Y'a-t-il un lien entre autisme et dysphorie de genre?

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Asriel
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Re: Y'a-t-il un lien entre autisme et dysphorie de genre?

Message par Asriel »

Disons que je ne vois pas du sexisme partout. Je ne suis absolument pas convaincu que ce soit une énième technique pour rendre invisible le genre féminin, c'est simplement une question d'usage que je m'efforce d'utiliser quand j'y pense.
Exemple : Les élèves sont intéressantes, pour parler d'une classe qui a une majorité de filles.
Certes, il s'agit là encore d'une règle de majorité, mais cette règle est à la discrétion arithmétique de chacun pour ce qui est d'une situation où la certitude sur les genres est totale, mais cette règle fonctionne aussi quand on ne les connait pas, alors là, chacun sera libre d'utiliser le pronom qu'il veut.
Quant au genre neutre, je ne suis pas sûr qu'il faille donner un sens politique à des pronoms. Je veux signifier ; le genre neutre ne renverra jamais à la pluralité des genres qui existent, ce n'est pas vrai, il sera toujours imprécis parce que neutre, là où il existera des intersexués, des non-binaires ou des genres fluides... Donc le genre neutre souffre aussi de ces imperfections et de ce manque de précision.
Le but d'une écriture neutre (et donc féministe)
Si l'ambition du neutre était bel et bien inclusif, il me semblerait de prime logique d'abandonner ses motivations politiques et donc féministes par extension. Il n'y a rien de plus exclusif qu'un combat politique qui commence par fém- ou par masc-.
En-dehors de cela, je partage l'avis de Salicorne sur la question. À tout vouloir politiser, même la langue, vous vous lancez dans une sorcellerie linguiste, laquelle ne me paraît pas opportune. Cela est avant tout mon opinion, et si je plaide pour un 50/50 à la discrétion de tout le monde, j'admets que cela aurait été plus simple si à la source, on n'avait pas ancré dans les mœurs que le masculin était... masculin, mais uniquement neutre.
Il me semble que les motivations à ces changements voient dans la masculinité du langage une oppression ; le problème c'est qu'un outil n'est ni oppressif, ni inclusif, il est ce que l'on veut bien en faire.
Je crois, dès lors, que le langage inclusif répond à des considérations politiques que les linguistes n'ont pas à prendre en compte. En la question, je ne soutiens ni Richelieu, ni le féminisme ; et je laisse au bon usage de ma propre langue, les aspirations auxquelles je crois.

Le problème étant : cela fait-il de moi quelqu'un de sexiste, de transphobe, d'intolérant aux autres genres ? :) . C'est le piège dans lequel tombe ce genre de choses.
Il n'y a qu'une seule vérité !
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freeshost
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Re: Y'a-t-il un lien entre autisme et dysphorie de genre?

Message par freeshost »

On ne devient pas forcément intolérant mais on véhicule certaines structures, certaines institutions, [je rajoute, après édition] certains paradigmes, certains stéréotypes[j'ai rajouté] quand on en utilise les outils.

Mais, heureusement, les outils tout comme les usages peuvent évoluer, naturellement ou politiquement. :)
Modifié en dernier par freeshost le dimanche 8 janvier 2017 à 20:24, modifié 1 fois.
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Mizton
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Re: Y'a-t-il un lien entre autisme et dysphorie de genre?

Message par Mizton »

Salicorne a écrit :En pratique, si un professeur dit : "Que ceux qui connaissent la réponse lèvent la main !", les élèves comprennent que cette phrase ne s'adresse pas uniquement aux garçons. Le professeur n'est nullement obligé, pour se faire comprendre, de préciser "celles et ceux".
Bien sûr, car on a intégré l'usage du masculin comme étant équivalent à un neutre par défaut, alors que par définition, le masculin n'est pas... neutre... il est masculin. Et non, ce n'est pas anodin. La grammaire française est officiellement sexiste, la raison donnée a été ouvertement "le masculin l'emporte sur le féminin car le masculin est plus noble que le féminin. Et s'il l'est c'est parce que le mâle est supérieure à la femelle".
Désolé mais une telle "justification" est bien une preuve indubitable que la langue est politique... L'usage a suivi une règle, à la base, qui était sexiste.
On est d'accord qu'une langue est vivante car soumise à l'évolution des moeurs etc. Or justement, la transformation progressive de la langue en la rendant inclusive est aussi une question d'usage. L'idée n'est pas d'imposer de nouvelles règles, c'est de les mettre en pratique. Personne n'a dit un jour : tiens, on va créer le mot selfie et on va l'imposer. Non, le mot a été massivement utilisé donc ensuite il a été intégré aux dictionnaires.... Il en va de même avec les pronoms neutres, et les accords neutres... ça prendra peut-être des années, des siècles, mais la façon dont on parle a un impact important sur la façon dont on pense, même (et surtout ?) s'il est inconscient...
Vouloir influencer la langue en se basant sur des codes écrits m'apparait comme essentiellement politique. Ce que certains nomment pompeusement la "communication inclusive", est à mes yeux, bien au contraire, excluant pour tous les non-initiés à ce sociolecte basé sur une théorisation linguistique archaïque et contestable en bien des points. Ce code demande un effort supplémentaire pour le scripteur comme pour le lecteur. Il impose une désynchronisation de surcroît entre le code écrit et la langue orale. Enfin, il ne garantit aucunement une meilleure prise en considération des droits des individus. Le persan ne connait pas de genre grammatical, mais les iraniens sont, je pense, moins bien lotis que les français en matière de sexisme.
En quoi la grammaire inclusive se base-t-elle sur "une théorisation linguistique archaïque" o_O ? Je ne vois pas en quoi l'inclusion serait élitiste (car excluant les non-initié-e-s) . Quand on écrit "les patient-e-s" tout le monde comprend... Bien sur qu'au départ c'est un usage minoritaire... Mais alors dans ce cas là, les gens qui parlent de "selfies" sont excluant parce que tout le monde ne comprend pas d'emblée de quoi il s'agit ? Moi je vois ça comme un enrichissement de la langue... on l'apprend, on s'y sensibilise, on prend progressivement de nouvelles habitudes, et on se rend compte que ce n'est pas si compliqué que ça en à l'air.. Il faut bien commencer quelque part. Et franchement, les premières fois que je lisais des textes écrits de façon inclusive, je n'ai jamais eu le moindre problème à comprendre.
Il y a des propositions de modifications très profondes, qui sont généralement présentées comme des évolutions de "second temps", et là, oui, c'est déjà plus complexe à capter, mais je ne les ai jamais vu utilisées pour le moment... Justement parce que ce sont des propositions, et que ce n'est pas applicable pour le moment, donc pas utilisé.

Prétendre que le "masculin neutre" n'existe pas est un contresens quand on observe les usages encore bien ancrés dans la langue française, ainsi que les nouveaux usages qui apparaissent. Je ne comprends pas du tout pourquoi les personnes diversement genrées ont un problème avec l'usage courant du genre "masculin", et préfèrent inventer des termes parfois insensés, comme "quelque-unes" au singulier. En quoi est-t-il présumant de dire "J'ai vu la silhouette de quelqu'un. Il se trouve que c'était une dame, quelqu'un que je connais." ?
Ce que je voulais dire, c'est que le masculin est, par définition masculin. Il n'est pas neutre dans ce qu'il véhicule inconsciemment. Par l'usage il est utilisé comme tel, bien évidemment, et ça je n'ai jamais dit le contraire. Mais le considérer comme "neutre", ça sous-entend que le masculin est la base, la norme. Et que le féminin serait "tiré du masculin" (tiens ça rappelle un certains mythe religieux non?) Or l'omniprésence du masculin dans la société actuelle (patriarcale, j'ose espérer qu'on sera d'accord là-dessus....) n'est pas anodine.


Pour te répondre, Castiel, j'aimerais clarifier certains points.
1) "avoir des postures ou tenir des propos sexistes" (ou transphobes, homophobes, racistes, validistes, âgistes etc) ne signifie pas "être [sexiste, transphobe etc]". On vit dans une société raciste, colonialiste, sexiste, homophobe, transphobe (ou disons, cissexiste), validiste etc. Alors forcément on est imprégnés de ce genre de pensées, habitudes, façons de parler, réflexes, éducation etc. Qu'on fasse partie de la population privilégiée ou qu'on soit soi-même femme, trans, gay, racisé-e, handi, victime d'âgisme etc.
Le fait que tu ne veuilles pas invisibiliser les filles par exemple, ou que tu n'emploies pas le masculin dans ce but, ça n'empêche que ça a cet effet là si tu emploies systématiquement du masculin. Le fait qu'un enfant ne se déguise pas en "nati-f-ve américain-e" par racisme (mais juste par plaisir, parce qu'iel trouve ça joli, exotique etc) n'enlève rien au fait que se déguiser en nati-f-ve américain-e c'est une forme d'oppression...
En gros : ce n'est pas "l'intention qui compte", c'est les effets que ça a sur les populations opprimées (là en l'occurrence, les personnes natives américaines). Si tu lis en anglais, je t'invite à parcourir le site "everyday feminism", qui contient moults articles sur l'appropriation culturelle, sur l'impact des postures discriminantes involontaires etc.
ça ne veut pas dire que l'enfant qui se déguise est raciste, ni même que ses parents (qui l'ont laissé voire encouragé à le faire) sont racistes. Et l'idée c'est pas de les pointer du doigts et de les flageller sur la place publique. Mais juste de prendre conscience que tel acte/mot/etc est problématique, pourquoi, et quel impact ça peut avoir.

