[Index Psy] Jasons psychologie, psychiatrie...

Pour les gens qui ont simplement envie de discuter sans souhaiter faire passer d'information particulière.
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Benoit
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Re: Jasons psychologie (cognitive, sociale...), psychiatrie, neurosciences...

Message par Benoit »

Je n'ai absolument aucune source là dessus mais j'ai l'impression que l'autisme s'accompagne souvent d'une pulsion d'appartenance à un groupe, une structure (ce qui est un problème quand on se rend compte qu'elle n'existe pas).

Du coup je ne suis pas sûr qu'il y ait autant d'affirmation de soi (et de son caractère "spécial") dans l'autisme qu'ailleurs, mais c'est peut être un biais de génération.
Identifié Aspie (広島, 08/10/31) Diagnostiqué (CRA MP 2009/12/18)

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lulamae
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Re: Jasons psychologie (cognitive, sociale...), psychiatrie, neurosciences...

Message par lulamae »

L'éclairage que tu donnes dans ton message sur la notion de typique et d'atypique est intéressant @freehost, merci.

Je rebondis sur ce que tu écris ici :
freeshost a écrit : Remarquons qu'il y a diverses autres différences qui peuvent être perçues comme atypiques (notamment dépendant du degré d'apprivoisement et d'acceptation de l'ensemble de la société) : spectre schizophrénique, spectre bipolaire, spectre LGBTAQI, nombre d'enfants (un couple sans enfant et un couple avec beaucoup d'enfants seront souvent perçus comme atypiques), etc.
Lorsqu'on parle de minorités (ici, les catégories correspondraient à ce que les Canadiens nomment dans leur droit "minorités invisibles"), plus qu'un effet d'appartenance, il me semble que la formation et l'organisation de ces minorités en groupes agissants découle des discriminations, qui, elles, savent effacer les différences de chacun au sein de ces groupes. N'est-ce pas cette discrimination qui crée le besoin de s'identifier au sein d'un groupe, plus qu'une recherche de conformisme ?
archives Conseil des Droits de l'Homme 2011 a écrit : 7. La liste des motifs de discrimination figurant dans le Pacte international relatif aux
droits civils et politiques et dans d’autres instruments relatifs aux droits de l’homme n’est
pas exhaustive. Les rédacteurs l’ont volontairement laissée ouverte en utilisant l’expression
«toute autre situation». L’orientation sexuelle et l’identité de genre, comme le handicap,
l’âge et l’état de santé
, ne sont pas explicitement mentionnés parmi les motifs énoncés dans
le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ou le Pacte international relatif
aux droits économiques, sociaux et culturels.
Source : http://undocs.org/fr/a/hrc/19/41
(article 7, page 4 du rapport).
Modifié en dernier par lulamae le mardi 4 décembre 2018 à 20:00, modifié 2 fois.
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Benoit
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Re: Jasons psychologie (cognitive, sociale...), psychiatrie, neurosciences...

Message par Benoit »

Si c'était le cas, les handicapés (sans parler des autistes qui sont un cas particulier) se regrouperaient tout autant.
Ca n'est pas vraiment le cas, pas du tout même.
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Re: Jasons psychologie (cognitive, sociale...), psychiatrie, neurosciences...

Message par lulamae »

Benoit a écrit : mardi 4 décembre 2018 à 18:15 Si c'était le cas, les handicapés (sans parler des autistes qui sont un cas particulier) se regrouperaient tout autant.
Ca n'est pas vraiment le cas, pas du tout même.
Il y a beaucoup d'associations pour la défense des droits quand même ; mais sans doute pas avec le même effet d'identification et de "culture" de groupe. Je mettrais toutefois les sourds dans une catégorie à part, parce qu'ils ont cette culture commune, justement, et cette réflexion sur le fait de se conformer à l'oralité requise, ou de s'affirmer avec la langue des signes.
Je réfléchissais à ce "biais générationnel" que tu mentionnais : peut-être que les jeunes générations s'informent plus sur internet, et, dans le cas des questions de genre notamment, cherchent en amont du soutien et une communauté pour réfléchir à ces questions et se situer, voire trouver des conseils pour faire leur "coming-out" en famille. Ils en parlent en tout cas plus facilement que ma génération ne le faisait.
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Re: Jasons psychologie (cognitive, sociale...), psychiatrie, neurosciences...

