Moment de solitude

[eurydice38]

Bonjour

Cela fait très longtemps que je ne suis pas venue sur le forum, j'ai vraiment trop de casseroles sur le feu entre le travail et mes deux fils Asperger. Mais là, je prends la plume quelques instants car je voulais savoir si parfois, vous les parents (surtout les mamans !), vous ne vous sentiez pas un peu seuls… j'ai l'impression par moments d'être la seule à vraiment comprendre mon fils (ou essayer de le comprendre), j'en ai marre qu'on me dise, "oui mais tu sais, le mien aussi il est comme ça" (immature, ou tête en l'air, ou gaffeur…). Et puis aussi, j'en ai marre que les profs me disent que non, il n'y a aucun problème au lycée, que les autres n'ont même pas vu qu'il avait un problème, alors que mon gamin me rapporte des propos me prouvant le contraire, il se sent non plus moqué ou harcelé comme au collège, mais simplement rejeté, il a du mal par exemple à trouver quelqu'un pour un travail de groupe, ou alors, en sport, quand il va vers des garçons, ils s'exclament : "oh non, pas lui, pas ce boulet, comment il s'incruste, le mec !", ce qui le blesse profondément, car il fait d'énormes efforts pour essayer de s'intégrer, d'écouter les autres, de ne pas les saouler avec ses intérêts spécifiques, mais il n'y arrive pas trop, ça reste impossible pour lui de suivre une conversation entre ados typiques.
Et ce qui m'attriste, c'est que quand j'en parle à mon copain (qui n'est pas son père et on ne vit pas ensemble mais on se connaît depuis plusieurs années), il me dit que c'est moi qui en demande trop, que mon fils est chiant (ce qui est vrai !), et que je ne peux pas exiger des autres qu'ils essaient de le comprendre, qu'il faut se mettre à la place des profs qui ont d'autres chats à fouetter… Et puis au bout d'un moment, il abrège parce que fondamentalement, lui aussi, ça le saoûle

Alors des fois je me sens seule, très seule pour affronter tout ça, et surtout comme je l'écrivais au début, j'ai l'impression de porter ça toute seule, tout le temps, et que personne ne peut comprendre ce que je ressens. Or, je suis sûre que sur ce forum, certains et certaines d'entre vous sauront comprendre ce que je veux dire et me réconforter? J'ai peut-être aussi besoin qu'on me dise que c'est moi qui suis dans le vrai quand je pense qu'il faut continuer à faire de la pédagogie aussi bien auprès des profs qu'auprès des élèves, parce que par moments, je finis moi-même par douter d'avoir raison.

Merci de m'avoir lue et bonne journée.

Modération (Tugdual) : Correction de balises (size x 3).

[Manichéenne]

Ce n'est pas forcément le message que tu attends mais simplement ce que je pense...
Je pense que tu as raison de trouver anormal et injuste que ton fils soit mis à l'écart. Mais que tu n'obtiendras pas beaucoup de progrès en visant les mauvaises cibles.
Même si les profs se rendaient compte, qu'y pourraient-ils ? J'ai eu des profs qui voyaient parfaitement que j'étais isolée, plus rarement la violence du rejet, et même quand ils étaient de bonne volonté, ça ne changeait rien. Est-ce que ton fils sera accepté par les élèves si les professeurs prennent en compte sa situation et son handicap ? J'en doute.
Les élèves alors. C'est un âge ou les amitiés se forment sur des codes que ton fils n'a probablement pas. Il n'est pas "cool", et donc il ne sera pas accepté par les groupes de jeunes les plus populaires (dans le sens "appréciés, connus, sociaux"). Ca ne sert à rien de forcer avec ceux-là...
C'est à lui qu'il faut apprendre à trouver vers quels groupes aller et comment (c'est un avis personnel, pas une vérité absolue, j'insiste). Parfois un groupe de fille accepte plus facilement un garçon atypique que les garçons. Parfois un groupe déjà un peu marginalisé, les plus atypiques des typiques. Parfois c'est par un intérêt ou une capacité spécifique que les relations se forment : j'ai lu dans le livre de Tony Attwood, il me semble, comment parfois un club d'échec ou d'informatique permet à des ados d'utiliser leurs capacités pour être entourés.

[eurydice38]

Je te remercie d'avoir pris le temps de me répondre si rapidement, et ton regard est intéressant pour moi puisqu'il me dit ce que tu as vécu de l'intérieur. Effectivement je suis consciente que ce sont des ados et qu'on ne peut pas leur demander de comprendre quelque chose d'aussi complexe que le SA, que déjà peu d'adultes comprennent. Ce que tu me dis, en fait, c'est que je devrais plutôt laisser filer parce que de toutes façons, on ne peut pas faire grand-chose. Tu as certainement raison, puisque tu l'as vécu. Tu parles toi-même de la violence du rejet… voilà ce que, en tant que maman aimante, je veux essayer d'éviter à mon garçon, car la difficulté, c'est que je le sens vulnérable en ce moment : il est en train, à 15 ans, de prendre la mesure de sa différence, il en souffre et je crois aussi qu'il est las de subir tout ce qu'il subit, il y a un trop-plein, surtout qu'il a l'impression de faire beaucoup d'efforts pour s'intégrer et que les autres ne voient pas ses efforts.

