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Autisme, comportement alimentaire et orthophonie
Les difficultés d’alimentation des personnes autistes et plus particulièrement des enfants prennent une place importante dans la vie quotidienne. D’après les parents, le comportement alimentaire de leur enfant autiste est nettement différent de celui des autres enfants. Même si ces difficultés sont fréquemment évoquées, (Kanner en avait déjà décrit certaines), peu d’études s’intéressent particulièrement à ce sujet.
Le bilan orthophonique permet d’effectuer un inventaire des difficultés alimentaires, de préciser leur nature, de les replacer dans un contexte développemental et aussi de cerner leurs incidences.
Le comportement alimentaire est un acte complexe, composé d’une part de facteurs physiologiques et biologiques et d’autre part, de facteurs socioculturels et psychoaffectifs.
Les facteurs physiologiques et biologiques
La mastication
Elle met en jeu une activité musculaire et un contrôle neurologique. Outre son rôle évident dans la préparation du bol alimentaire (modification de la consistance des aliments et insalivation), la mastication participe à l’optimisation du goût, à son maintien en mémoire. Elle joue aussi un rôle dans la sensation de satiété.
Chez les personnes présentant une pathologie autistique, on peut observer le stockage en bouche d’un volume important qui peut ensuite être avalé d’un coup, sans être mastiqué. La mastication est parfois inefficace. La personne autiste peut aussi manger des plats mixés, ce qui modifie considérablement la mastication.
Ces altérations du temps masticatoire peuvent entraîner des perturbations concernant la dentition, la digestion et des dysfonctionnements sensori-gustatifs.
La déglutition
Le trouble de la déglutition n’est pas un trouble spécifique de la pathologie autistique. La déglutition peut être perturbée par des difficultés neuro-motrices résultant de pathologies pouvant être associées à l’autisme.
La personne peut alors faire des fausses routes.
Le goût
Le goût est un phénomène multimodal qui met en jeu la vision, l’olfaction, l’audition (bruits dans la cavité buccale) et la somesthésie (sensibilité) buccale.
Il existe, chez les personnes autistes, des particularités sensorielles de type hypo ou hypersensibilité (la personne ne réagira pas à certains stimuli ou au contraire réagira de façon exagérée), de surcharge (trop d’informations reçues en même temps ne pourront être traitées), de distorsion, des difficultés de perception multi-modale (des stimuli arrivant de canaux perceptifs différents auront du mal à être coordonnés ou un seul d’entre eux sera perçu)… Ces perturbations touchent plus les stimuli auditifs et tactiles que les perceptions visuelles et olfactives.
La personne autiste présentera donc une sélectivité alimentaire qui se différenciera des néophobies (peur de ce qui est nouveau) classiques des jeunes enfants de par son intensité, la force des refus et sa persistance. La sélectivité alimentaire est aussi à relier aux difficultés de généralisation et à l’intolérance au changement des personnes autistes.
La discrimination visuelle sera utilisée pour sélectionner les aliments. Cette sélection peut se faire selon les marques et les conditionnements.
La présence de pica (ingestion d’objets ou de substances non comestibles) est plus fréquente chez les personnes autistes. Le pica peut être mis en rapport avec des difficultés sensorielles et/ou cognitives importantes.
Les facteurs socioculturels et psychoaffectifs
Les facteurs socioculturels
Notre comportement alimentaire est ancré dans notre culture. L’enfant en intègre ses règles par un bain social permanent sous la forme d’une transmission intergénérationnelle (effet de familiarité de certains aliments) et une transmission intragénérationnelle (une grande influence des pairs est notée entre 3 et 5 ans).
Les personnes autistes montrent une certaine indifférence au modèle socioculturel. Les difficultés observées dans le domaine des interactions sociales jouent un rôle dans la mise en place et la persistance d’une sélectivité parfois importante. Les difficultés d’imitation, d’attention conjointe… entravent la transmission du comportement alimentaire.
Le repas, acte éminemment social, est également perturbé : la personne autiste peut marquer ainsi son aversion des situations collectives (trouble des relations sociales, intolérance au bruit…) et sa difficulté voire son incapacité à exprimer des choix
Les facteurs psychoaffectifs
Ces facteurs regroupent les notions d’incorporation, de dégoût et d’attirance ainsi que de peur de la contamination.
L’autisme perturbe aussi ce versant du comportement alimentaire. Des associations idiosyncrasiques (propres à une personne particulière), telles celles observées dans le domaine du langage existent, peut-être, dans le domaine de l’alimentation. Le déficit de la théorie de l‘esprit ainsi que les difficultés langagières (verbalisation des ressentis) sont à prendre en compte.
Le bilan orthophonique
Le bilan orthophonique va comporter deux versants :
- des entretiens avec la famille et les personnes qui s’occupent habituellement de la personne autiste,
- un bilan de neuro-motricité alimentaire. Celui-ci explorera les praxies bucco-faciales, les sensibilités tactile, thermique et gustative. L’ingestion de plusieurs consistances alimentaires pourra également être proposée.
Le détail de ce bilan est consultable dans le mémoire de Mme Nolwenn Le Page (p46 à 49).
Les pistes de rééducation
· Rééducation de la motricité bucco-faciale,
· Rééducation du versant réceptif (afin d’améliorer la compréhension des demandes formulées par l’adulte) et du versant expressif (avec proposition d’un moyen alternatif/augmentatif de communication pour certaines personnes autistes) du langage,
· Réduction des facteurs déclenchants à l’aide d’aides visuelles,
· Création d’un groupe de goût pour un travail particulier sur la perception et la verbalisation des ressentis.
Ces pistes de rééducation ne sont bien entendues pas exhaustives. Elles sont un des apports possibles de l’orthophoniste au projet de soins. La prise en compte des troubles du comportement alimentaire de la personne autiste doit se faire dans le cadre d’une équipe pluridisciplinaire. La famille est bien-sûr associée au projet de soins car concernée de façon prégnante par ces difficultés.
Bibliographie
Articles :
· Un véritable programme nutritionnel en faveur des enfants autistes/L’Hôpital (D.) in Revue de l’Infirmière, n°26, avril 1997
Référence CIERA 00136
· Interventions nutritionnelles dans le cadre de l’autisme, régimes alimentaires. Revue bibliographique / Valent (G.) in Bulletin scientifique de l’Arapi, n°5, juin 2000
Référence CIERA 00761
· Comportements alimentaires particuliers et pica / Cuxart (F.) in Bulletin scientifique de l’Arapi, n°5, juin 2000
Référence CIERA 00760
· Enquête sur le comportement alimentaire d’un groupe d’enfants autistes de 6 à 8 ans : comparaison qualitative et quantitative avec un groupe d’enfants témoins du même âge / Valent (G.) in Bulletin scientifique de l’Arapi, n°5, juin 2000
Référence CIERA 00759
· Statut et enquête nutritionnelle des enfants autistes/ Pienkowski (C.) et Tauber (M.) in Bulletin scientifique de l’Arapi, n°5, juin 2000
Référence CIERA 00758
· Les comportements alimentaires chez l’enfant autiste : décrire, comprendre, rééduquer / Dansart (P.) in Bulletin scientifique de l’Arapi, n°6, décembre 2000
Référence CIERA 00672
Documents divers :
· Etude des comportements alimentaires chez l’enfant autiste / Nolwenn Le Page. –Mémoire d’orthophonie de Tours, 1999.
Référence CIERA 00725
· Le repas en institution. – colloque AIR, 1999
Référence CIERA 00410