Et vous, avez vous le projet de vie de vous "intégrer" ?

[Benoit]

... ou d'intégrer vos enfants pour les parents?

En tombant au hasard sur Inter ce matin, j'ai cru qu'un ministre parlait des Aspies, ou même de moi.

En effet, il a parlé de "... populations [qui] ont des modes de vie extrêmement différents des nôtres et qui sont évidemment en confrontation".
Je souligne le "évidemment" parce que je le trouve symptomatique d'une forme de pensée majoritaire (si j'en crois la popularité du personnage) qui cultive l'exclusion par rapport à une "communauté" dont tout le monde connaîtrait les règles et les lois (à comparer avec la pratique de la question chez certains de nos voisins très proches).

Accessoirement je me demande comment une frange extrêmement minoritaire d'une population peut être en "confrontation" avec le reste? Je veux dire de façon viable qui ne se termine pas par une solution violente?

Évidemment, il était question d'une toute autre catégorie de population, mais je pense que la question s'applique de la même manière pour les Aspi(e)s, raison pour laquelle je pose (sa) question à celles et ceux qui voudront bien y répondre.

Est-ce que vous avez un projet de vie de vous intégrer ?

[Nath62]

Très grande question. J'essuie les plâtres

Avec le recul de mes 43 ans, je me rends compte que j'ai plus ou moins bien vécu ma non ou mal intégration, selon si j'étais seule (où je m'en fichais éperdument), en couple (le regard des parents et beaux parents était plus lourd à porter) ou seule avec enfants (et là, le jugement est sans appel, tu dois rentrer dans le moule). Ma marginalisation, due au SA ou juste au fait que je sois comme ça a toujours été une réalité d'aussi loin queje me souvienne, pas choisie, vécue parce que c'était comme ça et que je n'ai jamais trouvé aucune moule dans lequel je rentre entièrement, il y avait toujours un coin qui dépassait même avec la meilleure volonté du monde.
Je peux rentrer provisoirement dans un moule par nécessité mais il ne faut pas que ça dure plus de quelques jours ou que ce soit un jour de ci delà, pour faire "bonne impression".

Me sentir jugée à bout de champ a été et est toujours quelque chose de lourd à porter. J'essaie de me dégager de ces jugements et de vivre en étant le plus proche de son être mais ce n'est pas facile.

Je pense que si j'avais eu les cadres, infos, aides pour me fondre plus dans la société, pour passer inaperçue, j'en aurais moins souffert et j'aurais plus oser vivre ma vie tout en préservant intérieurement ce que je suis vraiment mais que les apparences soient sauves vu de l'extérieur.

J'ai appris la tolérance aux autres à mon fils et l'incite à faire selon son sentiment et pas comme un mouton, tout en se pliant aux règles qui régissent notre monde, afin qu'il n'en soit pas pénalisé. Régulièrement, ça va au clash dans certaines situations car il détonne.

J'ose espérer, avec le recul que j'ai par rapport à mon vécu et à celui du fiston, que ma fille, tout en ne perdant pas son individualité, réussira mieux à se fondre parmi les autres. Être montrée du doigt à tout bout de champ, c'est un sacré fardeau.

[Someone]

Et vous, avez vous le projet de vie de vous "intégrer" ?

Non.
Mais de le faire croire pour avoir la paix oui.
Mais profondément non parce qu'il y a des parties de moi qui sont en quelques sortes "inintégrables" au sens socialement correct , au sens de ce qu'on attend de moi en tant qu'adulte de plus de 30 ans dans la société etc.
J'ai mis trop d'années à les aborder, les accepter, les apprivoiser etc. Je ne veux pas les renier ni même les mettre de côté. Je tiens à mon intégrité!

Mais laisser penser à ceux qui attendent de moi que je sois intégré que je le suis, sans pour autant mentir (parce que le résultat serait catastrophique ah ah) , ça oui, vraiment juste pour avoir la paix et me passer des remarques/conseils/jugements et autres qui m'usent, ça oui!

(

Être montrée du doigt à tout bout de champ, c'est un sacré fardeau.

oui voilà, aussi, ça j'en peux plus j'en ai trop soupé! Et encore aujourd'hui.

[Mars]

"Intégré", ça veut dire quoi, en fait ? Se couler dans le moule ? Je ne souhaite sûrement pas ça à ma fille car ce serait abdiquer sa personnalité. Je pense pareil pour moi, d'ailleurs.
Ce que je souhaite, pour tous, pas seulement pour ma fille aspie, c'est le respect mutuel dans l'acceptation des différences.

[Tugdual]

Mais de le faire croire pour avoir la paix oui.

Je me suis apperçu sur le tard
que toute ma vie était organisée
dans ce but. Ça s'est fait peu à peu,
presque à l'insu de mon plein gré,
à grand renfort d'auto-contrôle, de
cloisonnement, d'isolement régulier,
d'acquiescements pour faire plaisir ...

Je ne souhaite sûrement pas ça à ma fille car ce serait abdiquer sa personnalité

Et puis j'ai pris conscience de ça.
Je me suis apperçu que je m'interdisais
des choses que j'appréciais pour ne pas
paraître différent, et qu'à l'inverse (et pour
les mêmes raisons) je m'autorisais des choses
qui m'étaient plus ou moins indifférentes.
Ce grand écart finit par être pesant ...

Dans la même période, des événements tant
personnels que professionnels m'ont suffisamment
déstabilisés pour que j'envisage de me retrouver,
en m'organisation une grosse bifurcation dans
ma vie. Je suis en plein dans cette birfucation,
période transitoire qui traine un peu, et durant
laquelle j'ai découvert le syndrôme d'Asperger.