Message par Benoit »

C'est l'effet magique des réseaux sociaux, de permettre à des gens qui seraient restés isolés dans leurs centres d'intérêts de pouvoir faire partie d'une "communauté" virtuelle avec des gens à des milliers de km.
Ce qui ne serait absolument pas un problème, tant que ça ne remet pas en cause les "communautés" locales.
Mais ça s'est accompagné (logiquement) d'un transfert du "vivre ensemble" vers le "vivre à coté".
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Re: Jasons psychologie (cognitive, sociale...), psychiatrie, neurosciences...

Message par freeshost »

lulamae a écrit : mardi 4 décembre 2018 à 17:53Lorsqu'on parle de minorités (ici, les catégories correspondraient à ce que les Canadiens nomment dans leur droit "minorités invisibles"), plus qu'un effet d'appartenance, il me semble que la formation et l'organisation de ces minorités en groupes agissants découle des discriminations, qui, elles, savent effacer les différences de chacun au sein de ces groupes. N'est-ce pas cette discrimination qui crée le besoin de s'identifier au sein d'un groupe, plus qu'une recherche de conformisme ?
Même sans discriminations sociales, il y a des processus (dont on n'a souvent pas conscience) qui peuvent favoriser le conformisme.

Des groupes peuvent se former qui se composent de plusieurs personnes ayant du vécu commun ("Je ne suis pas seule personne à avoir vécu cela." ; les témoignages se partagent). Ce vécu commun peut être de la discrimination sociale, comme il peut être une maladie commune (sclérose en plaque, entre autres exemples), comme il peut être une expérience positive commune (avoir assisté au dernier concert de telle personne, par exemple).
Pardon, humilité, humour, hasard, confiance, humanisme, partage, curiosité et diversité sont des gros piliers de la liberté et de la sérénité.

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Re: Jasons psychologie (cognitive, sociale...), psychiatrie, neurosciences...

Message par lulamae »

freeshost a écrit : mardi 4 décembre 2018 à 20:52 Même sans discriminations sociales, il y a des processus (dont on n'a souvent pas conscience) qui peuvent favoriser le conformisme.

Des groupes peuvent se former qui se composent de plusieurs personnes ayant du vécu commun ("Je ne suis pas seule personne à avoir vécu cela." ; les témoignages se partagent). Ce vécu commun peut être de la discrimination sociale, comme il peut être une maladie commune (sclérose en plaque, entre autres exemples), comme il peut être une expérience positive commune (avoir assisté au dernier concert de telle personne, par exemple).
Mais, même si des personnes se retrouvent sur un terrain d'entente commun, pourquoi en deviendraient-elles conformistes ? Cela signifierait qu'il existe au sein du groupe des codes, une manière de se comporter que tout le monde devrait adopter.
Ca peut être le cas, par exemple avec des valeurs communes, comme les Vegans, mais la pression du groupe ne doit pas entraîner nécessairement que tout le monde s'aligne sur les mêmes rangs, non ?
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Message par freeshost »

Il y a des groupes plus normatifs, où l'identité (avec les normes y liées) occupe une place particulièrement importante pour qu'une personne soit acceptée. "Plus tu respectes les normes, plus tu as un statut haut."

Et il y a des groupes plus humanistes, où on essaie plutôt d'accepter chaque personne telle qu'elle est, où on va faire attention avant de prôner telle norme/qualité car cela pourrait stigmatiser les personnes qui n'auraient pas cette norme/qualité, ce qui serait contre-productif dans l'encouragement à l'humanisme.

Des normes descriptives dans un premier temps peuvent devenir prescriptives dans un deuxième temps. Ce à quoi on est habitué devient une attente, que ce soit pour les comportements ou pour le langage. Lire aussi ici, entre autres.
Modifié en dernier par freeshost le mardi 4 décembre 2018 à 21:17, modifié 1 fois.
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Re: Jasons psychologie (cognitive, sociale...), psychiatrie, neurosciences...

