Addiction aux jeux vidéos

[Jean]

Serge Tisseron, psychiatre
"L'addiction aux jeux vidéo est rare"
LE MONDE | 06.01.09

Parmi les cadeaux les plus offerts aux enfants et aux adolescents à Noël : les jeux vidéo. Pourtant, les parents s'inquiètent de leur usage intensif. Psychiatre et psychanalyste, Serge Tisseron fait la part des choses dans un ouvrage récent intitulé "Qui a peur des jeux vidéo ?"

Vous considérez que les jeux vidéo comportent des aspects positifs. Quels sont-ils ?
Comme tous les jeux, ils suscitent du plaisir, celui de remporter des épreuves, de découvrir des univers esthétiques et de mettre les joueurs en compétition. Ils permettent aux enfants d'exprimer symboliquement leur agressivité, de mettre en scène leurs angoisses d'abandon, de mort ou encore d'enfermement, de se familiariser avec elles et de les dépasser.

Grâce à leurs avatars - les personnages qui les représentent dans le jeu -, enfants et adolescents peuvent aussi mettre en scène leur conflit conscient ou inconscient avec leurs proches, parents, fratrie, personnages de la saga familiale qu'ils n'ont pas forcément connus, ainsi que les histoires d'amour dont ils rêvent. C'est une manière de prendre du recul sur leur monde intérieur en le rendant visible. Ils peuvent, davantage que par le cinéma ou la télévision, être spectateur de leurs propres représentations et vivre des aventures ou créer des espaces au plus près de ce qu'ils ont en tête. Ces jeux présentent également l'avantage de favoriser la communication et la socialisation, principalement avec les jeux en réseau. Pour avancer, il faut faire des alliances, agir en équipe.

L'usage des jeux vidéo peut-il aider les enfants à passer la fameuse crise d'adolescence ?
Les adolescents ont besoin de rituels initiatiques pour entrer dans le monde adulte or ceux-ci ont quasiment disparu. Les jeux vidéo présentent l'avantage de créer de nouveaux rituels d'image. Ces rituels de passage d'un niveau à un autre suscitent une reconnaissance de la part des autres joueurs mais devraient être davantage reconnus par les adultes.

Ce sont également des espaces très gratifiants qui peuvent renforcer l'estime de soi. A force de persévérance, il est toujours possible de devenir performant. Mais cet aspect gratifiant est à double tranchant, car il risque d'attacher les jeunes aux jeux vidéo.

Au-delà de ces aspects positifs, quels sont les risques que présentent ces jeux ?
Il faut dire aux parents de ne pas paniquer. Beaucoup sont terrifiés par la violence de certains jeux. Mais rien ne montre à ce jour qu'elle soit plus problématique que celle véhiculée par la télévision ou le cinéma. En revanche, les parents doivent être attentifs aux normes. Le système de classification par âge PEGI (Pan European Game Information, système européen d'information sur les jeux) leur permet de prendre des décisions éclairées lors de l'achat de jeux vidéo.

Je vois beaucoup d'enfants de 12-13 ans jouer à Grand Theft Auto réservé aux 18 ans et plus. C'est un vrai problème. Quant au risque de repli sur soi des joueurs, souvent mis en avant par les parents, il ne faut pas confondre la cause et la conséquence. C'est parce qu'ils éprouvent le besoin de se replier sur eux-mêmes que les jeunes sont conduits à jouer de manière excessive. Il faut s'interroger sur les raisons qui les poussent à de tels comportements. Je vois beaucoup de jeunes jouer à l'excès à l'occasion de la séparation de leurs parents ou à la survenue d'un décès, voire pour trouver un refuge face à une maltraitance scolaire.

On parle beaucoup d'addiction aux jeux vidéo. Est-ce justifié ?
Je préfère parler de joueur excessif que d'addiction. L'addiction aux jeux vidéo est un phénomène rare. Il concerne surtout les jeunes adultes. Il faut éviter de coller l'étiquette "addiction" à un ado. A l'adolescence, tout est flottant, rien n'est jamais fixé. Il n'est pas rare de voir des joueurs très excessifs en troisième et seconde qui ne le sont plus en première ou en terminale.

Par ailleurs, des études récentes ont montré que les zones cérébrales qui permettent de contrôler les impulsions n'arrivent à maturité qu'en fin d'adolescence. Néanmoins, les parents doivent sérieusement s'inquiéter quand les résultats scolaires de leur enfant baissent ou quand les activités de loisirs et parascolaires se réduisent fortement.

