Je déterre ce vieux topic car j'ai envie (besoin ?) de parler de l'empathie, chez les NT, chez les aspies et chez les non autistes atteints de certains troubles de la personnalité.
Anahata a créé un sujet similaire il y a quelques mois :
viewtopic.php?f=8&t=10981&hilit=Empathie mais j'ai préféré ressortir cette discussion qui comprend plus de pages.
Petite mise en contexte :
Cela fait quelques semaines (mois) que je m'interroge sur ce qu'est l'empathie, à la fois pour comprendre comment elle s'exprime chez les aspies (en quoi est elle différente de chez les NT ?) et parce que sur un autre forum, une connaissance a la sale manie de reprocher aux gens de "manquer d'empathie".
Selon moi elle confond le sentiment d'empathie avec son expression ; si je prends mon cas comme exemple, une fois elle m'a reproché de manquer d'empathie, or c'est archi faux, j'ai beaucoup d'empathie, beaucoup trop même (c'était mon impression et ma psy semble d'accord avec ça), mais je ne l'exprime pas de la façon attendue/souhaitée par la majeure partie des gens.
De plus, l'empathie n'implique pas d'être d'accord avec la personne et son ressenti. L'empathie c'est comprendre ce que l'autre ressent et pourquoi il le ressent (la fameuse théorie de l'esprit), mais en aucun cas ça n'oblige à partager cette émotion et à faire fi de ses émotions personnelles !
Or c'est là que de nombreux NT (mais sont ils vraiment si typiques que ça ?) se plantent royalement sur l'empathie.
Ils ont une approche très nombriliste de l'empathie, en gros pour eux l'empathie c'est quand quelqu'un ressent ce qu'ils ressentent et quand eux mêmes ressentent ce que l'autre ressent, or ça c'est de la sympathie. Les gens ne veulent pas de l'empathie, en fait ils veulent de la pitié (compassion) et de la sympathie et pour moi c'est là que ça bloque. C'est aussi pour ça que régulièrement on lit des trucs cons du genre "les aspies n'ont pas d'empathie".
Un truc qui m'a frappé quand j'ai rencontré mon ami aspie, c'est qu'il était beaucoup plus attentif que les autres à mon bien être. Il arrivait à déceler quand je n'allais pas bien. Il était incapable de deviner pourquoi mais il le sentait, quand les autres (les NT) mettaient un certain temps à s'apercevoir de mon malaise (ou ne le voyaient jamais car je suis du genre secrète IRL) mais lorsqu'ils le percevaient ils savaient pourquoi.
Si j'en parle aujourd'hui c'est parce qu'hier j'ai été confronté à un cas d'école...
C'était l'assemblée générale de mon association et plusieurs épisodes m'ont poussé à me requestionner sur l'empathie et son expression.
Premier exemple : à un moment, un ancien membre a dû quitter la salle car il ne peut plus conduire de nuit, il fallait donc qu'il parte avant le coucher du soleil. En partant, il m'a remercié pour tout ce que je faisais pour l'association (dont je suis membre depuis 12 ans) et a également remercié le président car c'est un boulot pas facile. La trésorière qui est très investie elle aussi dans l'association depuis six ans et se démène comme une folle (au point d'être submergée car elle ne sait pas gérer son temps) a été profondément vexée qu'on ne la remercie pas et s'est mise à pleurer. Elle est sortie pour se calmer.
Deux heures plus tard, lorsqu'une membre s'est plaint qu'il n'y avait pas assez de bienveillance dans l'association et qu'elle demandait à ce qu'on reconnaisse le travail de chacun et qu'on remercie les membres, la trésorière s'est opposée à elle en disant que ce n'était pas nécessaire, qu'on faisait tous ce qu'on avait à faire et c'est tout...
J'ai été profondément déroutée par ce manque d'empathie criant. La jeune trésorière est incapable d'éprouver de l'empathie alors que les sentiments ressentis par les autres sont exactement les mêmes que les siens !
Dans d'autres circonstances, je l'ai vu éprouver de l'empathie et de la sympathie (surtout pour des gens avec un passif similaire au sien justement), mais elle a visiblement une grande difficilté à la reconnaissance des émotions et des motivations d'autrui juste par les mots s'ils ne sont pas explicités clairement visuellement (larmes, sourires, etc.) Et elle est très centrée sur elle même.
Cette jeune femme a des troubles psy, je ne sais pas lesquels exactement mais ils sont voyants. Par contre elle est incapable de reconnaître les problèmes chez les autres (par exemple son ancien compagnon a un trouble de la personnalité paranoïaque et elle ne l'a jamais vu alors que tout le monde le sait, de même elle pense que notre collègue anglais autiste est juste un "feignant qui fait l'andouille"...)
