou quelque aléa de la vie, se retrouve à la rue, dans un monde nouveau, sans plus aucun repère et même si l'instinct de survie reprend les commandes, il devient une sorte de paria en déséquilibre constant : il a perdu sa place sur l'échiquier et l'harmonie du monde se rompt à chaque fois que quelqu'un, humain ou animal se retrouve dans une situation similaire (c'est du moins mon point de vue).
En ce qui me concerne, je suis content d'avoir trouvé ce forum, certes, mais mitigé pour le reste : sans aucun jugement envers quiconque, je crois que mon parcours professionnel a détruit quelque chose en moi, car on ne ressort pas indemne d'une confrontation permanente, épuisante, usante, désenergisante, pendant des années et des années, avec une catégorie de population, de gens, pour la plupart, détraqués socialement, psychologiquement (c'est juste un constat) avec des pathologies tellement lourdes pour certains, que tu fini par ressentir cela comme une chape bien réelle, pesant sur tes épaules.
Il y avait des jours ou descendre dans la "fosse aux lions" n'était tout simplement pas possible, non autistes inclus et j'ai vu, en dehors de moi même, des collègues s’effondrer littéralement sur eux même, en eux même, comme une implosion, mais non contrôlée.
Tout cela ne sort pas des murs de l'institution, dont le discours, ou le non discours (ce qui revient au même), porte sur l'aspect, la surface, qui doit toujours donner une impression de solidité à toute épreuve : la fonction est "virile", l'autorité est en lice, force doit rester à la loi et tutti quanti...et le lisier concocté par une noirceur de l'âme, en ses bas fonds, passe sur toi, ton corps et ton esprit, laminés, désossés, sans que jamais tu ne puisses faire état des tourments endurés, de la suffocation qui se love en toi et refuse d'en sortir.
J'ai vu mes mains trembler, passant il y a peu, devant l'ancienne maison d’arrêt, dans laquelle j'ai exercé durant deux ans et demi : des suées soudaines, une envie de vomir et j’accélère le pas, pour fuir ce passé qui revient en souvenirs déguisés en lames de couteaux : je ne cherche pas à me faire plaindre, j'explique l'inexplicable et je me demande si un jour, quelqu'un dira le stress identique à celui vécu par les soldats confrontés au feu, par lequel nous sommes passés et dont certains n'en sont jamais revenu.
Il y a, en effet, après les professions liées à la santé et plus particulièrement ceux avec la racine "psy", un très fort taux de suicides dans les poubelles de la société, qui restent closes sur le sujet, car cela ferait désordre de mettre les chiffres sur la table.
Et puis combien de temps passons nous, chaque jour, le nez dans nos poubelles, à vérifier si tout va bien ?
Pardon pour cette digression, qui me permet de démontrer pourquoi j'ai du mal, en plus de mon état de "non diagnostiqué", à renouer, autrement que virtuellement, du moins pour le moment, avec les personnes, fussent elles très sympathiques : et puis je me dis que je fais parti du convoi des "vieux", ceux qui sont en constant décalage avec la jeunesse d'autres intervenants (je parle pour moi, bien sur) et je me renferme un peu plus intérieurement.
Désolé, j'ai les idées noires en ce moment.