Comment aider un jeune à ne pas devenir accro ?
Il est primordial de limiter le temps d'écran - en incluant télévision, ordinateur, console, DS, PSP... A partir de la fin de l'école primaire, on peut fixer un contrat annuel avec l'enfant, renégociable en fonction des résultats scolaires. Il faut aussi empêcher les adolescents de jouer la nuit, soit en plaçant l'ordinateur dans une partie commune de la maison, soit en contrôlant la connexion Internet sans fil à partir de la chambre des parents. Enfin, ceux-ci doivent s'efforcer d'être les interlocuteurs privilégiés de leurs enfants afin qu'ils leur racontent leur jeu ou l'histoire de leur avatar.

Certains jeux rendent plus dépendants que d'autres. Il faut préférer ceux dans lesquels il y a une narration forte plutôt que les jeux compulsifs, répétitifs. Les jeux en réseau, comme World of Warcraft, sont particulièrement préoccupants. Chaque nouvelle épreuve remportée permet d'avoir accès à une épreuve plus intéressante et à des univers plus esthétiques. Le jeu ne s'arrête jamais. Il faut bien sûr mener une prévention auprès des jeunes mais aussi une bataille pour que les fabricants fassent des jeux moins addictifs.

QUI A PEUR DES JEUX VIDÉO ? (Ed. Albin Michel, 2008, 162 p. 13,90 €.)

Propos recueillis par Martine Laronche
Article paru dans l'édition du 07.01.09
http://www.lemonde.fr/technologies/arti ... 51865.html

[bernard]

Quand le film BenX est sorti, j'ai emmené Clément le voir.
BenX est accro des jeux en réseau, comme Clément avec Guild War (c'est du genre World of Warcraft dont parle l'auteur plus haut).

Pour nuancer ce que dit l'auteur, quand il minimise l'impact:
- Clément a joué au dernier week-end spécial (en 2008) de son jeu Guild War, pendant 27 heures d'affilé pour finir 1er de sa catégorie.
- le reste du temps, Clément n'en fait que tous les soirs jusqu'à minuit et les week-ends (sauf aujourd'hui où sa sœur ainée l'a emmené au ski).

Quand il a vu le film avec BenX dans son jeu, je comprends qu'il n'ait pas été dépaysé. Il m'avait même dit à la sortie du cinéma (il est bien ce film).

[Jonquille57]

Les premières années où Florent a été déscolarisé ( 12 / 13 et 14 ans ), Florent s'est beaucoup réfugié dans les jeux vidéos et jouait aussi en réseau. Sans être vraiment pour, je le laissais faire, me disant qu'il lui restait au moins ça....

Maintenant, il y joue beaucoup moins. Il joue cependant souvent à un jeu de catch et est fan des Sim's. Mais cela reste raisonnable...

Par contre, il passe ses journées devant son PC à regarder des vidéos de jeux.

[maho]

Un peu comme Loic, Brigitte. Il regarde sans cesse les jeux PS3 sur le Net, mais ne joue jamais avec le 2.
Il aime aussi les emissions sur le Catch, et adorait WWF.
Sinon ses jeux sont toujours les courses de voitures, jamais autre chose.

[Jean]

Je détourne un peu le sujet par cette information
Un petit tram à visage humain pour aider les enfants autistes
http://www.thetransporters.com/

[mamandu35]

je viens m'insérer dans votre discussion!
nouvelle sur le forum (j'ai lancé une discussion dans l'espace TED expliquant un peu notre parcours), je souhaitais juste savoir où pour vous commence l'addiction?
notre fils ladislas est passionné de pokemon, yoghi-yo et autres personnages fictifs comme beaucoup d'enfants de son âge.
ainsi que de jeux vidéos sur ordi, WII, DS,... il regarde également des vidéos de jeux sur le net!
nous avions limité son "temps d'écran" comme on dit chez nous, à 2h par jour WE et mercredi uniquement. mais on a à 2 reprises découvert qu'il avait joué sur l'ordi de 1h à 7h du matin avant d'aller à l'école. depuis nous avons installé un code sur l'ordi.
et confisqué sa DS, ainsi que finalement repris celles de ses soeurs puisqu'il allait les chercher la nuit dans leurs chambres. mais, à nouveau, il a réussi à échapper à notre vigilence en venant dans notre chambre (à pas de loups) récupérer l'objet de ses désirs!
alors addict ou pas????

