Oui, là d'accord, si on se place dans l'optique de vouloir faire comprendre ou tenter de donner un aperçu à un "NT" consentant et volontaire de ce que parfois être un souci pour pas mal d'aspergers le coup des smileys peut être une idée vu qu'on est beaucoup à se confronter au phénomène de "visiblement je ne fais pas la tête/n'ai pas l'attitude appropriée mais je ne trouve pas laquelle serait ok"Mizton a écrit :La brouille des mots ne me parait pas assez représentative de ce que peut vivre un aspie parmi des NT. Et confronter un NT à ce genre de situation ne lui permettra pas du tout de comprendre. Il dira juste : ben j'ai pas compris ce qu'il se disait sur le chat. Point. Dans ce cas autant l'envoyer dans un chat kurde, le résultat sera le même.
Par contre ce qui peut être déjà plus subtile, c'est que les smileys utilisés (par lui et par les autres) soient modifiés aléatoirement à l'insu de tous.
Là ça peut être intéressant car le NT qui va écrire "ha t'es trop con toi " verra son message écrit comme tel, mais les autres verront "ha t'es trop con toi >_<". et vice versa. Là ça peut entrainer une réelle incompréhension, parce que le NT qui croira avoir utilisé le bon "ton" aura finalement utilisé un smiley totalement hors de propos...
La pensée neurotypique du jour?
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Re: La pensée neurotypique du jour?
En fait, au temps pour moi quant à mon post précédent mais je ne comprenais pas si le "NT" en question serait volontaire ou pas, je pensais que non d'où mon malaise et l'impression d'agressivité.
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Re: La pensée neurotypique du jour?
Je trouve aussi l idée des smileys excellente parce que plus représentative de " je pense faire une chose et finalement c'est traduit par une autre chose " .
J'ajouterai que la traduction du smileys devrait pouvoir changer selon l'humeur de la personne en face , parce que rien n'est figé dans les relations sociales et que c'est bien le problème.
Parce qu il faut placer aussi la personne en incapacité de trouver une logique rapide.
Alors que l'idée du Chat me faisait plutôt penser à immerger quelqu'un dans un contexte ou il ne maitrise pas la langue et pour ça il suffit de placer une personne dans un contexte inconnu ayant son propre vocabulaire comme par exemple une guilde de jeu vidéo , au départ tu n y comprend rien puis tu apprends le vocabulaire et ensuite tu vis des choses avec les autres joueurs , tu deviens un joueur et tu peux ensuite évoluer dans le milieu.
Il ne faudrait pas que les gens pensent que c est juste une histoire de vocabulaire ou de vécu , il faut traduire justement l incapacité a établir une cohérence face à tous ces changements.
J'ajouterai que la traduction du smileys devrait pouvoir changer selon l'humeur de la personne en face , parce que rien n'est figé dans les relations sociales et que c'est bien le problème.
Parce qu il faut placer aussi la personne en incapacité de trouver une logique rapide.
Alors que l'idée du Chat me faisait plutôt penser à immerger quelqu'un dans un contexte ou il ne maitrise pas la langue et pour ça il suffit de placer une personne dans un contexte inconnu ayant son propre vocabulaire comme par exemple une guilde de jeu vidéo , au départ tu n y comprend rien puis tu apprends le vocabulaire et ensuite tu vis des choses avec les autres joueurs , tu deviens un joueur et tu peux ensuite évoluer dans le milieu.
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Re: La pensée neurotypique du jour?
Je ne crois pas qu'on puisse "soigner" le mal par le mal.
Seule l'homéopathie en est capable. Pcq à dose homéopathique !
Jacline
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"autisme très marqué" Professeur Sizaret en 1953 / "trouble envahissant du développement" CRA Nantes 2012
Psycholoque clinicienne à la retraite. Oui, oui !
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Re: La pensée neurotypique du jour?
Mizton, je viens de lire tes messages et j’ai ressenti le besoin de répondre à une question que tu as posé et qui à mon grand regret est restée sans réponse. Je vais tenter d’y répondre avec mes modestes savoirs sur l’autisme et mes connaissances sur mon fonctionnement propre, qui sont autrement plus vastes, mais parfois complexe à exprimer. L’exercice me demande un effort très conséquent, parce que pour écrire ces lignes j’ai du analyser des évènements et des ressentis sur lesquels je me serais volontier abstenu de revenir et qui m’ont quelque peu retournés les entrailles, aussi si je ne suis pas toujours claire, je te prierais de m’en excuser.
Ta question était la suivante : « Et un petit "bonjour !" le matin ne doit pas être insurmontable non plus pour un aspie je pense, si ? »
Laisses-moi donc te parler de mes «bonjours».
Je pourrais te parler de mon intolérance aux contacts physiques qui induit une grande difficulté à supporter les échanges de type « serrer la main » ou « faire la bise » et de comment il est complexe d’éviter ce genre d’interactions, même dans l’environnement professionnel. Mais quand bien même j’essaierais de mettre des mots sur ces sensations, je doute qu’un autre serait à même d’en saisir toute l’implication sur mon équilibre mental. Alors je parlerais ici de manière bien plus générale de ce qu’est réellement la salutation et pourquoi elle crée bien trop souvent des situations qui me sont ingérables.
Saluer une autre personne est avant toute autre chose l’initiation d’un échange, qu’il soit verbal ou physique, avec un autre individu. Le problème, c’est que cette salutation amorce un échange qui n’a d’autre but que de saluer. C'est-à-dire qu’elle équivaut à initier un discours, alors qu’il n’y rien à dire, puisque la salutation se suffit bien souvent à elle-même. Et c’est à mon sens là où réside la vraie difficulté.
Pour la plupart des gens il est facile d’échanger des banalités afin, notamment, de combler le vide de la conversation qui fait souvent suite à une salutation. Pour reprendre tes mots, je dirais que ça ne leur coûte pas grand-chose. Mais c’est ton erreur de penser qu’il en est de même pour tous. Il n’y a pas d’échange qui me soit plus compliqué que celui-ci. Plus la conversation est superficielle, moins je sais comment la gérer et il n’y a rien de plus superficiel que les banalités du matin !
Lorsque je discute avec quelqu’un je construis un raisonnement, j’essaye d’intégrer les données qu’il m’apporte afin de formuler une réponse qui soit à la fois le reflet de ma pensée et compréhensible pour mon interlocuteur, qui va à son tour fonctionner de la même manière. Dans ce type d’échange, nous investissons à deux. La discussion met forcement en jeu quelque chose de la personne, parce qu’elle doit se positionner vis-à-vis du sujet qui est abordé et donc penser l’échange. Il n’y a pas de discussion sans un investissement des participants, sinon on assiste à une conversation, c'est-à-dire à un échange vide, en ce sens qu’il n’est pas constructif, car trop superficiel pour venir ébranler un raisonnement pré-existant.
Le problème pour une personne autiste, c’est qu’elle est incapable de savoir l’autre sans le penser. J’entends par là que prendre conscience qu’il y a d’autres personnes autour de moi n’est pas un processus automatique, comme c’est le cas pour les personnes de structure névrotique (neurotypiques). Je dois intellectualiser que la «chose» en présence est un autre être humain, qui pense et qui ressent. Bien sûr, avec l’expérience qu’apporte le temps, il devient de plus en plus facile de faire cette distinction entre objet et personne, mais il m’arrive suffisamment souvent de passer plusieurs minutes à proximité de quelqu’un qui me parle sans le voir ou l’entendre pour que je n’ai pas l’illusion de croire que ce processus me soit devenu naturel, c’est tout au plus un automatisme.
Pour prendre en compte l’existence de l’autre il m’est donc nécessaire de l’investir. Le problème c’est que je dois modérer cet investissement afin de ne pas faire disparaître la limite qui existe entre moi et l’autre (c’est ce type de processus qui induit le fait qu’un autiste puisse «absorber» les émotions d’une autre personne). Or, le dosage (si je peux me permettre d’utiliser cette image) d’investissement à fournir lors d’un échange est très complexe à « régler », en ce sens que si je ne m’investis pas fortement, il me parait obsolète du fait de l’éloignement qui existe entre moi et l’autre, justement parce que je ne l’ai pas suffisamment investi et qu’à contrario, si je m’investis suffisamment pour que l’échange me semble intéressant, je me retrouve bien souvent surinvestie dans cet échange, par rapport à mon interlocuteur, ce qui crée un décalage totalement ingérable. Il s’agit là d’un point de vue purement personnel, mais je crois vraiment que la plupart de mes difficultés à gérer les interactions sociales sont dues à cette question d’équilibre entre distance/investissement vis-à-vis de l’autre.
Ainsi, je pense que quand je suis trop «éloignée» de mon interlocuteur pour saisir ses signaux c’est en partie dû à mon désinvestissement vis-à-vis de lui, ce que certains interprètent comme une pensée lente, alors que cela signifie seulement que mes capacités cognitives sont monopolisées ailleurs. A contrario, lorsque je m’investis pour rentrer en contact avec l’autre, je monopolise une grande partie de ces ressources cognitives en direction de cet échange et c’est ce qui fait que je suis toujours «à fond». Au final, mon obsession pour les sujets abordés dans une discussion est proportionnelle à l’investissement que je mets dans l’échange et plus je prends part à ce dernier, plus je m’approprie le discours et je l’oriente, stimulant ainsi mon intérêt pour la discussion dans laquelle je vais encore plus m’investir et ainsi de suite.
Le problème, c’est que bien souvent mon interlocuteur n’investi pas l’échange aussi profondément, ou s’il le fait, il y a un moment ou il risque de «s’essouffler» et de prendre de la distance. Et c’est là que des situations très complexes se créent. En effet, lorsque je suis «à fond» et que j’ai en face de moi une personne qui n’a pas investi l’échange, elle ne me fournit pas les éléments pour poursuivre le discours et il se crée une sorte de mur. Le vide auquel je fais face m’oblige à me désinvestir brutalement de cet échange, ce qui se traduit bien souvent par un mutisme, qui apparait parfois de manière très nette et une déconnexion totale du contact visuel avec mon interlocuteur. Je suis alors tellement désinvestie vis-à-vis de ce dernier que je ne supporte plus sa présence, en ce sens que mon silence crée chez lui une attente qu’il me manifeste souvent par des regards insistant. Seulement, le désinvestissement brutal et non volontaire a créé en moi une frustration violente et je suis d’une part totalement incapable de me réinvestir dans cet échange, parce que je lutte pour me maintenir à flot et ne pas commencer à développer des stéréotypies, et d’autre part je me sens agressée par cette attente, qui crée une tension supplémentaire qui vient amplifier de manière exponentielle ma frustration.
Alors je dois partir. Ce n’est pas une envie, c’est un besoin. Parce que dans ces cas là je suis véritablement en train de m’effondrer de l’intérieur. Alors tant pis, je fuis, au sens le plus littéral du terme, c'est-à-dire que je quitte la pièce, parfois même, lorsque la frustration est trop grande, sans même dire un mot pours justifier ce départ, sans aucun simulacre d’échange naturel et courtois. Et ensuite je suis là, avec cette frustration qui me ronge et toutes mes questions sur l’implication de ces événements sur mes relations avec mon interlocuteur, sur le positionnement que sa vision me confère au sein du groupe que nous partageons et toutes les angoisses que ces pensées impliques en termes d’intégration, particulièrement lorsque ces événements se produisent dans un contexte professionnel.
Et après ? eh bien je dois me débrouiller pour évacuer cette frustrations, et si possible avant d’arriver chez moi, où à l’abris des regards je pourrais me libérer de toute contraintes pour plonger pleinement dans mon monde intérieur et me défaire de ces angoisses. Parce lorsque ça se passe au travail, après avoir été mis plus bas que terre dans l’ignorance et l’indifférence la plus totale, je suis censé travailler et être productive.
Eh bien tu vois, les salutations quotidiennes en direction de personnes avec qui je n’ai pas de discours à construire, elles ressemblent toute à ça… Alors oui, je salue mes collègues de travail parce que c’est nécessaire pour mon intégration dans l’équipe. Mais le résultat n’est pas forcement mieux. Parce que non comptant de m’infliger cette véritable torture mentale chaque jours, je passe encore pour une asociale, un être étrange qui n’a pas sa place au sein du groupe. Ah ! Mais au moins je suis polie et j’ai fais l’effort de respecter le besoin primaire de reconnaissance de mes collègues de structure névrotique.
Alors oui, on s’habitue. On s’habitue à la frustration. On s’habitue à la souffrance. On s’habitue à l’indifférence. Mais je me demande si c’est vraiment la meilleure solution de s’habituer à toutes ces choses. Puisqu’au fond, ce n’est pas parce qu’elles constituent ton quotidien qu’elles en deviennent moins complexe à gérer.
Alors je m’excuse si je parais un peu agressive, parce que ce n’est pas le but, mais ne vient me parler de réciprocité et de compromis. Parce que les efforts que je fournis, l’investissement que je met dans ces échanges, me coutent tellement que je doute que la plupart de mes collègue puissent me rendre la pareille. Chaque jour de ma vie, je surmonte des épreuves inimaginable pour donner un simple bonjour, parce que ce je mets en jeu dans chacun des échanges que j’ai avec les autres, aussi insignifiant soit-il, c’est ma sécurité et ma stabilité mentale. Et tout ça, va bien au-delà de la mauvaise humeur que peut t’occasionner la rencontre avec un type bourré et insistant dans les transports en commun. Le bonjour que tu exiges n’as pas la même valeur que celui que tu donnes. Et peut être que si tu mettais autant de chose en jeu dans cet échange, tu te demanderais toi aussi si tous le monde mérite de tel efforts.
Evidemment je partage ton avis, la question va bien au-delà des rapports entre «neurotypiques» et autistes. Tous mes amis sont des neurotypiques, leur dire bonjour ne me coutent presque rien, parce qu’il me donne en retour c’est toujours un discours constructifs, un échange permanent ou des silences sans contraintes, sans exigences. Dire que les côtoyer ne créent de frustration serait un mensonge, mais il m’offre suffisamment en échange pour que celle ci ne se muent pas en angoisse. En réalité, les bonjours qui me coutent le plus, ce qui sont le plus susceptible de créer de la souffrance, ce sont ceux que je donne à des inconnus. Parce que travailler dans le même bureau et se voir chaque jour, ce n’est pas se connaitre. Parce que pour connaitre l’autre, il faut avoir envie de le rencontrer et il existe une distance dans le monde professionnel qui fait que les gens ne veulent pas réellement se connaitre, ils veulent que ça fonctionne sans heurt, surtout pour eux. Mais je pense qu’il est illusoire de croire que cette caractéristique est spécifique au neurotypique, puisqu’après tout si j’exigeais qu’on ne me reproche pas de ne pas dire bonjour, je serais tout aussi égoïste que ceux qui exige que je le dise. Toutefois, je crois qu’il ne devrait pas être nécessaire d’attendre de la pitié pour être pris en compte. Et au fond, c’est bien de cela dont il est question lorsqu’il faut exposer son autisme. Venir quémander une sorte de tolérance sociale vis-à-vis de ses spécificités en s’enfermant dans une case «autiste», «handicapé», «inadapté».