Message par lulamae »

freeshost a écrit : mardi 4 décembre 2018 à 21:14 Il y a des groupes plus normatifs, où l'identité (avec les normes y liées) occupe une place particulièrement importante pour qu'une personne soit acceptée. "Plus tu respectes les normes, plus tu as un statut haut."

Et il y a des groupes plus humanistes, où on essaie plutôt d'accepter chaque personne telle qu'elle est, où on va faire attention avant de prôner telle norme/qualité car cela pourrait stigmatiser les personnes qui n'auraient pas cette norme/qualité, ce qui serait contre-productif dans l'encouragement à l'humanisme.
D'accord, je comprends mieux. :)
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Re: Jasons psychologie (cognitive, sociale...), psychiatrie, neurosciences...

Message par freeshost »

J'ai rajouté un petit paragraphe dans l'entre-temps. :mrgreen:
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Re: Jasons psychologie (cognitive, sociale...), psychiatrie, neurosciences...

Message par freeshost »

Je me copie-colle d'ici :
Salicorne a écrit :Je m'interroge également sur certains discours que l'on retrouve sur le forum, qui tendent à dire que les personnes autistes auraient des qualités supérieures aux "gens", y compris dans le domaine relationnel. Sérieusement, si c'est le cas, alors j'arrête mon parcours diagnostic parce que je ne suis pas autiste. :innocent:
Tu connais le capacitisme. Ben, par "souci d'égalité", par croyance en un monde juste, beaucoup de personnes se disent que : si une personne a moins de capacités dans certaines aptitudes, alors elle en a plus dans d'autres ; si une personne a plus de capacités que moi dans certaines aptitudes, forcément j'en ai plus dans d'autres. Dans ce dernier processus (où participe la centration sur soi), l'effet Lac Wobegon (or illusory superiority) est en marche. [Même si, d'un point de vue logico-mathématique, il n'est pas possible que toutes les valeurs d'un ensemble de nombres soient supérieures à leur moyenne arithmétique. :lol: ]

Cet effet est favorisé entre autres par des biais attributionnels (attribution biases), comme notamment ceux pro-endogroupes, le biais d'auto-complaisance : en général, on a plus tendance à attribuer nos points positifs à nos qualités intrinsèques (locus de contrôle interne) et nos points négatifs à la malchance ou à autrui (locus de contrôle externe) ; et inversement quand aux points positifs et aux points négatifs d'autrui.

On devrait s'alarmer face à toutes les pseudo-sciences.

Dans la réalité, comme tu le sais, les capacités des personnes autistes sont très diverses, souvent hétérogènes. La population spectro-autiste est loin d'être homogène. Mais un biais de représentativité peut faire croire que nombreuses sont les personnes spectro-autistes "savantes" et les personnes spectro-autistes "attardées". Beaucoup de personnes ne font pas le lien avec la courbe de Gauss (voire ne la connaissent pas).

Malheureusement, les biais cognitifs et les sophismes ne sont pas (ou très peu) enseignés à l'école obligatoire.

Autrement, tu connais la différence entre le doute méthodique de Descartes et le doute pour le doute - une sorte de l'art pour l'art ! - des sceptiques. Cet article t'éclairera sans doute.

[Le doute pour le doute risque de favoriser le relativisme.]

Que tout cela ne t'empêche pas de poursuivre ton processus de diagnostic. :)
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Re: Jasons psychologie (cognitive, sociale...), psychiatrie, neurosciences...

Message par Siobhan »

Benoit a écrit : mardi 4 décembre 2018 à 16:34 Je n'ai absolument aucune source là dessus mais j'ai l'impression que l'autisme s'accompagne souvent d'une pulsion d'appartenance à un groupe, une structure (ce qui est un problème quand on se rend compte qu'elle n'existe pas).
(...)
Peut-être que le "stock roulant" des personnes en recherche diagnostique vis-à-vis d'un éventuel autisme et de celles venant d'être diagnostiquées autistes constitue une part importante des personnes en recherche de "semblables".
homme, diagnostic TSA.
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Re: Jasons psychologie (cognitive, sociale...), psychiatrie, neurosciences...