Ses problèmes psy la rendent antipathique aux yeux des autres membres de l'association et là encore où est l'empathie ?
Moi je ne l'apprécie pas, je n'aime pas travailler avec elle car c'est usant de ne pas savoir si telle ou telle phrase ne va pas déclencher une crise de nerfs, mais il n'empêche que lorsqu'elle est en détresse je sens sa peine, je sais que son enfance a été difficile, je sais que certains impératifs de boulot la rendent nerveuse et la fatiguent. Bref, je ne l'aime pas mais je ressens de l'empathie pour elle, or j'ai l'impression d'être quasiment la seule dans notre association. Les autres sont épuisés, leurs propres émotions sont tellement malmenées par elle qu'ils n'éprouvent plus d'empathie (alors qu'il y a encore quelques années certains avaient pitié d'elle et comprenaient son ressenti).
Son attitude nuit à la capacité d'empathie des autres.
J'ai remarqué ça aussi chez son ancien compagnon qui fait aussi partie de l'association. Son empathie est orientée vers des gens qui lui ressemblent et alors qu'en apparence c'est un gros con râleur, quand on le connaît bien on se rend compte que c'est un être hypersensible et aussi hyperempathique (là encore uniquement pour une partie de la population, ses idéaux étant très forts il n'éprouve que peu d'empathie pour les gens en désaccord avec ses principes).
Lui aussi est monté sur ses grands chevaux lorsque la membre s'est plaint du manque de bienveillance. Il a pris ça comme une attaque personnelle.
Les autres membres eux ne disaient quasiment rien, comme à chaque fois, ils sont détachés de tout ça. C'est un moyen pour eux de se protéger : je crois qu'ils éprouvent encore de l'empathie mais ils ne l'expriment pas et cherchent à l'étouffer pour ne pas souffrir inutilement.
Mais là c'est autre chose qui m'a dérangé : le fait qu'on n'avance pas. Car ceux qui sont incapables de faire correctement leur introspection sont bloqués dans une boucle sans fin et les autres préfèrent se murer dans le silence, pour éviter les problèmes, en attendant que tout crève.
Alors où est l'empathie dans tout cela ?
C'est sans doute égocentrique de ma part de penser cela, mais hier j'ai eu l'impression d'être la seule à ne pas faire preuve d'égocentrisme justement et de vouloir le bien de l'association plutôt que mon bien être personnel. J'avais l'impression d'être la seule à être capable d'une véritable empathie, c'est à dire analyser les attentes de chacun, comprendre leurs sentiments, leurs pensées, sans les partager pour autant, et essayer d'en tenir compte même si c'est difficile vu que certaines opinions s'opposent radicalement.
Ou alors je me trompe et ce n'est pas de l'empathie, c'est juste du pragmatisme ? Pourtant un être pragmatique ne se préoccuperait pas des états d'âmes de femmes éplorées.
J'en viens donc à m'interroger : les NT ont ils vraiment tous une bonne capacité d'empathie ?
Et surtout quelles sont les limites de cette empathie ?
Pendant la pause de la réunion, on a parlé à un membre qui vient de se faire larguer par sa copine, plusieurs membres ont éprouvé de l'empathie et l'ont exprimé clairement (à leur manière). Moi je n'ai rien dit, à quoi bon ? Je ne peux pas l'aider concrètement et on n'est pas proche donc je doute qu'il s'intéresse à ma compassion à son égard.
Je devine son mal être même si sur son visage il essaye de rester digne, il y a des signes qui montrent sa perplexité ; il ne semblait pas triste mais perdu et déboussolé, comme si ses certitudes avaient été démolies.
J'observe beaucoup, je ressens mais je n'exprime rien. Je me doute que j'ai l'air froide aux yeux des autres, mais je ne vois pas l'intérêt de m'épencher ainsi sur le destin des autres, ce ne sont que des mots inutiles, pour moi l'important c'est de comprendre qu'une personne est en détresse pour pouvoir l'excuser si elle n'est pas au top au niveau du travail ou de ses relations sociales. Après l'expression de l'empathie qui se transforme en sympathie c'est bien pour les amis proches ou ceux qui demandent clairement de l'aide, mais la politesse c'est de la fausse empathie pour moi. Et tout ce qui est faux m'exaspère, je veux de la sincérité et en bonne dose.
On dit que les aspies manquent d'empathie mais visiblement, de ce que j'ai pu voir sur Asperansa, les aspies ont plus d'empathie que certains de mes camarades d'association qui sont atteint de troubles mentaux sans rapport avec l'autisme et leur empathie est plus sincère que celle de NT qui expriment leur empathie selon des codes sociaux bien établis et finalement pas toujours super éloquents.