2)
le genre neutre ne renverra jamais à la pluralité des genres qui existent, ce n'est pas vrai, il sera toujours imprécis parce que neutre, là où il existera des intersexués, des non-binaires ou des genres fluides... Donc le genre neutre souffre aussi de ces imperfections et de ce manque de précision.
La grammaire neutre c'est quoi ? C'est une façon de ne pas genrer les individus. De ne pas le faire ni par volonté (je décide que ces gens sont des hommes et pas autre chose) ni par défaut (bof je sais pas donc on va mettre au masculin, ça englobera tout le monde quand même), mais parce que le genre, dans certaines situations est inconnu ou euh... 'irrelevant' (pardon j'ai perdu le mot :x)
Donc si en fait, de tels accords sont inclusifs, vu qu'ils ne précisent pas si on parle d'une personne de genre homme, femme, fluide, non-binaire, neutre, intergenre etc (note : être intersexe n'a rien à voir avec le genre, on peut être intersexe et de genre homme, femme, non-binaire, intergenre, fluide, agenre etc. Le terme intersexe donne uniquement une information biologique).
Le but c'est pas d'être précis, mais justement de ne pas utiliser le genre comme outil de précision dans des situations où au final on n'a pas besoin de préciser le genre, ou qu'on l'ignore (et donc on ne peut pas préciser quoi que ce soit vu qu'on en sait rien^^).
Si je dis "j'ai vu quelqu'un-e sur la caméra de surveillance, iel est habillé-e en blouson et jean, iel porte une casquette, a les cheveux longs et mesure environ 1m70" ça évite d'apporter le biais genré (qui va avec énoooooooormément de présupposés, de déductions stéréotypées etc.). Peut-être qu'en tant qu'autistes asperger vous êtes moins susceptible de fonctionner ainsi (associer des préjugés/stéréotypes à un genre ou l'autre) et donc avez moins ça en tête, mais ça a un réel effet sur les représentations des gens d'indiquer (ou supposer...) le genre de quelqu'un-e.
Bien sûr si tu connais la personne et connait son genre, tu vas pas en parler au neutre... Mais si tu la connais pas, ça permet au final de gagner en précision car ça omet un détail sur lequel tu n'es de toute façon pas en mesure de te prononcer.
Je sais pas si c'est très clair... Mais en gros, quand un bébé nait, c'est hyper frappant. S'il a été annoncé comme étant un garçon, d'emblée les gens auront tout un tas de représentation et de projections à son égard. On qualifiera l'enfant de vigoureux, fort, énergique etc. Si on annonce ce même bébé comme étant une fille, à comportement égal, l'enfant sera plutôt qualifié de mignon, gracieux, doux etc....

3) Je pense que nous n'avons pas la même définition du féminisme. Ce que j'entends (moi et bien d'autres hein, ce n'est pas ma petite définition perso, je précise) par féminisme ce n'est pas "le combat des femmes", un truc excluant ou qui n'aurait pour but de ne s'occuper que de privilégier les femmes ou quoi. Le féminisme c'est de l'humanisme, c'est justement prôner (et se battre pour faire reconnaitre) l'égalité entre les genres.... C'est se battre contre les inégalités liées au genre... Donc c'est réellement une démarche inclusive.
C'est entre autre pour ça que je suis pas super fan de l'accord de majorité par exemple, ou de la féminisation intégrale de la langue (qui est proposée par certain-e-s féministes, comme renversement radical quoi, souvent plus comme un outil revendicatif pour faire réfléchir, que comme un réel projet hein...), parce que je ne trouve pas que ce serait un réel outil égalitaire, je préfère l'égalité de traitement que le "on a été spolié pendant des décennies, donc on renverse la machine pour compenser".
En sachant que le masculinisme c'est une blague hein. Tout comme la misandrie, le racisme-inversé, l'hétérophobie... ça n'existe pas, ce ne sont pas des systèmes d'oppression systémiques.. là aussi j'ai pas l'énergie là pour illustrer ça mais vous trouverez surement plein d'articles là-dessus sur everydayfeminism, ou le blog trolldejardin (en français, celui ci).

Mais en tout cas comme le dit freeshost, un outil inégalitaire véhicule ces structures, des façons de penser (à différents degrés de conscience) qui ont un impact réel et qui est loin d'être anodin. L'intention ne fait pas tout, et quand on a ça en tête, on devient vraiment vigilent.. C'est pas agréable de s'entendre dire qu'on a eu un comportement sexiste, une posture raciste, qu'on a tenu des propos validistes, quand on fait de notre mieux pour être bienveillant-e, etc. Mais ce sera toujours moins désagréable que l'impact que peuvent avoir nos petites blagues, nos habitudes, nos actes etc pour les personnes concernées qui en payent les conséquences :) Et vraiment, ça vaut pour tout, et je le précise plutôt deux fois qu'une car on est vraiment toustes concerné-e-s par cela, autant moi que vous, et je veux pas que vous pensiez que je me pose en donneur de leçons ou quoi, j'espère en tout cas que je donne pas cette impression :x
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Re: Y'a-t-il un lien entre autisme et dysphorie de genre?

Message par Moonygirl »

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freeshost
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Re: Y'a-t-il un lien entre autisme et dysphorie de genre?

Message par freeshost »

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Salicorne
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Re: Y'a-t-il un lien entre autisme et dysphorie de genre?

Message par Salicorne »

Mizton a écrit :Bien sûr, car on a intégré l'usage du masculin comme étant équivalent à un neutre par défaut, alors que par définition, le masculin n'est pas... neutre... il est masculin.
Je ne suis pas d’accord avec ce postulat. Les appellations "genre masculin" et "genre féminin" (et même genre "neutre") sont impropres. Elles ont été choisies par analogie par les premiers grammairiens. Le genre "masculin" n'est pas masculin dans la majorité des cas car la plupart des termes de genre "masculin" (y compris ceux désignant des êtres vivants), ne contiennent pas dans leur définition le sème "mâle".
  • "bassin" désigne un objet. "bassine" désigne un autre objet, et n'est pas le féminin de "bassin".
  • "chat" désigne une espèce. Ce n'est pas nécessairement un individu mâle. Dans certaines langues (allemand : Katze, tchèque : kočka), l'équivalent est d'ailleurs de genre "féminin" (alors que le "neutre" existe) et désigne aussi bien les individus mâles que femelles.
  • "professeur" peut désigner un homme ou une femme. La forme féminine "logique" devrait être "une professeuse", mais elle est actuellement inusitée.
En tchèque, il existe un genre "masculin animé", un genre "masculin inanimé", un genre "féminin", et un genre "neutre". Le genre "masculin inanimé" porte ce nom par stricte analogie formelle avec le genre "masculin animé".
Mizton a écrit :L'usage a suivi une règle, à la base, qui était sexiste.
Non, ce n'est pas ainsi que fonctionne la dynamique linguistique. L'usage (oral) ne suit jamais de règle imposée par une institution quelconque, mais les règles édictées pour l'écrit par ces institutions résultent en grande partie d'un usage oral. La citation qui dit que "Le masculin l'emporte sur le féminin car le masculin est plus noble que le féminin." n'est pas une déclaration a priori ("A partir de maintenant, le masculin l'emportera sur le féminin car le masculin est plus noble."), c'est une justification sexiste a posteriori ("Le masculin l'emporte en général sur le féminin parce que le masculin est plus noble."). L'usage des genre grammaticaux était déjà asymétrique avant que les grammairiens ne débattent sur les choix d'une normalisation des codes de l'écrit (ici, des règles d'accords qui n'étaient pas rigides à l'oral).
Mizton a écrit :L'idée n'est pas d'imposer de nouvelles règles, c'est de les mettre en pratique.
Quand des militants déclarent que tous ceux qui n'emploient pas leurs nouvelles règles sont sexistes, sur la base de croyances qui leur appartiennent, je ne l'entends pas comme une invitation aimable à "mettre en pratique".
Mizton a écrit :Personne n'a dit un jour : tiens, on va créer le mot selfie et on va l'imposer. Non, le mot a été massivement utilisé donc ensuite il a été intégré aux dictionnaires.... Il en va de même avec les pronoms neutres, et les accords neutres...
Il est délicat de comparer un ensemble conséquent de changements grammaticaux avec des changement d'ordre lexicaux... L'échelle de temps n'est pas la même. Les changement grammaticaux s’accompagnent généralement d'autres changements profonds dans la langue, d'ordre phonologiques et morphologiques. De plus, quel est l'équivalent oral de ces règles écrites, qui semblent varier selon le goût de chaque personne ? Comment intégrer l'usage de plusieurs pronoms personnels au quotidien alors que nous ne connaissons pas toujours le genre des personnes concernées ?
Mizton a écrit :la façon dont on parle a un impact important sur la façon dont on pense, même (et surtout ?) s'il est inconscient...
Ce relativisme linguistique est un mythe issu d'une hypothèse linguistique aujourd'hui caduque, l'hypothèse Sapir-Whorf. La façon dont on parle n'a en réalité qu'une incidence très modérée sur la façon dont on pense. Je réitère ici l'exemple du persan et des iraniens victimes de sexisme.
Pinker a écrit :The idea that thought is the same thing as langage is [...] a conventional absurdity.
Mizton a écrit :Je ne vois pas en quoi l'inclusion serait élitiste (car excluant les non-initié-e-s) . Quand on écrit "les patient-e-s" tout le monde comprend...
Tout le monde comprend "les patient-e-s", mais il existe une multitude d'autres formes moins évidentes, comme "celleux", ainsi qu'une multitude de graphies "les patient(e)s", "les patientEs", "les patient.e.s".
Je trouve par exemple très difficile de lire un texte utilisant des points ou des majuscules (j'ai tendance à m'arrêter dessus...), des formes dont je ne connais pas l'équivalent oral (dois-je lire la prononciation masculine ou féminine ou les deux ?), des formes désuètes ("quelqu'une"), voire qui n'existent pas ("individue"). Sachant que je ne suis pas dyslexique, je serais très intéressée par le point de vue d'autres personnes.

Accessoirement, pour le côté "élitiste", j'ajouterais que ces jeux grammaticaux s'adressent exclusivement à des gens maitrisant très bien l’orthographe et la grammaire, et constituent une gêne insignifiante pour les autres. Il faut tout de même rappeler que la langue sert à communiquer, et ces codes ne communiquent rien qui ne soit pas dispensable. Sur ordinateur, l'absence d'équivalent oral reste problématique pour le développement de logiciels de parole destinés aux malvoyants.
Mizton a écrit :Il n'est pas neutre dans ce qu'il véhicule inconsciemment. Et que le féminin serait "tiré du masculin" (tiens ça rappelle un certains mythe religieux non?)
Lacan n'aurait pas dit mieux... :crazy:
Je crois qu'ici s'arrête la linguistique et commencent les conjectures psychologiques et sociologiques (ainsi que ma compétence sur le sujet).
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Mizton
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Re: Y'a-t-il un lien entre autisme et dysphorie de genre?

Message par Mizton »

Honnêtement, ça me fatigue de lire ce qui m'apparait comme n'étant rien d'autre que de la mauvaise foi.
Ne pas distinguer sexe et genre alors qu'il me semble que cela a été largement expliqué/traité dans ce topic, est déjà en soi assez frappant....

Ce qui m'énerve là, c'est que je n'ai JAMAIS dit qu'il FALLAIT employer la grammaire neutre, ni que ne pas l'employer signifiait qu'on était sexiste (et là aussi, si ce n'est pas de la mauvaise fois de ta part Salicorne, alors je t'invite à relire mon dernier message où je l'ai clairement formulé.......................). Je n'ai pas non plus cherché à imposer quoi que ce soit à qui que ce soit. J'ai juste évoqué des façon de repenser la langue, et désolé de te contredire, mais si, la façon dont on parle influe sur la façon dont on pense (je n'ai jamais dit que c'était pareil, soit dit en passant), j'en ai la preuve chaque jour, et ça n'a rien à voir avec l'hypothèse de Sapir-Whorf....

