Mieux soigner les épilepsies infantiles
Des chercheurs marseillais ont compris pourquoi le traitement des bébés épileptiques ne fonctionne pas toujours et proposent une solution.
Marie-Neige Cordonnier
Sur les 50 millions d'épileptiques dans le monde (dont plus de 500 000 en France), la moitié sont des enfants et, parmi eux, les bébés sont les plus nombreux : on estime qu'il apparaît chaque année trois fois plus de nouveaux cas chez les enfants de moins de un an que chez ceux de plus de un an. Pour stopper les crises d'épilepsie du nourrisson, on utilise souvent deux molécules, le valium et le phénobarbital. Toutefois, ce traitement est peu efficace après plusieurs crises, voire les aggrave. Une équipe de l'Institut de neurobiologie de la Méditerranée (unité Inserm 901), de l'Université de la Méditerranée, à Marseille, vient de montrer par quel mécanisme le traitement devient inapproprié et propose une stratégie pour pallier cette difficulté.
L'épilepsie se manifeste par des crises récurrentes dues à une activité électrique brusque et excessive d'une ou plusieurs régions du cerveau. Ces décharges sont provoquées par un fort déséquilibre des charges reçues par les neurones sous la forme d'ions. Le valium et le phénobarbital bloquent les crises en renforçant l'action du GABA (acide gamma-aminobutyrique), un médiateur de l'inhibition cérébrale. Dans des conditions normales, le GABA provoque l'entrée d'ions chlore – chargés négativement – dans le neurone via un canal, le récepteur GABA R, en se fixant à celui-ci, ce qui maintient la cellule sous le seuil d'excitabilité.
En déclenchant chimiquement des crises dans des structures cérébrales prélevées chez le rat ou la souris, Yehezkel Ben-Ari et ses collaborateurs ont montré que le GABA remplit bien son rôle inhibiteur lorsqu'il est utilisé au début des crises, et que le phénobarbital facilite cette action. En revanche, après plusieurs épisodes épileptiques, le chlore s'accumule anormalement dans les neurones et, au-delà d'un seuil, le GABA déclenche une sortie massive du chlore par le récepteur correspondant – sortie renforcée par le phénobarbital, excitant ainsi les neurones.

Les chercheurs ont en outre constaté que l'accumulation de chlore est due à deux effets : au fil des crises, le transporteur KCC2, un canal exportateur naturel de chlore hors de la cellule, fonctionne de moins en moins bien, tandis que NKCC1, un autre transporteur – importateur de chlore celui-là – fonctionne toujours. L'action inhibitrice du GABA (et donc le rôle premier du phénobarbital) pourrait ainsi être renforcée soit en protégeant KCC2, soit en diminuant l'activité de NKCC1. Si la première piste est en cours d'exploration, la seconde est déjà prometteuse : certains diurétiques réduisent la quantité de chlore dans les reins en bloquant les transporteurs NKCC1 locaux. Prescrits précocément avec le phénobarbital, ils pourraient préserver son action et empêcher l'aggravation des crises. Une étude de leur efficacité sur les crises sévères du nourrisson est menée en Europe. Premiers résultats en 2012.
http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a ... -26792.php
Article complet : Neuronal chloride accumulation and excitatory GABA underlie aggravation of neonatal epileptiform activities by phenobarbital