Heureusement, même si elles sont rares dans cet individualisme ambiant qui imprègne toute notre société, il existe des personnes auprès desquelles il n’est pas nécessaire d’exiger. Elles peuvent se rencontrer partout, à l’école, au travail, dans la vie personnelle. Elles peuvent être proches, ou étrangères. Leur seul point commun, c’est la tolérance et c’est bien de ça dont le monde manque cruellement. Et la tolérance, elle n’a pas de couleur, elle n’a pas de religion, elle n’a pas de structure mentale, elle est partout et nulle part et c’est bien souvent que sur ce forum que je constate qu’elle n’est pas naturellement plus présente chez les autistes que chez les neurotypiques. Après tout, il est facile d’exiger la tolérance vis-à-vis de la différence lorsqu’on appartient à une minorité. C’est une exigence personnelle, communautariste, et au fond très individualiste. Encore faut-il alors, si l’on souhaite être en accord avec ses principes, être tolérant vis-à-vis de la norme. Sinon, on est en rien différent de ceux qui majoritaire, sont intolérant vis-à-vis des minorités.
Bref, voilà pour un petit condensé du regard que je porte sur mes propres interactions sociales. Bien sûr, tout ceci n'est que ma vision personnelle et elle n'est peut être que le fruit d'un esprit un souillât obsessionnel, qui aime disséquer les choses pour les comprendre!
Sur ce, je vous souhaite le bonjour, au sens le plus littéral du terme, c'est à dire "bonne journée". J'espère néanmoins parvenir à gérer vos smileys insistants!!! ^__^
Ta question était la suivante : « Et un petit "bonjour !" le matin ne doit pas être insurmontable non plus pour un aspie je pense, si ? »
Laisses-moi donc te parler de mes «bonjours».
Je pourrais te parler de mon intolérance aux contacts physiques qui induit une grande difficulté à supporter les échanges de type « serrer la main » ou « faire la bise » et de comment il est complexe d’éviter ce genre d’interactions, même dans l’environnement professionnel. Mais quand bien même j’essaierais de mettre des mots sur ces sensations, je doute qu’un autre serait à même d’en saisir toute l’implication sur mon équilibre mental. Alors je parlerais ici de manière bien plus générale de ce qu’est réellement la salutation et pourquoi elle crée bien trop souvent des situations qui me sont ingérables.
Saluer une autre personne est avant toute autre chose l’initiation d’un échange, qu’il soit verbal ou physique, avec un autre individu. Le problème, c’est que cette salutation amorce un échange qui n’a d’autre but que de saluer. C'est-à-dire qu’elle équivaut à initier un discours, alors qu’il n’y rien à dire, puisque la salutation se suffit bien souvent à elle-même. Et c’est à mon sens là où réside la vraie difficulté.
Pour la plupart des gens il est facile d’échanger des banalités afin, notamment, de combler le vide de la conversation qui fait souvent suite à une salutation. Pour reprendre tes mots, je dirais que ça ne leur coûte pas grand-chose. Mais c’est ton erreur de penser qu’il en est de même pour tous. Il n’y a pas d’échange qui me soit plus compliqué que celui-ci. Plus la conversation est superficielle, moins je sais comment la gérer et il n’y a rien de plus superficiel que les banalités du matin !
Lorsque je discute avec quelqu’un je construis un raisonnement, j’essaye d’intégrer les données qu’il m’apporte afin de formuler une réponse qui soit à la fois le reflet de ma pensée et compréhensible pour mon interlocuteur, qui va à son tour fonctionner de la même manière. Dans ce type d’échange, nous investissons à deux. La discussion met forcement en jeu quelque chose de la personne, parce qu’elle doit se positionner vis-à-vis du sujet qui est abordé et donc penser l’échange. Il n’y a pas de discussion sans un investissement des participants, sinon on assiste à une conversation, c'est-à-dire à un échange vide, en ce sens qu’il n’est pas constructif, car trop superficiel pour venir ébranler un raisonnement pré-existant.
Le problème pour une personne autiste, c’est qu’elle est incapable de savoir l’autre sans le penser. J’entends par là que prendre conscience qu’il y a d’autres personnes autour de moi n’est pas un processus automatique, comme c’est le cas pour les personnes de structure névrotique (neurotypiques). Je dois intellectualiser que la «chose» en présence est un autre être humain, qui pense et qui ressent. Bien sûr, avec l’expérience qu’apporte le temps, il devient de plus en plus facile de faire cette distinction entre objet et personne, mais il m’arrive suffisamment souvent de passer plusieurs minutes à proximité de quelqu’un qui me parle sans le voir ou l’entendre pour que je n’ai pas l’illusion de croire que ce processus me soit devenu naturel, c’est tout au plus un automatisme.
Pour prendre en compte l’existence de l’autre il m’est donc nécessaire de l’investir. Le problème c’est que je dois modérer cet investissement afin de ne pas faire disparaître la limite qui existe entre moi et l’autre (c’est ce type de processus qui induit le fait qu’un autiste puisse «absorber» les émotions d’une autre personne). Or, le dosage (si je peux me permettre d’utiliser cette image) d’investissement à fournir lors d’un échange est très complexe à « régler », en ce sens que si je ne m’investis pas fortement, il me parait obsolète du fait de l’éloignement qui existe entre moi et l’autre, justement parce que je ne l’ai pas suffisamment investi et qu’à contrario, si je m’investis suffisamment pour que l’échange me semble intéressant, je me retrouve bien souvent surinvestie dans cet échange, par rapport à mon interlocuteur, ce qui crée un décalage totalement ingérable. Il s’agit là d’un point de vue purement personnel, mais je crois vraiment que la plupart de mes difficultés à gérer les interactions sociales sont dues à cette question d’équilibre entre distance/investissement vis-à-vis de l’autre.
Ainsi, je pense que quand je suis trop «éloignée» de mon interlocuteur pour saisir ses signaux c’est en partie dû à mon désinvestissement vis-à-vis de lui, ce que certains interprètent comme une pensée lente, alors que cela signifie seulement que mes capacités cognitives sont monopolisées ailleurs. A contrario, lorsque je m’investis pour rentrer en contact avec l’autre, je monopolise une grande partie de ces ressources cognitives en direction de cet échange et c’est ce qui fait que je suis toujours «à fond». Au final, mon obsession pour les sujets abordés dans une discussion est proportionnelle à l’investissement que je mets dans l’échange et plus je prends part à ce dernier, plus je m’approprie le discours et je l’oriente, stimulant ainsi mon intérêt pour la discussion dans laquelle je vais encore plus m’investir et ainsi de suite.
Le problème, c’est que bien souvent mon interlocuteur n’investi pas l’échange aussi profondément, ou s’il le fait, il y a un moment ou il risque de «s’essouffler» et de prendre de la distance. Et c’est là que des situations très complexes se créent. En effet, lorsque je suis «à fond» et que j’ai en face de moi une personne qui n’a pas investi l’échange, elle ne me fournit pas les éléments pour poursuivre le discours et il se crée une sorte de mur. Le vide auquel je fais face m’oblige à me désinvestir brutalement de cet échange, ce qui se traduit bien souvent par un mutisme, qui apparait parfois de manière très nette et une déconnexion totale du contact visuel avec mon interlocuteur. Je suis alors tellement désinvestie vis-à-vis de ce dernier que je ne supporte plus sa présence, en ce sens que mon silence crée chez lui une attente qu’il me manifeste souvent par des regards insistant. Seulement, le désinvestissement brutal et non volontaire a créé en moi une frustration violente et je suis d’une part totalement incapable de me réinvestir dans cet échange, parce que je lutte pour me maintenir à flot et ne pas commencer à développer des stéréotypies, et d’autre part je me sens agressée par cette attente, qui crée une tension supplémentaire qui vient amplifier de manière exponentielle ma frustration.
Alors je dois partir. Ce n’est pas une envie, c’est un besoin. Parce que dans ces cas là je suis véritablement en train de m’effondrer de l’intérieur. Alors tant pis, je fuis, au sens le plus littéral du terme, c'est-à-dire que je quitte la pièce, parfois même, lorsque la frustration est trop grande, sans même dire un mot pours justifier ce départ, sans aucun simulacre d’échange naturel et courtois. Et ensuite je suis là, avec cette frustration qui me ronge et toutes mes questions sur l’implication de ces événements sur mes relations avec mon interlocuteur, sur le positionnement que sa vision me confère au sein du groupe que nous partageons et toutes les angoisses que ces pensées impliques en termes d’intégration, particulièrement lorsque ces événements se produisent dans un contexte professionnel.
Et après ? eh bien je dois me débrouiller pour évacuer cette frustrations, et si possible avant d’arriver chez moi, où à l’abris des regards je pourrais me libérer de toute contraintes pour plonger pleinement dans mon monde intérieur et me défaire de ces angoisses. Parce lorsque ça se passe au travail, après avoir été mis plus bas que terre dans l’ignorance et l’indifférence la plus totale, je suis censé travailler et être productive.
Eh bien tu vois, les salutations quotidiennes en direction de personnes avec qui je n’ai pas de discours à construire, elles ressemblent toute à ça… Alors oui, je salue mes collègues de travail parce que c’est nécessaire pour mon intégration dans l’équipe. Mais le résultat n’est pas forcement mieux. Parce que non comptant de m’infliger cette véritable torture mentale chaque jours, je passe encore pour une asociale, un être étrange qui n’a pas sa place au sein du groupe. Ah ! Mais au moins je suis polie et j’ai fais l’effort de respecter le besoin primaire de reconnaissance de mes collègues de structure névrotique.
Alors oui, on s’habitue. On s’habitue à la frustration. On s’habitue à la souffrance. On s’habitue à l’indifférence. Mais je me demande si c’est vraiment la meilleure solution de s’habituer à toutes ces choses. Puisqu’au fond, ce n’est pas parce qu’elles constituent ton quotidien qu’elles en deviennent moins complexe à gérer.
Alors je m’excuse si je parais un peu agressive, parce que ce n’est pas le but, mais ne vient me parler de réciprocité et de compromis. Parce que les efforts que je fournis, l’investissement que je met dans ces échanges, me coutent tellement que je doute que la plupart de mes collègue puissent me rendre la pareille. Chaque jour de ma vie, je surmonte des épreuves inimaginable pour donner un simple bonjour, parce que ce je mets en jeu dans chacun des échanges que j’ai avec les autres, aussi insignifiant soit-il, c’est ma sécurité et ma stabilité mentale. Et tout ça, va bien au-delà de la mauvaise humeur que peut t’occasionner la rencontre avec un type bourré et insistant dans les transports en commun. Le bonjour que tu exiges n’as pas la même valeur que celui que tu donnes. Et peut être que si tu mettais autant de chose en jeu dans cet échange, tu te demanderais toi aussi si tous le monde mérite de tel efforts.
Evidemment je partage ton avis, la question va bien au-delà des rapports entre «neurotypiques» et autistes. Tous mes amis sont des neurotypiques, leur dire bonjour ne me coutent presque rien, parce qu’il me donne en retour c’est toujours un discours constructifs, un échange permanent ou des silences sans contraintes, sans exigences. Dire que les côtoyer ne créent de frustration serait un mensonge, mais il m’offre suffisamment en échange pour que celle ci ne se muent pas en angoisse. En réalité, les bonjours qui me coutent le plus, ce qui sont le plus susceptible de créer de la souffrance, ce sont ceux que je donne à des inconnus. Parce que travailler dans le même bureau et se voir chaque jour, ce n’est pas se connaitre. Parce que pour connaitre l’autre, il faut avoir envie de le rencontrer et il existe une distance dans le monde professionnel qui fait que les gens ne veulent pas réellement se connaitre, ils veulent que ça fonctionne sans heurt, surtout pour eux. Mais je pense qu’il est illusoire de croire que cette caractéristique est spécifique au neurotypique, puisqu’après tout si j’exigeais qu’on ne me reproche pas de ne pas dire bonjour, je serais tout aussi égoïste que ceux qui exige que je le dise. Toutefois, je crois qu’il ne devrait pas être nécessaire d’attendre de la pitié pour être pris en compte. Et au fond, c’est bien de cela dont il est question lorsqu’il faut exposer son autisme. Venir quémander une sorte de tolérance sociale vis-à-vis de ses spécificités en s’enfermant dans une case «autiste», «handicapé», «inadapté».
Heureusement, même si elles sont rares dans cet individualisme ambiant qui imprègne toute notre société, il existe des personnes auprès desquelles il n’est pas nécessaire d’exiger. Elles peuvent se rencontrer partout, à l’école, au travail, dans la vie personnelle. Elles peuvent être proches, ou étrangères. Leur seul point commun, c’est la tolérance et c’est bien de ça dont le monde manque cruellement. Et la tolérance, elle n’a pas de couleur, elle n’a pas de religion, elle n’a pas de structure mentale, elle est partout et nulle part et c’est bien souvent que sur ce forum que je constate qu’elle n’est pas naturellement plus présente chez les autistes que chez les neurotypiques. Après tout, il est facile d’exiger la tolérance vis-à-vis de la différence lorsqu’on appartient à une minorité. C’est une exigence personnelle, communautariste, et au fond très individualiste. Encore faut-il alors, si l’on souhaite être en accord avec ses principes, être tolérant vis-à-vis de la norme. Sinon, on est en rien différent de ceux qui majoritaire, sont intolérant vis-à-vis des minorités.
Bref, voilà pour un petit condensé du regard que je porte sur mes propres interactions sociales. Bien sûr, tout ceci n'est que ma vision personnelle et elle n'est peut être que le fruit d'un esprit un souillât obsessionnel, qui aime disséquer les choses pour les comprendre!
Sur ce, je vous souhaite le bonjour, au sens le plus littéral du terme, c'est à dire "bonne journée". J'espère néanmoins parvenir à gérer vos smileys insistants!!! ^__^
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Re: La pensée neurotypique du jour?
Intéressant ton post, Faisceau Concentré (comme toujours en fait).
à effectuer un petit glissement de point de vue,
en considérant que les salutations du matin au boulot,
si elles n'initient certes pas un échange immédiat,
initient par contre un potentiel échange différé,
plus tard dans la journée. Qu'en penses-tu ?
Je suis très souvent frustré de ne pas réussir
à trouver la bonne distance avec mes interlocuteurs.
Une personne tolérante identifie une différence, et,
dans sa grande mansuétude, décide de ne pas en faire cas.
Je ne peux m'empêcher d'y voir un peu de condescendance,
qui me gêne (je suis peut-être un peu parano sur ce coup là).
Une personne bienveillante, plus large d'esprit, ne voit même pas
la différence et agit naturellement de manière positive.
Enfin, c'est comme ça que je ressens ces choses.
Et je suis certain d'avoir eu affaire à deux ou trois
de ces personnes bienveillantes au travail ...
Bonne journée également ...
Peut-être une piste ... Piste qui consisteFaisceau Concentré a écrit :Saluer une autre personne est avant toute autre chose l’initiation d’un échange, qu’il soit verbal ou physique, avec un autre individu. Le problème, c’est que cette salutation amorce un échange qui n’a d’autre but que de saluer. C'est-à-dire qu’elle équivaut à initier un discours, alors qu’il n’y rien à dire, puisque la salutation se suffit bien souvent à elle-même. Et c’est à mon sens là où réside la vraie difficulté.