Les suédois on ajouté en 2015 un pronom neutre (Hen) et ça n'a pas transformé radicalement la morphologie de la langue etc (alors oui , tu vas me répondre que le suédois n'a pas le même système grammatical que nous, et les genres dans les langues nordiques n'ont rien à voir avec le féminin ou le masculin. Mais le fait est que c'est possible, et les gen-te-s qui le veulent parviennent à parler au neutre, sans que cela signifie qu'iels ont nécessairement bac+5 hein -_- Et là aussi, je peux te l'affirmer par expérience, ne serait-ce que parce que pour certaines personnes, accorder au neutre est la seule façon de respecter leur genre, ou de limiter leurs dysphories par rapport aux accords genrés...). Après, bien sûr que ça prend du temps (et ça aussi, je l'ai déjà dit -___-), mais si on part du principe que ça ne sert à rien car c'est minoritaire etc, bah on changera jamais rien, on évoluera jamais....
Et si on ajoute un pronom neutre comme "iel" ou "ol" (ol qui existe dans certains patois régionaux et qui n'a pas de référence à il ou elle (contrairement à iel), comme le hen suédois par rapport au han/hon), ce serait celui qui serait utilisé, de base, pour parler des gens dont on ne connait pas le genre (tiens, ça AUSSI, je l'ai déjà dit... oui je le reconnais, ça me fatigue un peu de me répéter).
Tu sais c'est le principe des propositions... Il y en a plusieurs, qui varient, jusqu'à ce qu'on tombe d'accord sur ce qui semble le plus pertinent, ou sur ce qui de fait est le plus utilisé... J'adore comment on cherche à décrédibiliser un outil en construction en faisant comme si le fait qu'il soit en construction signifiait qu'il n'est pas pertinent car "tout le monde n'est pas d'accord" ou "il n'y a rien d'arrêter pour l'instant" ou "ya des trucs qui posent problèmes dans sa mise en pratique". Bah oui, quand on est dans une étape de construction, forcément on est pas devant l'outil fini et irréprochable... C'est juste logique hein.
Perso je parle au neutre au maximum depuis un bon moment, à l'écrit d'abord car ça aide à changer ses habitudes, puis à l'oral de + en +. Et ya pas de secret hein... faut en avoir envie. Et faut s'entrainer. Et perso je veux participer à ces démarches d'inclusions qui sont des démarches qui se base sur des réflexions poussées (que tu ignores peut-être, et rien ne t'empêche de te renseigner là dessus), qui ont des conséquences réelles sur les gens etc.
Maintenant voilà, je n'ai jamais et je dis bien ja.mais. dit à qui que ce soit qu'il y avait une quelconque obligation à parler au neutre. Comme ya aucune obligation à partager les tâches ménagères, à changer de trottoir quand on est un mec qui marche derrière une fille le soir, à ne pas faire de l'appropriation culturelle, à rendre ses espaces accessibles aux fauteuils ou aux handicaps sensoriels, à éviter les blagues qui rient de minorités opprimées.... Chacun-e fait ce qu'iel veut. Mais si tu te bases uniquement sur des connaissances linguistiques pour parler d'un outil qui est avant tout un outil féministe dont les incidences ont été largement étudiées et réfléchies... à mon avis tu passes à côté de l'essentiel. Mais bon, ce n'est que mon humble avis.

Et puis en fait j'en ai ma claque qu'on soit obligé de se justifier quand on parle d'avancées humanistes et d'ouverture d'esprit. Quant on parle d'inclusivité, quand on parle de respect et de comment les efforts à fournir par les personnes ayant des privilèges vis à vis de celles qui en ont sont dépourvus, sont et seront toujours inférieurs à l'impact négatif que subissent les personnes en face quand on choisit de ne pas fournir ces petits efforts....
Et ça, je crois qu'ici vous êtes bien placé-e-s pour le savoir...
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Salicorne
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Re: Y'a-t-il un lien entre autisme et dysphorie de genre?

Message par Salicorne »

Mizton a écrit :Honnêtement, ça me fatigue de lire ce qui m'apparait comme n'étant rien d'autre que de la mauvaise foi.
Ne pas distinguer sexe et genre alors qu'il me semble que cela a été largement expliqué/traité dans ce topic, est déjà en soi assez frappant...
Pardon ? :shock: Je sais parfaitement faire la différence entre sexe et genre... Où détectes-tu une confusion de ma part ? Je m'efforce de distinguer le genre grammatical de ces deux premières notions, et je dénonce justement la confusion entre la notion de genre grammatical et de genre "identitaire" et / ou de sexe. De nombreux linguistes disent la même chose ! :?
Mizton a écrit :Ce qui m'énerve là, c'est que je n'ai JAMAIS dit qu'il FALLAIT employer la grammaire neutre, ni que ne pas l'employer signifiait qu'on était sexiste (et là aussi, si ce n'est pas de la mauvaise fois de ta part Salicorne, alors je t'invite à relire mon dernier message où je l'ai clairement formulé.......................).
Je ne t'ai pas personnellement accusé de cela ! :o Si tu t'es senti visé, je te présente mes excuses. En revanche, j'ai déjà lu d'autres personnes (pas sur le forum...) soutenir ces propos qui me dérangent.
Mizton a écrit :J'ai juste évoqué des façon de repenser la langue, et désolé de te contredire, mais si, la façon dont on parle influe sur la façon dont on pense (je n'ai jamais dit que c'était pareil, soit dit en passant), j'en ai la preuve chaque jour, et ça n'a rien à voir avec l'hypothèse de Sapir-Whorf....
Des exemples ? :) (à noter que là encore, il faut distinguer la rhétorique que nous subissons quotidiennement pour divers sujets, notamment politiques, de la langue en elle-même et de ses structures grammaticales, auxquelles aucun locuteur n'est psychiquement assujetti)
Mizton a écrit :J'adore comment on cherche à décrédibiliser un outil en construction en faisant comme si le fait qu'il soit en construction signifiait qu'il n'est pas pertinent car "tout le monde n'est pas d'accord" ou "il n'y a rien d'arrêter pour l'instant" ou "ya des trucs qui posent problèmes dans sa mise en pratique". Bah oui, quand on est dans une étape de construction, forcément on est pas devant l'outil fini et irréprochable... C'est juste logique hein.
"On" te répond qu'une langue vivante ne se construit pas. Le problème n'est pas d'être ou de ne pas être d'accord avec les propositions, le problème est qu'une langue vivante n'est pas un objet que l'on réforme, à moins de faire de la politique, ce qui est contraire aux valeurs scientifiques.
Mizton a écrit :Et perso je veux participer à ces démarches d'inclusions qui sont des démarches qui se base sur des réflexions poussées (que tu ignores peut-être, et rien ne t'empêche de te renseigner là dessus), qui ont des conséquences réelles sur les gens etc.
Crois-tu que je m'exprime sur un sujet sans m'être préalablement informée ? Je ne sais pas tout (par exemple, je ne connais pas l'aspect oral), mais mon but n'a jamais été de décrédibiliser les démarches d'inclusion. Je ne suis pas contre le fait que les personnes qui le souhaitent utilisent des pronoms neutres. Je pense que chacun devrait avoir le droit de s'exprimer comme il le souhaite, d'utiliser (ou pas) les pronoms neutres, etc. Je pense aussi que les efforts de lectures que le code écrit exige ne devraient pas être négligés : non, il ne "suffit" pas de s'y mettre et de le vouloir... :roll:
Mizton a écrit :Mais si tu te bases uniquement sur des connaissances linguistiques pour parler d'un outil qui est avant tout un outil féministe dont les incidences ont été largement étudiées et réfléchies... à mon avis tu passes à côté de l'essentiel. Mais bon, ce n'est que mon humble avis.
Il est vrai que je ne saisis pas bien le côté féministe du projet, puisque les postulats de base (genre grammatical = genre personnel, langue = instrument du patriarcat) sont faux à mes yeux.
Mizton a écrit :Et puis en fait j'en ai ma claque qu'on soit obligé de se justifier quand on parle d'avancées humanistes et d'ouverture d'esprit.
Et moi j'en ai assez que toute critique se voulant constructive et basée sur des connaissances scientifiques soit systématiquement mal interprétée dès que cela ne va pas dans le sens d'une conception X ou Y... Ce n'est pas parce que votre cause est juste et admirable que tout ce que vous dites et nécessairement la vérité démontrée. J'ai essayé d'illustrer mes propos, j'ai donné des avis personnels, j'ai posé des questions... En retour tu me réponds que je suis mal informée, tu n'illustres pas tes assertions, tu m’accuses d'être de mauvaise fois... Il n'y a pas de dialogue.
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Re: Y'a-t-il un lien entre autisme et dysphorie de genre?

Message par FinementCiselé »

Mizton a écrit :Honnêtement, ça me fatigue de lire ce qui m'apparait comme n'étant rien d'autre que de la mauvaise foi.
Ne pas distinguer sexe et genre alors qu'il me semble que cela a été largement expliqué/traité dans ce topic, est déjà en soi assez frappant....
Ton argument ultime quand t'en a marre de débattre : tu vise directement les personnes.
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Mizton
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Re: Y'a-t-il un lien entre autisme et dysphorie de genre?

Message par Mizton »

Ben désolé d'avoir perdu mon sang-froid mais quand je me tape des pavés énormes et qu'ensuite je vois ce genre de réponse, ça me laisse penser que soit on ne m'a pas lu, soit on m'a lu mais on fait preuve de mauvaise foi... Et non pas parce que ça ne va pas "dans mon sens", mais parce que ça ne semble pas prendre en compte ce que j'ai dit précédemment. C'est pas un "manque d'argument", c'est juste que ça me fatigue, et j'ai justement dit que ça m'apparaissait comme tel, pas que c'en était nécessairement -_-. Et je l'ai précisé, j'étais énervé donc voilà.

Pour moi quand tu dis "la plupart des termes de genre "masculin" (y compris ceux désignant des êtres vivants), ne contiennent pas dans leur définition le sème "mâle"" je vois pas le rapport avec mes propos, dans le sens où je n'ai jamais parlé de sexe, on parle pas de sexe quand on parle de genre. Mais quand on parle de genre grammatical pour parler de personnes vivantes - et dans ce cas précisément - on parle du genre des personnes. C'est pour ça que je distinguais dans mes messages la différence entre genre des personnes et genre grammatical utilisé pour parler des objets (une voiture, un crayon etc).

