Autisme : le travail d’intégration d’Andros
Francois Gazaix | Le 19/09/2016 à 08:02

Photo Andros
Seulement 2 % des autistes occupent un emploi, alors que ce handicap touche 1 % de la population mondiale. Le groupe agro-industriel a donc délibérément pris l’initiative de recruter certains d’entre eux. Explications des dirigeants de l’usine d’une filiale du groupe, Novandie.
La société Andros s’est fixé ce défi il y a deux ans : intégrer des salariés autistes au sein d’une de ses usines sans perdre en productivité. Cette initiative sociétale est née il y a une dizaine d’années dans l’esprit de Jean-François Dufresne, directeur général du groupe et président de l’association Vivre et travailler autrement, qui promeut l’intégration de ces personnes handicapées par le travail. En deux ans, le groupe a déjà recruté cinq travailleurs autistes pour l’usine de sa société Novandie, basée à Auneau, en Eure-et-Loir. L’ambition est d’en accueillir deux autres d’ici à la fin de l’année puis de pourvoir douze postes à l’horizon 2018.
Des salariés à part entière
L’usine de Novandie, qui compte 260 salariés, propose aux salariés autistes de signer un CDI de droit commun au terme d’une période d’essai de six mois. Période d’intégration que Michaël Merland, le directeur général de Novandie, considère « comme un véritable sas de découverte ». Une fois devenus salariés de l’entreprise, ils travaillent 17 heures par semaine, soit tous les matins, du lundi au vendredi. « Leur temps de travail est aménagé, car travailler exige d’eux une grande capacité de concentration », précise le dirigeant. L’après-midi, les salariés autistes sont ensuite pris en charge par les structures associatives, qui s’occupent d’organiser des activités adaptées.
Ces salariés sont affectés à des postes dont toutes les tâches peuvent être anticipées. Ils s’occupent notamment de la préparation des recettes ou de l’étiquetage des produits. Et peuvent tourner entre quatre postes différents. « Les autistes reçoivent en permanence énormément d’informations que leur cerveau doit gérer, explique Christophe Briselli, chef d’équipe logistique. Ils sont plus à l’aise s’ils se concentrent sur des tâches précises et séquencées. C’est pourquoi ils sont tout à fait capables de s’adapter aux emplois industriels, souvent répétitifs ». En revanche, en raison de leur difficulté à gérer les temps d’attente, ils ne peuvent pas intervenir sur la ligne de production, où les machines sont susceptibles de s’arrêter pour un temps plus ou moins long, en cas de panne.
Investissements spécifiques peu coûteux
Au plan organisationnel, l’intégration des salariés autistes a nécessité quelques aménagements dans l’usine. Un code couleur a par exemple été mis en place. De même, les postes de travail ont été aménagés afin que les handicapés puissent toujours travailler de la gauche vers la droite et ainsi se référer à des repères stables. « Les spécialistes de l’autisme qui nous ont aidés à mettre en place ces mécanismes ont joué un vrai rôle de consultants en amélioration continue », précise Yannick Bontemps, directeur au sein de l’usine, qui tient à rappeler que tous les postes occupés par les salariés autistes existaient préalablement au projet. « Nous avons adapté les outils mais pas les emplois. Au total, notre investissement en matériel dit “adapté” représente entre 20 et 30.000 euros. » L ’usine s’est dotée de n ouveaux chariots élévateurs et de tables de travail. Mais ces investissements avaient d’ores et déjà été jugés nécessaires dans le cadre de l’amélioration du confort de travail pour tous les salariés. « Depuis la mise en place de ces nouveaux outils, nous avons d’ailleurs constaté une baisse des accidents de travail. Ce projet a donc constitué un accélérateur d’aménagements. »
Bilan positif pour l’entreprise
Si l’intégration des employés autistes a pu susciter quelques craintes, celles-ci ont rapidement été balayées. « Nous communiquons de plus en plus directement avec les salariés et passons moins par l’intermédiaire de leurs accompagnants, se réjouit Christophe Briselli. Au départ, chaque salarié handicapé avait besoin d’un accompagnant formé, extérieur à l’entreprise, à ses côtés. Aujourd’hui, un accompagnant peut s’occuper de quatre employés handicapés à la fois. Leur intégration se passe d’autant mieux qu’ils profitent désormais d’un effet de groupe. Les anciens, qui connaissent le travail à effectuer, communiquent avec les nouveaux arrivants. »
Le succès de l’initiative réside aussi dans le fait que le rythme de production n’a pas été ralenti par l’intégration des nouvelles recrues handicapées. « Au départ, nous pensions que cette démarche pouvait légèrement freiner la productivité, rappelle Jean-François Dufresne. Nous nous étions préparés à cette éventualité. Mais pour l’entreprise, au-delà de l’aspect social, la vraie victoire se situe ici : ces salariés sont finalement aussi productifs que les autres. »
Jean-François Dufresne souhaite désormais convaincre d’autres entreprises de suivre l’exemple d’Andros. D’autant que l’industrie n’est pas le seul domaine où un tel projet pourrait être mené à bien. « Dans le secteur de la grande distribution, on peut tout à fait imaginer des salariés autistes s’occuper de la mise en rayon », fait remarquer Yannick Bontemps. Certains autistes atteints du syndrome d’Asperger intéressent tout particulièrement des entreprises du secteur informatique, en raison de leur capacité à se concentrer sur des détails.
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