Relations sociales et sentiment d'insécurité

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Jean
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Re: Relations sociales et sentiment d'insécurité

Message par Jean »

snip a écrit :Clairement on est en train de passer au constat que s'il est facile de comprendre la maltraitance physique on néglige trop souvent la maltraitance psychique dans le jeune âge qui crée un préjudice important et des séquelles irréversibles.

Reste à faire évoluer les mentalités pour que l'on puisse comprendre que la maltraitance psychique est pour le moins aussi destructive et donc répréhensible que la maltraitance physique.
C'est vrai qu'un jeune autiste est exposé particulièrement à la maltraitance dans sa jeunesse - et donc à l'école. Pour certains, cela justifie un enseignement spécialisé, à part des autres enfants.

Il y a un peu de çà dans la démarche des 3I, l'idée d'un retrait de l'école pour "sortir de l'autisme" grâce à des sollicitations intensives au jeu. Ce retrait permettrait ensuite l'intégration à l'école normale. Un texte de Jim Sinclair plaide aussi en ce sens (à rechercher sur le forum).

A un enfant neuro-typique ("normal"), la première réaction par rapport à la maltraitance est de lui dire de se défendre. J'ai compris, avec Georges Huard (en 2005), que ce n'est pas possible, la tolérance zéro est indispensable.

La maltraitance psychologique ou psychique est différente : c'est encore plus difficile de lutter contre. Et si on ne le fait pas, l'enfant NAT (ou aspie, ou TED) finira par réagir violemment (physiquement), ce qui va le cibler pour les punitions.

Je suis revenu sans m'en apercevoir sur l'aspect "court terme". Le personnel enseignant doit prendre conscience de cela, mais aussi des conséquences à long terme, pour être incité à ne pas minimiser ces questions.
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Re: Relations sociales et sentiment d'insécurité

Message par Jean »

omega a écrit :Quand on a quelqu'un en face de soi, on l'aime ou pas, on le trouve attirant ou bien repoussant, sympathique ou antipathique, sincère ou malhonnête, etc... Forcément! On n'y peut rien, c'est une réaction physique, émotionnelle, spontanée, incontrôlable. Qu'on le veuille ou non, et même si on refuse "éthiquement" de se l'avouer.
Ce n'est pas forcément négatif, et ça n'empêche absolument pas d'en tenir compte et de composer avec par la suite. Il y a plein de gens qu'on n'aime pas, et avec qui on peut quand même faire du bon travail, par exemple.
A condition qu'on soit parfaitement transparent avec ça, bien sûr. S'avouer ouvertement qu'on a des jugements sur soi et sur les autres, cela me semble plus honnête que de le nier et de se persuader soi-même du contraire.
Se défendre de préjugés racistes, sexistes, homophobes etc ... c'est possible.
Mais s'empêcher d'apprécier ceux et celles qui sont beaux, c'est beaucoup plus difficile. Et pourtant, dans les études sur le recrutement, c'est une des inégalités les plus rencontrées.

Il est possible de s'avouer qu'on a des préjugés ou des réactions irrationnelles, mais on ne les connaît pas toujours.
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Re: Relations sociales et sentiment d'insécurité

Message par Jean »

omega a écrit :Par contre, quand on apprécie quelqu'un et qu'on lui dit "t'es génial", il devrait nous reprendre également et nous dire: "non, ne dis pas que je suis génial, dis que tu me trouves génial..." Hum... bonjour la modestie aussi. :D
Bon, en Bretagne, on dit : "ton truc, c'est pas trop mal". Un usage immodéré de la litote prouvé par les linguistes, paraît-il.
NB : Murielle n'est pas encore totalement assimilée.
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Re: Relations sociales et sentiment d'insécurité

Message par Jean »

Jean a écrit :"ton truc, c'est pas trop mal".
Traduction par des psys autoproclamés de cet usage de la litote : "sens critique dépréciateur". :lol:
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Re: Relations sociales et sentiment d'insécurité

Message par omega »

Jean a écrit :C'est vrai qu'un jeune autiste est exposé particulièrement à la maltraitance dans sa jeunesse - et donc à l'école.
A l'école, avec ses amis, ou dans sa famille... :? Puisque tu parles de maltraitance physique ou psychique.

Chaque famille aussi a son "mouton noir", le tonton ou la cousine que les enfants ne connaissent pas et dont on ne parle pas à table; chaque bande d'amis son "arapède", celui qui est toujours collé au groupe cherchant à en faire partie, et dont les autres profitent. Souvent ça en reste là, mais parfois c'est plus...
Croire que la maltraitance se limite à l'environnement "hostile" de l'école ou du travail, ce serait de mon point de vue une grossière erreur. Elle peut très facilement s'insinuer partout, y compris dans les environnements les plus clos et les plus protégés.

(et pan, retour dans en plein dans le sujet de l'insécurité :D )
Il est possible de s'avouer qu'on a des préjugés ou des réactions irrationnelles, mais on ne les connaît pas toujours.
Il n'y a pas 50 solutions, à mes yeux: travailler sur soi.
Ce n'est pas grave d'avoir des phobies ou des préjugés, du moment qu'on sait qu'on en a et qu'on n'en est pas dupe.