Je lui dis qu'il faut qu'il soit patient et que quand il sera adulte, les choses seront sans doute plus faciles car il trouvera des gens qui sauront le comprendre et l'apprécier, malgré sa différence ou plutôt avec sa différence. Je lui avais déjà dit que ça irait mieux au lycée… (de fait d'ailleurs, ça va mieux, il n'y a plus de harcèlement et sans doute moins de moqueries), mais il reste le rejet, qu'il vit d'autant plus mal qu'il fait partie de ces Asperger assez "légers" qui parviennent à tromper leur monde au début. Donc, pendant quelques semaines, grosso modo jusqu'à la Toussaint, ça roulait, il était heureux comme tout, il s'était fait des copains… et patatras, ils lui disent qu'il est chiant, qu'il leur parle toujours des mêmes choses, ils ne veulent plus de lui à cantine, donc il se retrouve de nouveau à manger tout seul, comme durant ses 4 années de collège. C'est dur à vivre pour lui, d'où mon envie d'expliquer, de… de… bref.

Merci pour ton regard éclairant.

[Manichéenne]

Je ne te dis pas de laisser filer. Ne pas prendre en compte sa souffrance pourrait l'augmenter... Simplement, tu ne peux pas interagir à sa place dans tous les aspects de la vie, et de plus en plus c'est à lui de gérer. Reste à l'écoute, permets lui de parler, de se plaindre.
Dans mon cas, le rejet n'était pas reconnu par mes proches, et je n'avais personne à qui en parler, ça a été très dur. C'est donc déjà très bien que tu réalises ce qu'il vit. Tu peux tenter de le conseiller lui, aussi. Mais à mon avis tu ne peux pas changer le monde qui l'entoure.

[Nath62]

Mon grand n'est pas aspi mais différent et il a eu de grosses difficultés au collège. Ca se calme au lycée, on accepte plus les diffénrences sans doute parce que les individualités commencent à être plus marquées.

Mon grand manque de confiance en lui, il n'a eu de cesse que de se rapprocher des groupes "les plus en vue" pour avoir l'impression d'exister, il a bien morflé d ecomportements terribles de la part se ses proches et n'a eu de cesse que de se rapprocher de ceux qu'il n'aurait pas dû fréquenter. Ca évidemment vu de l'extérieur. La seule chose que tu peux lui conseiller, c'est d'éviter les indésirables et qu'il existe des personnes fréquentables qui l'accepteront pour ce qu'il est et pas que pour son apparence, donne lui les moyens de répondre aux insultes et autres, dis lui qu'il a le droit de répondre. Via centre d'intérêt, via un voyage scolaire, ça se débloque.

Le fiston a été destébilisé à l'arrivée en seconde, perdu pas mal de ses "potes", ça n'a pas été un mal, il s'en est fait... et bien plus fréquentables et meilleurs pour son ego.

[tulipetulipe]

J'aurais bien aimé avoir une maman comme toi qui m'écoute quand j'avais des difficultés à l'adolescence. J'aurais je pense, aimé savoir que je n'avais à culpabiliser d'avoir besoin de m'isoler, de me protéger, d'aller en études ou à la bibliothèque. Je crois moi aussi qu'il vaut mieux essayer de participer à des activités intéressantes (art, sport, informatique......) pour faire partie d'un groupe plutôt que d'essayer d'intégrer des groupes (le groupe des plus "cools" du lycée) où ils y aura peut être des personnes malveillantes.

[Mars]

Je partage ton sentiment Eurydice et j'apprécie aussi la réponse de Disturbed.
Ma fille a été persécutée jusqu'à la fac parce que tout le monde remarquait sa bizarrerie sans en comprendre la cause.
Les seules personnes qui l'ont accueillie sont des adultes : ado elle a voulu s'engager à la Croix Rouge et elle y a été bien reçue.
Par la suite, c'est par ses centres d'intérêt (mangas, jeux vidéos...) qu'elle a pu se lier à d'autres personnes.
Je ne sais pas si ton fils souffre autant que toi. Dans mon cas, je souffrais de voir ma fille harcelée et elle aussi, bien sûr mais je souffrais de la voir isolée et pas elle. La solitude ne lui pèse pas, j'ai fini par le comprendre.
Courage à toi

[Astragale]

Je comprends ta solitude de mère Eurydice et je suis d'accord avec ce qui s'est dit plus haut.
Je suis atterrée par le manque de psychologie des professeurs. Il se passent de graves choses sous leur nez et ils ne captent jamais rien.
Les enfants en revanche sont très fins pour détecter la moindre bizarrerie chez le voisin.
Serait-il possible de l'aider à trouver d'autres jeunes (pas forcément au collège), ayant les mêmes intérêts afin qu'il voit qu'il est capable d'échanger ?

