Sur le PACT :
https://blogs.mediapart.fr/jean-vincot/ ... -lancet-13
PACT (Pre-school Autism Communication Therapy) est une intervention basée sur la théorie, assistée par les parents et utilisant la vidéo. Elle est conçue pour améliorer les compétences de communication sociale des enfants affectés de troubles du spectre autistique. Les principes de PACT découlent de la recherche sur la communication non-langagière, la pragmatique et le développement du langage
Sur l'EDSM : dernière étude
https://blogs.mediapart.fr/gilles-bouqu ... u-efficace
lemonde.fr
Autisme : de nouvelles approches pour intervenir tôt et autrement
Par Florence Rosier
Publié hier à 17h43, mis à jour à 04h50
La stratégie nationale pour l’autisme 2018-2022 prévoyait de favoriser des interventions précoces, tant pour le diagnostic que pour la prise en charge. Celle-ci emprunte de nouvelles voies, associant les parents. Enquête sur des initiatives pionnières et sur les questions qu’elles soulèvent, à l’occasion de la journée mondiale de l’autisme, mardi 2 avril.
A peine arrivé, Matthieu, 6 ans et demi, se précipite vers le bureau de la docteure Marie-Joëlle Orêve. « Matthieu, attends ! », le retient sa mère. Le jeune garçon piaffe. Tout près, un butin l’attend : tous ces jeux, là-haut sur l’étagère. L’un d’eux notamment le fascine : une ferme miniature, avec sa fermière, ses vaches, sa barrière blanche et son portail vert. « Ce jeu lui rappelle nos séjours dans une ferme qu’il aime beaucoup », explique sa mère.
Nous sommes dans le service de psychiatrie de l’enfant du centre hospitalier de Versailles, que dirige le professeur Mario Speranza. Depuis trois ans, ce service propose aux familles des modalités innovantes de prise en charge précoce de l’autisme, dès l’âge de 1 ou 2 ans. Des interventions qui ciblent l’enfant, bien sûr, mais aussi ses parents.
« Dans l’autisme, la manière d’interagir avec un partenaire est si atypique que la réponse du partenaire l’est aussi. Cela entraîne des difficultés d’ajustement réciproques qui se renforcent l’une l’autre », explique le pédopsychiatre. Un cercle vicieux s’installe. « Aider l’enfant et son partenaire, en premier lieu ses parents, à s’ajuster mutuellement, cela ouvre un cercle vertueux. »
Un enfant autiste semble si souvent « enfermé dans sa bulle ». Et pourtant. « Dire cela, c’est la pire chose pour ces enfants », se désole le professeur Laurent Mottron, psychiatre-chercheur à l’université de Montréal (Canada). Car l’expression les enferme, précisément, dans une forme de fatalité. Or « l’autisme est une maladie beaucoup moins fixée qu’on l’imagine », relève le professeur Richard Delorme, responsable du service de pédopsychiatrie de l’hôpital Robert-Debré (AP-HP, Paris).
Depuis quelques années, des programmes d’accompagnement parental innovants, venus des Etats-Unis ou du Royaume-Uni, donnent à ces parents des clés pour mieux communiquer avec leur enfant. Ils commencent à être diffusés en France, d’une façon encore confidentielle. Notamment ici, au centre hospitalier de Versailles, un des pionniers en la matière.
« Si la qualité des relations parents-enfants s’améliore, il y a un bénéfice indirect sur le développement cognitif et moteur de l’enfant », docteure Marie-Joëlle Orêve, Centre hospitalier de Versailles
Revenons à Matthieu. Dès qu’il a eu le feu vert, l’enfant a bondi dans le bureau de la docteure Orêve, s’est saisi de la boîte de ses rêves, l’a fait chuter, révélant son trésor : la ferme. Le jeu peut enfin commencer. Il s’inscrit dans un programme de guidance parentale, le PACT (Pre-school Autism Communication Therapy). Un pacte, en somme, entre les parents et leur jeune enfant autiste. Diagnostiqué porteur d’un trouble du spectre autistique (TSA) à l’âge de 5 ans et demi, en février 2018, le jeune garçon et sa mère suivent ce programme depuis mars 2018.
