Sur le même sujet, présentation d'un article de René Tuffreau dans le dernier bulletin de l'ARAPI :
http://forum.asperansa.org/viewtopic.php?p=15644#15644
Extraits :
Une fois enveloppé, le jeune se détend jusqu'à s'endormir, le corps en résolution musculaire pour une durée variable de une à dix minutes. Son éveil, le fait de relever la tête, le regard qu'il nous adresse alors signent la fin de la séance. Il est à noter que pendant la phase « d'endormissement", il est très fréquent qu'un jeune dont le regard est particulièrement fuyant parvienne à le poser sur chacun des adultes doucement, lentement, de façon appuyée, voire nomme les adultes avant de glisser dans le sommeil.
Cette séance se déroule sans accompagnement sonore, dans une ambiance lumineuse réduite.
Les enfants à qui nous proposons cette situation ont en commun une instabilité psychomotrice ou des conduites autoagressives se répétant et dont nous n'avons pas identifié les facteurs déclenchants ou conditionnants. Nous pouvons également l'utiliser pour soulager un état de tension ou de stress chez un enfant dans une période où les traitements en cours (éducatifs, pharmacologiques ou relationnels) ne produisent pas encore les effets attendus.
Nous observons que souvent 4 ou 5 séances suffisent à passer un moment difficile, ces séances pouvant être reprises si les mêmes difficultés réapparaissent.
Dans les cas plus sévères, nous pouvons pratiquer des séances itératives (une fois par semaine) sur une période prolongée. Le guide de choix est le bénéfice direct qu'en tire l'enfant en-termes d'apaisement, de détente, de signes de moindre souffrance ou malaise, de demande de sa part de recommencer. Pour certains, le bénéfice d'une séance hebdomadaire se prolonge toute la semaine. pour -- la séance est le seul moment de pause de leur agitation douloureuse et nous serions tentés de le répéter aussi souvent que nécessaire, si ce n'était la lourdeur logistique de l'outil (2 professionnels seuls avec un enfant pendant une demi-heure).
Si les conditions de préparation, de présentation au jeune et à sa famille et de rigueur du cadre proposé sont respectées, cette " activité " procure aux jeunes une vraie détente, un réel apaisement.
Nous n'avons aucun moyen aujourd'hui de justifier l'intérêt de ce travail autrement que par le bien-être qui nous apparaît en découler pour les jeunes dont nous avons la charge. Nous savons que nous proposons dans un cadre familier à l'enfant, avec des adultes connus et habitués à ce travail, dans une ambiance hypostimulante, dans une eau neutre en température (34" C), un enveloppement qui enserre doucement et se moule sur le corps. Nous observons que les enfants présentant les formes les plus sévères d'autisme, dans la mesure où ils acceptent la situation (voir ci-dessus), vont quasi systématiquement poser leur regard lentement sur chacun des deux adultes avant de fermer les yeux et de glisser dans une phase de sommeil.
Mais le corps se détend, les lèvres se desserrent, la respiration se régularise. L'enfant est au repos. Après quelques minutes, les yeux s'entrouvrent, l'enfant regarde les adultes et il fait un signe pour se redresser. Nous le débarrassons de ses enveloppements et l'aidons à sortir de l'eau, à se sécher, à se rhabiller puis à rejoindre ses autres activités. Nous avons créé pour lui un temps et un espace de pause sensorielle et d'apaisement. (...)
Dans notre texte, c'est bien la peau-enveloppe physique, avec ses fonctions sensorielles, métaboliques et immunitaires qui intéresse.
Les défaillances graves du traitement de l'information sensorielle chez ces personnes altèrent bien évidemment le sens du toucher. - nous observons fréquemment des hyperesthésies à certains textiles (fibres artificielles en général), une indifférence aux coupures même profondes cohabitant avec une panique à la vue du sang, des auto- mutilations par grattage, une insensibilité au froid ou au chaud, un refus du contact peau à peau, des morsures ... (...)
Ce besoin d'être serré est suffisamment redondant dans 1a littérature, en dans les témoignages des personnes avec autisme de haut niveau ou syndrome d'Asperger, pour que nous puissions considérer que c'est une donnée guide dans la mise en oeuvre de techniques de soins. Mais une même personne, la réponse à une stimulation cutanée est variable dans le temps, voire selon le contexte. La rigueur de l'observation clinique nous permet de repérer ces comportements sensoriels et de juger de l'opportunité de proposer des activités adaptées. (...)
Faut-il proposer une théorisation ?
En faisant le lien avec les témoignages des adultes avec autisme (Temple Grandin et sa machine à serrer, etc.) ou avec la publication de l'équipe de Daniel Rossignol aux Etats-Unis (Rossignol et coll. 2007, 2009) sur l'utilisation du caisson hyperbare, nous notons que le facteur " hypostimulation " voire anesthésie semble jouer un rôle majeur dans cet apaisement. Nous pouvons également évoquer " l'effacement " provisoire des signes autistiques dans un contexte de forte fièvre ou lors d'un réveil après coma ou anesthésie profonde. Dans ces situations, la personne revient à la conscience par étapes : d'abord
un champ visuel réduit et une vision floue, puis un élargissement progressif avec apparition de la perception sonore et en dernier la perception tactile. La fixation du regard, voire des séquences de langage peuvent apparaître mais s'effacent dès que l'ensemble des compétences sensorielles est redevenu fonctionnel. Cela nous rappelle la notion " d'insuffisance modulatrice cérébrale " du professeur Lelord ou celle de " débordement sensoriel " de Bernadette Rogé.
Que conclure ?
Avec du recul, je ne suis pas certain qu'il faille en tirer davantage de conclusions, sauf à considérer que ce que nous savons aujourd'hui sur les mécanismes en jeu dans l'autisme n'interdit pas, bien au contraire, d'utiliser cet outil au bénéfice des personnes avec autisme. Ce type d'intervention est ponctuel et ne nous dispense pas d'un travail en profondeur sur la connaissance des particularités sensorielles d'une personne avec autisme et la mise en oeuvre de corrections ou rééducations adaptées.