Ok tu me visais pas, alors honnêtement, quel est l'intérêt de me dire à moi (car tu me citais donc tu répondais directement à ce que je disais) que certains militants ne te semblent pas "inviter à mettre en pratique". Sur le fil il a jamais été question de pousser quiconque à utiliser le neutre, on en discutait, on expliquait comment c'était possible et faisable et pourquoi on peut trouver important de le faire, et on parlait du fait qu'on peut avoir des comportements sexistes (etc) sans être soi-même sexiste (etc). Donc ta phrase venant après cela m'a semblé y répondre...
J'ai l'impression des discussions quand tu parles de véganisme et que ya toujours quelqu'un pour dire : ouais mais les végans qui disent que les gens qui mangent de la viande sont des criminels ça donne pas envie !!! .... oui... sauf que personne ici n'a tenu ce genre de propos doooooonc... ?! Je veux dire ya des extrémistes partout ; à partir de là, quel est le but de donner comme argument contre qqch le fait que "ya des extrémistes et ça me dérange" ...? :/

Comme exemples de comment le langage influe sur notre façon de pensée, je pense par exemple à la façon dont quand on parle de médecins, on va systématiquement dire UN chirurgien (pour toute spécialité "haut gradé"/ estimée) et UNE infirmière (ou toute spécialité jugée moins honorable). Et j'ai bien précisé que ça fonctionne à mes yeux dans les deux sens, mais si on ne brise jamais le cercle, 1) on se rendra jamais compte du problème 2) on le résoudra jamais. Et si on se met à visualiser dans nos têtes des femmes dans les postes haut-placés et des hommes dans les postes "méprisés" (parce que bon ça revient vite à ça, pour schématiser...), en commençant par s'habituer à penser à des chirurgienNEs par exemple, et des infirmieRs, bah c'est UNE façon parmi d'autres de commencer à changer sa façon de voir les choses, notamment en changeant les projections qu'on fait quand on parle.
Autre exemple, on le constate chaque jour, s'entrainer à l'écrit puis à l'oral à parler de son enfant en utilisant les bons pronoms, ça AIDE les parents à intégrer le genre de leur enfant. S'iels continuent de dire "elle" à leur fils ou "il" à leur fille, iels auront beaucoup plus de mal à intégrer le genre de leur enfant.... Et quand iels ont du mal mais qu'iels font l'effort de changer leur façon de parler, ça aide à changer la façon dont ils perçoivent leur enfant...
Autre exemple, (et je ne limite pas mon affirmation aux structures grammaticales) lorsqu'on parle d'une femme trans en disant "un homme qui devient femme" par exemple, ou en disant "Aurélie s'appelait Victor avant", dans nos têtes on visualise un homme, on parle d'un homme. Et cette façon de parler, ces expressions, ces façons de tourner nos phrases, influent directement sur notre façon de penser la personne en face. Et c'est fondamental de changer ça si on veut notamment respecter le genre des personnes trans. Dés qu'on modifie sa façon de parler, en parlant d'UNE femme trans plutôt que "d'UN homme devenu femme", on contribue à modifier sa façon de penser.
Alors peut-être qu'on ne s'était pas compris quand on parlait de ça, mais c'est vraiment de ça que je voulais (entre autres) parler, et c'est en ça (entre autres aussi) que je suis convaincu que notre façon de parler influe sur notre façon de penser. Par dans un sens uniquement, je ne dis pas que seule notre façon de parler influe sur notre pensée ou que notre pensée n'influe pas sur notre façon de parler, mais ça permet de casser des schémas dont bien souvent nous n'avons pas conscience. Quand je parle des personnes autistes/trans/racisées etc plutôt que des autistes/trans/racisé-e-s etc bah je me rends compte que ça réduit moins les gens à un truc unique, que ça revient davantage à parler de personnes plutôt que d'une de leurs multiples caractéristiques, et je trouve que ça contribue à véhiculer d'autres schémas de pensée.
Je sais pas si c'est plus clair ?

Une langue vivante se construit pourtant chaque jour... Par des transformations constantes, qu'elles soient non-réfléchies ou réfléchies. Intégrer des pronoms neutres, intégrer des formulations neutres, des mots nouveaux, c'est ce que j'appelle de la construction. Tu appelles peut-être ça autrement, mais au final on parle de la même chose : la langue change, évolue, de nouveaux mots apparaissent (que ce soit des pronoms etc).. Les règles d'accord ont changé avec le temps et elle peuvent rechanger à l'avenir. C'est là je pense qu'on s'est mal compris : je ne parle pas de réformer la langue en imposant des décisions comme ça du jour au lendemain. Je parle de modifier progressivement l'usage de la langue et que ces modifications s'intègrent dans le parler de tous les jours. Une sociologue disait que lorsqu'elle fait des conférences, elle veille toujours à ce que soit indiqué dans sa biographie, sur les programmes "maîtresse de conférence et autrice". Parce que personne n'utilise "autrice" par manque d'habitude. ça ne choque personne de dire "actrice" ou "institutrice". Mais si on ne dit jamais "autrice", qu'on ne s'habitue jamais à le lire, l'entendre ou le prononcer, on trouvera toujours le mot bizarre... Alors que si on l'utilise (et même si ça peut demander un certain effort d'adaptation au tout début), on s'y habitue et on n'y voit plus un mot "bizarre", "moche" etc.
Quand on voit que certains hommes députés ont hué et limite insulté la femme qui disait "madame la présidente [de je ne sais plus quoi]" alors que pour eux il fallait dire "madame le président".... bah on est en droit de se demander où est la logique là-dedans.. Par contre on n'a pas besoin de s'interroger sur la place du sexisme...

Quand je dis que la démarche répond à des réflexions de fond que tu ignores peut-être, je parlais des réflexions de fond, pas de la forme. Or la démarche féministe de la chose fait partie intégrante de ses réflexions. C'est pour ça justement que je t'invite à te renseigner sur le fond, sur ces réflexions, sur le pourquoi c'est une démarche féministe etc. Et encore une fois, il n'est pas question de dire que le genre grammatical pour parler de choses inanimées = genre des personnes. Après tu n'es peut-être pas d'accord sur le fait que la langue est un outil (parmi d'autres) du patriarcat mais si tu es intéressé de comprendre pourquoi certaines personnes pensent le contraire, tu peux ptètre trouver des infos qui te permettront de mieux saisir le féminisme là-dedans ?
Je pense que chacun devrait avoir le droit de s'exprimer comme il le souhaite, d'utiliser (ou pas) les pronoms neutres, etc. Je pense aussi que les efforts de lectures que le code écrit exige ne devraient pas être négligés : non, il ne "suffit" pas de s'y mettre et de le vouloir...
Bien sûr, on a toustes le droit de s'exprimer comme on le souhaite. Tu peux dire "elles" à un groupe d'hommes si tu veux. Tu peux dire "il" à une femme. "elle" à une personne de genre non-binaire dont le pronom est iel. On peut s'exprimer comme on veut, mais est-ce que c'est toujours anodin ? Est-ce que c'est toujours inoffensif ? Moi c'est ça qui m'apparait important. Quand je parle de quelqu'un en disant "elle" en me basant uniquement sur mes préjugés et projections de ce qu'est, à mes yeux, une femme.... est-ce que c'est pertinent ? Est-ce que le fait de présupposer du genre de quelqu'un est pertinent ? Est-ce que c'est plus pertinent de me baser sur mes perceptions (subjectives) plutôt que sur le genre réel de la personne ? Et si j'ignore ce genre réel, est-il ok d'imposer ma perception du genre de cette personne? Est-ce qu'en disant "iel" pour signifier que 1) son genre n'a pas à être "évident" de part son apparence (on peut être perçu comme étant une femme et ne pas l'être) et qu'il peut s'agir d'un individu de n'importe quel genre, ou que 2) je n'ai pas besoin de le savoir/ ce n'est pas une donnée pertinente pour dire ce que j'ai à dire , je ne suis pas dans une démarche plus respectueuse de la personne ? Est-ce que j'ai envie d'être dans ce respect ou est-ce que je fais passer mon confort personnel avant le respect de cette personne (que ce soit en sa présence ou en son absence) ?
Parler au neutre va au delà de considérations personnelles à partir du moment où on a en tête qu'il ne s'agit pas de nous, mais des autres.

Et je suis désolé si tu as eu l'impression que je coupais le dialogue. C'est exactement ce que j'ai ressenti suite à tes remarques et je me suis braqué (et bon, j'étais en plus fatigué et déjà de pas super bonne humeur, donc j'aurais sans doute pu mieux répondre à mon besoin de clarté en attendant un peu avant de te répondre).
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Re: Y'a-t-il un lien entre autisme et dysphorie de genre?

Message par FinementCiselé »

C'est difficile de répondre et d'avoir LA vérité sur ce sujet : tu devrais faire comme une majorité de personnes au moins ici et te résigner à éviter de parler de choses qui définissent les gens, autre que toi, de manière intime. Ça les regarde, et uniquement eux.

Ci-fait, replace toi dans le contexte de la discussion. On parle de la dysphorie de genre. Pas du reste. Idéalement la dysphorie devrait caractérisé le malaise ressentit par la personne, et pas son état. Malaise qui est sociétal, c'est une réaction maladive face au regard de la société. Et le fait est (attention, je parle du fait, pas de l'idéal, ni de l'utopie) que la société est gérée par des normes décidées arbitrairement pour répondre aux besoins de la majorité.
Tu ne pourra pas changer ça, ou du moins, il faut que tu te fasse une raison que ça ne sera pas ta génération qui verra le bénéfice d'un affrontement d'idées directe : ce genre de changements se fait sur une période d'environs 100 à 150 ans. (compter 5 "générations" -à prendre en termes statistiques-). Le début de l'évolution est tout récent et date du milieu des années 1980. Je ne dis pas que c'est inutile, je dis simplement que, faire accepter des choses vrai (sur un plan purement théorique : si "on" avait le secret de la construction de la psyché, et de l'identité, "on" serait riche et "on" éviterait de nombreux problèmes tel que l'autisme !) demande de faire des actions qui sont longue et fastidieuses (le militantisme).

Je ne répond qu'a la partie :
Ben désolé d'avoir perdu mon sang-froid mais quand je me tape des pavés énormes et qu'ensuite je vois ce genre de réponse, ça me laisse penser que soit on ne m'a pas lu, soit on m'a lu mais on fait preuve de mauvaise foi... Et non pas parce que ça ne va pas "dans mon sens", mais parce que ça ne semble pas prendre en compte ce que j'ai dit précédemment. C'est pas un "manque d'argument", c'est juste que ça me fatigue, et j'ai justement dit que ça m'apparaissait comme tel, pas que c'en était nécessairement -_-. Et je l'ai précisé, j'étais énervé donc voilà.
Le reste me passant soit au dessus de la tête, soit je n'ai pas envie de répondre car ce débat ne me concerne pas, ou que je ne sente pas concerné.
Mais les arguments de mon point de vu sont valide des deux côtés. Essayez de débattre plus sereinement ? Je doute qu'ici chacun ait à chercher à convaincre l'autre sur ces points : nous sommes soit autistes ou atteins d'un trouble parent.

:)
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freeshost
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Re: Y'a-t-il un lien entre autisme et dysphorie de genre?

Message par freeshost »

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Re: Y'a-t-il un lien entre autisme et dysphorie de genre?

