IrwenRed a écrit :C'est grâce à toi (et à Lilette entre autre) que j'ai compris à quel point juste mes mots pourraient stigmatiser des gens qui disposent d'un diagnostique, ou qui en cherchent un.
En fait, je pense qu'en faisant ça on se stigmatise en plus nous-même dès le diagnostic obtenu (sans parler d'avant, bien sûr, avec le risque d'avoir l'air stupide en cas d'hypothèse infirmée). Ca me semble une erreur parce qu'on est un peu tout frais et soulagés d'avoir une réponse, mais en réalité on n'a aucune idée de tout ce que les gens projettent sur ce diagnostic-là.
La première "collègue" (qui n'en était pas une "pour de vrai" car stage, donc occasion de savoir sans trop se mouiller) à qui j'ai demandé si je devais parler de mon diagnostic en contexte pro m'a dit: "non, ou alors attention, parce qu'après les gens ne verront plus que ça". Elle sait de quoi elle parle, étant elle-même en situation de handicap (sensoriel donc "invisible"), et surtout elle connaît notre environnement professionnel. Plus j'avance dans ce métier, pourtant autistic-like+++, plus je comprends combien elle avait raison...
Dans ma vie privée où pas mal de gens sont au courant de mon diag (pour la simple et bonne raison qu'ils ont témoigné lors des tests, et/ou qu'il y a eu des bavards qui ont croisé des curieux), je suis un peu devenue l'autiste de service. Sans que ça ne parte nécessairement d'une intention négative ou malveillante, on dirait que c'est plus fort qu'eux.
Très sincèrement, je souhaite garder mon emploi et rester où je suis, mais par contre je préfèrerais mille fois être jetée que d'être considérée comme l'autiste de service pendant 30 ans sur mon lieu de travail. Parce que vraiment, j'ai déjà du mal en contexte privé mais alors pro ça me serait insupportable.
Ca dépend bien sûr de l'environnement d'emploi, mais là j'ai beaucoup observé le mien et je sais ce qui arriverait, car il y a beaucoup de bavards susceptibles de croiser beaucoup de curieux + un intérêt palpable concernant l'autisme (pas forcément sous l'angle le plus réaliste/concret/constructif).
De plus, avant d'y être confronté il est difficile de mesurer la stigmatisation relative aux TSA. Pour cette raison (et ce n'est que mon avis) j'ai beaucoup de mal avec un certain militantisme et le côté "construction sociale". Il y a un décalage important entre se sentir faire partie d'un groupe de supposés autistes sur internet et se coltiner cette étiquette IRL, là où on est tout seuls pour recevoir les préjugés, la condescendance, le mépris, le rejet et tout un tas de projections absurdes. Je trouve que nous avons cette liberté de pouvoir en parler ou pas, et je pense préférable de s'en servir.
J'ai toujours été passionnée par l'oeuvre, le parcours et la personnalité de Nina Simone, c'est quelqu'un qui a subi dès son enfance une stigmatisation si violente et permanente que je suis persuadée que ça a fait d'elle une boule de rage et de chagrin avant de la détruire complètement. Il y a des choses attribuables à son trouble (elle était bipolaire), mais je pense que l'essentiel de sa tristesse et de sa colère monumentales vient de cette stigmatisation qui racle les tripes du berceau à la tombe. Je considère qu'elle n'avait pas la même liberté que nous, étant donné que face à une personne à la peau sombre il n'y a pas 36 solutions: elle est noire (dans les années 40-50-60 dans le sud des USA ségrégationnistes, dans son cas...
), .
En tant qu'autiste, les gens pensent souvent que je suis droguée, idiote, cinglée, capricieuse, déphasée, méprisante, extraterrestre... Maintenant, je me dis "qu'ils pensent ce qui leur chante, si ça leur convient ça me conviendra aussi". Je sais que leur perception peut varier (en bien ou en mal), mais par contre si je me présente partout comme autiste je fige cette perception, et je vais devoir me la trimballer ensuite (on ne peut hélas pas flashouiller les gens comme dans
Men in Black ).
Bref, revendiquer ouvertement et massivement un autisme réel ou supposé à l'heure actuelle, c'est surtout se mettre soi-même en position de potentielle stigmatisation (très) importante. Je trouve pas mal d'y réfléchir à 2 fois (expérience perso + sans doute à cause de la figure de N.S. et de son importance pour moi), et surtout de choisir consciencieusement ses "cibles". On ne peut plus faire marche arrière après, et perso je ne m'identifie en rien à un quelconque "club autistique", pas plus que je ne souhaite devenir mon autisme.
Je veux juste être une personne, et des fois c'est incompatible avec le "coming out massif". Je trouve ça bien de le savoir avant (c'est pour ça que j'ai encore écrit un pavé, je te rassure c'est sans doute encore plus long et fatiguant à écrire qu'à lire
)
Merci pour ton intervention, je suis contente que ça se soit arrangé à ton travail
Je suis contente si je peux aider aussi (je suis un peu débile, mais par contre je ne vomis pas dans ces cas-là
)