à effectuer un petit glissement de point de vue,
en considérant que les salutations du matin au boulot,
si elles n'initient certes pas un échange immédiat,
initient par contre un potentiel échange différé,
plus tard dans la journée. Qu'en penses-tu ?
Voilà qui me paraît très judicieux.Faisceau Concentré a écrit :Il s’agit là d’un point de vue purement personnel, mais je crois vraiment que la plupart de mes difficultés à gérer les interactions sociales sont dues à cette question d’équilibre entre distance/investissement vis-à-vis de l’autre.
Je suis très souvent frustré de ne pas réussir
à trouver la bonne distance avec mes interlocuteurs.
Encore mieux que la tolérance, je préfère la bienveillance.Faisceau Concentré a écrit :Heureusement, même si elles sont rares dans cet individualisme ambiant qui imprègne toute notre société, il existe des personnes auprès desquelles il n’est pas nécessaire d’exiger. Elles peuvent se rencontrer partout, à l’école, au travail, dans la vie personnelle. Elles peuvent être proches, ou étrangères. Leur seul point commun, c’est la tolérance et c’est bien de ça dont le monde manque cruellement.
Une personne tolérante identifie une différence, et,
dans sa grande mansuétude, décide de ne pas en faire cas.
Je ne peux m'empêcher d'y voir un peu de condescendance,
qui me gêne (je suis peut-être un peu parano sur ce coup là).
Une personne bienveillante, plus large d'esprit, ne voit même pas
la différence et agit naturellement de manière positive.
Enfin, c'est comme ça que je ressens ces choses.
Et je suis certain d'avoir eu affaire à deux ou trois
de ces personnes bienveillantes au travail ...
Bonne journée également ...
TCS = trouble de la communication sociale (24/09/2014).
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Re: La pensée neurotypique du jour?
Merci Faisceau Concentré pour ton post très intéressant et enrichissant. Je vais revenir sur quelques points que je n'ai pas compris, et d'autres sur lesquels je souhaite réagir.
En fait ce que tu rencontres comme problème c'est le manque de "juste milieu" de ton investissement dans l'échange, c'est ça ? Si tu dois échanger au boulot sur un sujet de boulot, du coup j'imagine que tu t'y investis complètement parce que l'échange a une finalité précise et que l'autre s'y investit aussi, non ? Comme le dit Tugdual, si le bonjour du matin n'a qu'une visée d'ouverture, pour ensuite permettre d'aborder les sujets nécessaires (les discussions de boulot, j'entends) "directement" sans devoir "réinitier" le contact, ça ne peut pas changer la façon de considérer l'échange ? Un peu comme mettre le contact de ta voiture. Tu ne le fais qu'au démarrage, pas à chaque fois que tu dois repartir après t'être arrêté à un stop/feu.
Le "ça va ? / Bien et toi ?" c'est pareil, ça n'implique pas forcément de conversation derrière. A la limite c'est comme de dire Merci, Bonjour ou Bye/salut/au revoir. Tu peux le dire de façon automatique sans avoir à chercher à t'investir particulièrement. Du coup, ça voudrait dire pour toi : ne pas t'y investir du tout. Là je ne comprends pas, en quoi ton investissement "insuffisant" serait obsolète ?
Admettons que l'on discute toi et moi. A à un moment tu me paumes, et d'un coup tu te tais, je me demande ce qui se passe, ou alors disons que je n'y connais rien à l'autisme (ce qui est presque le cas lol) : et là je te regarde en étant perplexe et en me demandant ce que je suis censé faire... Et hop tu te casses sans rien dire. Je dois dire que je serais surement très surpris, et je pourrais aussi passer des heures à me demander si j'ai fait une connerie, si juste tu t'en foutais de moi, que tu ne voulais que parler de ton truc qui te passionne mais qui moi me soulait/m'indifférais etc, et qu'une fois fini tu te casses.... Bref là aussi il peut y avoir beaucoup de questionnements et de frustration ^^" Si tu me dis ce qui se passe en toi dans ces moments là, ben ça ouvre quand même vachement de perspectives pour s'adapter à ces données (nouvelles pour moi) et éviter que ce genre de situation se renouvelle.... Franchement on a tous les deux à y gagner hein, tu crois pas ?
Et petite question pour titiller.. : pourquoi le respect ou la politesse serait forcément un "besoin primaire de reconnaissance" ? Je psychote peut-être un peu là mais je ne peux m'empêcher de lire un brin de sarcasme dans l'emploi de cette formulation... Le "besoin primaire" dans un sens péjoratif quoi.
Je ne t'ai pas trouvé agressive du tout en tout cas. Seulement je pense que si effectivement ces échanges te coutent tant, l'effort de tes collègues pourraient quand même être intéressants pour toi ! Te "rendre la pareille" par exemple ça pourrait ben, déjà respecter ton besoin d'absence des contacts physiques. Et de limiter le bonjour à un bonjour simple sans conversation superficielle derrière (car apriori, dans ce que tu dis ce sont ces conversations "vides" qui te posent problème.
Après, si tu considères que ça ne servirait à rien, ben ok, mais bon je vois pas trop ce qui te conviendrait si tu es dans le refus catégorique du compromis....
Si je demande à ne pas aller dans tel vestiaire parce que je suis trans et que ben juste c'est pas possible. (j'utilise l'exemple trans car dans l'esprit de pas mal de gens, trans= malade mental = pitié), je n'attends aucune pitié, aucun "traitement de faveur parce que je suis une pauvre petite victime de la société", je demande juste à ce que l'on respecte mes limites....
Si je dis : "ben excuse moi mais je suis autiste, mon cerveau fonctionne différemment du tiens, et pour moi, dire bonjour le matin ça lance un processus vraiment hyper dur à gérer, et angoissant, j'aimerais qu'on trouve un autre moyen de procéder parce que ça ça représente vraiment un truc trop épuisement psychologiquement pour moi", c'est pas attendre de la pitié, c'est demander à ce que mes limites soient respectées (et le fait de parler d'autisme à la limite ne sert qu'à justifier le fait que c'est pas que je trouve ça chiant ou quoi, mais que ben physiologiquement on ne vit pas pareil ce genre de situation).
Voilà voilà...
En fait ce que tu rencontres comme problème c'est le manque de "juste milieu" de ton investissement dans l'échange, c'est ça ? Si tu dois échanger au boulot sur un sujet de boulot, du coup j'imagine que tu t'y investis complètement parce que l'échange a une finalité précise et que l'autre s'y investit aussi, non ? Comme le dit Tugdual, si le bonjour du matin n'a qu'une visée d'ouverture, pour ensuite permettre d'aborder les sujets nécessaires (les discussions de boulot, j'entends) "directement" sans devoir "réinitier" le contact, ça ne peut pas changer la façon de considérer l'échange ? Un peu comme mettre le contact de ta voiture. Tu ne le fais qu'au démarrage, pas à chaque fois que tu dois repartir après t'être arrêté à un stop/feu.
Qui parle de devoir initier un truc superficiel ensuite ? Oui j'ai dit que ça pouvait être suivi d'un "ça va ?" Mais ce n'est pas toujours le cas... Au boulot moi en ce moment, dans 80% des cas je dis juste bonjour. Je sers la main à, aller, 1 personne, ne fais la bise à personne (je bosse en maison de retraite, 98% de mes collègues sont des femmes). Et les "ça va ?" se comptent sur les doigts d'une main.. Je ne dis pas que c'est partout pareil, mais disons que là en l'occurrence, les "bonjour" ne découlent pas sur du superficiel. C'est bonjour et basta.Faisceau Concentré a écrit : Pour la plupart des gens il est facile d’échanger des banalités afin, notamment, de combler le vide de la conversation qui fait souvent suite à une salutation. Pour reprendre tes mots, je dirais que ça ne leur coûte pas grand-chose. Mais c’est ton erreur de penser qu’il en est de même pour tous. Il n’y a pas d’échange qui me soit plus compliqué que celui-ci. Plus la conversation est superficielle, moins je sais comment la gérer et il n’y a rien de plus superficiel que les banalités du matin !
Le "ça va ? / Bien et toi ?" c'est pareil, ça n'implique pas forcément de conversation derrière. A la limite c'est comme de dire Merci, Bonjour ou Bye/salut/au revoir. Tu peux le dire de façon automatique sans avoir à chercher à t'investir particulièrement. Du coup, ça voudrait dire pour toi : ne pas t'y investir du tout. Là je ne comprends pas, en quoi ton investissement "insuffisant" serait obsolète ?
Je n'ai pas compris, qu'entends-tu par "investir l'autre" ?Faisceau concentré a écrit : Pour prendre en compte l’existence de l’autre il m’est donc nécessaire de l’investir.
Pourquoi te sens-tu obligée de te désinvestir brutalement de l'échange ? Parce que tu as l'impression de souler l'autre ? Je veux dire, ta réaction vient de ce que tu ressens vis à vis de toi ("il se fait chier quand je lui parle", "je le soule", "il s'ennuie", "il me comprend pas" etc) ou bien au fait que sans relance de sa part tu ne vois pas comment faire pour poursuivre l'échange et que donc ben, tu dois le rompre ? (ou peut-être une autre raison à laquelle je n'ai pas pensé)Le vide auquel je fais face m’oblige à me désinvestir brutalement de cet échange
Là j'aimerais réagir sur ce que tu qualifies d'ignorance et "d'indifférence la plus totale". Parce que euh, ça me semble logique que ton interlocuteur dans ces cas là ne comprenne pas ce qui se passe, et ne puisse pas trouver de raison à une réaction abrupte de ta part. L'ignorance c'est une chose mais c'est pas inéluctable. Te serait-il possible d'expliquer (à l'écrit si à l'oral ça n'est pas possible) ce qui se passe en toi, comme tu le fais ici très bien, histoire de faire naître la compréhension autour de toi ? On ne parle pas de "pitié" ou quoi, mais de compréhension... ou du moins d'éclairage. Qui dit compréhension (ou éclairage), dit possibilité d'adaptation ou de réaction adéquate (par exemple pour tes collègues, ne pas en être blessés et donc ne pas t'exclure de "leur groupe" etc).après avoir été mis plus bas que terre dans l’ignorance et l’indifférence la plus totale, je suis censé travailler et être productive.
Admettons que l'on discute toi et moi. A à un moment tu me paumes, et d'un coup tu te tais, je me demande ce qui se passe, ou alors disons que je n'y connais rien à l'autisme (ce qui est presque le cas lol) : et là je te regarde en étant perplexe et en me demandant ce que je suis censé faire... Et hop tu te casses sans rien dire. Je dois dire que je serais surement très surpris, et je pourrais aussi passer des heures à me demander si j'ai fait une connerie, si juste tu t'en foutais de moi, que tu ne voulais que parler de ton truc qui te passionne mais qui moi me soulait/m'indifférais etc, et qu'une fois fini tu te casses.... Bref là aussi il peut y avoir beaucoup de questionnements et de frustration ^^" Si tu me dis ce qui se passe en toi dans ces moments là, ben ça ouvre quand même vachement de perspectives pour s'adapter à ces données (nouvelles pour moi) et éviter que ce genre de situation se renouvelle.... Franchement on a tous les deux à y gagner hein, tu crois pas ?
Pas capté là : Collègues de structure névrotique ?Mais au moins je suis polie et j’ai fais l’effort de respecter le besoin primaire de reconnaissance de mes collègues de structure névrotique.
Et petite question pour titiller.. : pourquoi le respect ou la politesse serait forcément un "besoin primaire de reconnaissance" ? Je psychote peut-être un peu là mais je ne peux m'empêcher de lire un brin de sarcasme dans l'emploi de cette formulation... Le "besoin primaire" dans un sens péjoratif quoi.
Je ne t'ai pas trouvé agressive du tout en tout cas. Seulement je pense que si effectivement ces échanges te coutent tant, l'effort de tes collègues pourraient quand même être intéressants pour toi ! Te "rendre la pareille" par exemple ça pourrait ben, déjà respecter ton besoin d'absence des contacts physiques. Et de limiter le bonjour à un bonjour simple sans conversation superficielle derrière (car apriori, dans ce que tu dis ce sont ces conversations "vides" qui te posent problème.
Après, si tu considères que ça ne servirait à rien, ben ok, mais bon je vois pas trop ce qui te conviendrait si tu es dans le refus catégorique du compromis....
Là par contre, et je l'ai un peu déjà abordé plus haut, je ne suis pas du tout d'accord. Je ne vois pas en quoi informer les gens de tes limites serait forcément une "attente de pitié" de la part des autres ! C'est une demande de considération, qu'on prenne en compte TES limites. Et ça faut bien que tu le signifies hein, les gens pourront pas le deviner comme ça... Quand j'ai informé mes camarades de classe que je n'aimais pas du tout faire la bise, elles m'ont dit "ok", elles ont arrêté de me la faire, me disait simplement bonjour, et basta, c'était cool. Elles avaient pris en compte mes besoins, et les respectaient. Mais si je n'avais jamais rien dit, elles auraient simplement continué ! Et j'aurais pu longtemps souffrir en silence de devoir faire la bise à tout le monde (j'aime pas ce contact physique là, c'est une de mes limites, point). Le fait de partir du principe que la seule réaction possible est de la pitié, c'est vraiment sous-estimer les gens, et perso je trouve ça un peu nul...Toutefois, je crois qu’il ne devrait pas être nécessaire d’attendre de la pitié pour être pris en compte. Et au fond, c’est bien de cela dont il est question lorsqu’il faut exposer son autisme. Venir quémander une sorte de tolérance sociale vis-à-vis de ses spécificités en s’enfermant dans une case «autiste», «handicapé», «inadapté».
Si je demande à ne pas aller dans tel vestiaire parce que je suis trans et que ben juste c'est pas possible. (j'utilise l'exemple trans car dans l'esprit de pas mal de gens, trans= malade mental = pitié), je n'attends aucune pitié, aucun "traitement de faveur parce que je suis une pauvre petite victime de la société", je demande juste à ce que l'on respecte mes limites....
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Re: La pensée neurotypique du jour?
Mitzon je suis d'accord avec toi sur le fait que chaque personne est en droit de poser ses limites personnelles et que les autres doivent le prendre en compte.
Maintenant cela me semble plus simple à mettre en pratique sur le " désolée je ne suis pas physique contentez vous d'un <<salut>> verbal " je pense que c'est utopique de songer à le faire au sujet du besoin de niveau d'investissement dans une conversation.
Maintenant cela me semble plus simple à mettre en pratique sur le " désolée je ne suis pas physique contentez vous d'un <<salut>> verbal " je pense que c'est utopique de songer à le faire au sujet du besoin de niveau d'investissement dans une conversation.
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Re: La pensée neurotypique du jour?
C'est sur que ça demande un peu plus de détails et d'information, mais ça ne doit pas être impossible ni irrecevable.
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Re: La pensée neurotypique du jour?
Comme contribution au débat, article qui vient d'être publié dans le canard de ma boîte :
Simple comme bonjour !
D’un site à l’autre, mais aussi d’un bureau à l’autre, les manières de se saluer sont différentes. Quelqu’un qui vient d’arriver et qui ne connaît pas bien les codes, peut facilement se faire accuser d’être fier, impoli voire snob.
Pourtant, le salut armoricain ne comporte que trois variantes.
