lepton a écrit :Lorsqu’on consulte un thérapeute, c’est qu’on est en souffrance. On est déjà en position de faiblesse par rapport à lui, parce qu’on attend beaucoup de lui.
C’est justement là qu’il faut faire fonctionner son esprit critique. Ne pas tomber dans la parano, mais avoir conscience des enjeux, et être actifs dans la démarche. Toujours se poser des questions pour comprendre où on veut nous mener, contextualiser au maximum.
Le problème (et le malentendu de base, à mon avis) c'est qu'en contexte de souffrance psychique, dans la grande majorité des cas ce n'est juste pas
possible. Les altérations de capacité de jugement/discernement sont au coeur des vulnérabilités psychologiques, et c'est de l'ordre de l'injonction paradoxale de reconnaître la détresse d'une personne tout en lui demandant de faire appel à des choses auxquelles elle n'a plus accès du fait de sa détresse psychique.
C'est violent d'adopter cette position, parce que ça renvoie justement la personne à sa fragilité (temporaire ou installée) et à ses capacités très diminuées. Si on ajoute à ça la dévalorisation supplémentaire que ça implique, ça peut installer la personne dans un rapport de force et une attitude de défi. Même si au fond d'elle elle peut reconnaître (ce n'est pas toujours le cas) que tu as raison, elle va quand même s'entêter parce que c'est probablement tout ce qui lui reste pour tenter de restaurer un minimum d'une estime d'elle-même qui est en miettes.
Je conçois que parfois (pas toujours) les personnes n'ont pas conscience de la condescendance qu'impliquent les discours à base de pensée rationnelle/esprit critique face à des personnes diminuées au niveau psychique, mais ça ne change pas le résultat et le fait que ça enfonce la personne dans sa détresse. Pour peu qu'elle soit sujette aux distorsions cognitives (et c'est très fréquent sur les terrains anxio-dépressifs et post-traumatiques), tu aggraves ses symptômes malgré ton éventuel désir de bien faire.
Quand tu prends quelqu'un qui vient de subir une agression sexuelle et que tu lui dis que ce qu'il aurait fallu faire c'est se défendre, c'est un peu du même acabit (sur le principe). Ce qui empêche de se défendre c'est ce qui rend l'agression possible, au fond: le mécanisme biologique de sidération psychique. Si tu imposes à la victime ta position qui aurait, à sa place, été celle de se défendre (parce que toi tu n'es pas sujet au phénomène de sidération, de par ton cortex doublé en titane, sûrement...), tu engendres de la culpabilité chez elle.
C'est la même chose quand tu parles d'esprit critique à quelqu'un qui n'arrive plus à y recourir et qui en souffre probablement déjà beaucoup.
(Evidemment je te connais un peu et j'espère que tu sais que je ne t'accuse de rien à titre personnel et que je m'exprime dans un but informatif en rebondissant sur ton intervention qui pour coup est pertinente pour le faire )
Nicolas83 a écrit :Je pense que l'erreur de beaucoup de personnes est de penser que l'adhésion à une secte vient d'un défaut de rationalité. Alors qu'en réalité, les personnes embrigadées sont aussi rationnelles que les autres. C'est juste qu'elles n'adhèrent pas aux mêmes croyances au départ.
Pas forcément, je pense que c'est plus souvent lié à des mécanismes biologiques en contexte de vulnérabilité (évoqués au dessus). Ce n'est pas un hasard si les organisations religieuses débarquent en nombre juste après des catastrophes naturelles, ou si tu trouves tant de groupes terroristes en zone de guerre. Le gamin que tu n'as plus qu'à cueillir après un bombardement dans lequel il a perdu sa famille et à qui tu demandes s'il veut se venger en enfilant une ceinture d'explosifs te répondra oui. Il n'est pas idiot, ni malveillant, pourtant. Il est dans une situation de fragilité psychique extrême qui fait qu'à ce moment-là son éducation, son intelligence, sa capacité d'empathie et l'esprit critique il en fait un gros tas et s'assied dessus.
D'un point de vue pragmatique, je pense que c'est pour ça qu'il faut éduquer et informer correctement les gens sur les pratiques telles que la méditation, au lieu de juste dire que c'est à risque sectaire et qu'il faut s'en méfier.
Si jamais on se retrouve un jour en situation de vulnérabilité psychologique extrême, des bases solides sur ces méthodes peuvent permettre de diminuer (mais sans doute pas de supprimer totalement) les risques liés à l'altération du discernement. Le cerveau va forcément être moins perméable s'il reconnaît des éléments connus que s'il découvre tout sans filtre et sans aucun moyen de trier de manière rationnelle.