Message par lulamae »

MudBloodKnowItAll a écrit : jeudi 6 décembre 2018 à 21:38
Benoit a écrit : mardi 4 décembre 2018 à 16:34 Je n'ai absolument aucune source là dessus mais j'ai l'impression que l'autisme s'accompagne souvent d'une pulsion d'appartenance à un groupe, une structure (ce qui est un problème quand on se rend compte qu'elle n'existe pas).
(...)
Peut-être que le "stock roulant" des personnes en recherche diagnostique vis-à-vis d'un éventuel autisme et de celles venant d'être diagnostiquées autistes constitue une part importante des personnes en recherche de "semblables".
Sans compter celles en cours de diagnostic, étant donné que cela prend longtemps. C'est un moment où on a besoin d'information et de compréhension, non dans le sens "besoin que les autres nous comprennent", ou "recherche de compassion", comme on le lit souvent ici, mais besoin d'avoir des retours pour intégrer l'information.
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Re: Jasons psychologie (cognitive, sociale...), psychiatrie, neurosciences...

Message par Siobhan »

lulamae a écrit : vendredi 7 décembre 2018 à 7:07
MudBloodKnowItAll a écrit : jeudi 6 décembre 2018 à 21:38
Benoit a écrit : mardi 4 décembre 2018 à 16:34 Je n'ai absolument aucune source là dessus mais j'ai l'impression que l'autisme s'accompagne souvent d'une pulsion d'appartenance à un groupe, une structure (ce qui est un problème quand on se rend compte qu'elle n'existe pas).
(...)
Peut-être que le "stock roulant" des personnes en recherche diagnostique vis-à-vis d'un éventuel autisme et de celles venant d'être diagnostiquées autistes constitue une part importante des personnes en recherche de "semblables".
Sans compter celles en cours de diagnostic, étant donné que cela prend longtemps. C'est un moment où on a besoin d'information et de compréhension, non dans le sens "besoin que les autres nous comprennent", ou "recherche de compassion", comme on le lit souvent ici, mais besoin d'avoir des retours pour intégrer l'information.
Tout à fait.
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Message par freeshost »

Le cas des c… devient un cas d’école.
Spoiler : 
Un livre collectif et érudit tente pour la première fois de décrypter la psychologie de la connerie.

Tomber sur un con. En voilà une expérience universelle. C’est ce type qui grille une file d’attente parce qu’il s’estime plus pressé que vous; c’est ce supérieur zélé dont l’incompétence empoisonne votre quotidien; c’est ce fonctionnaire arrogant qui va utiliser la plus infime parcelle de pouvoir à sa disposition pour vous compliquer la vie. La connerie est omniprésente, protéiforme, cachée ou exposée, accidentelle ou délibérée, individuelle ou collective… On connaît tous un con et, pourtant, cette espèce nuisible n’avait jamais vraiment été étudiée. Jusqu’à maintenant.

Jean-François Marmion, rédacteur en chef de la revue «Le cercle psy», a décidé de passer au crible la bêtise humaine. «Il n’existait pas d’ouvrage à la fois rassembleur et sérieux sur ce sujet pourtant universel. J’ai donc demandé à des intellectuels de renom s’ils avaient quelque chose d’intelligent à dire sur la connerie, et ils ont tous accepté!» s’amuse le chef d’orchestre. Le résultat s’intitule sobrement «Psychologie de la connerie» et, contre toute attente, permet de mieux comprendre la race humaine.

Le livre s’apparente à un «Who’s Who» de la détection de la bêtise tant les érudites vedettes se succèdent page après page: de Boris Cyrulnik, neuropsychiatre star, à Dan Ariely, docteur en économie comportementale du prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT), en passant par Daniel Kahneman, Prix Nobel d’économie. Excusez-nous du peu.