Tout d’abord quand on rencontre quelqu’un dans un couloir ou un escalier, il suffit de lancer un “bonjour” suffisamment fort pour que la personne que vous croisez lève les yeux, vous regarde et vous réponde aussi. Cette option peut également convenir dans un bureau ou une salle de réunion : vous entrez et lancez le mot magique à l’attention des gens qui se trouvent dans la pièce. En principe ça marche, tout le monde répond.
Autre méthode, également universelle : la poignée de main. Elle peut être plus ou moins ferme suivant qui vous êtes et à qui vous vous adressez. En tous cas elle a l’avantage d’être personnelle, à condition toutefois de l’accompagner d’un regard en direction de la personne à qui elle est destinée. Sinon vous obtiendrez l’effet inverse.
Enfin, habitude très répandue dans le 29 et qui tend à détrôner les autres en 22 : la bise. Ce qu’il faut en retenir c’est qu’à Landerneau on en fait une seule, alors qu’à Saint-Brieuc il faut en faire deux. D’ailleurs cette différence crée quelques hésitations quand costarmoricains et finistériens se rencontrent et provoque généralement des éclats de rires. Petite précision : la bise s’adresse prioritairement aux gens que l’on connaît, au moins un petit peu...
Bonus à l’attention des non-initiés : quand vous aurez choisi la façon de saluer qui vous convient le mieux, et pour en décupler l’effet, n’hésitez pas à l’agrémenter d’un large sourire. Effet garanti ! Quant au mot qui l’accompagnera vous avez le choix : “bonjour”, “demat” ou “hello” … A vous de voir.
Simple comme bonjour !
D’un site à l’autre, mais aussi d’un bureau à l’autre, les manières de se saluer sont différentes. Quelqu’un qui vient d’arriver et qui ne connaît pas bien les codes, peut facilement se faire accuser d’être fier, impoli voire snob.
Pourtant, le salut armoricain ne comporte que trois variantes.
Tout d’abord quand on rencontre quelqu’un dans un couloir ou un escalier, il suffit de lancer un “bonjour” suffisamment fort pour que la personne que vous croisez lève les yeux, vous regarde et vous réponde aussi. Cette option peut également convenir dans un bureau ou une salle de réunion : vous entrez et lancez le mot magique à l’attention des gens qui se trouvent dans la pièce. En principe ça marche, tout le monde répond.
Autre méthode, également universelle : la poignée de main. Elle peut être plus ou moins ferme suivant qui vous êtes et à qui vous vous adressez. En tous cas elle a l’avantage d’être personnelle, à condition toutefois de l’accompagner d’un regard en direction de la personne à qui elle est destinée. Sinon vous obtiendrez l’effet inverse.
Enfin, habitude très répandue dans le 29 et qui tend à détrôner les autres en 22 : la bise. Ce qu’il faut en retenir c’est qu’à Landerneau on en fait une seule, alors qu’à Saint-Brieuc il faut en faire deux. D’ailleurs cette différence crée quelques hésitations quand costarmoricains et finistériens se rencontrent et provoque généralement des éclats de rires. Petite précision : la bise s’adresse prioritairement aux gens que l’on connaît, au moins un petit peu...
Bonus à l’attention des non-initiés : quand vous aurez choisi la façon de saluer qui vous convient le mieux, et pour en décupler l’effet, n’hésitez pas à l’agrémenter d’un large sourire. Effet garanti ! Quant au mot qui l’accompagnera vous avez le choix : “bonjour”, “demat” ou “hello” … A vous de voir.
père autiste d'une fille autiste "Asperger" de 41 ans
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Re: La pensée neurotypique du jour?
J’ai eu le sentiment, en lisant la réponse de Mizton que ce texte avait été pris avec une certaine connotation affective que je n’ai pas voulu lui donner. Ce que j’ai voulu faire en résumant le bonjour à une simple amorce de discours c’est lui enlever toutes connotations, tous sens. Parce que je pense que les difficultés liées à l’action de dire bonjour sont, dans mon cas, bien plus liées à la structure de l’échange qu’à l’incapacité à en admettre l’utilité. Je comprends toute l’implication sociale qui accompagne cette action et sont importance particulière dans milieu professionnel, dans lequel je fais généralement plus d’efforts pour entretenir des relations cordiales que dans ma vie privé. J’ai d’ailleurs de bonnes relations avec la plupart de mes collègues, mon problème étant davantage avec les personnes avec qui j’ai des non relations. Ce que j’ai essayé de faire ici, est de mettre en exergue le fait que des choses très anodines pour certains sont en réalité le fruit d’efforts acharnés et que ce n’est en rien facile, comme l’avait d’ailleurs si justement signalé Tugdual. Je ne suis pas dans le refus de cet effort, ce qui m’est difficile à accepter c’est lorsqu’on les renie et qu’on exige plus sans avoir pris la mesure de l’intensité de ceux déjà fournis. D’ailleurs, je comprends bien que c’est souvent le manque de connaissance qui induit ce genre de choses, d’où ma décision de prendre part a cette discussion, au cas où mes expériences puissent être constructives pour d’autres.
Fort heureusement pour moi, chaque bonjour ne se solde pas systématiquement par une situation chaotique. De plus, j’ai un monde intérieur très riche qui me permet d’évacuer la plupart de mes frustrations quotidiennes et si vraiment les choses me sont trop incompréhensibles, je sais que je peux compter sur ma « neurotypique référente » pour m’éclairer sur l’attitude à adopter afin de ne pas créer de conflit inutile avec mon entourage professionnel. Le problème dans l’échange humain, c’est qu’il est imprévisible, et peut importe comment le discours est rodé, où l’interaction pensée, il y a toujours un moment ou les choses se passent comme prévues. J’ai par exemple un vrai problème avec le fait de saluer une personne si elle est au téléphone ou en train de parler à quelqu’un d’autre. D’un coté, j’ai le sentiment de devoir dispenser un bonjour, de l’autre je ne veux pas interrompre l’échange qui est en face de moi, alors j’ai tendance à rester plantée là à attendre l’opportunité.
Donc oui, je partage totalement ton avis Tugdual, si on se place à une échelle de temps plus large, le bonjour est une façon d’éviter les tensions pour de futurs échanges. Le problème reste que quand je vais voir quelqu’un pour lui parler d’une chose en particulier, le discours est borné par ses objectifs. Alors que lorsque je dis bonjour, j’ouvre un discours qui va se poursuivre sur des banalités, je n’ai donc aucun contrôle sur son contenu et je me retrouve alors incapable de le clôturer, d’où la frustration. Au final, mes bonjours préférés au travail sont ceux échangés en se croisant, ceux qui n’amorcent aucun discours !
« Encore mieux que la tolérance, je préfère la bienveillance »
Distinction intéressante, mais je reste tout de même plus tournée vers la tolérance que la bienveillance. Je m’explique, même s’il est vrai que la tolérance peut s’accompagner d’une certaine condescendance, elle n’en reste pas moins un état d’esprit qui implique une intellectualisation de la différence et une acceptation de cette dernière comme ayant droit à exister. En effet, cela implique que l’on se confère le droit de choisir si une chose a le droit d’exister ou non, ce qui est par essence très condescendant, mais c’est aussi une manière d’admettre une certaine forme d’égalité devant ce droit à exister.
La bienveillance est dictée par l’affect, et l’affect est par nature une chose très changeante. De plus, face à une personne bienveillante, il n’y a pas de reconnaissance de la différence. La bienveillance me donne simplement le sentiment d’être ménagée, comme une chose fragile, ce qui me semble infantilisant. Peut être ai-je tors, mais je trouve ce type d’attitude très méprisante, dans le sens où la bienveillance ne prend pas en compte l’individu pour ce qu’il est et se contente d’être maternante, elle est donc pour moi tout aussi condescendante, en ce sens qu’elle implique obligatoirement un sentiment de "supériorité".
De plus, ce concept de bienveillance fait écho chez moi à la notion de bonté, de gentillesse et autre vision très manichéenne du monde, avec lesquelles je ne suis absolument pas en accord. Je prendrais ici un exemple qui se veut extrême, mais qui de ce fait traduira bien mon propos. J’écoutais il y a peu des témoignages de survivants du camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau. Une femme, qui avait eu la chance de travailler au « Kanada », avait côtoyé un soldat S.S. qui la prise en affection et a donc fait preuve de beaucoup de bienveillance à son égard. Cette femme était bien peinée d’exprimer son ressenti par rapport à cet homme qui était part certains côtés cruel, violent et antisémite tandis que par d’autres il était gentil, attentionné et bienveillant. Et forcement, c’est complexe si l’on considère que les deux attitudes sont inconciliables car trop antagonistes alors qu’il n’en est rien. C’est dans la nature humaine d’être changeant et d’autant plus quand les actions sont dictées par l’affect.
Pour ma part, et ceci n’engage que moi, je préfère être acceptée par intellect, c'est-à-dire par tolérance, que par affect, surtout que je trouve qu’il a une sorte de puissance dans le fait de comprendre et d’accepter la différence en ayant pleinement conscience de celle-ci. Mais j’admets volontiers que les deux points de vue se défendent ^^ !
Mizton, avant toute chose, je vais éclairer ce point : « Pas capté là : Collègues de structure névrotique ? ». Pour faire simple, lorsque je parle de névrosé, au sens de personne ayant une structure mentale de type névrotique, je fais référence au mode de pensé le plus majoritairement représenté, ce qui pourrait se traduire par neurotypique. Toutefois, je trouve le terme impropre et si je l’utilise souvent parce qu’il est clair pour le plus grand nombre, il ne fait pas la distinction entre les personnes de structure névrotique et de structure psychotique, qui ont des modes de représentations et de pensée totalement différents.
Concernant ceci : « Et petite question pour titiller.. : pourquoi le respect ou la politesse serait forcément un "besoin primaire de reconnaissance" ? Je psychote peut-être un peu là mais je ne peux m'empêcher de lire un brin de sarcasme dans l'emploi de cette formulation... Le "besoin primaire" dans un sens péjoratif quoi. »
Je conçois le décalage qui existe dans notre conception du terme « besoin primaire », et j’aurais peut être du expliciter plus clairement le sens de mon propos, nous ne l’utilisons très certainement pas dans le même contexte. J’ai tendance à utiliser les termes au sens littéral et je n’avais pas réalisé qu’ils pouvaient sembler à ce point péjoratif. Pour moi, les besoins primaires sont « les éléments indispensables à la survie ». Si on se place d’un point de vue physiologique, il s’agit de respirer, manger, boire, se protéger du froid, etc. Dans le cas présent, lorsque je parle de besoin primaire de reconnaissance, je fais référence au fait que les personnes ayant une structure névrotique (ou neurotypique si tu préfères) existe par le regard de l’autre. De manière très schématique, on pourrait dire que leur sentiment d’exister est lié au fait qu’il existe dans le regard de l’autre. C’est pourquoi il est par exemple très difficile pour eux de gérer l’absence de contact visuel. Ainsi, lorsque j’écris que «j’ai fais l’effort de respecter le besoin primaire de reconnaissance de mes collègues de structure névrotique», l’idée que je veux exprimer c’est que j’ai pris sur moi de supporter une interaction qui m’est difficile par respect pour le besoin que mes collègues ont de savoir que je les voient et que je les prends en compte, parce que je sais que c’est une chose qu’il leur est nécessaire. Et c’est ça être compréhensif, c’est savoir que mes collègues ont autant besoin que je les regarde, qu’il m’est difficile de le faire. Et le compromis, c’est de faire semblant de les regarder.
Par exemple, je ne regarde pas les gens directement dans les yeux, je focalise mon regard sur un point proche de leurs yeux qui sont alors « flou » (pas au sens littéral du terme, je veux dire que je ne les vois pas au même titre que je n’ai pas de vision d’ensemble d’une image alors que je remarque des détails qui peuvent être imperceptibles à d’autres) ce qui rend l’échange visuel plus agréable pour moi et puisqu’ainsi mon interlocuteur pense que je le regarde, lui aussi n’est pas frustré. Et ce désir d’être salué est à mon sens du même ordre que celui d’être regardé, c’est avoir la preuve que l’autre nous voit. Et j’envisage d’ailleurs que c’est pour ça que la collègue de bidouille ressentait le besoin d’être saluée par cette collègue qui le lui refusait, en ce sens que c’est comme si elle lui refusait le droit d’exister. Mais bon, peut-être que je fais totalement fausse route !
«Je n'ai pas compris, qu'entends-tu par "investir l'autre" ?»
Investir l’autre ça veut dire concentrer mes capacités cognitives pour lui donner forme, c'est-à-dire le reconnaitre comme un être doué de pensée et de sensation, avec lequel il m’est possible d’interagir. C'est-à-dire qu’avant de commencer l’échange je dois d’abord « réaliser » qu’il a une personne avec qui interagir.
Là je ne comprends pas, en quoi ton investissement "insuffisant" serait obsolète ?
Ce n’est pas le fait de dire le mot « bonjour » qui pose problème. Je te donne un exemple : si je suis en train de regarder dans ma loupe binoculaire, que quelqu’un me parle et que je le salue sans lever les yeux, par pur automatisme, il va rester à coté de moi jusqu’à ce que j’ai quitté ma loupe et que je l’ai regardé (cela m’arrive assez souvent). Saluer quelqu’un, ce n’est pas juste dire bonjour, au sens de faire sortir le son « bonjour » de sa gorge. Il s’agit d’un échange, qui se manifeste par un ensemble d’éléments qui te sont tellement naturels que tu ne les réalises peut être pas. Preuve en est que si tu remplaces le terme bonjour par n’importe quel terme neutre, ou même une simple onomatopée, la salutation fonctionne tout de même.
Mon problème n’est pas de prononcer le mot bonjour, c’est de faire tout ce qui l’accompagne. C’est là la différence entre quelque chose de naturel et de pensé. Or, pour faire ces choses, à savoir manifester par un contact visuel que l’on a pris conscience de la présence de l’autre, moduler son timbre de voix pour énoncer au bon volume et avec la bonne intonation son « bonjour », manifester par une mimique de visage son humeur ou tout au moins l’humeur que l’on veut laisser transparaitre en fonction du degré d’affinité qu’il y a avec la personne saluée, estimer le type et la durée de l’interaction que l’on est censé avoir avec telle ou telle personne en fonction de notre relation et de notre statut, toute ces choses qui viennent à d’autres naturellement, moi je dois les penser. Et penser tout ça demande de monopoliser ses capacités cognitives. C’est pour ça qu’il n’y a pas d’échange dans lesquels je ne sois pas investie, c'est-à-dire que je dois ardemment penser chacun de mes échanges, même un simple bonjour.
Alors si je ne pense pas l’échange, il n’y a pas d’échange. Ce processus ne peut pas devenir automatique, ce qui le devient c’est de se forcer à penser l’échange quand une personne rentre dans la pièce.
« Et de limiter le bonjour à un bonjour simple sans conversation superficielle derrière (car apriori, dans ce que tu dis ce sont ces conversations "vides" qui te posent problème. »
Les échanges futiles, par exemple sur la météo (un jour je prendrais le temps de calculer le nombre d’heures de ma vie perdu à écouter un de mes collègue spécialiste de ce genre de bavardages météorologiques… ou pas, ça risquerait de franchement me déprimer…) sont effectivement très complexes à gérer, que ce soit dans le cadre d’une salutation ou à n’importe qu’elle occasion d’ailleurs. Mais le problème c’est de clôturer l’échange, qu’il y est eu un simple bonjour, ou une conversation à la suite. Bien qui j’avoue que plus l’échange banal se poursuit, plus je me retrouve prise au dépourvu quand il faut y mettre un terme.