Message par Carapa »

Quelques réflexions:

1) Avant de se poser la question d'un lien entre autisme et dysphorie de genre, il faudrait définir précisément cette dernière. A première vue, ça a l'air très fourre-tout comme concept.

2) "En résulte une difficulté a la création de stéréotypes...": dit comme ça, c'est un peu une manière de faire passer une qualité pour un défaut...

3) "pour le garçon qui veut porter des jupes et jouer aux poupées, la réaction va plutôt être "mais ce n'est pas pour les garçons, ça!" Curieusement, Jean Paulhan raconte dans son journal que, petit, il jouait avec des poupées, et il a l'air de considérer ça comme parfaitement normal. C'était il y a plus d'un siècle...

4) Parfaitement d'accord avec Salicorne: "je ne saisis pas bien le côté féministe du projet, puisque les postulats de base (genre grammatical = genre personnel, langue = instrument du patriarcat) sont faux à mes yeux." D'ailleurs, le "pluriel de proximité", accord de l'adjectif avec le nom le plus proche, était admis au XVIIe siècle, notamment chez Racine, et au moins un membre de l'Académie française l'emploie toujours:
http://www.academie-francaise.fr/repons ... rei-makine

5) Lorsque Mizton écrit "le fait de considérer qu'il n'existe que deux genres (H et F) est une idée occidentale qui a été imposée via les colonisations à pleins de cultures et pays du monde, en dépit des genres autres qui existaient chez elleux. Donc oui, il existe des dizaines et des dizaines de cultures/pays/peuples où + de 2 genres sont reconnus.", il serait bien, pour étayer son propos, de nous donner des exemples. Ayant pas mal voyagé et connaissant un peu l'histoire, je doute fort qu'on en trouve des dizaines...

6) Toujours de Mizton: "Quand tu fais partie d'une majorité, t'es, de fait, oppresseur, que tu le veuilles ou non. C'est pas évident à accepter et à capter au début, mais ça a du sens (ya justement des articles là-dessus sur everydayfeminism)."
Génial comme raisonnement: à ce compte-là, tous les gens qui mesurent moins de 2 mètres, n'ont pas de villa à Saint-Tropez, ou ne votent pas pour Jacques Cheminade, sont des oppresseurs de fait. Les membres du Tiers Etat sous l'ancien régime l'étaient aussi (j'avoue que je n'y avais encore jamais pensé). Dans le cas des rapports entre les sexes, il y a quand même un petit problème avec cet argument, c'est qu'ils sont en quasi égalité numérique. Et même, en France, le nombre des femmes est légèrement supérieur à celui des hommes dans presque tous les départements: https://www.insee.fr/fr/statistiques/2012692 . Mais peut-être que les rédacteurs d'everydayfeminism ont d'autres statistiques??

"Par exemple moi, je suis blanc. Je fais partie du système oppressif blanc... Même si je ne suis pas quelqu'un de raciste, ça m'arrive de DIRE ou PENSER des trucs racistes. Sans m'en rendre compte, sans le vouloir, sans penser à mal. Mais ça m'arrive parce que j'ai été éduqué dans un monde raciste, et quand on sait que même les personnes racisées intègrent des pensées/comportements/expressions racistes, comme peut-on se penser épargné ? On l'est pas. Donc toi, en tant qu'homme cisgenre, tu fais partie du système d'oppression. Par le simple fait d'être un homme."
Il y a un gros avantage à parler de "système oppressif" sans définir clairement ce que c'est: plus la définition est floue, plus on peut y inclure du monde. On peut même effectuer des recrutements automatiques sur base de la couleur ou du sexe, quoique ce ne soit pas très républicain. Du reste, le fait d'avoir été éduqué dans une société raciste n'autorise pas à prendre son cas pour une généralité!!

"la misandrie, le racisme-inversé, l'hétérophobie... ça n'existe pas, ce ne sont pas des systèmes d'oppression systémiques.. là aussi j'ai pas l'énergie là pour illustrer ça mais vous trouverez surement plein d'articles là-dessus sur everydayfeminism, ou le blog trolldejardin (en français, celui ci)."
Mais en quoi le fait que ce ne soient pas actuellement des systèmes oppressifs implique-t-il leur non-existence??? Et l'impossibilité qu'ils le deviennent??? Dans l'Indochine coloniale, Pol Pot ne formait pas encore un système oppressif, et il fallait être assez futé pour prévoir qu'il deviendrait l'un des pires despotes de l'histoire. Quand il l'est devenu, d'ailleurs, une bonne partie de l'intelligentsia française ne s'est rendu compte de rien: l'inconvénient majeur des complexes post-coloniaux, c'est qu'ils n'aident pas à la clairvoyance.

"C'est pas agréable de s'entendre dire qu'on a eu un comportement sexiste, une posture raciste, qu'on a tenu des propos validistes, quand on fait de notre mieux pour être bienveillant-e, etc. Mais ce sera toujours moins désagréable que l'impact que peuvent avoir nos petites blagues, nos habitudes, nos actes etc pour les personnes concernées qui en payent les conséquences :)"
Le problème est que, pour estimer qu'un comportement est sexiste, un propos raciste, etc..., on ne peut pas se fonder exclusivement sur le ressenti des personnes. Sinon, cela ouvre la voie à l'arbitraire le plus total, et on aboutit très vite à ça:
http://www.dansuncarnet.be/2016/08/commentaire.html
Diagnostiqué SA (septembre 2016).
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Jean
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Re: Y'a-t-il un lien entre autisme et dysphorie de genre?

Message par Jean »

Vivre entre les genres
Les personnes transsexuelles avec autisme manifestent un genre en décalage avec les attentes de la société, ou rejettent entièrement la séparation mâle/femelle. Nombre d’entre eux sont à la pointe de la définition de l’identité - et de ce que c’est d’être aussi autiste.
par Deborah Rudacille - 13 avril 2016 - Spectrum News

Assis au bord d’un ruisseau du Texas une après-midi, le jeune Ollie, six ans, se tourne vers sa mère et lui dit : « Maman, je pense que je suis à moitié garçon, à moitié fille. »

La mère d’Ollie, Audrey, n’a pas été particulièrement surprise par la remarque. (Audrey et les autres parents de cet article ont demandé que nous n’utilisions que leurs prénoms, pour protéger la vie privée de leurs enfants.) À l’âge de deux ans, Ollie s’est intéressé aux « trucs à paillettes et aux tutus. » Dans une sortie pour acheter des chaussures, alors qu’il avait trois ans, Ollie a refusé ses mocassins marrons habituels en faveur d’autres de couleur rose, disant catégoriquement, « j’ai besoin de vêtements de toutes les couleurs. » À la suite de ça, nous dit Audrey, quand ils sortaient faire les courses, elle le laissait choisir des vêtements dans les couleurs qu’il aimait, quelles qu’elles soient, qu’elles proviennent du rayon ‘garçons’ ou ‘filles’. À cinq ans, Ollie a commencé à jouer à ’s’habiller’ à la maison, et peu de temps après il a commencé à porter des robes en public.

« C’était assez effrayant, parce que nous habitions au Texas, et je ne savais pas ce qui pouvait bien arriver quand nous sortions, » dit Audrey.
Les parents d’Ollie se sont demandé si son genre non-conforme, un comportement qui ne correspond pas aux normes masculines et féminines, pouvait avoir une relation avec son autisme. Ollie a été diagnostiqué d’un trouble du traitement sensoriel à l’âge de deux ans : une sensibilité extrême aux sons, à la lumière, à la texture de quelques aliments ou d’un tissu particulier, peuvent provoquer un effondrement chez des enfants comme Ollie. Il avait aussi des difficultés à s’endormir et à rester endormi. Il faudra quatre années supplémentaires à ses parents pour qu’ils trouvent un médecin qui reconnaisse les symptômes classiques d’un syndrome d’Asperger - une intelligence supérieure à la moyenne combinée à des déficits sociaux et de communication, ainsi que des intérêts restreints. (Ollie a été diagnostiqué d’un syndrome d’Asperger avant que ce diagnostic ne soit absorbé par la catégorie plus vaste des troubles du spectre autistique, en 2013.)
Audrey ne pensait pas que l’autisme était la cause du goût d’Ollie pour la couleur rose ou son envie de porter des robes, mais elle se demandait si son enfant extrêmement logique pourrait conclure que le fait qu’il aime ces choses voudrait dire qu’il n’était pas vraiment un garçon - « du type, ‘ce sont les règles de la société’, » dit-elle. Son mari, qui est militaire, pensait que du fait de l’autisme d’Ollie, l’enfant pourrait ne pas comprendre qu’un garçon s’habillant avec des vêtements de fille n’était pas acceptable socialement.

Les parents d’Ollie ne sont pas les seuls à cogiter sur cette énigme. Une poignée d’études pendant ces cinq dernières années - et une série de rapports de cas remontant à 1996 - montrent un lien entre l’autisme et la variance du genre. Les personnes qui sentent une détresse significative parce que leur identité de genre diffère de leur sexe de naissance - une pathologie connue comme la dysphorie de genre - présentent des taux d’autisme plus élevés qu’attendu. De la même façon, les personnes avec autisme apparaissent avoir des taux plus élevés de dysphorie de genre que la population générale.

Entre huit et dix pour cent des enfants et des adolescents reçus dans les cliniques du genre dans le monde présentent les critères du diagnostic de l’autisme, selon des études menées pendant ces cinq dernières années, alors que grossièrement vingt pour cent d’entre eux présentent des traits autistiques, comme des compétences sociales et de communication altérées ou une concentration intense et une attention aux détails. Certains d’entre eux recherchent un traitement de leur dysphorie de genre en sachant ou en suspectant déjà qu’ils sont atteints d’autisme, mais la majorité des personnes dans ces études n’ont jamais recherché ni reçu un diagnostic d’autisme. Qui plus est, grossièrement, le même nombre de mâles ou de femelles de naissance semblent être atteints - ce qui est surprenant, étant donné que dans la population générale, l’autisme penche vers les mâles.

À ce stade de la recherche sur le chevauchement entre l’autisme et la dysphorie de genre, on sait peu de choses - par exemple, si l’identité de genre se développe différemment chez les personnes avec autisme. Ce manque d’informations met au défi les médecins et les familles qui désirent faire ce qui est le meilleur pour leurs enfants transgenres.

La combinaison de l’autisme et de la dysphorie de genre ne représente pas seulement un doublement, mais « une multiplication des défis », dit John Strang, un neuropsychologue pédiatrique du Children’s National Health System de Washington D.C., et l’auteur d’un article de 2014 interrogeant les taux de dysphorie de genre chez les enfants avec autisme.