Dans son bureau, la docteure Orêve se saisit d’une mini-caméra. C’est parti pour dix minutes de jeu. Vite, Matthieu construit une barrière blanche, y installe les vaches. Il chantonne, mais ne parle presque pas. « Souffle », dira-t-il une fois à sa mère, qui lui a tendu un harmonica. La maman, elle, commente à voix haute ce que fait son fils, lui suggère de nouveaux scénarios. Mère et fils s’imitent parfois.
Dix minutes plus tard, la docteure Orêve arrête la caméra. Elle invite la mère à visionner la scène. « Alors, qu’en pensez-vous ? », interroge-t-elle à la fin. – J’ai assez bien réussi à faire des commentaires, en laissant à Matthieu le temps de réagir. Et je lui ai proposé des scénarios, dont il s’est saisi. – Comment avez-vous trouvé le partage ? – Nos jeux étaient parfois parallèles, mais il y a eu de vrais partages. – A quels moments ? – Par exemple, quand on a chanté la même chanson. Ou quand j’apportais de l’herbe à la vache en ouvrant son enclos, et qu’il m’a suivie. »
« Je voudrais qu’on revienne sur cette séquence, dit la docteure Orêve. Qu’est-ce qui a fait que Matthieu a saisi cette opportunité ? Il sourit, on voit qu’il est content ! – Le portail, dans la vraie ferme, c’est un élément important pour Matthieu. Il adore l’ouvrir et le fermer. – Matthieu est donc en terrain connu ! A la maison, il a des routines ? – Oui, il s’habille en chantant une comptine, par exemple. » La routine, pour Matthieu, c’est rassurant, ça facilite le quotidien, explique la docteure Orêve. Il sait ce qu’on attend de lui, quoi dire et quoi faire…
Tête-à-tête entre Maya, jeune autiste, et une éducatrice du DIPEA de Versailles, le 26 mars. Les séances alternent entre programme d’accompagnement parental et prise en charge précoce de l’autisme, selon la méthode comportementale ESDM.
La médecin note ces succès, élabore avec la mère une liste de conduites à tenir à la maison. « Derrière le jeu, l’objectif est d’améliorer le langage. Pour l’instant, Matthieu ne dit pas grand-chose. Mais vous, la maman, vous lui dites des choses. » Le médecin reprend ce que dit la mère : « Et vous pouvez ajouter de nouveaux mots, que Matthieu pourra intégrer. » Cette maman confie : « Matthieu a fait indéniablement des progrès depuis le début du coaching PACT, il y a un an. Mais il est difficile de distinguer la part du PACT de celle des autres prises en charge. »
Le programme PACT, développé dans les années 2000 par une orthophoniste, Catherine Aldred, au Royaume-Uni, est en plein essor. « Grâce à la puissance de la vidéo, le parent peut identifier le message subtil que lui envoie son enfant. Et ajuster ses interactions », explique Mario Speranza. De plus, la méthode met en avant ce qui réussit dans les interactions. Pour les parents, c’est valorisant. « Même si nous suivons un programme prédéfini, nous travaillons avec le parent sans lui conseiller des recettes, ajoute la docteure Orêve. Si la qualité des relations parents-enfants s’améliore, il y a un bénéfice indirect sur le développement cognitif et moteur de l’enfant. » Le sentiment de compétence des parents s’améliore aussi.
Debré
« Tous les parents d’enfants avec une suspicion d’autisme devraient pouvoir bénéficier d’un accompagnement parental de type PACT, estime Mario Speranza. C’est de plus une méthode économique : le programme ne comporte que dix-huit séances par an. » C’est dans son service, à Versailles, qu’a été proposée la première formation à cette technique en France, il y a deux ans.
