Jean a écrit :« Le Mur, la psychanalyse à l'épreuve de l'autisme » à nouveau libre de diffusion
Le Monde.fr | 16.01.2014
Courrier envoyé à l'auteure de l'article :
Envoyé : vendredi 17 janvier 2014 01:30
À : VINCENT Catherine
Objet : article "Le Mur"
Bonsoir
Je viens de lire votre article sur la fin de l’interdiction du "Mur".
- Elle n'en a pour sa part jamais démordu : au départ de son projet, elle n'avait « pas prévu de faire un film à charge sur la psychanalyse ». Et pourtant ! Partiellement financé par l'association Autistes sans frontières, son documentaire de 52 minutes met en scène une dizaine de psychanalystes, qu'elle a longuement interrogés.
D'après le jugement, Autistes sans frontières n'est intervenu qu'à la fin, et essentiellement pour la diffusion sur son site. Et aucun élément ne permet de dire que Sophie Robert avait prévu de faire ce film à charge avant le début des interviews. Ce n'est pas Sophie Robert qui le dit. C'est le jugement. Mais le droit ne dit pas toujours pas la vérité, notamment l'inconscient de la personne .
- Ce jargon psychanalytique est présenté en opposition avec deux familles filmées dans leur environnement quotidien, dont les enfants autistes, affirment les parents, ont bénéficié d'une prise en charge éducative et comportementale. Le message est limpide.
Vous vouliez dire "simpliste" ? N'en rajoutez pas avec "affirment les parents" : ils ont certainement eu une prise en charge éducative et comportementale. En ont-ils "bénéficié" ? On peut en discuter - 2 exemples ne prouvent rien scientifiquement. Mais vous jouez sur les mots.
Je suis curieux de voir comment votre talent rédactionnel sera mis en œuvre sur le film de Marianne Otero, qui présente les bénéfices d'une prise en charge lacannienne - du Dr Stevens, une des 3 vedettes lacaniennes du "Mur" - en cachant le fait que les enfants vont à l'école en Belgique et que cette école adapte son fonctionnement pédagogique à leur autisme (dit psychose). Puisque vous travaillez pour le supplément "Culture et Idées" sur le thème "image et autisme", d'après votre message précédent.
- ils ont découvert le film en ligne un an plus tard, et estiment avoir été « piégés » dans « une entreprise polémique destinée à ridiculiser la psychanalyse ».
La cour d'appel de Douai le reconnaît elle-même dans les attendus de son jugement : le visionnage du film Le Mur « met en évidence l'intention finale de sa réalisatrice de contester les méthodes utilisées par les psychanalystes dans le traitement de l'autisme », et « il n'est pas contestable que ce résultat final et le sens de la démonstration ainsi réalisée par Mme Sophie Robert étaient ignorées, à l'origine, des psychanalystes qui ont été interviewés ». Piégés, donc. Mais pas ridiculisés, ont estimé les juges, qui considèrent également qu'« aucune dénaturation fautive » de leurs propos ne peut être retenue contre la réalisatrice.
Le jugement dit exactement le contraire de ce que vous écrivez. Il s'agit de l'intention
finale et du résultat
final. Aucun
piège ! Sans avoir besoin de recourir à la jurisprudence suivant laquelle le journaliste n'est pas obligé de dévoiler toutes ses intentions.
Et sans se mettre à discuter des méthodes du journalisme d'investigation, des caméras cachées etc ..
- D'après le jugement, aucune méthode déloyale ne peut être prouvée contre Sophie Robert.
« Je suis évidemment déçu de ce jugement », commente Alexandre Stevens, « mais cela ne change à rien à ce que je pense, à savoir que mes propos ont été déformés. Le tribunal ne tient pas compte du fait que j'ai affirmé clairement q
PS2 pour le médiateur : mais qui s'occupe du handicap dans votrue les parents n'étaient pour rien dans la causalité de l'autisme ».
Le jugement met clairement en évidence que les propos d'AS n'ont pas été dénaturés : il n'a jamais dit que les parents n'étaient pour rien. Pour simplifier, il a dit qu'ils ne l'étaient pas nécessairement ou toujours. Voir le film et le texte du jugement.
- Seule certitude : les rushs versés au débat durant ces deux procès successifs montrent que les propos de « psys » recueillis par la réalisatrice, bien que parfois fort abscons, sont beaucoup plus nuancés que son énoncé introductif, en voix off, qui s'achève par cette affirmation : « Pour les psychanalystes, l'autisme est une psychose, autrement dit un trouble psychique majeur résultant d'une mauvaise relation maternelle. »
Beaucoup plus nuancés ? N'exagérez pas. Un peu plus nuancés, sûrement. Comment en témoigne la réponse embarrassée du Pr Delion. Et il faut distinguer entre les propos publics et privés. Comme le prouve l'extrait diffusé de l'enregistrement en off de Mme Solano - qui était terriblement accusateur (je ne donne pas le lien, facile à trouver).