Les personnes dysphoriques de genre ont besoin de passer de nombreux obstacles pour vivre confortablement dans le monde. Ils doivent articuler une identité incompatible avec leur anatomie sexuelle et les attentes sociales de cette anatomie, préparer et réaliser une forme de transition, et faire face à l’incompréhension ou l’hostilité manifeste en traversant le territoire périlleux entre les genres.

« Cela implique beaucoup de transitions, de flexibilité, de défenses », dit Stang. « Ce sont tous les points les plus faibles des personnes avec autisme. »
Dans le même temps, les personnes avec autisme ont des caractéristiques qui peuvent faciliter ce processus, dit-il. Ils tendent à être moins préoccupés par ce que pensent les autres personnes et moins soucieux de leur statut social ou de leur réputation.

Aujourd’hui âgé de neuf ans, Ollie témoigne de cette affirmation. Il a subi les taquineries, le harcèlement et la perte d’amis ou de camarades de classe ; il a dû abandonner certaines activités, comme le tae kwon do, parce que les moniteurs et les parents des autres élèves sont gênés par son expression de genre. Il consulte un spécialiste pour l’aider à gérer la façon dont les autres personnes le traitent parfois. « Ça me donne envie de pleurer parfois, » dit-il. Il a aussi des rendez-vous hebdomadaires avec des spécialistes de l’autisme pour ses sensibilités sensorielles, ses compétences motrices fines et le traitement des informations auditives.

Un soir du coeur de l’hiver, à la maison avec sa mère, son chien et son chat, Ollie est occupé avec des lego Star Wars, simulant une bataille entre les stormtroopers et l’alliance rebelle. Il porte un pantalon de survêtement rose pâle avec une bande pailletée rose sombre et une barrette rose. « Je ne suis pas fait pour être enfermé dans cette boîte. Je suis à côté d’elle, » dit-il. « Je suis entre-deux et je suis bien content d’être entre-deux. »

Chevauchement de diagnostic

Pendant la dernière décennie, les personnes avec dysphorie de genre ont développé de nouvelles façons d’exprimer leur sens de l’individualité. Comme beaucoup se sont un jour identifiés comme transsexuels ou transgenres, certains se qualifient maintenant de ‘genderqueer’ ou de ‘non-binaire’. Les taux d’autisme et de traits autistiques semblent être plus élevés chez ceux s’identifiant comme genderqueer. Comme Ollie, ces personnes disent généralement qu’elles ne se sentent pas entièrement masculines ou féminines, et rejettent explicitement la notion de deux genres mutuellement exclusifs. Le mot ‘trans’ est souvent utilisé pour rassembler toutes les identités et l’expression ‘genre affirmé’ pour porter le sens de l’identité d’une personne.

Bien que certaines personnes trans choisissent de modifier leurs corps par des hormones ou la chirurgie, les autres - particulièrement ceux qui s’identifient comme genderqueer ou non-binaires - peuvent se choisir un nom et des pronoms qui reflètent mieux leur sentiment de soi, sans modifier physiquement leurs corps. (Ollie a essayé brièvement d’utiliser une variante féminine de son nom et les pronoms féminins, mais cela ne semblait pas si bien, et il a cessé.)

Comme avec l’autisme, les origines de la dysphorie de genre sont pauvrement comprises. Les facteurs biologiques comme une prédisposition génétique, une exposition prénatale aux hormones, des toxines environnementales, et des facteurs sociaux et psychologiques variés ont tous été proposés, mais aucun d’entre eux n’a été confirmé. Comme l’autisme, la dysphorie de genre est hétérogène, ce qui veut dire qu’il n’y a pas de profil ou de présentation commune à tous ceux qui s’identifient comme trans.

Les chercheurs n’ont commencé que récemment à explorer systématiquement le recouvrement entre la dysphorie de genre et l’autisme ; la première étude à évaluer la convergence des deux pathologies a été publiée il y a six ans. Elle étudiait 231 enfants et adolescents qui avaient été présentés à la clinique de l’identité de genre du Vrije University Medical Center, à Amsterdam, entre avril 2004 et octobre 2007. Les chercheurs ont trouvé que l’incidence de l’autisme parmi les enfants était de 7,8%, dix fois supérieure au taux dans la population générale. Parmi les enfants de l’échantillon, l’incidence était même plus forte, avec 9,4%.
Un autre groupe a rapporté l’année dernière que plus de la moitié des 166 jeunes gens présentés au Gender Identity Development Service, une clinique spécialisée du British National Health Service, à Londres, entre décembre 2011 et juin 2013, présentaient des aspects autistiques, comme mesurés par le Social Responsiveness Scale, un outil de dépistage de l’autisme. Sur ce nombre, près de la moitié de ceux qui furent classés à un niveau élevé n’avaient pas été évalués auparavant pour l’autisme.

Strang dit qu’il n’est pas surpris par ces résultats. Il a été formé comme spécialiste de l’autisme, mais a abordé d’autres spécialités pendant son internat, dont la clinique du genre, et il y a vu un chevauchement équivalent. « Dès que j’ai commencé à faire les évaluations, je me suis senti comme de retour à la clinique (de l’autisme), » dit-il.

Inspirés par l’étude hollandaise, Strang et ses collègues ont approché la prévalence par un autre angle. Plutôt que de mesurer l’incidence de l’autisme parmi les enfants et les adolescents dysphoriques de genre, ils évaluèrent la variance de genre - définie comme l’enfant « désirant être de l’autre sexe » - chez les enfants avec autisme. « Nous avons trouvé des taux 7,5 fois plus élevés que nous ne l’attendions, » dit Strang.

Les chercheurs n’ont pas d’explication, mais ils ont quelques théories. Premièrement, les enfants avec autisme peuvent être moins conscients des restrictions sociales contre l’expression de variances de genre. Deuxièmement, le genre de pensée rigide noir-et-blanc qui est caractéristique de l’autisme pourrait mener les personnes avec une non-conformité de genre faible ou modérée à croire qu’elles ne sont pas du sexe qui leur fut assigné à la naissance. Troisièmement, il pourrait y avoir une connexion biologique entre l’autisme et la dysphorie de genre.

Ce ne sont que des hypothèses, comme l’est la théorie selon laquelle l’identité de genre peut se développer différemment chez les personnes avec autisme - il n’y a que peu de données pour les confirmer ou les réfuter.

L’alliance rebelle

Jes Grobman, 23 ans, est une personne trans avec autisme qui est moins concernée par les causes du chevauchement autisme/trans que par la construction d’une société qui ne punisse pas la différence. Diagnostiquée d’un syndrome d’Asperger à l’âge de 11 ans, Grobman dit que nombre de ses amis et de ses connaissances trans ont aussi des diagnostics d’autisme. « Je pense qu’il y a beaucoup de recouvrements entre le personnes autistes et les personnes trans, » dit-elle. « Je suis probablement amie avec plus de personnes trans avec autisme que des personnes seulement trans. »

Néanmoins, il a fallu beaucoup de temps à Grobman pour trouver une communauté dans laquelle elle se sente comprise. Pendant une grande partie de son enfance à Chicago, dit-elle, elle se sentait isolée et seule. « Au collège, je n’avais pas d’amis. En première année ou au lycée, je passais tous les temps du déjeuner à la bibliothèque, lisant. » Le collège a été particulièrement infernal, dit-elle : « j’étais harcelée et persécutée. »

Elle a commencé à sortir de sa coquille à l’âge de seize ans, quand elle s’est fait des amis dans un groupe juif. Mais ce n’est pas avant qu’elle entre à l’American University, à Washington D.C., qu’elle commença ses tentatives d’exploration de ce qu’elle appelle les « sentiments de genre » - admettant pour elle et pour les autres qu’elle ne s’est jamais vraiment ressentie comme un garçon, sans vraiment comprendre exactement ce que cela voulait dire. « J’étais capable de le formuler plus comme une chose intellectuelle, » dit-elle. « Comme, ‘qu’est-ce que le genre, réellement ?’ »

L’idée qu’elle puisse être trans l’intriguait et la terrifiait à la fois. Pendant deux ans, elle explora et réprima ses sentiments, alternativement. « J’étais très, très effrayée. Les récits sur les femmes trans me terrifiaient, » dit-elle. « J’avais toujours basiquement compris que je me tuerais, que je serais une paria, malade, et que je perdrais toutes les personnes qui se soucient de moi. Donc je l’ai repoussé profondément en moi. »

Grobman a souffert d’anxiété et de dépression, qui sont communes chez les personnes transgenre et les personnes avec autisme. « Il m’est impossible de séparer ma transéité et mon autisme de mes difficultés avec la dépression et l’anxiété, » dit-elle. Elle a aussi des sentiments partagés sur son diagnostic d’autisme : « J’en étais très très honteuse et j’essayais de le cacher aux autres. »

Ce n’est pas avant qu’elle ne commence à explorer son identité trans et à construire des liens avec d’autres personnes de cette communauté que Grobman a été finalement capable de « retirer toute la honte et les stigmatisations et accepter le fait que je suis autiste, » dit-elle. Elle l’attribue à la confiance qu’elle a développé en parlant à des personnes du fait d’être trans et d’être acceptée pour ce qu’elle est sans devoir cacher aucun aspect de son identité.

Au début, Grobman a résisté à son identification comme mâle ou femelle et a demandé à sa famille et à d’autres personnes de s’adresser à elle en utilisant les pronoms neutres « ils/elles » et « eux/elles ». Ses parents l’ont encouragée jusqu’à un certain point, dit-elle. Mais en novembre 2013, dans le cours d’une dispute, sa mère a dit, « je refuse de faire référence à toi comme « ils/elles ». Réalise ce que tu es et sois le. »

Cela a été, dit Grobman, « une des choses les plus importantes que personne ne m’ai jamais dite, mais aussi une des choses les plus blessantes que personne ne m’ai jamais dite. » Elle a décidé de faire de cette déclaration son drapeau et a commencé à utiliser les pronoms féminins et à prendre des oestrogènes peu de temps après.

Avant d’obtenir son diplôme en décembre dernier, Grobman a participé à la création d’un groupe de support et de défense, DC Trans Power. En février elle a participé à la rédaction d’un communiqué conjoint de groupes LGBT et de défense des droits des handicapés sur le décès de Kayden Clarke, un jeune homme trans avec autisme de 24 ans, abattu par la police, qui répondait à un appel suicidaire, chez lui à Mesa, Arizona. La police assure que Clarke brandissait un couteau, et qu’ils ont tiré en auto-défense. Clarke avait posté des vidéos émouvantes sur YouTube avant sa mort, décrivant les défis qu’il affrontait en tant que personne avec autisme cherchant à entamer une thérapie hormonale. Un thérapeute l’a informé qu’il ne pouvait pas commencer une thérapie hormonale avant que son autisme ne soit ‘fixé’, a dit Clarke, une déclaration qui l’avait plongé dans le désespoir.