Par exemple, si je croise quelqu’un dans un couloir et qu’il me dit bonjour en passant, la distance physique met un terme à l’échange. Et c’est le meilleur moyen que j’ai trouvé à ce jour pour être certaine que l’échange est terminé. En réalité les choses sont assez simples quand c’est l’autre qui met un terme à la conversation, parce qu’il quitte mon bureau par exemple, ou que je le croise dans un couloir et qu’il décide de ne pas s’arrêter. Mais quand je suis celle qui rentre dans un bureau pour dire bonjour, je ne sais plus comment le quitter. Si je passe la tête en coup de vent et que je pars, personne ne me répond, donc j’en conclue que quelque chose n’a pas fonctionné, et si je reste dans la pièce, je ne sais plus comment la quitter. Le problème c’est que je n’arrive pas à évaluer si l’échange est terminé et du coup je ne sais pas si je dois rester ou quitter la pièce et si je dois dire quelque chose en partant. Et comme chaque jour c’est différent, il m’est totalement impossible de trouver une parade efficace. Par exemple, si je rentre dans une pièce pour saluer mes collègues et qu’ils sont en train de parler, je suis incapable de savoir si oui ou non je peux interrompre leur discours. Parce que la convenance veut que dans certains cas oui et dans d’autres non. Mais comment savoir dans quel cas je me trouve ? C’est là la difficulté.
Pourquoi te sens-tu obligée de te désinvestir brutalement de l'échange ? Parce que tu as l'impression de souler l'autre ? Je veux dire, ta réaction vient de ce que tu ressens vis à vis de toi ("il se fait chier quand je lui parle", "je le soule", "il s'ennuie", "il me comprend pas" etc) ou bien au fait que sans relance de sa part tu ne vois pas comment faire pour poursuivre l'échange et que donc ben, tu dois le rompre ? (ou peut-être une autre raison à laquelle je n'ai pas pensé)
Très bonne question, il y a plusieurs configurations possibles et je ne pense pas toutes me les rappeler mais si je devais donner un schème général je dirais qu’il y a 3 types de réactions qui créent un désinvestissement brutal, certaines pouvant parfois se combiner :
1. Mon interlocuteur ne me comprend pas. Il va me répondre des choses comme « hein ? » ou « quoi ? », alors je reformule, parfois deux ou trois fois et je commence à avoir le sentiment de ne parler la même langue que mon interlocuteur, alors je finis par arrêter de lui parler. C’est un peu comme quand on essaye de parler dans une langue qu’on maitrise mal et qu’on finit par faire des gestes, sauf que j’ai pas de gestes pour me faire comprendre. Et là, c’est la prise de conscience brutale que je ne peux pas communiquer malgré mon désir ardent de le faire, alors je dois refouler ce désir, ce qui crée une frustration.
2. Mon interlocuteur cesse de me répondre ou ne dit que des oui/peut être/je ne sais pas. Dans ces cas là, je me rends compte que je n’aurais pas de réponse suffisamment chargée de sens pour pouvoir construire un discours avec mon interlocuteur. Que ce soit que le thème ne l’intéresse pas, ou que son esprit soit monopolisé ailleurs, il n’est pas en état de discuter avec moi, le but de l’interaction m’échappe et je ne sais plus quoi dire.
3. Mon interlocuteur manifeste explicitement son désintérêt pour l’échange. Les réactions sont assez variées et peuvent aller souffler quand je parle (peut être qu’il y a des signes avant, mais en tout cas ils ne m’interpellent pas) jusqu’à me demander carrément de ne plus parler (ça arrive plus souvent qu’on pourrait s’y attendre, et même avec des gens avec qui j’ai d’assez bonne relation), où tout au moins de ne pas parler de tel ou tel sujet. Par exemple, « ah non ! ne viens pas nous parler du travail, maintenant on mange et c’est tout » ou alors je me rappelle de cette superbe phrase, alors que je discutais d’Avatar (le film) avec un collègue cinéphile tandis que nous mangions avec trois autres personnes, l’une d’entre elle me coupe en plein milieu d’une phrase et dit : « bah dis donc, c’est comme si on regardait scène de ménage », interpellée je lui demande pourquoi et elle me rétorque : « vous parlez tellement que c’est comme manger en regardant la télé et nous on est juste là, à vous regarder parler »... Alors non, tu vois je n’ai besoin de me demander si je saoule les gens, ils n’ont pas trop de problèmes à me le dire d’eux même ! Quand quelque chose du genre se produit, je me rends compte que j’ai été trop invasive, alors je me réfrène, et comme il n’y a pas de juste milieu, tout retombe comme un soufflet, et je ne sais plus quoi dire ou faire. Maintenant, est ce qu’avec le recul j’en veux à cette collègue ? Non, pas du tout, je pense qu’elle s’est sentie oppressée et qu’elle a eu besoin de borner mon discours, mais je me demande tout de même si elle réalise la violence de cette intervention…
« mais bon je vois pas trop ce qui te conviendrait si tu es dans le refus catégorique du compromis... »
Encore une fois je crois que nous nous sommes mal compris sur le but de ce post. Il n’est pas question pour moi de me plaindre de mes collègues et d’exprimer un souhait de les changer. Je n’ai pas de telles aspirations, j’ai la chance de parvenir à maintenir un équilibre plus que satisfaisant dans ma vie quotidienne, ce qui ne m’empêche pas de vivre des moments difficiles. Mais je n’ai pas pour autant l’illusion de croire que ce n’est là que l’apanage seul de ce qui ont une structure autistique ! Ce que je voulais, c’était te faire prendre conscience, par mon exemple, qui n’est certainement pas le seul, de la violence que peut avoir le quotidien et que ce n’est pas par manque d’efforts que certains ne donnent pas suffisamment le change. Puisqu’au fond ce n’est que de ça dont il est question, c’est jouer la « comédie sociale », c’est faire semblant d’être adapté. Et malheureusement, plus on est doué à ce jeu là, plus les erreurs sont sanctionnées avec violence.
Quant à la question des contacts physiques, que je ne souhaitais pas vraiment évoquer plus avant, bien sur que l’on peut préciser qu’on ne les «apprécient pas» (pour rester simple et ne pas exposer les angoisses que certains contacts peuvent provoquer. D’ailleurs, ironiquement j’ai plus de mal avec le fait de serrer la main qu’avec la bise, parce que je ne supporte pas qu’on exerce une pression sur mon corps, le pire étant certainement d’être serrée dans les bras ou même qu’on exerce une pression sur mes épaules pour me féliciter…). Mais avec qui ?
Et c’est là tout le problème. Je peux dire à la collègue avec qui je partage mon espace de travail et avec qui j’ai une bonne relation que je préfère éviter la bise. Mais est ce que je peux dire à mon supérieur que je ne veux pas de contact physique ? Est-ce que je peux le dire à un Professeur des Universités, grand ponte de mon domaine, que je n’ai pas envie de lui serrer la main ? Je suis désolé, mais je ne pense pas. Et quand je pars à l’étranger et que je côtoie des scientifiques d’autres nationalités pour qui les embrassades sont une marque de respect, puis je le leur refuser ?
Et quand est-il de ces collègues avec qui je partage rien de plus que des locaux, mais qui veulent me faire la bise parce qu’on « mange ensemble » dans le sens où l’on s’assoit à la même table le midi (il n’y en a qu’une dans mon laboratoire…) ? Je suis censée leur expliquer mes spécificités, leur exposer des choses qui sont au final très intimes, alors que la conversation la plus poussée que nous ayons échangés concernait la météo… ? Je vois la scène d’ici : salut/ça va bien et toi ?/oui, tu as raison il fait chaud aujourd’hui/ Ah, au fait, ça serait sympa si tu pouvais éviter de me faire la bise parce que j’ai une violente intolérance aux contacts physiques et que c’est vraiment dur à gérer pour moi, tu sais ce n’est pas contre toi mais cela provoque en moi des angoisses de mort et parfois je suis obligé de rester allongée trois heures sur le parquet de ma chambre pour me remettre d’une embrassade/ tu vas prendre un café ?
Parce qu’à un moment c’est bien beau d’espérer que les gens soient compréhensifs et ouverts, mais il ne faut pas se leurrer, si j’avais exposé mes traits autistiques au grand jour, je ne serais probablement pas où je suis aujourd’hui et je n’aurais probablement aucune chance d’aller où je veux. Je n’ai pas honte ce que je suis, aussi loin que je me souvienne je n’ai jamais désiré être autre chose que ce je suis, et cela bien avant d’être capable de mettre des concepts ou même des mots sur mes originalités, comme elles étaient si joliment appelées dans mon enfance. Mais une chose est sûre, je n’ai pas l’intention de laisser d’autres choisir pour moi ce que je suis ou non capable de faire, et si ça veut dire encaisser toutes ces frustrations, alors je le ferais, et si je m’effondre, il sera toujours temps d’aviser. Là, il y a probablement un peu d’affect ^^ !
Que les choses soient clair, je n’ai aucun problème avec l’autisme, j’ai un problème avec l’image qui en est véhiculée. Et je pense que tu es certainement bien placé pour comprendre mes propos, étant donné tes réactions vis-à-vis de la généralisation sur les neurotypiques. Je vais te raconter une petite anecdote.
Quand j’étais au lycée, j’ai rencontré un garçon tout à fait unique dans une petite salle d’étude presque toujours vide. Chose assez rare pour moi, je suis celle qui a initié le contact avec lui, parce que ce jour là il m’avait intrigué. Il était en train de lire un disque 33 tours avec des bouchons de stylos et j’ai adoré ça. Après 4 ans, nous étions toujours en contact, malgré le fait que nous ayons tous deux quitter notre région d’origine et nous partageons encore le même groupe d’amis. Un jour, alors qu’il était rentré dans notre région et pas moi, il est allé avec nos amis communs au restaurant, qui m’ont rapportés lors d’une réunion, où cette fois j’étais là et pas lui, un événement relatif à cette soirée. Le garçon avait semble-t-il complètement vidé la carafe d’eau située de son coté de la table, sans que personne d’autre n’est eu le temps d’en boire, et un de nos amis s’en était plaint. Alors, les autres, outrés par son comportement, lui ont dit quelque chose du genre : « mais enfin, tu te rends compte de ce que tu dis, il est autiste ! ». A cette époque, je n’aurais même pas imaginé que mes spécificités étaient liées à une structure autistique et pourtant je n’ai pas pu m’empêcher de leur répondre : «mais quel(s) con(s) !». Au début ils pensaient que je partageais leur opinion sur notre amis qui avait crée une scène alors j’ai précisé : « vous êtes tous des cons ! (on s’entend tous suffisamment bien pour être relativement franc sans se disputer) Lui, il est con parce qu’on n’en à rien à faire qu’O. ai fini la carafe, il suffisait d’en demander une autre et vous, vous êtes cons, parce qu’on en à rien à faire qu’O. soit, autiste, s’il a bu, c’est qu’il avait soif ! »
Je pense que tu auras bien compris mon propos, puisqu’il me semble que nous sommes d’accord au vue de tes réactions sur l’intitulé de la discussion. Au même titre que tu n’aimes pas que l’on généralise l’action d’une neurotypique à tous les autres, j’ai en horreur le fait que l’on plaque sur les gens les préjugés liés à la case dans laquelle la société les placent !
Toutefois, je comprends ton point de vue, comment adapter son comportement si l’on ignore que notre attitude pose problème à l’autre ? C’est une excellente question. Pourtant, même si je trouve cette demande somme toute légitime, je ne peux pas m’empêcher de voir une forme d’égoïsme dans celle ci. Le mot peut sembler fort et porter à confusion, comme ce fut le cas sur certains termes de mon post précédent, donc je vais essayer d’expliciter au mieux le sens de mes propos. Quand je parle d’égoïsme je le fais au sens métaphysique du terme, c'est-à-dire au sens d’une « position-limite d'un idéalisme pour lequel seul existe le sujet pensant, le monde extérieur n'étant que sa représentation », donc dans le sens d’un solipsisme, d’une attitude qui « dans son expression, sa création, sa vision du monde, privilégie la solitude de sa subjectivité ».
Qu’est ce que vos collègues savent de vous ? Que connaissent-ils de votre vie ? Connaissent-ils vos peurs, vos pensées, vos désirs, votre intimité la plus profonde? Et qu’y a –t-il de plus intime que nos pensées, notre vision du monde, ce qui se joue devant nos yeux pendant que, dans la mienne pièce, au même moment, d’autres choses se jouent pour ceux qui sont à nos cotés ? Alors, pourquoi devrais je exposer, à ceux qui seraientt les premiers à trouver légitime qu’on protège leur vie privé, et avec raison, ce qui m’est le plus intime. Mes angoisses, mes difficultés, mes rêves, mes aspirations, toutes ces choses m’appartiennent, et j’estime être en droit de choisir où, quand et avec qui je veux les partager. Il me semble que cette volonté devrait constituer un droit absolu et inaliénable pour tous.
On pourrait ici me reprocher de refuser de faire des compromis, mais je ne pourrais m’empêcher d’y voir une injustice, dans le sens où je me demande bien pourquoi être autiste me prive de vie privé. Pourquoi le prix à payer pour avoir le droit de voir mon existence reconnue devrait être de sacrifier cette intimité ? Pourquoi devrais je me justifier de ne pas penser comme mes collègues, alors qu’eux n’ont pas à se justifier de penser différemment de moi ? Ils n’ont pas à faire ce travail que je fais pour poster ces mots sur ce forum, à chercher à comprendre, à donner sens et forme à ce qui leur est naturel et ne devrait nécessiter de justification. Après tout, c’est leur erreur de penser que leur pensée est la seule. Tu dis que c’est par expérience que tu considèrerais l’absence de bonjour comme une marque d’animosité, mais je ne peux m’empêcher de me demander, dans ces multiples expériences, combien de fois as-tu réellement su ce que cette absence de bonjour pouvait signifier ? Combien de fois as-tu discuté du sens qu’il pouvait revêtir dans la réalité de celui qui t’avait refusé ce contact ? En quoi cette expérience est-elle autre chose qu’une extension de ta propre réalité sur l’action d’un autre ? Décider arbitrairement de donner un sens subjectif à l’action d’une autre subjectivité, dont on ignore les fonctionnements propre, c’est ça que je trouve un peu nul.
Je ne suis pas contre la discussion, bien au contraire. J’adore parler et échanger sur les différentes réalités perçues par ceux qui m’entoure. Il y a peu, j’ai eu un souci au travail, ou disons plutôt qu’une tierce m’a fait un reproche sur ma relation avec une collègue que j’aurais selon elle étouffé, tout en me laissant entendre que le reproche venait de ma collègue. J’ai donc décidé de discuter avec elle. Je suis allée la voir et je lui ai demandé si elle pouvait répondre de manière très franche à une question, à savoir si elle avait déjà eu le sentiment que je l’avais étouffé. Nous avons discutés près de deux heures et d’une part elle m’a explicité le fait qu’elle n’avait jamais volontairement sous entendue une telle chose et qu’elle appréciait fortement que je soit venu lui parler directement, sans prendre pour argent comptant ce que m’avait dis cette tierce personne, et d’autre part qu’elle pensait que nous avions une excellente relation, que malgré nos modes de fonctionnements très différents, nous arrivions a cohabiter et qu’elle trouvait que je suis une personne très attentionnée. Je n’ai jamais parlé avec cette collègue avant ce jour de mon mode de pensée. Elle ignore que je suis de structure autistique ou la nature et l’étendue de mes spécificités. Pourtant, quand il a y eu un problème nous avons discuté, nous avons toutes les deux explicité notre sentiment par rapport à notre relation, comme deux être égaux. Parce que lorsqu’il y a un problème relationnel, il y a toujours deux personnes en causes, même si l’une d’entre elle est autiste.