J'aime bien la litote bretonne :D , je connais aussi la litote lyonnaise: "c'est pas mauvais" (qui à l'inverse de la bretonne, signifie que c'est franchement pas terrible quand même, pour ne pas dire dégueu :lol: ).
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Re: Relations sociales et sentiment d'insécurité

Message par Jean »

omega a écrit :J'aime bien la litote bretonne :D , je connais aussi la litote lyonnaise: "c'est pas mauvais" (qui à l'inverse de la bretonne, signifie que c'est franchement pas terrible quand même, pour ne pas dire dégueu :lol: ).
La litote lyonnaise serait donc un euphémisme ? :mryellow:
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Re: Relations sociales et sentiment d'insécurité

Message par Jean »

omega a écrit :Ce n'est pas grave d'avoir des phobies ou des préjugés, du moment qu'on sait qu'on en a et qu'on n'en est pas dupe.
Ok, mais la prise de conscience n'est pas toujours évidente.
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Re: Relations sociales et sentiment d'insécurité

Message par omega »

Jean a écrit :La litote lyonnaise serait donc un euphémisme ? :mryellow:
Voire même une antiphrase, maintenant que tu le dis. Image :)
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Re: Relations sociales et sentiment d'insécurité

Message par omega »

Jean a écrit :Ok, mais la prise de conscience n'est pas toujours évidente.
Ma foi, en effet. Cette idée me perturbe beaucoup ces jours-ci.
Une personne de ma famille proche sombrée dans une grave dépression, qui ne voit absolument pas d'où cela peut provenir, pas plus que son entourage, et qui espère que consulter un psy l'aidera à "découvrir l'origine de ce mal"... :? :? :?
Je crois que je suis incapable de comprendre comment on peut ne pas être conscient de ce qu'on sent, se mentir à un tel point, et s'enfermer aussi dramatiquement dans son refus de voir la réalité en face. (si toi tu le comprends mieux, explique-moi :) )
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Re: Relations sociales et sentiment d'insécurité

Message par bernard »

omega a écrit :Je crois que je suis incapable de comprendre comment on peut ne pas être conscient de ce qu'on sent, se mentir à un tel point, et s'enfermer aussi dramatiquement dans son refus de voir la réalité en face. (si toi tu le comprends mieux, explique-moi :) )
Cela fait partie du TED.
Je partage la même phrase soulignée, mais je me dis juste après, que l'autre est différent de moi, et qu'il peut très bien ne rien comprendre à ce qu'il vit. Si si, c'est possible.

Au boulot, un nouveau est arrivé dans le service et plus je l'observe, plus je rumine la phrase de Omega.
Comment fait-il pour ne pas comprendre ce qu'il est ? Il se pose beaucoup de questions, et donne trop de détails sur sa différence. J'espère qu'il va le découvrir tout seul.
Il ne lui reste plus que son père, mais ces oncles et neveux ont des troubles qui varient de la schizo pour certains, aux troubles bipolaires pour d'autres. Côté génétique, il y a du remaniement dans l'air. Il a du faire un caryotype car il a une formulation sanguine très spéciales qui lui entraine des complications de santé.
Je cherche actuellement s'il est plus gouverné par la logique ou par le suivi des règles, mais quand on le branche sur le sujet, il en parle des heures.

Tous les autres NT du service le regardent comme un être bizarre, mais il ne semble pas s'en rendre compte.
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Re: Relations sociales et sentiment d'insécurité

Message par Jean »

omega a écrit :Une personne de ma famille proche sombrée dans une grave dépression, qui ne voit absolument pas d'où cela peut provenir, pas plus que son entourage, et qui espère que consulter un psy l'aidera à "découvrir l'origine de ce mal"... :? :? :?
Je crois que je suis incapable de comprendre comment on peut ne pas être conscient de ce qu'on sent, se mentir à un tel point, et s'enfermer aussi dramatiquement dans son refus de voir la réalité en face. (si toi tu le comprends mieux, explique-moi :) )
Ma foi, je ne vois pas comment une psychothérapie permet de trouver "l'origine du mal" : mais soigner le mal-être en parlant à un psy, çà peut être utile.
Et une caractéristique de la dépression, c'est justement de ne pas pouvoir se prendre en main. Et c'est incompréhensible pour celui qui n'est pas dedans.
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Re: Relations sociales et sentiment d'insécurité

Message par snip »

Dans "Thinking in pictures" Temple Grandin reprend le témoignage d'une nièce de Einstein qui indique que dans sa famille il y a de nombreux cas qui naviguent entre autisme et schizophrénie.

De récentes recherches ont montré que des gênes précurseurs pouvaient s'exprimer soit dans l'autisme ou dans la schizophrénie. L'origine serait commune mais l'expression différente en fonction de paramètres non encore élucidés.