La Suisse n’est pas en reste et peut s’enorgueillir d’une solide expertise en matière de connerie, puisque Sebastian Dieguez, chercheur au Laboratoire des sciences cognitives et neurologiques de l’Université de Fribourg, Pierre de Senarclens, professeur honoraire de relations internationales à l’Université de Lausanne, ou encore le psychologue Yves-Alexandre Thalmann font partie des pointures triées sur le volet.

Ce savant aréopage d’une vingtaine de spécialistes a ausculté la connerie sous toutes ses coutures, l’a disséquée, analysée, théorisée. Objectif? Tenter d’apporter une réponse à une question que l’avènement des réseaux sociaux rend incontournable: peut-on définir un con? Quelques éléments de réponse.

Le con est-il nécessairement stupide?

Contre toute attente, pas forcément. Jean-François Marmion est même formel: «Il faut absolument différencier la bêtise et la connerie. On peut être con par maladresse ou par ignorance, ce qui nous arrive à tous. Mais on peut aussi être un con intelligent, capable, voire même talentueux.» Ceux-là seraient les pires, une espèce suintant l’arrogance et donc particulièrement nuisible. De la prétention à la bêtise, il n’y a qu’un pas que le con intelligent franchit joyeusement. «Il n’y a pas d’élitisme dans la connerie, poursuit Pierre de Senarclens. Si les cons étaient systématiquement des gens peu éduqués, ça se saurait. L’intellectuel aussi peut être un abruti. Il suffit de voir le nombre de personnalités qui ont cédé aux sirènes extrémistes, par exemple.»

Les cons ont-ils des points communs?

«Tirer un portrait définitif du con est difficile, mais ils associent souvent au minimum ces trois traits de personnalité: une bonne dose de narcissisme, beaucoup d’auto-aveuglement et d’arrogance», avance Sebastian Dieguez. Leur spécificité? Se croire au-dessus des règles, des codes et des autres. Le narcissisme en particulier jouerait pour beaucoup dans cet attirail psychologique. L’experience menée par un éminent psychologue cognitiviste du nom de René Zazzo le prouve: il a donné aux médecins d’un grand hôpital parisien une liste de 120 noms, dont le leur. Chacun devait indiquer un con. Une seule personne a fait consensus: un grand patron très érudit mais sans une once d’intelligence émotionnelle, qui répondait mal à ses collègues, manquait d’humour et de considération pour les autres. L’exact opposé du bout-en-train. Le psychologue a démontré ensuite qu’un trouble de la personnalité narcissique fait des ravages dans les relations de travail, les relations amoureuses et sur les réseaux sociaux. Moralité: on est toujours le con de quelqu’un, mais certains font l’unanimité.

Sommes-nous de plus en plus cons?

Et si notre époque était vouée au triomphe de la connerie? Pour Sebastian Dieguez, ce qui semble être une baisse globalisée de l’intelligence se comprend mieux si on l’interprète comme une augmentation du «bullshit». «Le mot n’a pas vraiment d’équivalent en français. Le «bullshiteur» est quelqu’un qui s’exprime sans savoir de quoi il parle et surtout sans se soucier de faire la différence entre le vrai et le faux. Il va parler avec sincérité ou authenticité, mais seule son opinion compte.» Traduction: avant, on mentait aux gens, aujourd’hui, à l’ère de la post-vérité, on préfère leur dire qu’ils sont libres de croire ce qu’ils veulent. Peu importe si le discours est vrai, seul compte l’effet produit. «C’est une forme de manipulation encore plus perfide car elle empêche d’acquérir des connaissances fiables…»

Les réseaux sociaux rendent-ils plus con?

La bêtise à l’ère des réseaux sociaux a de quoi faire frémir: insultes, appels au viol ou à la violence, propos racistes ou misogynes sous couvert d’anonymat… La prolifération des forums et des sites de partage de vidéos ainsi que la possibilité de laisser des commentaires ont donné une énorme caisse de résonance à cet amour du jugement que partagent les êtres humains 2.0. Aujourd’hui, on note tout et tout le monde. Il n’en fallait pas plus pour réunir trois ingrédients de la connerie, exacerbés voire magnifiés par les réseaux sociaux: mise en spectacle, extension du jugement sur tout et n’importe quoi, besoin de célébrité pour exister.