Je n’ai pas honte de ce que je suis. Je n’ai pas honte d’avoir un mode de pensée autistique. Mais ce n’est pas pour autant que je souhaite le divulguer au gens qui m’entoure. Et ce n’est pas parce que je n’assume pas d’être différente ! J’ai toujours criée haut et fort ma fierté d’être telle que je suis, et ceci bien avant d’avoir la moindre idée de ce qu’était l’autisme. Ce que je ne veux pas, c’est que les gens m’enferment dans leur propre conception de ce qu’est ou n’est pas l’autisme. Autiste ne me définit pas plus que neurotypique ne te définis, ce n’est qu’un terme, un regroupement arbitraire de caractéristiques que l’on est censé partager, ou non, avec d’autres. Ce qui m’intéresse c’est les gens, pour ce qu’ils sont, pas pour ce qu’il semble être ou ce qu’il devrait être. Et j’aimerais que les personnes qui me côtoient le fassent pour ce que je suis vraiment. Du coup, ils n’ont pas plus besoin que moi de savoir si je suis autiste ou n’importe quoi d’autre. Ils ont juste besoin de savoir si ce que je leur apporte leur convient ou non, s’ils ont envie de faire des efforts pour que nous échangions ou non et si je vais marquer leur existence ou non. Le reste n’a aucune importance.
J’aime beaucoup ton exemple sur les transsexuels et leur problème de vestiaire. Toutefois j’aurais une question. Qu’en est-il des homosexuels ? Et des bisexuels ? Et des hétérosexuels complexés par leur corps ? Je suis d’accord avec toi, les gens ont le droit d’avoir leur propres milites. Et ici la limite c’est d’être gênée d’exposer son corps devant une certaine catégorie d’individus, et ça, ça n’a rien à voir avec ton corps ou avec ta sexualité, c’est juste une histoire de complexe. Mon propos n’est pas ici de donner un ordre de valeur à ces différents cas, tout ce qui compte c’est la souffrance de leur individu vis-à-vis du regard des autres et de leur rapport à leur propre corps. D’ailleurs le non mixité des vestiaires n’a pour but (en se référant à des normes sociales)que de mettre à l’aise le plus grand nombre, en partant du principe qu’il y aura moins de gêne entre personnes du même sexe. Mais cette parité n’est pas une nécessité pour tous, je doute que la mixité d’un vestiaire pose problème dans un camp naturiste ! Ainsi, même si les origines du problème peuvent être variables, en pratique le besoin reste le même.
Tu n’aimes pas faire la bise. Je n’aime pas ça non plus. Qu’est ce que notre façon de penser a avoir là dedans. Bien sûr, ça n’a surement pas les mêmes origines et implications pour toi et pour moi et nous n’aurons probablement pas les mêmes manières d’appréhender le problème, pourtant la limite reste globalement la même (en faisant abstraction d’intensité, mais j’ignore totalement à quel point il t’est difficile de supporter la bise et je ne suis pas sûre qu’il y est moyen de comparer et de toute manière, est ce seulement nécessaire). Alors pourquoi devrais je m’en « justifier », pour reprendre tes mots, par mon autisme ? J’ai une limite, respectez là, point. Pourquoi je devrais exposer mes angoisses pour qu’on accepte cette limite comme valide. Je suis d’accord, tout un chacun devrait accepter les limites d’autrui, alors pourquoi devrais-je expliquer en quoi mes processus psychologiques, liés à ma nature mentale différente, rendent l’action de dire bonjour difficile ? Pourquoi ne puis-je simplement pas dire qu’il m’est désagréable d’avoir ce genre d’échange, comme tu as dis à tes camarades que tu n’appréciais pas la bise ? Parce que si je le fais les gens me répondront sûrement que ça ne demande pas trop d’effort de dire bonjour et que ça met tout le monde mal à l’aise si je ne le dit pas. Alors je leur répondrais que pour moi c’est difficile. Et ils me diront que je ne fais juste pas suffisamment d’effort… où est-elle, la compréhension là dedans ?
Pourquoi quand quelqu’un te dit qu’il trouve que dire bonjour est hypocrite tu lui refuses le droit de s’en abstenir ? N’est ce pas typiquement un solipsisme de refuser sa vision de cet échange comme étant valable ? Si tu n’as pas le souhait de partager son point de vue, libre à toi, mais émettre un jugement de valeur sur celui-ci est à l’opposé de la compréhension. Maintenant, quand je t’explique la souffrance que provoque chez moi cet échange, tu deviens compatissant (et je t’en remercie d’ailleurs), et toute la discussion prends une dimension affective, alors que je peux parfaitement parler de ma souffrance sans y faire intervenir mon affect (de part la nature même de ma pensée, en ce sens que j’ai toujours une certaine distance vis-à-vis des choses que je reconstitue mentalement). Cette compassion dont tu fais preuve à mon égard est liée à l’empathie que tu éprouves pour ma souffrance, car si tu n’as jamais souffert de dire bonjour, tu as déjà souffert, puisque c’est un ressenti primaire (au sens de premier, c'est-à-dire valable pour tous, peut importe la structure mentale, quoique la question de savoir si nous souffrons tous de la même manière reste à poser, même s’il est probablement impossible d’y répondre… ^^). Et n’est ce pas là un sentiment d'affliction que tu éprouves pour mes souffrances, et qui t’encourages à essayer de les soulager ?
Si j’ai mal interprété ton post, je m’en excuse ^^. Maintenant, si tu es d’accord avec la dernière phrase du paragraphe précédent, alors ce que tu éprouves à l’égard de mes propos, c’est de la pitié. Et si tu penses qu’en justifiant mes limites par mon autisme mes propos sont davantage recevable, j’ai du mal à y voir une forme de compréhension, en ce sens que ça signifierait que tu pars du principe que ceux qui ne sont pas autiste partagent la même subjectivité que toi, ce qui n’est absolument pas garanti, et même peu probable. Parfois j’ai l’impression, et peut être est-ce une erreur de ma part, que bien souvent les neurotypiques (pour généraliser vulgairement, je pense avoir assez démontré que ma vision est bien plus hétéroclite qu’un découpage autiste/neurotypique) sont enclins à transposer leur propre subjectivité sur les autres et qu’ils sont davantages dans l’illusion de la compréhension de l’autre que dans sa compréhension réelle. Du coup, quand quelqu’un se montre prévenant à mon égard parce que je lui expose mes souffrances, je suis davantage encline à y voir de la compassion.
Est-ce que ça signifie pour autant que c’est négatif ? Est-ce que je t’en voudrais si ton sentiment à mon égard est compassion et non compréhension ? Non, bien sûr que non ! C’est juste que dans mon monde idéal les gens seraient plus compréhensifs et moins compatissants. Mais un monde idéal, reste un idéal et je pense qu’il est beaucoup plus aisé d’être compatissant que compréhensif. On est bien plus enclin à compatir pour un enfant battu qu’à être compréhensif envers ses parents, et ça se conçoit bien. Parce qu’être compréhensif c’est admettre que les idées les plus opposées à sa propre vision des choses ont autant le droit d’exister que celles donton est le plus intimement convaincu, et ce même si on ne les partagera jamais. Est-ce que je me pense compréhensive ? Parfois oui, mais bien souvent non. Parce qu’il y a des limites dans ma compréhension, comme dans celle de tout un chacun. Le problème c’est qu’on ne sait jamais quand est ce qu’on se situera dans les limites conceptuelles de notre interlocuteur, c’est à dire quand il lui sera impossible de nous comprendre, et c’est valable pour tout le monde, autistes, neurotypiques ou autres ^^ !
Bref. Je crois avoir essayé de répondre à tes questions et en avoir soulevé de nouvelles ^^. Pardon si je me suis perdue et que j’en ai oublié en chemin... Encore une fois, j’espère ne pas te paraitre agressive ou émettre un jugement de valeur sur tes propos. J’essaye juste de te faire saisir ma propre vision des choses, je ne cherche pas à te l’imposer. Tout ce que j’espère c’est que cet échange nous aidera, tout deux et ceux que ça intéressera, à élargir nos propres conceptions !
Fort heureusement pour moi, chaque bonjour ne se solde pas systématiquement par une situation chaotique. De plus, j’ai un monde intérieur très riche qui me permet d’évacuer la plupart de mes frustrations quotidiennes et si vraiment les choses me sont trop incompréhensibles, je sais que je peux compter sur ma « neurotypique référente » pour m’éclairer sur l’attitude à adopter afin de ne pas créer de conflit inutile avec mon entourage professionnel. Le problème dans l’échange humain, c’est qu’il est imprévisible, et peut importe comment le discours est rodé, où l’interaction pensée, il y a toujours un moment ou les choses se passent comme prévues. J’ai par exemple un vrai problème avec le fait de saluer une personne si elle est au téléphone ou en train de parler à quelqu’un d’autre. D’un coté, j’ai le sentiment de devoir dispenser un bonjour, de l’autre je ne veux pas interrompre l’échange qui est en face de moi, alors j’ai tendance à rester plantée là à attendre l’opportunité.
Donc oui, je partage totalement ton avis Tugdual, si on se place à une échelle de temps plus large, le bonjour est une façon d’éviter les tensions pour de futurs échanges. Le problème reste que quand je vais voir quelqu’un pour lui parler d’une chose en particulier, le discours est borné par ses objectifs. Alors que lorsque je dis bonjour, j’ouvre un discours qui va se poursuivre sur des banalités, je n’ai donc aucun contrôle sur son contenu et je me retrouve alors incapable de le clôturer, d’où la frustration. Au final, mes bonjours préférés au travail sont ceux échangés en se croisant, ceux qui n’amorcent aucun discours !
« Encore mieux que la tolérance, je préfère la bienveillance »
Distinction intéressante, mais je reste tout de même plus tournée vers la tolérance que la bienveillance. Je m’explique, même s’il est vrai que la tolérance peut s’accompagner d’une certaine condescendance, elle n’en reste pas moins un état d’esprit qui implique une intellectualisation de la différence et une acceptation de cette dernière comme ayant droit à exister. En effet, cela implique que l’on se confère le droit de choisir si une chose a le droit d’exister ou non, ce qui est par essence très condescendant, mais c’est aussi une manière d’admettre une certaine forme d’égalité devant ce droit à exister.
La bienveillance est dictée par l’affect, et l’affect est par nature une chose très changeante. De plus, face à une personne bienveillante, il n’y a pas de reconnaissance de la différence. La bienveillance me donne simplement le sentiment d’être ménagée, comme une chose fragile, ce qui me semble infantilisant. Peut être ai-je tors, mais je trouve ce type d’attitude très méprisante, dans le sens où la bienveillance ne prend pas en compte l’individu pour ce qu’il est et se contente d’être maternante, elle est donc pour moi tout aussi condescendante, en ce sens qu’elle implique obligatoirement un sentiment de "supériorité".
De plus, ce concept de bienveillance fait écho chez moi à la notion de bonté, de gentillesse et autre vision très manichéenne du monde, avec lesquelles je ne suis absolument pas en accord. Je prendrais ici un exemple qui se veut extrême, mais qui de ce fait traduira bien mon propos. J’écoutais il y a peu des témoignages de survivants du camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau. Une femme, qui avait eu la chance de travailler au « Kanada », avait côtoyé un soldat S.S. qui la prise en affection et a donc fait preuve de beaucoup de bienveillance à son égard. Cette femme était bien peinée d’exprimer son ressenti par rapport à cet homme qui était part certains côtés cruel, violent et antisémite tandis que par d’autres il était gentil, attentionné et bienveillant. Et forcement, c’est complexe si l’on considère que les deux attitudes sont inconciliables car trop antagonistes alors qu’il n’en est rien. C’est dans la nature humaine d’être changeant et d’autant plus quand les actions sont dictées par l’affect.
Pour ma part, et ceci n’engage que moi, je préfère être acceptée par intellect, c'est-à-dire par tolérance, que par affect, surtout que je trouve qu’il a une sorte de puissance dans le fait de comprendre et d’accepter la différence en ayant pleinement conscience de celle-ci. Mais j’admets volontiers que les deux points de vue se défendent ^^ !
Mizton, avant toute chose, je vais éclairer ce point : « Pas capté là : Collègues de structure névrotique ? ». Pour faire simple, lorsque je parle de névrosé, au sens de personne ayant une structure mentale de type névrotique, je fais référence au mode de pensé le plus majoritairement représenté, ce qui pourrait se traduire par neurotypique. Toutefois, je trouve le terme impropre et si je l’utilise souvent parce qu’il est clair pour le plus grand nombre, il ne fait pas la distinction entre les personnes de structure névrotique et de structure psychotique, qui ont des modes de représentations et de pensée totalement différents.
Concernant ceci : « Et petite question pour titiller.. : pourquoi le respect ou la politesse serait forcément un "besoin primaire de reconnaissance" ? Je psychote peut-être un peu là mais je ne peux m'empêcher de lire un brin de sarcasme dans l'emploi de cette formulation... Le "besoin primaire" dans un sens péjoratif quoi. »
Je conçois le décalage qui existe dans notre conception du terme « besoin primaire », et j’aurais peut être du expliciter plus clairement le sens de mon propos, nous ne l’utilisons très certainement pas dans le même contexte. J’ai tendance à utiliser les termes au sens littéral et je n’avais pas réalisé qu’ils pouvaient sembler à ce point péjoratif. Pour moi, les besoins primaires sont « les éléments indispensables à la survie ». Si on se place d’un point de vue physiologique, il s’agit de respirer, manger, boire, se protéger du froid, etc. Dans le cas présent, lorsque je parle de besoin primaire de reconnaissance, je fais référence au fait que les personnes ayant une structure névrotique (ou neurotypique si tu préfères) existe par le regard de l’autre. De manière très schématique, on pourrait dire que leur sentiment d’exister est lié au fait qu’il existe dans le regard de l’autre. C’est pourquoi il est par exemple très difficile pour eux de gérer l’absence de contact visuel. Ainsi, lorsque j’écris que «j’ai fais l’effort de respecter le besoin primaire de reconnaissance de mes collègues de structure névrotique», l’idée que je veux exprimer c’est que j’ai pris sur moi de supporter une interaction qui m’est difficile par respect pour le besoin que mes collègues ont de savoir que je les voient et que je les prends en compte, parce que je sais que c’est une chose qu’il leur est nécessaire. Et c’est ça être compréhensif, c’est savoir que mes collègues ont autant besoin que je les regarde, qu’il m’est difficile de le faire. Et le compromis, c’est de faire semblant de les regarder.