[Murielle]

A te lire "mamandu35", c'est vrai que ça y ressemble....
Tu lui as déjà demandé s'il était capable de s'en passer 3 jours par exemple?
Mon fils a 10 ans (à peu près le même âge que le tien)et a eu un comportement de ce style avec la Nitendo DS....C'était très difficile de lui réduire son temps et surtout cela provoquait chez lui des colères lorsqu'il n'arrivait pas 1er dans une course "Mario" par exemple.On le récupérait agressif et de mauvaise humeur après son "passage " sur la DS.Du coup, on a limité TRES sévèrement l'usage et averti qu'en cas "d'énervement", on la lui enlevait illico.!Maintenant, il y joue de temps en temps et ça se passe très bien.Il joue aussi au SIM's sur la PS2,mais c'est moins "violent" étant donné qu'il n'y a pas de compétition.Ca lui apprend même des choses de la vie....
Là encore, il n'y joue qu'avec notre autorisation et sur un temps que NOUS décidons.
En revanche, il est passionné par les "catalogues" sur l'électro-ménager et peut passer des HEURES à les lire et les relire.!!!!LA 1ère chose qu'il fait en se levant le matin c'est de prendre sa pile de catalogues....Là aussi, on pourrait parler d'addiction.!!!!
A ce sujet, j'ai même découvert hier soir, qu'il en avait glissé un (catalogue "boulanger") sous son oreiller.!!!!!! Pour "mieux dormir" m'a-t-il dit.!!!!

[Murielle]

Jean, les vidéos ont l'air très intéressantes.!
Dommage, c'est encore en Anglais.!!!! (Pardon Sue.!!!! )
Je suis sûre que ça plairait à Léo ce type d'animations.!
Vu qu'il aime l'anglais, je pourrais au moins lui montrer les "démos"...On verra sa réaction.!

[mamandu35]

bonsoir,
eh oui ladislas est attiré par les jeux mario (compet obligée : mario kart ou mario et sonic aux JO) et s'il ne gagne pas il s'énerve facilement, monte dans les tours et devient parfois même injurieux (dans ces cas là nous y mettons fin imédiatement) ainsi que par les jeux style pokemon, donc assez violents aussi.

malheureusement nous le limitons déjà beaucoup puisqu'il n'y joue que le samedi et le dimanche ainsiq ue parfois un peu le mardi soir (puisqu'il n'a pas en core école le mercredi).

mais c'est vrai que ces jeux le mettent dans un sacré état d'excitation et qu'il rentre complètement dans le jeu des personnages.
après il ne fait que parler de ça pendant un bon moment. nous essayons bien sûr de le faire passer à autre chose mais il y retourne sans cesse. le monde virtuel c'est son "truc" et j'ai bien peur que l'influence des jeux soit assez mauvaise pour lui!

[laura]

le monde virtuel c'est son "truc" et j'ai bien peur que l'influence des jeux soit assez mauvaise pour lui!

Pour avoir passé pas mal de temps dans des mondes virtuels (mais pas en jeux vidéo juste en imagination (merci la lecture )) je peux t'affirmer qu'il n'y a aucun mal à y passer du temps. Bien au contraire, je crois qu'il faut voir ça comme un temps de repos nécessaire. Dans les mondes virtuels les choses sont plus simples, on a plus de liberté, on peut comprendre certaines choses qui nous échappent et s'épanouir plus que dans la réalité

Je crois que de toute façon, si tu supprime les jeux vidéos, ton fils trouvera un autre moyen de s'y réfugier, et puis je crois qu'il en a besoin tout simplement, l'en priver serait cruel je trouve. Malheureusement les jeux vidéos sont assez stressants et la liberté est quand même vachement limitée. Je crois que les sims par exemple sont bien plus intéressants, ou tout autre jeu ou le challenge est limité et le jeu relativement facile, sans contrainte de temps et de réussite et en laissant au joueur le temps de s'approprier l'environnement Je crois que la lecture est une excellente alternative aux jeux vidéos, bien plus que la télé. Ça fait travailler la pensée visuelle, c'est très structurant et ça permet d'apprendre à broder. Les lecteurs de manga de ce forum ne me contrediront pas j'espère