Le communiqué, co-signé par Grobman et publié sur le site web de l’Autistic Self Advocacy Network, déclare que le manque de soins médicaux appropriés pour la dysphorie de genre de Clarke a précipité une crise de santé mentale qui l’a mené directement à la mort. Les personnes avec autisme et d’autres handicaps de développement ou difficultés de santé mentale, se heurtent souvent à une résistance quand ils recherchent des soins médicaux relatifs à la transition, les militants disaient une forme de discrimination. « Les identités de genre des personnes autistiques sont réelles et doivent être respectées, » écrivaient-ils.
Grobman considère la mort de Clarke comme un assassinat, tout comme elle considère les décès des personnes trans s’étant donné la mort, causées par la discrimination et les injustices, comme des meurtres. « Le système entier est complice de leurs morts, » dit-elle.

Ne pas blesser


Les médecins travaillant avec des personnes trans avec autisme disent que, bien que certains individus rencontrent des difficultés dans la transition, les fournisseurs de services de santé ne sont pas toujours à blâmer. Les standards de soin promulgués par la World Professional Association for Transgender Health n’interdisent pas l’accès au traitement , dont les hormones et la chirurgie, aux personnes avec autisme ou d’autres handicaps du développement.

« Les mêmes critères qui s’appliquent à chacun s’engageant dans les soins médicaux trans devraient s’appliquer aux personnes dans le spectre, » dit Katherine Rachlin, une psychologue clinique qui a travaillé avec des adultes transgenres à New York pendant vingt-cinq ans et qui a co-signé en 2014 un article sur la co-occurence de l’autisme et de la dysphorie de genre. « Sont-ils des consommateurs informés ? Comprennent-ils intégralement les procédures médicales et les traitements qu’ils réclament ? Leur expérience du genre est-elle stable et prolongée ? »

Même les personnes avec autisme sévèrement affectés peuvent atteindre ces critères, dit Rachlin, qui participe au conseil d’administration des directeurs de la World Professsional Association for Transgender Health. « Mon expérience est que même si leurs déficits interpersonnels sont sévères, les personnes sont encore plus à l’aise avec leur genre affirmé, quoiqu’il arrive d’autre dans leur vie. »

Parfois les personnes avec autisme ont des difficultés à obtenir les soins nécessaires du fait des déficits sociaux et de la communication associés à l’autisme, dit Rachlin : Ils pourraient ne pas respecter leurs rendez-vous,par exemple. « Ce n’est pas nécessairement que les professionnels les discriminent du fait de leur autisme, » dit-elle.

Il y a aussi que les personnes ayant des difficultés à comprendre que les autres ont des croyances, des désirs et des points de vue qui diffèrent du leur - une altération de la ‘théorie de l’esprit’ commune chez les personnes avec autisme - pourrait ne pas comprendre que les autres ne les voient pas comme ils se voient eux-mêmes. Une personne avec autisme pourrait ne pas réaliser, par exemple, que pour être considérée par les autres comme une femme, il doit ajuster son habillement et son apparence. Quelques uns des clients de Rachlin rechignent aux plus petits pas dans cette direction, dit-elle, insistant sur le fait qu’ils ne se soucient pas de ce que les autres personnes pensent tout en exprimant une grande détresse de ne pas être identifiés correctement dans leur genre affirmé. Certains d’entre-eux se plaignent aussi d’une grande solitude et d’isolement, tout en évitant les rencontres sociales, et refusant même de se rendre à des événements trans et des groupes de soutien.

Encore, elle indique que parfois, ce qui semble être de l’autisme peut véritablement être une dysphorie de genre non traitée. « Une si grande part de l’expérience d’être trans peut ressembler à l’expérience du spectre, » dit-elle. Les personnes qui ne veulent pas se socialiser dans leur genre de naissance semblent avoir de bien faibles compétences sociales, par exemple ; ils peuvent aussi se sentir si mal à l’aise dans leur corps qu’ils négligent leur apparence. « Cela peut-être parfois grandement réduit si vous fournissez à cette personne le soutien de genre approprié, » dit-elle.

D’autres sont en accord avec ces intuitions. Une étude de 2015 par des chercheurs du Boston Children’s Hospital a signalé que 23,1% des jeunes personnes présentées pour une dysphorie de genre dans une clinique du genre de la ville avaient peut-être, avec de bonnes chances, voire de très bonnes chances, un syndrome d’Asperger, tel que mesuré par le Asperger Syndrome Diagnostic Scale, bien que quelques uns d’entre eux avaient déjà reçu un diagnostic. En se basant sur ces découvertes, les chercheurs ont recommandé un dépistage de routine de l’autisme dans les cliniques du genre.

Mais ils ont aussi noté que quelques symptômes, comme de se sentir différent et l’isolement, sont associés aux deux pathologies. D’autres symptômes en commun comprennent le non maintien du contact oculaire, et le fait de passer de longues périodes en ligne, selon Amy Tishelman, professeur assistante de psychologie à la Harvard Medical School, qui a travaillé sur cette étude. La préoccupation du genre est même analogue aux intérêts restreints obsédants communs dans l’autisme.

Tishelman dit qu’un meilleur dépistage et de meilleurs instruments de diagnostic, tout comme des interventions spécifiques, sont requises pour les enfants souffrant à la fois d’autisme et de dysphorie de genre. « Nous devons développer des interventions qui les aident dans les situations sociales à la navigation encore plus complexe, » dit-elle.

La résistance de quelques parents aux doubles diagnostics présentent aussi des défis. Au Children’s National de Washington D.C., quelques parents d’enfants traités pour une dysphorie de genre étaient réticents à accepter que leur enfant puisse être aussi affecté d’autisme, dit Strang. A l’inverse, des parents d’enfants et d’adolescents déjà diagnostiqués avec autisme se demandaient si ce qui apparaissait être une dysphorie de genre ne pourrait pas être simplement un intérêt obsédant qui disparaitra avec le temps. « Les parents ont exprimé des craintes que pour certains enfants, le genre puisse n’être qu’une fixation transitoire, comme ont pu l’être les trains, » dit Tishelman. « Il peut y avoir une hésitation (à permettre une transition de leur enfant) de la part de quelques familles de ce fait. »

Des choix difficiles

Kathleen et Brad, les parents d’un adolescent avec syndrome d’Asperger, ont été déconcertés quand Jazzie (le surnom de Brad pour sa fille), alors âgée de quatorze ans, a d’abord dit à son conseiller scolaire, puis à sa mère, qu’elle était trans et qu’elle voulait engager une thérapie hormonale pour transiter physiquement vers le genre féminin. Jazzie avait été diagnostiquée d’un syndrome d’Asperger à l’âge de trois ans. Ses parents, en particulier Kathleen, ont mené une bataille paraissant sans fin avec les administrateurs de l’école publique pour qu’elle obtienne les services et les arrangements prévus par la loi, dont elle avait besoin.

De la perspective des parents, l’annonce de Jazzie est arrivée de façon inattendue. Ils étaient prudents au sujet de l’approbation d’interventions médicales irréversibles, comme une thérapie hormonale, dans l’éventualité où le genre se révèle être une fixation temporaire. « (Jazzie) n’a jamais dit, ‘je me suis sentie ainsi depuis des années,’ ou qu’elle se sentait ainsi depuis l’école primaire, » dit Kathleen.

Mais pour Jazzie, c’était comme si ses parents étaient « devenus idiots » et refusaient de lui faire confiance. Elle a passé la majorité de ses quinzièmes et seizièmes années à se sentir rancunière. « Je me sentais comme si le temps passait, mon corps se détruisant lui-même et que vous ne me laissiez pas le réparer, » dit-elle aujourd’hui, à dix-huit ans.

Jazzie a commencé à prendre des hormones et à utiliser des pronoms et un nom féminins à sa dernière année de collège, quand elle avait dix-sept ans. «  Pour moi, il semble que si j’avais commencé plus tôt, je serais plus moi. Mais maintenant, puisque j’ai commencé si tard, il est plus difficile de devenir physiquement ce que je devrais être, » dit-elle. « Je suis plus à demi-formée que je ne devrais l’être physiquement. »

Brad attribue l’affirmation de Jazzie au fait que ses parents auraient dû être avisés de sa dysphorie de genre dans le syndrome d’Asperger. La difficulté que les personnes avec autisme ont parfois à comprendre les croyances et les émotions d’autres personnes rendaient difficile pour elle la réalisation que ses parents pourraient ne pas avoir connaissance d’une chose aussi évidente pour elle, bien qu’elle n’ait jamais énoncé son sentiment de dysphorie de genre. « Elle se sentait comme si nous aurions dû le savoir, » dit Brad. « Mais nous avons dû le lui arracher. » Ayant aidé à la transition d’un collègue plus de vingt ans auparavant, Brad était mieux informé que bien des parents sur le processus, mais, comme sa femme, il estimait qu’il fallait avancer avec prudence. 

Avec le recul, Brad et Kathleen peuvent identifier quelques incidents qui pourraient avoir orienté vers une dysphorie de genre enfantine - comme quand ils ont trouvé Jazzie, alors âgée de six ans, sous le lit et portant des collants. Kathleen a alors découvert que Jazzie avait caché un de ses vieux collants dans un tiroir de son bureau, mais elle a pensé que Jazzie les portait parce qu’ils lui donnaient les mêmes sortes de confort sensoriel que le costume à compression qu’elle portait parfois à l’école.

Pendant ce temps, Jazzie insiste qu’elle a bien connu une dysphorie de genre depuis le début de son enfance. « Je me sentais comme n’étant pas un garçon, » dit-elle aujourd’hui. « Mais ce n’est pas avant le collège que j’ai commencé à me sentir vraiment en détresse face à ça. » Elle a recherché sur Google des mots relatifs au genre et à ses variations depuis l’âge de huit ou neuf ans, dit-elle.

Une fois assurés que le genre n’était pas un obsession passagère, ses parents ont aidé à faciliter sa transition à l’école en parlant aux enseignants, aux conseillers d’orientation et aux administrateurs. Ils savaient déjà comment la défendre ; leur expérience de l’autisme les ayant préparés à ce nouveau défi.
Les parents de Natalie, cinq ans, s’engagent juste sur ce chemin. Présentée à la clinique de l’autisme du Children’s National quand elle avait moins d’un an, du fait de retards de développement, Natalie a présenté des signes de non-conformité de genre depuis le plus jeune âge. Quand leur grand-mère a emmené toute la famille en croisière et a fourni des déguisements de capitaine à tous les enfants, ses frères se pavanèrent fièrement dans la cabine quand on leur eût dit combien ils étaient beaux. Natalie, alors âgée de quatre ans, a éclaté en sanglots, en disant, « Je ne veux pas être belle, je veux être jolie. » Cette année-là, elle a insisté pour se déguiser en la Queen Elsa du film Disney « Frozen », à Halloween.