Les preuves d’efficacité du PACT ? Il y a cette étude de Jonathan Green, publiée en 2016, menée chez 152 enfants de 2 à 4 ans. Verdict : dans le groupe dont les parents ont suivi le programme PACT, on note une amélioration de l’interaction sociale dans la dyade parent-enfant, cinq à six ans après le début du programme.
Peu de fondements scientifiques rigoureux
Mais une analyse critique des études cliniques dans l’autisme a conduit Jonathan Green, en 2018, à une conclusion plutôt rude (Journal of Child Psychology and Psychiatry). « De nombreuses approches utilisées couramment, si ce n’est toutes, ont peu ou pas de fondements scientifiques rigoureux. Pour un trouble de cette importance, c’est préoccupant. » L’évaluation du PACT, quant à elle, montre des résultats scientifiquement solides, six ans après la prise en charge parentale. Mais les effets démontrés semblent rester de faible ampleur.
Il faut savoir que, dans l’autisme, évaluer l’impact des interventions reste un défi. Première difficulté : dans un essai clinique, il n’est pas éthique de priver d’un suivi intensif les jeunes enfants avec TSA du groupe contrôle (celui qui ne bénéficie pas de l’approche évaluée afin de pouvoir établir une comparaison). « Du coup, on observe des améliorations importantes chez l’ensemble des enfants, qui bénéficient tous d’un suivi intensif », note Mario Speranza. Seconde difficulté : les patients avec TSA sont très hétérogènes. Troisième difficulté : leurs trajectoires naturelles varient beaucoup. En fonction de quels facteurs ? Mystère. Une certitude : deux grands facteurs pronostiques favorables sont toujours retrouvés, la précocité de la prise en charge, et le niveau intellectuel de l’enfant.
Il n’y a pas que le PACT. Une autre intervention parentale est, depuis peu, proposée dans cet hôpital versaillais. C’est la méthode ESDM (Early Start Denver Model), ou « Denver précoce ». Un sigle ésotérique, pour une pratique très ludique, née aux Etats-Unis dans les années 2000, et plus répandue en France que le PACT. Là encore, il s’agit d’utiliser le jeu pour renforcer les interactions sociales – mais aussi les compétences motrices.
Joues rondes et cheveux bouclés : voici Maya, 4 ans et un mois, son doudou à la main. Elle s’assied à la petite table dressée à son niveau. « Tu veux jouer ? On essaie le micro ? », lui demande sa mère, qui parle dans le micro, le tend à la petite qui l’imite. « On travaille sur l’attention conjointe. Vous partagez toutes les deux le même jeu. Elle vous demande de l’aide, vous allez attirer son regard », dit Stéphanie, l’éducatrice, qui commente en direct tous les jeux. « Vous pointez un objet, vous montrez à l’enfant où regarder. Et, dès que Maya pointe quelque chose, vous verbalisez. » La fillette tient un peigne à la main. « Montre-moi ! », dit la mère. « Vous accompagnez son geste pour qu’elle place bien l’objet dans votre main. Vous pensez à ajouter le contact visuel à chaque étape. »
Place au jeu de dînette. La petite donne à sa maman une carotte en plastique, tout en la regardant. « Super ! », dit l’éducatrice. « Il y a eu de beaux échanges, des imitations. Quand elle ne vous regardait pas, vous ameniez l’objet au niveau de vos yeux. Du coup, elle vous regardait ! Vous pouvez aussi faire un bruit qui l’attire. » Puis la mère propose un jeu de toupie. De sa main, la petite sollicite son aide pour qu’elle l’actionne. La toupie tourne, Maya rit ! « C’est bien. Alors que la toupie la fascine, vous êtes parvenue à interagir avec elle ! » Maya parle peu. « Saute ! », dit-elle à sa mère en jouant avec un gros ressort. « Super, dit Stéphanie. Vous avez obtenu des regards, des échanges, des sourires, des imitations. Elle a pointé du doigt, répondu à vos consignes de s’asseoir ou de ranger les jouets. Elle a verbalisé, a dit bravo et s’est applaudie elle-même. » Pour la semaine prochaine, consigne est donnée à la maman, très investie, de travailler l’imitation réciproque.