[eurydice38]

Bonjour à vous toutes et merci beaucoup pour vos messages d'encouragement et de soutien, ça fait chaud au coeur ! La difficulté pour mon gars, c'est qu'il a envie d'être avec les autres. Il veut être comme eux, il me dit qu'il a envie d'aller à des fêtes, d'être un ado comme les autres. Il est un peu amoureux d'une fille de sa classe, aussi… bref, il a 15 ans, quoi ! Bon je peux dire quand même qu'on a de la chance, car l'équipe du lycée est très mobilisée, on a une enseignante référente handicap absolument formidable, une principale adjointe tip top, etc. Le seul hic, en fait, ce sont les profs. Ils m'ont clairement fait sentir qu'ils trouvaient que j'en faisais trop (et pourtant, je vous garantis que je ne fais pas partie de ces parents envahissants qui envoient des mails pour un oui, pour un non). J'ai simplement alerté la prof principale car mon fils a eu un bon coup de blues du fait du rejet d'un petit groupe de garçons qui, initialement, l'avaient accueilli, mais l'ont ensuite rejeté, ne lui gardant plus de place à la cantine, par exemple…
Bon, je résume : l'infirmière scolaire va faire une petite intervention en classe, je n'en attends bien sûr pas de miracle, mais on le faisait aussi au niveau du collège et cela avait quand même quelques retombées positives, à mon avis. J'espère seulement que ça ne va pas braquer la prof principale car elle n'était pas favorable à une intervention "du monde médical", comme elle dit (enfin telle que je la perçois, je crois surtout qu'elle n'a pas très envie de s'impliquer là-dedans, ça l'enquiquine, elle estime qu'on n'a pas à lui imposer des élèves porteurs de handicap, ils sont 2 profs comme ça dans cette classe, les autres, par contre sont vraiment très bien).
Pour vos différentes suggestions, oui, heureusement mon fils a une passion (pour les figurines warhammer), il va régulièrement dans la boutique où il peut peindre ses figurines, rencontrer d'autres passionnés, qui l'acceptent tel qu'il est. Mais il passe évidemment beaucoup de temps au lycée et c'est dans cet univers qu'il se sent seul, je crois que fondamentalement, il voudrait effacer son syndrome d'Asperger, arriver à faire comme les autres qui chahutent, se bousculent, s'interpellent, se chambrent… enfin vous voyez ce que je veux dire, agissent comme des jeunes "normaux". Il se sent en dehors de la "vraie vie", il me dit par exemple qu'il essaie de comprendre de quoi parlent les autres, mais qu'il n'y arrive pas, ça va trop vite pour lui (en plus de son SA, il a un TDAH, ce qui complique encore plus le tableau).

Pour finir, heureusement, il est copain avec deux filles de sa classe (que je ne connais pas) qui sont gentilles avec lui (peut-être sont-elles elles-mêmes atypiques, je ne sais pas), qui l'acceptent comme il est. C'est toujours ça de pris, tant que ça dure !

Ce que je trouve très frustrant, c'est quand je tombe sur des gens qui n'ont pas envie d'essayer de comprendre ce qu'est le SA et ce qu'ils peuvent faire pour intégrer mon fils, on est bien loin de la société inclusive !! Je sais bien que la société est comme ça, mais je me heurte à un mur et ça m'énerve.

Merci encore à vous de m'avoir lue, votre regard est précieux pour moi car quand on est trop impliqué, on n'a pas le recul nécessaire.

Bonne journée.

[Aurore71]

Bonsoir

L'intervention en classe peut être bien : dans la classe (quatrième) de mon fils cette année ils sont deux, dont lui, TED/aspie très différents l'un de l'autre d'ailleurs.

La prof principal a consacré deux heures de vie de classe à visionner le cerveau d'hugo est à débattre. Un certain nombre d'élèves déjà en classe avec mon fils en cm2 lui ont dit qu'il avait progressé en terme d'habiletés sociales et s'approcher des autres de façon plus adaptée.

Il a des copains qui changent d'année en année : il était très lié depuis le cm2 avec un copain qui était lui en fauteuil puis ça a changé. Il est plutôt bien intégré mais a aussi toujours accepté sa différence depuis le CE 1 où il va à l'école avec un ordi.

Après il a aussi appris à se passer des autres, mais surtout à expliquer son handicap comme quand il faut qu'il rembourse le bouquin de la bibliothèque qu'il a dévoré avec les dents !!!! Il sait le dire à de nouveaux venus aussi alors ça facilité la compréhension des autres.

[Mars]

Ah, les clubs de Warhammer : tous les aspies de mon lycée en faisaient partie (avec d'autres jeunes NT), c'est un super lieu pour rencontrer d'autres jeunes.
Par contre, si ton fils est en demande d'autres échanges sociaux, je n'ai pas de piste. Je me dis que ma fille a de la chance car elle est très peu demandeuse de ce côté-là.
J'espère que petit à petit, de connaissances en connaissances, d'autres liens vont se créer.
J'ai eu quelques élèves aspies très sociables, je peux te dire qu'ils ont réussi à avoir la vie sociale ordinaire des jeunes de leur âge au bout de quelque temps. Ce n'est pas facile, ça prend du temps mais ça arrive !