Le père de Natalie observait ces développements avec appréhension. « Je savais que quelque chose se passait depuis qu’elle avait un an et demie, » dit-il. Les choix de jeux et de rôles de Natalie, son style de jeu et ses maniérismes pointaient tous vers la direction féminine, même avant qu’elle ne soit capable de formuler son identité de genre en mots. Cela le perturbait, dit-il : « Je voulais qu’elle soit un garçon. » Pendant une année, ils bataillèrent tous deux, mais, confronté à une enfant profondément malheureuse et récalcitrante, « finalement, j’ai dit, ‘d’accord, sois une fille.’ »

Depuis lors, Natalie est bien plus heureuse, dit-il. Lui et sa partenaire préparent toujours les détails de la transition de Natalie vers son nouveau nom et pronoms à l’école, et luttent avec leurs propres sentiments sur les défis à venir. Prendre des décisions en son nom, l’aider et la défendre à l’école et dans la communauté, est plus difficile du fait du manque de données sur les conséquences de la non-conformité de genre pour les enfants dans le spectre de l’autisme. « En ce moment, nous nous laissons guider par elle, » dit son père. « Elle essaie toujours de trouver sa place. »

Bien que la science ne fournisse que peu d’aide aux parents d’enfants comme Natalie en ce moment, cela pourrait changer bientôt. Jusqu’à aujourd’hui, toutes les études publiées sur la co-occurence de l’autisme et de la dysphorie de genre ont été des études d’incidence, confirmant que les deux pathologies apparaissent conjointement plus souvent que l’on ne s’y attendait. Espérant faire avancer la connaissance à un autre niveau, Strang a contacté toutes les personnes ayant publié sur ce phénomène, ainsi que tous les experts des cliniques du genre du monde entier. Ces deux dernières années, ce groupe a confronté ses expériences et ses idées en ligne. Le résultat en est un exposé de position et un groupe de recommandations pour les aides au diagnostic et au traitement des personnes avec co-occurence de dysphorie de genre et de troubles du spectre de l’autisme. Ce document posera les bonnes pratiques, empêchant peut-être les sortes d’incompréhensions cliniques qui ont mené Kayden Clarke au désespoir.

Strang espère que cet article pourra être publié dans les six mois. « Ces enfants ont besoin d’aide, » dit-il.

Au mois de mars, les législateurs de Caroline du Nord ont voté une loi qui exclut les personnes trans des toilettes et des vestiaires qui ne correspondent pas au genre de leur certificat de naissance. Pour les personnes trans avec autisme, qui sont souvent naïves et inconscientes de la façon dont elles sont perçues par les autres, de telles lois présentent une menace très réelle d’une sorte de confrontation pour laquelle ils sont bien mal équipés. Le groupe de Strang travaille à aider les enfants et les adolescents de leur programme à faire face à de tels défis. « Notre priorité est la sécurité », dit Strang, « ce que cela veut dire d’être trans dans différentes communautés. » L’autisme peut créer des zones d’ombre autour de ces problèmes, dit-il, mais lui et ses collègues reconnaissent aussi ses avantages, comme une concentration intense.

Grobman aussi voit ces aspects de l’autisme comme prenant part de son efficacité en tant que militante. Sa concentration intense sur les droits des trans et des handicapés pourrait bien être une sorte d’obsession, admet-elle, mais à la différence des fixations de son enfance pour le jeu de Pokemon, cette fixation n’est pas triviale. Vivre sous la menace d’être harcelée, battue ou arrêtée pour avoir utilisé le ‘mauvais’ vestiaire génère une anxiété presque constante. Grobman dit qu’elle se sent guidée à travailler pour un changement sociétal qui rendrait le monde plus sûr pour des personnes comme Ollie, Natalie, Jazzie et elle-même. «  Nous devons créer une compréhension de la validité des expériences trans et autistiques, » dit Grobman. « Vous vous battez pour votre propre existence. »
Ollie semble partager cette croyance. Immergé dans la lutte entre l’Alliance Rebelle et l’Empire Galactique sur la table du salon, son commentaire en direct semble une référence oblique aux défis auxquels il fait face. « Ils ont besoin de renforts, » dit-il. « C’est le dernier groupe de combattants, et ils essaient de survivre. »

Traduction par PY.
père autiste d'une fille autiste "Asperger" de 41 ans
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Jean
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Re: Y'a-t-il un lien entre autisme et dysphorie de genre?

Message par Jean »

De nouvelles indications cliniques en matière de dysphorie de genre dans l’autisme

New clinical guidelines address gender dysphoria in autism
par Deborah Rudacille -7 novembre 2016
Un nouvel ensemble d’indications destinées à assister les médecins dans la reconnaissance et le traitement de la dysphorie de genre chez les adolescents avec autisme.
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Les indications, publiées le 24 octobre (2016), recommandent que les adolescents recherchant un traitement dans les cliniques du genre soient dépistés pour l’autisme, et que les personnes avec autisme soient évaluées pour les problèmes de genre. Les cliniciens de l’autisme attendaient ces recommandations, qui reflètent aussi l’opinion des experts sur la co-occurence des deux pathologies.

Les personnes éprouvent la dysphorie de genre quand leur sexe biologique ne correspond pas à leur genre perçu. Quelques études ont rendu compte que les personnes avec autisme démontrent des niveaux plus élevés qu’attendus de variance de genre. De la même façon, la prévalence de l’autisme parmi les individus transgenrés est plus grande que dans la population générale.

« Nombre de ces gamins qui viennent à nos programmes ne sont pas seulement trop intéressés, dans un sens autistique, par quelqu’aspect du genre - c’est plus profond, » dit John Strang, un neuropsychologue pédiatrique du Children’s National Health System de Washington D.C. « Vous devez les écouter et façonner des approches médicales satisfaisant leurs besoins, sans espérer qu’ils se conforment ou rentrent dans la case d’un genre typique. »

Strang a rédigé ces indications en collaboration avec vingt-deux spécialistes des champs de la pédiatrie, de la psychiatrie et de l’endocrinologie. La majorité de ces experts s’accordent sur la doctrine d’évaluations et de dépistages réciproques. Ils sont aussi d’accord sur le fait que quelques enfants avec autisme connaissent un sentiment du genre en dehors de la binarité mâle/femelle.

Les spécialistes de l’autisme qui voient de nombreux jeunes gens avec des difficultés de genre disent qu’ils sont soulagés d’enfin disposer d’un ensemble d’indications pour guider leur pratique.

« Nous ne nous basions que sur les meilleures pratiques pour l’autisme seul, et ce n’est pas suffisant, » dit Audrey Blakeley-Smith, professeur associée de psychiatrie à l’école de médecine de l’université du Colorado, qui n’a pas participé à la rédaction des recommandations.

Les ‘bonnes’ hormones

L’Endocrine Society, une association internationale dédiée à l’endocrinologie et au métabolisme, recommande un traitement hormonal pour les adolescents présentant une dysphorie de genre persistante sans problèmes psychiatriques non pris en charge, et pouvant comprendre les conséquences du traitement. Le traitement, qui commence typiquement à l’âge de treize ans, met en oeuvre des hormones bloquant la puberté, qui stoppent le développement des caractéristiques sexuelles secondaires.

Les effets de ces hormones sont réversibles. Mais si la dysphorie de genre persiste, vers l’âge de seize ans, les adolescents peuvent commencer à prendre un nouveau groupe d’hormones qui aligne leurs corps avec leur genre perçu.

Les nouvelles indications affirment le droit des individus avec autisme à recevoir le traitement pour la dysphorie de genre, mais les experts ne s’accordent pas sur le meilleur moment d’initiation du traitement. Certains disent que les adolescents avec autisme et dysphorie de genre devraient essayer de vivre leur genre perçu pendant au moins la moitié du temps avant de commencer le traitement hormonal. Ils pourraient, par exemple, changer leur nom, ou porter des vêtements qui correspondent à leur genre perçu, à la maison ou dans la communauté.

D’autres disent que cette approche créerait des difficultés pour les jeunes gens avec autisme, qui pourraient ressentir le besoin ‘des bonnes hormones dans leur corps’ avant de vivre dans le genre correspondant, dit Strang. Les jeunes personnes avec une dysphorie de genre qui ne sont pas dans le spectre tendent à être moins insistantes sur le besoin d’hormones avant une transition sociale vers leur genre perçu.

Les indications reconnaissent que les adolescents avec autisme, dont nombre d’entre eux ont des difficultés à planifier le futur, ont besoin d’un soutien constant dans le discernement de leur identité de genre, explorant les implications d’une vie dans un autre genre et la prise de décisions sur un traitement médical. Ce processus peut prendre un peu plus de temps pour les jeunes personnes avec autisme. Leurs parents, aussi, peuvent être inquiets d’une avancée trop rapide. « Nous ne fermons pas les portes, mais nous ne précipitons pas non plus le traitement, » dit Strang.

Un développement retardé

Blakeley-Smith dit qu’une personne sur quatre se présentant à sa clinique de l’autisme sont de jeunes adultes avec une dysphorie de genre qui disent être dans le spectre. Elle voit aussi de jeunes adultes qu’elle a diagnostiqués d’autisme enfants revenir à la clinique des années plus tard avec des difficultés relatives à la dysphorie de genre. « Je pense que c’est une population dramatiquement négligée, » dit-elle.

D’autres experts disent qu’une identité de genre fixée peut mettre plus de temps à se développer pour les individus avec autisme que pour les jeunes gens au développement typique. En conséquence, disent-ils, de nombreux adolescents avec autisme qui ne se conforment pas à leurs attentes de genre ou ayant une identité de genre fluide peuvent finalement accepter leur genre de naissance.

« Mes préoccupations sont moins ces indications que la recherche utilisée pour soutenir l’idée que la dysphorie de genre est plus commune dans l’autisme, »  dit Gerrit I. Van Schalkwyk, moniteur de clinique en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent au Child Study Center de Yale. « Mon argument est que vous devez d’abord comprendre le cours normal du développement du genre chez les personnes avec autisme. »

Strang dit qu’il espère qu’une collaboration continue entre les experts de l’autisme et du genre aidera à déterminer la fréquence de la co-occurence de la dysphorie de genre et de l’autisme et guidera les médecins dans la satisfaction des besoins des personnes réunissant ces deux pathologies.

https://spectrumnews.org/news/new-clini ... ia-autism/

References:

Strang J.F. et al. J Clin. Child Adolesc. Psychol. Epub ahead of print (2016) PubMed
Strang J.F. et al. Arch. Sex Behav. 43, 1525-1533 (2014) PubMed
De Vries A.L. et al. J. Autism Dev. Disord. 40, 930-936 (2010) PubMed
Vance S.R. et al. Pediatrics 134, 1184-1192 (2014) PubMed
Van Schalkwyk G.I. et al. Yale J. Biol. Med. 88, 81-83 (2015) PubMed
père autiste d'une fille autiste "Asperger" de 41 ans