Entrer dans une relation avec l’enfant
« Le plus dur, pour moi, c’est qu’elle ne m’appelait jamais “maman” ! », explique la maman. Mais les progrès de la petite, prise en charge ici depuis un an et demi, sont impressionnants. Diagnostiquée autiste à l’âge de 3 ans, elle ne parlait presque pas, ne comprenait aucune consigne, ne souriait pas, ne jouait pas avec ses parents, ne tolérait pas les groupes d’enfants… Elle dit aujourd’hui quelques mots, dont « maman ». Comprend les consignes. S’intègre de mieux en mieux dans des groupes d’enfants. « On participe à des groupes de parents le soir. On voit des vidéos d’enfants avant et après la prise en charge. Ça donne de l’espoir ! »
« La méthode part des intérêts et des plaisirs de l’enfant pour entrer progressivement dans une relation avec lui, explique Stéphanie, l’éducatrice. Ensuite, on introduit peu à peu des choses nouvelles. L’enfant s’ouvre à beaucoup de choses. » La différence avec le PACT ? Pas de vidéo ici, des séances de jeu alternées avec les commentaires de l’éducatrice… L’ESDM se fonde sur des interventions très codifiées, avec un nombre précis d’objectifs à atteindre. Elle impose un programme de formation et de certification des intervenants extrêmement cadré, long et onéreux.
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« La règle est de rechercher le sourire de l’enfant », relevait la professeure Bernadette Rogé (université de Toulouse) en janvier, au Congrès de l’Encéphale. Pour cette approche, il existe « un certain niveau de validation scientifique », notait-elle avec prudence. Les études randomisées n’ont été menées que sur de petits groupes d’enfants.
Mais « la grande limite de l’ESDM est son coût très élevé, relève la docteure Orêve. Il faut compter de 15 à 25 heures de prise en charge par semaine, sur une durée de deux ans. Sans compter le coût de la formation. « L’étude de validation de la méthode ESDM s’est faite sur un nombre d’heures important. Mais, à Versailles, notre programme comprend 12 heures par semaine : 10 sur place et 2 à domicile, en crèche ou à l’école », précise la docteure Orêve.
Le principe de certaines méthodes comportementales a parfois été critiqué. On a pu les accuser de « dresser » les enfants autistes. Tenter de transformer, à marche forcée, des enfants autistes en enfants neurotypiques révolte Laurent Mottron. Selon lui, rien ne sert, par exemple, de se concentrer sur les marqueurs de socialisation attendus d’un enfant typique, comme le contact visuel ou le sourire. Pourquoi ne pas jouer à leur côté sans imposer d’interaction sociale, par exemple ? Inutile aussi d’insister, vers l’âge de 3 ans, sur l’acquisition du langage oral. « La bonne nouvelle, se réjouit Laurent Mottron, c’est qu’en 2013 une étude a montré que finalement quatre enfants sur cinq parleront correctement à l’âge de 6 ou 8 ans », même en l’absence de méthodes comportementales spécifiques comme l’ESDM, et du moment qu’on essaie de favoriser au mieux leur intégration en garderie, en crèche et à l’école.
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A condition, aussi, d’aider les parents, de façon pragmatique, à gérer les crises de ces enfants. « Ici, il n’y a que des recettes. » Par exemple : augmenter la prévisibilité des contextes, laisser l’enfant utiliser le contact de la main pour faire des demandes, éviter les sons qui l’agressent…
Respecter les compétences propres des enfants autistes : « Oui, bien sûr, dit la docteure Orêve. Au fond, c’est une vraie question sociétale : comment concilier le droit à la différence de chacun avec la nécessité d’une intégration sociale ? « Notre manière de répondre au principe d’intégration des enfants autistes dans la société, c’est de rendre ce à quoi ils s’intéressent utile à cette société », estime Laurent Mottron.