- A l'heure où l'on cherche à mieux comprendre la part (complexe, mais indéniable) de la génétique dans cette affection neurobiologique, combien de psychanalystes continuent-ils à estimer la mère « coupable » de la maladie de leur enfant ?
Je pense que vous mesurez très bien la charge comique de votre question. On a déjà un mal de chien à faire une statistique sur le nombre de personnes hébergées dans des institutions ayant un diagnostic de TED ! D'après une enquête de l'ARS en Bretagne, il y a deux fois plus de psychoses infantiles que de TED. Sans compter ceux qui ont d'autres diagnostics, notamment de handicap mental (la reclassification en TED de personnes avec une déficience intellectuelle est la première cause d'augmentation du nombre de TED).
Comment savoir le nombre de psychanalystes qui
estiment que la mère est coupable ? Parce qu'ils se gardent depuis quelque temps de dire ce qu'ils pensent - surtout en présence d'un public non-professionnel ! La mère peut être
responsable, mais pas
coupable. Et il ne faut pas la culpabiliser pour rentrer en relation avec elle (ou les parents) et traiter leur souffrance. Etc.. Mon premier contact en tant que parent d'enfant TED diagnostiqué à 21 ans (2004) avec la psychanalyse a été celui-ci, en 2005 :
"Je « réanime » ce sujet un an après car je suis tombé sur des e-mails envoyés lors de ma première « rencontre »avec les spécialistes de l'autisme, en avril 2005. Voilà ce que j'écrivais ensuite aux membres du CA (tout frais) d'Asperansa :de l'autisme de Kanner à l'autisme de scanner
C'est une formule utilisée par B. GOLSE aux "regards croisés sur l'autisme". Il fait référence au basculement du regard sur l'autisme provoqué par la publication à l'été 2004 d'une étude sur la reconnaissance des bruits par les autistes, dans "Nature", par Monica Zilbovicius et autres (je crois).
Dans le rôle du méchant psychanalyste, il a été plutôt bon.
J'ai assisté aujourd'hui à la première journée des "REGARDS CROISES".
Mes craintes n'ont pas été confirmées :
· je n'y connais rien, mais les intervenants ont été clairs (ce n'était pas toujours le cas dans la salle);
· il n'y a pas eu dialogue de sourds entre 2 positions, mais échange (quelques vacheries de temps en temps, quand même);
· le regard était suffisamment distant pour se sentir hors des soucis quotidiens : c'est facile pour moi avec une fille indépendante de 22 ans, mais je pense avoir peur de trop baigner dans l'autisme, comme d'autres parents.
Le Pr Lazartigues m'a autorisé à faire état du forum du 23/24.09 demain en matinée (ne pas le faire l'après-midi, cause effet RTT, dit-il).
Le public (une bonne centaine de personnes) est composé de professionnels : psy, CMPP, IME, généraliste etc...
BG avait dit un truc qui m'a fait réagir : il disait à Catherine Barthélémy, puisque "nous sommes entre nous", qu'il est justifié pour des raisons tactiques (travailler avec les parents) d'avoir un certain discours, mais qu'il faut distinguer l'utile du valide.
Je comprenais ce qu'il voulait dire, mais j'imaginais en même temps les cris de colère que cela aurait entraîné chez nous. J'ai donc signalé que j'étais parent d'une fille diagnostiquée Asperger, que je l'avais élevée au moment même où se nouerait la question (6 à 9 mois), que je pourrais me sentir mis en cause, mais que je pensais qu'il ne devait pas y avoir une vérité différente pour les spécialistes et pour les parents. J'ai essayé d'expliquer, maladroitement, parce que j'étais ému, qu'il fallait prendre mes remarques au second degré. B. GOLSE a créé en 2003 le CRAIF, qui a 5 centres d'évalaution : une charte est en cours pour éviter le nomadisme médical des parents entre les différents centres. J'ai fait remarquer que ce que disaient les parents dans les réunions d'ASPERANSA, c'est qu'ils étaient allés de médecin en médecin, de diagnostic en diagnostic, et que le prétendu nomadisme s'arrêtait quand enfin ils trouvaient un médecin capable de donner une signification au problème de leur enfant, sans se contenter de dire : "Puisque vous voulez le savoir, votre enfant est autiste, et il ne fera jamais rien de sa vie."