Réfléchissons-nous tous n’importe comment?

La psychologie scientifique a identifié plusieurs biais cognitifs qui nous poussent à penser de travers et donc à agir «comme des cons»… Par exemple, le biais de confirmation fait que nous retenons ce qui confirme notre vision du monde et que nous nions ou rejetons ce qui pourrait montrer qu’elle est fausse. Le biais d’autorité, ou syndrome de la blouse blanche, fait que l’on croira plus facilement une information venant d’un «expert».

En quoi le con est-il nuisible au travail?

«C’est là qu’il s’épanouit le mieux! Il est capable de pourrir la vie d’autrui, à le pousser au burn-out, explique Jean-François Marmion. Reste qu’on pardonne plus volontiers à un connard talentueux qu’à un incompétent.» Cette forme de totalitarisme de la bêtise est une véritable nuisance en entreprise. Les chercheurs américains David Dunning et Justin Kruger ont découvert que les personnes incompétentes tendent non seulement à surestimer leur propre niveau de compétence, mais ne parviennent pas à la reconnaître chez ceux qui la possèdent. La problématique est si universelle que l’éminent Robert Sutton, professeur de management à l’Université Stanford, a fait un carton avec son livre sur le sujet, «Objectif: zéro sale con». Il y propose des techniques pour repérer l’andouille toxique qui se dissimule sous un CV brillant et éviter sa prolifération.

«Psychologie de la connerie», dirigé par Jean-François Marmion, avec la contribution de Dan Ariely, Brigitte Axelrad, Laurent Bègue, Claudie Bert, Stacey Callahan, Jean-Claude Carrière, Serge Ciccotti, Jean Cottraux, Boris Cyrulnik, Antonio Damasio, Sebastian Dieguez, Jean-François Dortier, Ewa Drozda-Senkowska, Pascal Engel, Howard Gardner, Nicolas Gauvrit, Alison Gopnik, Ryan Holiday, Aaron James, François Jost, Daniel Kahneman, Pierre Lemarquis, Jean-François Marmion, Patrick Moreau, Edouard Morin, Tobie Nathan, Delphine Oudiette, Emmanuelle Piquet, Pierre de Senarclens et Yves-Alexandre Thalmann. Éditions Sciences humaines, 378 pages.
Spoiler : 
Le «cas» Trump à la loupe

Impossible visiblement d’écrire un ouvrage collectif sur la connerie sans aborder le cas Trump. «Tout le monde m’en a parlé, confirme Jean-François Marmion. Beaucoup de contributeurs y font référence, comme s’il représentait la bêtise universelle. Pourtant, je ne le pense pas si con. Il ne serait pas arrivé au poste de président des États-Unis s’il était aussi stupide qu’on le pense.» Pour Pierre de Senarclens par exemple, le phénomène Trump est emblématique: «Ce n’est pas un hasard si Donald Trump a joué un rôle important dans la télé-réalité et le monde du spectacle, où l’image compte plus que tout. Nous avons là une personne qui ment à presque chacune de ses phrases, une personnalité narcissique, pathologique en diable, et pourtant soutenue par des milliers de gens qui ne semblent pas comprendre ce qui se cache derrière son discours politique de haine, de violence et de vulgarité.» Le professeur de philosophie Aaron James lui a même consacré un livre en 2016, expliquant les dangers que représenterait son élection. Selon lui, le président américain est «un uber-connard», «capable d’enchaîner bêtise sur bêtise» au même titre qu’un Kim Jong-un en Corée du Nord. Pascal Engel, philosophe et directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, érige même Trump au rang de «bullshiteur» en chef. Bref, inutile de dire que l’homme au brushing blond en prend pour son grade.
Je crois que je vais acheter ce livre. :lol:


Modération (Tugdual) : Remplacement de la longue citation par un spoiler pour une meilleure lisibilité du forum.
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