Mon projet de vie, maintenant ? Vu mon âge,
je devrais plutôt parler de mon projet de fin de vie ...
Je veux enfin être moi, ne plus jouer de rôle.
Est-ce économiquement possible ?
C'est toute la question, lourde de stress ...

[bidouille]

qu'est ce que tu entends par intégré?

[Benoit]

qu'est ce que tu entends par intégré?

Faudrait demander au ministre, mais je pense qu'il s'agit d'intégration au sens français = différent de l'inclusion anglo-saxonne.
cf le dessin du blog de Magali

[bidouille]

Je connais ce dessin, mais ca concerne l'école.

Pour un adulte tu veux dire intégrè au boulot ou ailleurs?

[Benoit]

Je crois qu'être '"intégré" ça s'applique à toute la vie "dans la cité", le boulot et le reste.

Et je pense aussi que le dessin représente la question quelque soit l'environnement (boulot, activités extérieures) et pas seulement l'école.
C'est juste qu'au boulot l'Aspi intégré sera soit tout seul (job d'autiste dans un placard) soit en troupeau dans une boîte dédiée (coucou Passwerk).

[Astragale]

Le jour où je me suis rendue compte que malgré 30 ans d'efforts et de sacrifices parfois dramatiques je n'étais pas intégrée, j'ai arrêté de m'imaginer que c'était possible.

Bien sûr, personne ne se doute de rien quand je vais dans les magasins ou que j'ai à faire avec les interlocuteurs de mon entreprise. Mais toute relation vouée à durer ou à s'approfondir un minimum met immanquablement en avant mes différences et les autres s'en rendent souvent compte avant moi. Résultat : je suis immédiatement désintégrée !

Alors à quoi bon ? Non, depuis que j'ai eu 40 ans j'ai cessé de faire de mon intégration un projet de vie.

[Cailla]

Le jour où je me suis rendue compte que malgré 30 ans d'efforts et de sacrifices parfois dramatiques je n'étais pas intégrée, j'ai arrêté de m'imaginer que c'était possible.

Bien sûr, personne ne se doute de rien quand je vais dans les magasins ou que j'ai à faire avec les interlocuteurs de mon entreprise. Mais toute relation vouée à durer ou à s'approfondir un minimum met immanquablement en avant mes différences et les autres s'en rendent souvent compte avant moi. Résultat : je suis immédiatement désintégrée !

Alors à quoi bon ? Non, depuis que j'ai eu 40 ans j'ai cessé de faire de mon intégration un projet de vie.

Je suis arrivée à cette acceptation aussi avant-hier. Tant d'efforts pour rien... En déambulant des heures dans la ville, en larmes, impressionnantes comme je peux l'être dans ces cas là, avec des gens partout comme dans un brouillard, soit regardée en biais comme une chose bizarre, soit niée comme inexistante. Je déteste la ville. Je déteste ne pas pouvoir contrôler (au moins la force de) mes émotions devant les autres. Tout ces efforts m'épuisent, me ruinent et mènent de toute façon toujours au même résultat, cela n'a pas de sens.

[bidouille]

Pour moi si la personne a trouvé sa place, j'entend par la qu'elle se sent bien elle est intégrée.

[Etienne]

Et bien déjà de rentrer (si ca s'effondre pas ) dans le système actuel capitaliste et me trouver un patron,n'importe qui qui peut me faire rentrer.

Après essayer de faire en sorte que j'ai accès à la technologie nécessaire pour réduire au max mes troubles sensoriels même si c'est très très légers

Après mon devenir dépends du reste et je vois ici et là des débuts d'effondrement( les empires disparaissent tous un jour..)

Mais sachez une chose :il y'aura toujours une caste de dominants et de dominés(1% domine 99%).Les régimes politiques pourront changer.

[tulipetulipe]

J'ai essayé de m'intégrer jusqu'à mes 42 ans quand je me suis effondrée et que j'ai dormi pendant 3 mois environ en ne me levant juste pour mes besoins et prendre une douche avant d'être enfin diagnostiquée. Alors, non, si m'intégrer veut dire m'épuiser moralement et m'user prématurément physiquement, je n'en ai absolument pas envie. Je ne suis pas responsable du fait d'être née avec des différences par rapport à la majorité des gens.Mon projet de vie, c'est vivre du mieux que je peux selon mes capacités et arriver à ne plus culpabiliser d'être différente.Je suis en congé maladie longue durée et j'ai très très peur qu'un jour mon médecin me dise : "Mais si, vous devez essayer de retourner au travail, vous devez faire des efforts même si ça vous épuise". Je m'en sens absolument incapable et je ne veux surtout pas revivre "cet enfer".Je m'occupe de mon petit logement, de mes chats, je me promène parfois au bord de la mer, je lis et je vais parfois dans les librairies, j'essai d'aller à la piscine de temps en temps et c'est ce qui me convient le mieux même si j'ai encore quelques regrets de ne pas pouvoir faire plus.

[bidouille]

Avoir un patron pour le coup n'est pas la norme. Les enfants n'ont pas de patron, les retraitées n'en ont plus, tout une partie de la population sont considéré comme inactif sur le marché du travail (mère au foyer, étudiant...) . Mais il y'a aussi tous les autoentrepreneurs et autres indépendants... qui n'ont pas de patron. Plus tous les chomeurs. A mon avis si tu fais le compte une majorité d'être humains en France n'a pas de patron.