Malgré mes précautions de langage, le Pr Golse l'a manifestement mal pris, parce que pour lui, il n'avait rien dit qui me permettait de tenir ces propos. Ma collègue analyste [une copine qui était venue avec moi] m'a dit que cela ne se serait pas passé comme çà dans une réunion d'analystes, où l'écoute de l'autre - quel que soit son statut - est plus développée.
C. Barthélémy a eu une réponse plus sensible, car elle a retenu surtout la difficulté du parcours, quand on ne sait pas ce que notre enfant a.
Je me suis un peu vengé (parce que je suis quand même sorti de là avec une certaine culpabilité sur mon comportement dans la petite enfance de Lila) en faisant remarquer aux 2 conférenciers:
"Vous parlez des enfants, des mères... Mais quand vous présentez votre parcours, vous avez un père biologique [dont la profession a été déterminante : obstréticien ou psychopédagogue], des pères spirituels... mais pas de mère ?". C.B. s'en est tirée de façon élégante, et avec le sourire, ce qui est charmant chez une scientifique.
Je pense qu'avec les notes prises, il sera possible de résumer une partie de la conférence. Mais il y a peut-être un enregistrement ou un compte-rendu officiel.
C. Barthélémy (de Tours, présidente du comité scientifique de l'ARAPI) a un support (diapositives) de son exposé : j'espère qu'il pourra être diffusé entre nous.
Elle a très bien expliqué l'intérêt d'une association de parents, comme de la collaboration entre parents et praticiens. Les parents jouent un rôle de stimulant, tant envers les praticiens qu'envers les décideurs-financeurs. Les parents sont énergiques vers les financeurs, et poussent à s'occuper des adolescents et adultes. Une association de parents ou de malades, c'est une forme de contrôle social, démocratique, sur la médecine et la recherche.
Cette journée m'a conforté dans la nécessité - et le plaisir - de travailler ensemble."
Source : http://forum.asperansa.org/viewtopic.ph ... 9my#p59023
Le Pr Lazartigues avait bien raison de commenter en disant que d'habitude, les rencontres entre psy et parents sont plus violentes [j'étais très naïf]. Mais le Pr Golse n'a réussi à me culpabiliser que 24 heures : on s'est moqué de moi à la maison, en me faisant écouter des cassettes où je bêtifiais autant que MC Laznik.
Un des cache-sexes classiques de la responsabilité des mères est la référence à la dépression post-maternelle (gag : "le plus souvent inaperçue" dixit B.G) : dans son livre paru en 2013, Bernard Golse continue à la présenter comme un facteur important. Sans aucune étude à l'appui. Peut-être une étude poussiéreuse de plus de 20 ans par Ferrari, Bursztejn et Botbol et apparentés ...
http://forum.asperansa.org/viewtopic.php?p=18880#p18880
Dès que vous lisez "
facteur environnemental", vous pouvez détecter un sous-texte désignant une responsabilité d'un ou des parents dans le lien noué avec l'enfant. Pas coupables, mais responsables. Dans le reste du monde et chez les scientifiques, cela veut dire plutôt "facteur épigénétique".
Je n'ai pas de contentieux personnel avec la psychanalyse : ce n'est pas parce qu'un Pr Lambda m'a culpabilisé pendant 24 heures que j'oublierai certains apports (comme ceux de Christophe Dejours ou de Pascale Molinier). Mais je constate jour après jour qu'elle est hors sujet pour l'autisme. Et qu'elle est surtout une stratégie de défense psychique pour bien des professionnels de bonne foi - mais peu clairvoyants - ou réellement maltraitants. C'est vachement génial de lutter contre le sarkozysme, l'ultra-libéralisme et la politique sécuritaire sans se poser la question de la remise en cause des préjugés qu'on a biberonnés dans des formations. L'évolution n'est pas facile, mais cela évitera le burn-out. La plupart des professionnels compétents dans l'autisme en France ont été formés avec la psychanalyse. Il y a ceux qui tiennent compte de la réalité, et les autres. Les psychiatres des institutions, qui voient une personne au maximum 15 mn par mois, ne sont pas les mieux placés pour tenir compte de la réalité.
(…)
Cordialement :
je vous avais bien dit que je n'aimais pas la conclusion de vos articles.
Jean Vinçot
Ps : pas de lien vers le texte du jugement pourtant déjà en ligne ?
http://blogs.lexpress.fr/the-autist/wp- ... LE-MUR.pdf