Ceci pourrait justifier que nous englobions notre réflexion dans la notion de neuro-atypie et concevoir que la problématique réside plus dans une acceptation des minorités ayant des différences neurobiologiques plus que dans l'acceptation ordinaire de pathologies.

Avec cette compréhension on peut facilement déduire que le sentiment d'insécurité serait d'origine secondaire et dû à une longue expérience d'ostracisation que connaissent toutes les minorités.

L'homme est un loup pour l'homme et pour les minorités neurobiologiques j'ai bien peur qu'il soit pire.
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Re: Relations sociales et sentiment d'insécurité

Message par Rose »

snip a écrit :
L'homme est un loup pour l'homme et pour les minorités neurobiologiques j'ai bien peur qu'il soit pire.
bonjour
La dessus je te rejoins tout à fait, mais pas besoin d'être une minorité pour le ressentir. (tout le monde me dit que je suis parano :mryellow: )
Pas trop présente en ce moment, entre la neige (nous sommes bloqués depuis 4 jours) et ma lettre au procureur (je la veux parfaite), c'est un peu la cata!!!
"Ne le secouez pas, cet homme est plein de larmes." Charles Dickens.
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Re: Relations sociales et sentiment d'insécurité

Message par omega »

Merci, Jean. :)
Jean a écrit :Et une caractéristique de la dépression, c'est justement de ne pas pouvoir se prendre en main. Et c'est incompréhensible pour celui qui n'est pas dedans.
Ok.
Pour avoir passé 6-7 ans seule en plein dedans et en avoir exploré nombre de bas-fonds, j'ai vécu différemment la dépression et je la vois très différemment aujourd'hui.
Déjà, l'appeler un "mal", ça me choque car au contraire, j'y vois une réaction très saine d'alerte/stop/ras le bol du corps ou du psychisme quand on leur fait endurer trop longtemps quelque chose au-delà de leurs limites et qu'on a ignoré toutes leurs (nombreuses) alertes. Quand il n'est plus possible de demeurer sourd et de passer outre, en dernier lieu la dépression qui vient tout stopper en ultime limite.
Plus de forces et plus de moral, comme ça on ne fait plus rien et l'organisme se repose EN-FIN. :D Arrêt d'urgence.
C'est sûr, quand l'arrêt d'urgence se déclenche, c'est qu'on est déjà en piètre état. Mais le "mal", ce n'est pas l'arrêt d'urgence.
Quant à "l'origine du mal", je suis intimement persuadée qu'on la connaît mais qu'on refuse de la voir ou de l'admettre. :? (pas un seul dépressif que j'aie vue pour qui ce ne soit pas le cas)
Avec un peu de travail sur soi, on apprend pourtant à sentir très tôt quand et combien on "débite", et à détecter les "fuites de courant" qui nous vident nos batteries, précisément.
Je suis souvent abasourdie quand je vois l'entêtement des gens dans la négation et le refus de voir, comme si leur vie était en jeu. Même lorsque cet aveuglement les conduit en pleine dépression, voire jusqu'au suicide, donc manifestement droit dans le mur... au-delà du fait que je ne comprends pas l'utilité ni le bénéfice du refus de regarder les choses en face.
Enfin voilà, cette inconscience que je prends pour de l'aveuglement me laisse profondément perplexe.
C'est ma façon de voir, naturellement.
bernard a écrit :Cela fait partie du TED.
Je partage la même phrase soulignée, mais je me dis juste après, que l'autre est différent de moi, et qu'il peut très bien ne rien comprendre à ce qu'il vit. Si si, c'est possible.
Ben tu vois, possible je l'admets, mais ne le comprends vraiment pas :lol: ça me semble tellement ... improbable, inutile, aberrant.
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Re: Relations sociales et sentiment d'insécurité

Message par Jean »

Tu me fais penser à une émission TV où Georges Huard explique que "l'autisme, c'est comme le syndicalisme : il résiste au changement".

Celà me plaît beaucoup - en tant que syndicaliste.

Parce que j'ai compris un jour, malgré tous les stages sur l'adaptation au changement auxquels j'ai participé, que la résistance au changement était un mécanisme sain de protection de l'individu. L'individu résiste au changement qui ne va pas dans son sens.

Si çà ne va pas dans son sens, il stresse. Et il n'y a pas de bon stress (contrairement à ce que m'expliquait mon DRH). Le stress n'est pas égal à la poussée d'adrénaline. Il y a stress quand on se heurte à une situation qu'on croit ne pas pouvoir surmonter.

Et puisqu'on pense ne pas pouvoir la surmonter, on perd l'estime de soi, d'où dépression.

Il faut donc trouver à un moment les ressources pour arrêter cette spirale.

En ce qui concerne "l'origine", la question, pour moi, n'est pas de ne pas la connaître : c'est de ne pas la considérer, se l'avouer ... Le travail avec un psychothérapeute sera d'arriver à le dire, le faire apparaître, le faire reconnaître à sa propre conscience.

En temps habituel, il y a d'autres moyens - même non remboursés par la sécu : le conjoint, les parents, les amis etc ..
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