Pour ce qui est de la nécessité d'un challenge... je crois qu'il ne faut pas confondre challenge et compétition à mort. Je pense qu'il est possible de trouver bien des jeux ou perdre est à la fois inévitable et pas dramatique voir même constructif. Les simulateurs de vol par exemple tant qu'il n'y a pas des histoires de missions derrière, ou les jeux plus simples, ou le plaisir est juste de jouer, et pas forcément de gagner Les jeux de voitures en mode individuel, ou le but est juste de battre son propre score a petite dose c'est marrant. Quand on est petit on sait pas forcément gérer son temps de jeu, d'autant plus en tant qu'aspie alors ça peut être un bon entrainement

En bref, les jeux vidéos c'est comme pour tout, utilisé à bon escient c'est excellent, utilisé de façon anarchique, "bonjour les dégats"

[mamandu35]

malheureusement c'est souvent le cas de mon fils; quand il joue, c'est très difficile de le faire arrêter, il est soit en mission, soit en partie...

mais il est vrai que certains jeux sont constructifs, ce qui n'est malheureusement pas le cas de ceux de lad : mario kart, JO, pokemon.... qui sont soit des jeux de combats soit avec compet

[mamandu35]

et j'oubliais ça le mets evidemment dans des états agresifs, d'excitation et d'énervement

[Murielle]

Je vois tout à fait de quoi tu parles Mamandu35.!!!
Léo ne peut non plus s'empêcher de s'exciter exagérément et c'est difficile de calmer le jeu et le reste du quotidien ensuite...
En plus à leur âge, je m'inquiétais de ce qu'il ressentait en "vrai"...J'ai entendu Léo dire en jouant "je t'ai tué.!...mais j'ai encore 2 vies...." Nous lui avons rapidement expliqué que ça c'est UNIQUEMENT dans les jeux.!!!Cette idée n'allait pas de soi visiblement....
Et oui, les SIMS, je suis d'accord avec Laura c'est un jeu très instructif où il apprends la VRAIE vie: se laver, manger, dormir, aller au travail.....Et là....c'est la ZENITUDE car pas d'enjeu, pas de compétition.!

[Jean]

Pour avoir passé pas mal de temps dans des mondes virtuels (mais pas en jeux vidéo juste en imagination (merci la lecture Very Happy )) je peux t'affirmer qu'il n'y a aucun mal à y passer du temps. Very Happy Bien au contraire, je crois qu'il faut voir ça comme un temps de repos nécessaire. Dans les mondes virtuels les choses sont plus simples, on a plus de liberté, on peut comprendre certaines choses qui nous échappent et s'épanouir plus que dans la réalité Smile

Je suis d'accord avec les explications de Laura. Il me semble qu'il ne sert à rien de dire à un jeune avec autisme : "va jouer dehors", "va jouer avec tes copains". Soit il n'a pas de copains, soit il n'y trouve pas le plaisir habituel - si ce n'est des agressions sensorielles ou pire.

Le jeu vidéo peut, grâce à son caractère répétitif, avoir un rôle de détente.

La question serait donc : quel jeu favoriser ? Il y aura des jeux qui exciteront, qui développeront des tendances agressives etc... et d'autres qui peuvent permettre de mieux comprendre société des NT et NT.

Lors des "regards croisés" avec Eric Willaye, j'ai assimilé le fait que les NAT avaient du mal à s'occuper, ce qui se pouvaient se traduire par des attitudes agressives.

Il ne faudrait pas se priver de la possibilité des jeux vidéo au nom d'un principe éducatif théorique.

Un "Nat" n'a pas les mêmes besoins de contacts sociaux qu'un NT. Il faut qu'il sache comment faire si nécessaire, mais il ne faut pas lui imposer des contacts qu'il ne désire pas ou qu'il ne peut assumer sans trop de stress.

[mamandu35]

je suis d'accord sur le principe : que certains jeux permettent sûrement aux NAT d'acquérir des compétences (comme d'ailleurs certains jeux également aux NT ) ainsi qu'une meilleure compréhension de le vie sociale.

cependant je pense que certaines activités ou lectures peuvent aisément les remplacer.

seulement il est vrai que la répétition, pour mon fils en tous cas (NAT ou NT, je ne saurai me prononcer!), semble l'appaiser et le rendre plus serein : que ce soit des actions répétitives sur ces fameux jeux (donc il y devient plus compétent - car il déteste l'échec au plus haut point) mais aussi des livres qu'il relit sans cesse, des musiques ou des films qu'il se repasse en boucle jusqu'à en mémoriser le moindre mot. et là pour moi il y a un certain danger, une espèce de boucle dans l'enfermement. mais peut-être ai-je une pensée purement NT .