Par exemple, je ne regarde pas les gens directement dans les yeux, je focalise mon regard sur un point proche de leurs yeux qui sont alors « flou » (pas au sens littéral du terme, je veux dire que je ne les vois pas au même titre que je n’ai pas de vision d’ensemble d’une image alors que je remarque des détails qui peuvent être imperceptibles à d’autres) ce qui rend l’échange visuel plus agréable pour moi et puisqu’ainsi mon interlocuteur pense que je le regarde, lui aussi n’est pas frustré. Et ce désir d’être salué est à mon sens du même ordre que celui d’être regardé, c’est avoir la preuve que l’autre nous voit. Et j’envisage d’ailleurs que c’est pour ça que la collègue de bidouille ressentait le besoin d’être saluée par cette collègue qui le lui refusait, en ce sens que c’est comme si elle lui refusait le droit d’exister. Mais bon, peut-être que je fais totalement fausse route !
«Je n'ai pas compris, qu'entends-tu par "investir l'autre" ?»
Investir l’autre ça veut dire concentrer mes capacités cognitives pour lui donner forme, c'est-à-dire le reconnaitre comme un être doué de pensée et de sensation, avec lequel il m’est possible d’interagir. C'est-à-dire qu’avant de commencer l’échange je dois d’abord « réaliser » qu’il a une personne avec qui interagir.
Là je ne comprends pas, en quoi ton investissement "insuffisant" serait obsolète ?
Ce n’est pas le fait de dire le mot « bonjour » qui pose problème. Je te donne un exemple : si je suis en train de regarder dans ma loupe binoculaire, que quelqu’un me parle et que je le salue sans lever les yeux, par pur automatisme, il va rester à coté de moi jusqu’à ce que j’ai quitté ma loupe et que je l’ai regardé (cela m’arrive assez souvent). Saluer quelqu’un, ce n’est pas juste dire bonjour, au sens de faire sortir le son « bonjour » de sa gorge. Il s’agit d’un échange, qui se manifeste par un ensemble d’éléments qui te sont tellement naturels que tu ne les réalises peut être pas. Preuve en est que si tu remplaces le terme bonjour par n’importe quel terme neutre, ou même une simple onomatopée, la salutation fonctionne tout de même.
Mon problème n’est pas de prononcer le mot bonjour, c’est de faire tout ce qui l’accompagne. C’est là la différence entre quelque chose de naturel et de pensé. Or, pour faire ces choses, à savoir manifester par un contact visuel que l’on a pris conscience de la présence de l’autre, moduler son timbre de voix pour énoncer au bon volume et avec la bonne intonation son « bonjour », manifester par une mimique de visage son humeur ou tout au moins l’humeur que l’on veut laisser transparaitre en fonction du degré d’affinité qu’il y a avec la personne saluée, estimer le type et la durée de l’interaction que l’on est censé avoir avec telle ou telle personne en fonction de notre relation et de notre statut, toute ces choses qui viennent à d’autres naturellement, moi je dois les penser. Et penser tout ça demande de monopoliser ses capacités cognitives. C’est pour ça qu’il n’y a pas d’échange dans lesquels je ne sois pas investie, c'est-à-dire que je dois ardemment penser chacun de mes échanges, même un simple bonjour.
Alors si je ne pense pas l’échange, il n’y a pas d’échange. Ce processus ne peut pas devenir automatique, ce qui le devient c’est de se forcer à penser l’échange quand une personne rentre dans la pièce.
« Et de limiter le bonjour à un bonjour simple sans conversation superficielle derrière (car apriori, dans ce que tu dis ce sont ces conversations "vides" qui te posent problème. »
Les échanges futiles, par exemple sur la météo (un jour je prendrais le temps de calculer le nombre d’heures de ma vie perdu à écouter un de mes collègue spécialiste de ce genre de bavardages météorologiques… ou pas, ça risquerait de franchement me déprimer…) sont effectivement très complexes à gérer, que ce soit dans le cadre d’une salutation ou à n’importe qu’elle occasion d’ailleurs. Mais le problème c’est de clôturer l’échange, qu’il y est eu un simple bonjour, ou une conversation à la suite. Bien qui j’avoue que plus l’échange banal se poursuit, plus je me retrouve prise au dépourvu quand il faut y mettre un terme.
Par exemple, si je croise quelqu’un dans un couloir et qu’il me dit bonjour en passant, la distance physique met un terme à l’échange. Et c’est le meilleur moyen que j’ai trouvé à ce jour pour être certaine que l’échange est terminé. En réalité les choses sont assez simples quand c’est l’autre qui met un terme à la conversation, parce qu’il quitte mon bureau par exemple, ou que je le croise dans un couloir et qu’il décide de ne pas s’arrêter. Mais quand je suis celle qui rentre dans un bureau pour dire bonjour, je ne sais plus comment le quitter. Si je passe la tête en coup de vent et que je pars, personne ne me répond, donc j’en conclue que quelque chose n’a pas fonctionné, et si je reste dans la pièce, je ne sais plus comment la quitter. Le problème c’est que je n’arrive pas à évaluer si l’échange est terminé et du coup je ne sais pas si je dois rester ou quitter la pièce et si je dois dire quelque chose en partant. Et comme chaque jour c’est différent, il m’est totalement impossible de trouver une parade efficace. Par exemple, si je rentre dans une pièce pour saluer mes collègues et qu’ils sont en train de parler, je suis incapable de savoir si oui ou non je peux interrompre leur discours. Parce que la convenance veut que dans certains cas oui et dans d’autres non. Mais comment savoir dans quel cas je me trouve ? C’est là la difficulté.
Pourquoi te sens-tu obligée de te désinvestir brutalement de l'échange ? Parce que tu as l'impression de souler l'autre ? Je veux dire, ta réaction vient de ce que tu ressens vis à vis de toi ("il se fait chier quand je lui parle", "je le soule", "il s'ennuie", "il me comprend pas" etc) ou bien au fait que sans relance de sa part tu ne vois pas comment faire pour poursuivre l'échange et que donc ben, tu dois le rompre ? (ou peut-être une autre raison à laquelle je n'ai pas pensé)
Très bonne question, il y a plusieurs configurations possibles et je ne pense pas toutes me les rappeler mais si je devais donner un schème général je dirais qu’il y a 3 types de réactions qui créent un désinvestissement brutal, certaines pouvant parfois se combiner :
1. Mon interlocuteur ne me comprend pas. Il va me répondre des choses comme « hein ? » ou « quoi ? », alors je reformule, parfois deux ou trois fois et je commence à avoir le sentiment de ne parler la même langue que mon interlocuteur, alors je finis par arrêter de lui parler. C’est un peu comme quand on essaye de parler dans une langue qu’on maitrise mal et qu’on finit par faire des gestes, sauf que j’ai pas de gestes pour me faire comprendre. Et là, c’est la prise de conscience brutale que je ne peux pas communiquer malgré mon désir ardent de le faire, alors je dois refouler ce désir, ce qui crée une frustration.
2. Mon interlocuteur cesse de me répondre ou ne dit que des oui/peut être/je ne sais pas. Dans ces cas là, je me rends compte que je n’aurais pas de réponse suffisamment chargée de sens pour pouvoir construire un discours avec mon interlocuteur. Que ce soit que le thème ne l’intéresse pas, ou que son esprit soit monopolisé ailleurs, il n’est pas en état de discuter avec moi, le but de l’interaction m’échappe et je ne sais plus quoi dire.
3. Mon interlocuteur manifeste explicitement son désintérêt pour l’échange. Les réactions sont assez variées et peuvent aller souffler quand je parle (peut être qu’il y a des signes avant, mais en tout cas ils ne m’interpellent pas) jusqu’à me demander carrément de ne plus parler (ça arrive plus souvent qu’on pourrait s’y attendre, et même avec des gens avec qui j’ai d’assez bonne relation), où tout au moins de ne pas parler de tel ou tel sujet. Par exemple, « ah non ! ne viens pas nous parler du travail, maintenant on mange et c’est tout » ou alors je me rappelle de cette superbe phrase, alors que je discutais d’Avatar (le film) avec un collègue cinéphile tandis que nous mangions avec trois autres personnes, l’une d’entre elle me coupe en plein milieu d’une phrase et dit : « bah dis donc, c’est comme si on regardait scène de ménage », interpellée je lui demande pourquoi et elle me rétorque : « vous parlez tellement que c’est comme manger en regardant la télé et nous on est juste là, à vous regarder parler »... Alors non, tu vois je n’ai besoin de me demander si je saoule les gens, ils n’ont pas trop de problèmes à me le dire d’eux même ! Quand quelque chose du genre se produit, je me rends compte que j’ai été trop invasive, alors je me réfrène, et comme il n’y a pas de juste milieu, tout retombe comme un soufflet, et je ne sais plus quoi dire ou faire. Maintenant, est ce qu’avec le recul j’en veux à cette collègue ? Non, pas du tout, je pense qu’elle s’est sentie oppressée et qu’elle a eu besoin de borner mon discours, mais je me demande tout de même si elle réalise la violence de cette intervention…
« mais bon je vois pas trop ce qui te conviendrait si tu es dans le refus catégorique du compromis... »
Encore une fois je crois que nous nous sommes mal compris sur le but de ce post. Il n’est pas question pour moi de me plaindre de mes collègues et d’exprimer un souhait de les changer. Je n’ai pas de telles aspirations, j’ai la chance de parvenir à maintenir un équilibre plus que satisfaisant dans ma vie quotidienne, ce qui ne m’empêche pas de vivre des moments difficiles. Mais je n’ai pas pour autant l’illusion de croire que ce n’est là que l’apanage seul de ce qui ont une structure autistique ! Ce que je voulais, c’était te faire prendre conscience, par mon exemple, qui n’est certainement pas le seul, de la violence que peut avoir le quotidien et que ce n’est pas par manque d’efforts que certains ne donnent pas suffisamment le change. Puisqu’au fond ce n’est que de ça dont il est question, c’est jouer la « comédie sociale », c’est faire semblant d’être adapté. Et malheureusement, plus on est doué à ce jeu là, plus les erreurs sont sanctionnées avec violence.
Quant à la question des contacts physiques, que je ne souhaitais pas vraiment évoquer plus avant, bien sur que l’on peut préciser qu’on ne les «apprécient pas» (pour rester simple et ne pas exposer les angoisses que certains contacts peuvent provoquer. D’ailleurs, ironiquement j’ai plus de mal avec le fait de serrer la main qu’avec la bise, parce que je ne supporte pas qu’on exerce une pression sur mon corps, le pire étant certainement d’être serrée dans les bras ou même qu’on exerce une pression sur mes épaules pour me féliciter…). Mais avec qui ?
Et c’est là tout le problème. Je peux dire à la collègue avec qui je partage mon espace de travail et avec qui j’ai une bonne relation que je préfère éviter la bise. Mais est ce que je peux dire à mon supérieur que je ne veux pas de contact physique ? Est-ce que je peux le dire à un Professeur des Universités, grand ponte de mon domaine, que je n’ai pas envie de lui serrer la main ? Je suis désolé, mais je ne pense pas. Et quand je pars à l’étranger et que je côtoie des scientifiques d’autres nationalités pour qui les embrassades sont une marque de respect, puis je le leur refuser ?
Et quand est-il de ces collègues avec qui je partage rien de plus que des locaux, mais qui veulent me faire la bise parce qu’on « mange ensemble » dans le sens où l’on s’assoit à la même table le midi (il n’y en a qu’une dans mon laboratoire…) ? Je suis censée leur expliquer mes spécificités, leur exposer des choses qui sont au final très intimes, alors que la conversation la plus poussée que nous ayons échangés concernait la météo… ? Je vois la scène d’ici : salut/ça va bien et toi ?/oui, tu as raison il fait chaud aujourd’hui/ Ah, au fait, ça serait sympa si tu pouvais éviter de me faire la bise parce que j’ai une violente intolérance aux contacts physiques et que c’est vraiment dur à gérer pour moi, tu sais ce n’est pas contre toi mais cela provoque en moi des angoisses de mort et parfois je suis obligé de rester allongée trois heures sur le parquet de ma chambre pour me remettre d’une embrassade/ tu vas prendre un café ?
Parce qu’à un moment c’est bien beau d’espérer que les gens soient compréhensifs et ouverts, mais il ne faut pas se leurrer, si j’avais exposé mes traits autistiques au grand jour, je ne serais probablement pas où je suis aujourd’hui et je n’aurais probablement aucune chance d’aller où je veux. Je n’ai pas honte ce que je suis, aussi loin que je me souvienne je n’ai jamais désiré être autre chose que ce je suis, et cela bien avant d’être capable de mettre des concepts ou même des mots sur mes originalités, comme elles étaient si joliment appelées dans mon enfance. Mais une chose est sûre, je n’ai pas l’intention de laisser d’autres choisir pour moi ce que je suis ou non capable de faire, et si ça veut dire encaisser toutes ces frustrations, alors je le ferais, et si je m’effondre, il sera toujours temps d’aviser. Là, il y a probablement un peu d’affect ^^ !
Que les choses soient clair, je n’ai aucun problème avec l’autisme, j’ai un problème avec l’image qui en est véhiculée. Et je pense que tu es certainement bien placé pour comprendre mes propos, étant donné tes réactions vis-à-vis de la généralisation sur les neurotypiques. Je vais te raconter une petite anecdote.
Quand j’étais au lycée, j’ai rencontré un garçon tout à fait unique dans une petite salle d’étude presque toujours vide. Chose assez rare pour moi, je suis celle qui a initié le contact avec lui, parce que ce jour là il m’avait intrigué. Il était en train de lire un disque 33 tours avec des bouchons de stylos et j’ai adoré ça. Après 4 ans, nous étions toujours en contact, malgré le fait que nous ayons tous deux quitter notre région d’origine et nous partageons encore le même groupe d’amis. Un jour, alors qu’il était rentré dans notre région et pas moi, il est allé avec nos amis communs au restaurant, qui m’ont rapportés lors d’une réunion, où cette fois j’étais là et pas lui, un événement relatif à cette soirée. Le garçon avait semble-t-il complètement vidé la carafe d’eau située de son coté de la table, sans que personne d’autre n’est eu le temps d’en boire, et un de nos amis s’en était plaint. Alors, les autres, outrés par son comportement, lui ont dit quelque chose du genre : « mais enfin, tu te rends compte de ce que tu dis, il est autiste ! ». A cette époque, je n’aurais même pas imaginé que mes spécificités étaient liées à une structure autistique et pourtant je n’ai pas pu m’empêcher de leur répondre : «mais quel(s) con(s) !». Au début ils pensaient que je partageais leur opinion sur notre amis qui avait crée une scène alors j’ai précisé : « vous êtes tous des cons ! (on s’entend tous suffisamment bien pour être relativement franc sans se disputer) Lui, il est con parce qu’on n’en à rien à faire qu’O. ai fini la carafe, il suffisait d’en demander une autre et vous, vous êtes cons, parce qu’on en à rien à faire qu’O. soit, autiste, s’il a bu, c’est qu’il avait soif ! »
Je pense que tu auras bien compris mon propos, puisqu’il me semble que nous sommes d’accord au vue de tes réactions sur l’intitulé de la discussion. Au même titre que tu n’aimes pas que l’on généralise l’action d’une neurotypique à tous les autres, j’ai en horreur le fait que l’on plaque sur les gens les préjugés liés à la case dans laquelle la société les placent !
Toutefois, je comprends ton point de vue, comment adapter son comportement si l’on ignore que notre attitude pose problème à l’autre ? C’est une excellente question. Pourtant, même si je trouve cette demande somme toute légitime, je ne peux pas m’empêcher de voir une forme d’égoïsme dans celle ci. Le mot peut sembler fort et porter à confusion, comme ce fut le cas sur certains termes de mon post précédent, donc je vais essayer d’expliciter au mieux le sens de mes propos. Quand je parle d’égoïsme je le fais au sens métaphysique du terme, c'est-à-dire au sens d’une « position-limite d'un idéalisme pour lequel seul existe le sujet pensant, le monde extérieur n'étant que sa représentation », donc dans le sens d’un solipsisme, d’une attitude qui « dans son expression, sa création, sa vision du monde, privilégie la solitude de sa subjectivité ».
Qu’est ce que vos collègues savent de vous ? Que connaissent-ils de votre vie ? Connaissent-ils vos peurs, vos pensées, vos désirs, votre intimité la plus profonde? Et qu’y a –t-il de plus intime que nos pensées, notre vision du monde, ce qui se joue devant nos yeux pendant que, dans la mienne pièce, au même moment, d’autres choses se jouent pour ceux qui sont à nos cotés ? Alors, pourquoi devrais je exposer, à ceux qui seraientt les premiers à trouver légitime qu’on protège leur vie privé, et avec raison, ce qui m’est le plus intime. Mes angoisses, mes difficultés, mes rêves, mes aspirations, toutes ces choses m’appartiennent, et j’estime être en droit de choisir où, quand et avec qui je veux les partager. Il me semble que cette volonté devrait constituer un droit absolu et inaliénable pour tous.
On pourrait ici me reprocher de refuser de faire des compromis, mais je ne pourrais m’empêcher d’y voir une injustice, dans le sens où je me demande bien pourquoi être autiste me prive de vie privé. Pourquoi le prix à payer pour avoir le droit de voir mon existence reconnue devrait être de sacrifier cette intimité ? Pourquoi devrais je me justifier de ne pas penser comme mes collègues, alors qu’eux n’ont pas à se justifier de penser différemment de moi ? Ils n’ont pas à faire ce travail que je fais pour poster ces mots sur ce forum, à chercher à comprendre, à donner sens et forme à ce qui leur est naturel et ne devrait nécessiter de justification. Après tout, c’est leur erreur de penser que leur pensée est la seule. Tu dis que c’est par expérience que tu considèrerais l’absence de bonjour comme une marque d’animosité, mais je ne peux m’empêcher de me demander, dans ces multiples expériences, combien de fois as-tu réellement su ce que cette absence de bonjour pouvait signifier ? Combien de fois as-tu discuté du sens qu’il pouvait revêtir dans la réalité de celui qui t’avait refusé ce contact ? En quoi cette expérience est-elle autre chose qu’une extension de ta propre réalité sur l’action d’un autre ? Décider arbitrairement de donner un sens subjectif à l’action d’une autre subjectivité, dont on ignore les fonctionnements propre, c’est ça que je trouve un peu nul.
Je ne suis pas contre la discussion, bien au contraire. J’adore parler et échanger sur les différentes réalités perçues par ceux qui m’entoure. Il y a peu, j’ai eu un souci au travail, ou disons plutôt qu’une tierce m’a fait un reproche sur ma relation avec une collègue que j’aurais selon elle étouffé, tout en me laissant entendre que le reproche venait de ma collègue. J’ai donc décidé de discuter avec elle. Je suis allée la voir et je lui ai demandé si elle pouvait répondre de manière très franche à une question, à savoir si elle avait déjà eu le sentiment que je l’avais étouffé. Nous avons discutés près de deux heures et d’une part elle m’a explicité le fait qu’elle n’avait jamais volontairement sous entendue une telle chose et qu’elle appréciait fortement que je soit venu lui parler directement, sans prendre pour argent comptant ce que m’avait dis cette tierce personne, et d’autre part qu’elle pensait que nous avions une excellente relation, que malgré nos modes de fonctionnements très différents, nous arrivions a cohabiter et qu’elle trouvait que je suis une personne très attentionnée. Je n’ai jamais parlé avec cette collègue avant ce jour de mon mode de pensée. Elle ignore que je suis de structure autistique ou la nature et l’étendue de mes spécificités. Pourtant, quand il a y eu un problème nous avons discuté, nous avons toutes les deux explicité notre sentiment par rapport à notre relation, comme deux être égaux. Parce que lorsqu’il y a un problème relationnel, il y a toujours deux personnes en causes, même si l’une d’entre elle est autiste.
Je n’ai pas honte de ce que je suis. Je n’ai pas honte d’avoir un mode de pensée autistique. Mais ce n’est pas pour autant que je souhaite le divulguer au gens qui m’entoure. Et ce n’est pas parce que je n’assume pas d’être différente ! J’ai toujours criée haut et fort ma fierté d’être telle que je suis, et ceci bien avant d’avoir la moindre idée de ce qu’était l’autisme. Ce que je ne veux pas, c’est que les gens m’enferment dans leur propre conception de ce qu’est ou n’est pas l’autisme. Autiste ne me définit pas plus que neurotypique ne te définis, ce n’est qu’un terme, un regroupement arbitraire de caractéristiques que l’on est censé partager, ou non, avec d’autres. Ce qui m’intéresse c’est les gens, pour ce qu’ils sont, pas pour ce qu’il semble être ou ce qu’il devrait être. Et j’aimerais que les personnes qui me côtoient le fassent pour ce que je suis vraiment. Du coup, ils n’ont pas plus besoin que moi de savoir si je suis autiste ou n’importe quoi d’autre. Ils ont juste besoin de savoir si ce que je leur apporte leur convient ou non, s’ils ont envie de faire des efforts pour que nous échangions ou non et si je vais marquer leur existence ou non. Le reste n’a aucune importance.
J’aime beaucoup ton exemple sur les transsexuels et leur problème de vestiaire. Toutefois j’aurais une question. Qu’en est-il des homosexuels ? Et des bisexuels ? Et des hétérosexuels complexés par leur corps ? Je suis d’accord avec toi, les gens ont le droit d’avoir leur propres milites. Et ici la limite c’est d’être gênée d’exposer son corps devant une certaine catégorie d’individus, et ça, ça n’a rien à voir avec ton corps ou avec ta sexualité, c’est juste une histoire de complexe. Mon propos n’est pas ici de donner un ordre de valeur à ces différents cas, tout ce qui compte c’est la souffrance de leur individu vis-à-vis du regard des autres et de leur rapport à leur propre corps. D’ailleurs le non mixité des vestiaires n’a pour but (en se référant à des normes sociales)que de mettre à l’aise le plus grand nombre, en partant du principe qu’il y aura moins de gêne entre personnes du même sexe. Mais cette parité n’est pas une nécessité pour tous, je doute que la mixité d’un vestiaire pose problème dans un camp naturiste ! Ainsi, même si les origines du problème peuvent être variables, en pratique le besoin reste le même.
Tu n’aimes pas faire la bise. Je n’aime pas ça non plus. Qu’est ce que notre façon de penser a avoir là dedans. Bien sûr, ça n’a surement pas les mêmes origines et implications pour toi et pour moi et nous n’aurons probablement pas les mêmes manières d’appréhender le problème, pourtant la limite reste globalement la même (en faisant abstraction d’intensité, mais j’ignore totalement à quel point il t’est difficile de supporter la bise et je ne suis pas sûre qu’il y est moyen de comparer et de toute manière, est ce seulement nécessaire). Alors pourquoi devrais je m’en « justifier », pour reprendre tes mots, par mon autisme ? J’ai une limite, respectez là, point. Pourquoi je devrais exposer mes angoisses pour qu’on accepte cette limite comme valide. Je suis d’accord, tout un chacun devrait accepter les limites d’autrui, alors pourquoi devrais-je expliquer en quoi mes processus psychologiques, liés à ma nature mentale différente, rendent l’action de dire bonjour difficile ? Pourquoi ne puis-je simplement pas dire qu’il m’est désagréable d’avoir ce genre d’échange, comme tu as dis à tes camarades que tu n’appréciais pas la bise ? Parce que si je le fais les gens me répondront sûrement que ça ne demande pas trop d’effort de dire bonjour et que ça met tout le monde mal à l’aise si je ne le dit pas. Alors je leur répondrais que pour moi c’est difficile. Et ils me diront que je ne fais juste pas suffisamment d’effort… où est-elle, la compréhension là dedans ?
Pourquoi quand quelqu’un te dit qu’il trouve que dire bonjour est hypocrite tu lui refuses le droit de s’en abstenir ? N’est ce pas typiquement un solipsisme de refuser sa vision de cet échange comme étant valable ? Si tu n’as pas le souhait de partager son point de vue, libre à toi, mais émettre un jugement de valeur sur celui-ci est à l’opposé de la compréhension. Maintenant, quand je t’explique la souffrance que provoque chez moi cet échange, tu deviens compatissant (et je t’en remercie d’ailleurs), et toute la discussion prends une dimension affective, alors que je peux parfaitement parler de ma souffrance sans y faire intervenir mon affect (de part la nature même de ma pensée, en ce sens que j’ai toujours une certaine distance vis-à-vis des choses que je reconstitue mentalement). Cette compassion dont tu fais preuve à mon égard est liée à l’empathie que tu éprouves pour ma souffrance, car si tu n’as jamais souffert de dire bonjour, tu as déjà souffert, puisque c’est un ressenti primaire (au sens de premier, c'est-à-dire valable pour tous, peut importe la structure mentale, quoique la question de savoir si nous souffrons tous de la même manière reste à poser, même s’il est probablement impossible d’y répondre… ^^). Et n’est ce pas là un sentiment d'affliction que tu éprouves pour mes souffrances, et qui t’encourages à essayer de les soulager ?
Si j’ai mal interprété ton post, je m’en excuse ^^. Maintenant, si tu es d’accord avec la dernière phrase du paragraphe précédent, alors ce que tu éprouves à l’égard de mes propos, c’est de la pitié. Et si tu penses qu’en justifiant mes limites par mon autisme mes propos sont davantage recevable, j’ai du mal à y voir une forme de compréhension, en ce sens que ça signifierait que tu pars du principe que ceux qui ne sont pas autiste partagent la même subjectivité que toi, ce qui n’est absolument pas garanti, et même peu probable. Parfois j’ai l’impression, et peut être est-ce une erreur de ma part, que bien souvent les neurotypiques (pour généraliser vulgairement, je pense avoir assez démontré que ma vision est bien plus hétéroclite qu’un découpage autiste/neurotypique) sont enclins à transposer leur propre subjectivité sur les autres et qu’ils sont davantages dans l’illusion de la compréhension de l’autre que dans sa compréhension réelle. Du coup, quand quelqu’un se montre prévenant à mon égard parce que je lui expose mes souffrances, je suis davantage encline à y voir de la compassion.
Est-ce que ça signifie pour autant que c’est négatif ? Est-ce que je t’en voudrais si ton sentiment à mon égard est compassion et non compréhension ? Non, bien sûr que non ! C’est juste que dans mon monde idéal les gens seraient plus compréhensifs et moins compatissants. Mais un monde idéal, reste un idéal et je pense qu’il est beaucoup plus aisé d’être compatissant que compréhensif. On est bien plus enclin à compatir pour un enfant battu qu’à être compréhensif envers ses parents, et ça se conçoit bien. Parce qu’être compréhensif c’est admettre que les idées les plus opposées à sa propre vision des choses ont autant le droit d’exister que celles donton est le plus intimement convaincu, et ce même si on ne les partagera jamais. Est-ce que je me pense compréhensive ? Parfois oui, mais bien souvent non. Parce qu’il y a des limites dans ma compréhension, comme dans celle de tout un chacun. Le problème c’est qu’on ne sait jamais quand est ce qu’on se situera dans les limites conceptuelles de notre interlocuteur, c’est à dire quand il lui sera impossible de nous comprendre, et c’est valable pour tout le monde, autistes, neurotypiques ou autres ^^ !
Bref. Je crois avoir essayé de répondre à tes questions et en avoir soulevé de nouvelles ^^. Pardon si je me suis perdue et que j’en ai oublié en chemin... Encore une fois, j’espère ne pas te paraitre agressive ou émettre un jugement de valeur sur tes propos. J’essaye juste de te faire saisir ma propre vision des choses, je ne cherche pas à te l’imposer. Tout ce que j’espère c’est que cet échange nous aidera, tout deux et ceux que ça intéressera, à élargir nos propres conceptions !
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Re: La pensée neurotypique du jour?
@ Faisceau Concentré: Merci!
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Re: La pensée neurotypique du jour?
La solution que j'avais fini par adopter (quoique pas pour cette raisonFaisceau Concentré a écrit :Au final, mes bonjours préférés au travail sont ceux échangés en se croisant, ceux qui n’amorcent aucun discours !
au départ) : j'avais décallé mes horaires de travail et arrivais donc
systématiquement le dernier. De ce fait, en arrivant je faisais le tour
des bureaux en coup de vent pour saluer, avec de bonnes raisons
pour ne pas m'éterniser en palabres oiseuses :
- ne pas déranger ceux qui avaient commencé à travailler;
- me dépêcher, à mon tour, de me mettre à travailler.
Du coup, toutes ces salutations étaient baclées en cinq minutes !
Tiens, c'est marrant car je ne met aucun affect dans ma visionFaisceau Concentré a écrit :La bienveillance est dictée par l’affect, et l’affect est par nature une chose très changeante.
de la bienveillance, et je ne le supporterais absolument pas.
Je vois plutôt la bienveillance comme un état d'esprit positif,
non pas uniquement à l'égard d'une personne, mais général.
Le genre : "tu es différent, ok, je ne vais pas te juger pour ça".
C'est ce que j'ai éprouvé là où j'ai bossé pendant plusieurs années.
On n'était pas nombreux, mais les personnalités étaient diverses,
assez marquées, et l'atmosphère bienveillante faisait que
personne ne faisait grand cas des particularités des autres.
Remarque : pris d'un doute, j'ai recherché le sens de bienveillance,
et cette première définition me convient tout à fait :
"Disposition généreuse à l'égard de l'humanité".
C'est donc bien de cette bienveillance là dont je parle,
et surtout pas d'une version personnalisée, avec affect ...
Voilà un point qui me paraît extrèmement important.Faisceau Concentré a écrit :Parce qu’à un moment c’est bien beau d’espérer que les gens soient compréhensifs et ouverts, mais il ne faut pas se leurrer, si j’avais exposé mes traits autistiques au grand jour, je ne serais probablement pas où je suis aujourd’hui et je n’aurais probablement aucune chance d’aller où je veux.
Dans la petite société dont je parle ci-dessus,
cela s'est très bien passé pendant près de quinze années.
Cela m'a demandé bien des efforts, mais j'y avais trouvé
une place, mes compétences étaient reconnues,
et mon travail plus qu'honnètement récompensé.
Mais : me serais-je vu proposer certains choix
si j'avais été officiellement connu comme Asperger ?
Je n'aurais jamais la réponse à cette question ...
TCS = trouble de la communication sociale (24/09/2014).